Texte intégral
PATRICK ROGER
Bonjour Emmanuelle WARGON.
EMMANUELLE WARGON
Bonjour.
PATRICK ROGER
Conseil de défense sur le Covid aujourd'hui, Emmanuel MACRON demain soir à la télé. Est-ce qu'on va vers des confinements locaux ou même des couvre-feux le soir ?
EMMANUELLE WARGON
Le Premier ministre s'est exprimé hier et vous savez, il a dit "on va tout faire pour éviter le confinement". Tout notre objectif, c'est de prendre des mesures au plus juste qui permettent de garder de l'activité économique, de garder notre liberté d'aller et venir et puis d'endiguer l'épidémie. Donc à ce stade, on en est à la fois à des mesures ciblées, restaurants, bars, au protocole et à un appel à la responsabilité de chacun parce qu'on ne va pas mettre un policier derrière chaque Français. Le sujet, c'est que chacun accepte de modifier un peu ses habitudes, de restreindre le nombre de personnes qu'on voit, qu'on invite, le temps que les chiffres s'améliorent.
PATRICK ROGER
Oui, donc ça pourrait être un couvre-feu si je vous suis, si je traduis un petit peu ? Non mais même si ce n'est pas annoncé mais on pourra, c'est une bonne piste, c'est-ce que vous vous dites ?
EMMANUELLE WARGON
Le président de la République s'exprime demain, il y a un conseil de défense encore aujourd'hui, tout ça est évolutif évidemment. Le Premier ministre l'a dit hier, on ne peut absolument rien exclure parce qu'on attend de voir comment est-ce que l'épidémie évolue mais nous en sommes à des mesures ciblées sur certains secteurs économiques.
PATRICK ROGER
L'objectif en quelque sorte aussi du gouvernement, c'est de maintenir les activités économiques globalement et peut-être de restreindre un petit peu ce qui est du domaine de la sphère privée !
EMMANUELLE WARGON
L'objectif, c'est de maintenir au maximum l'activité économique, l'activité scolaire, que les enfants puissent aller à l'école, la liberté d'aller et venir et après si, dans notre vie amicale, il faut qu'on réduise un peu les contacts, c'est une manière d'être responsable et solidaire les uns des autres.
PATRICK ROGER
Est-ce que la France est un mauvais élève quand on regarde nos voisins étrangers ou asiatiques par exemple ?
EMMANUELLE WARGON
Je crois qu'on a tous du mal à trouver les bonnes mesures ; face à cette épidémie, chaque pays essaye des mesures différentes. Je ne crois pas qu'il y ait de bons ou de mauvais élèves. Il y a chaque culture qui essaie de s'adapter pour savoir comment faire face à une épidémie qu'on n'a jamais connue. C'est vraiment totalement inédit !
PATRICK ROGER
C'est vrai mais quand on regarde les Allemands, c'est quand même très étonnant, ils ont des chiffres très, très bas comparativement à nous ?
EMMANUELLE WARGON
Moi, je ne suis pas épidémiologiste.
PATRICK ROGER
Non, non, c'est vrai.
EMMANUELLE WARGON
Donc je ne pourrai pas répondre à la question de différence entre les Allemands et les Français, je ne sais pas si on compte exactement la même chose mais en tout cas, je pense que chaque pays fait ses propres efforts pour trouver sa trajectoire.
PATRICK ROGER
Oui, à propos des populations à risque, nous sommes à la veille de l'hiver, les plus démunis, les mal-logés sont-ils les plus exposés au Covid et les plus touchés par la crise aussi ?
EMMANUELLE WARGON
En tout cas, ils sont exposés parce que bien sûr, la contamination peut se produire soit dans la rue soit dans des centres d'hébergement en particulier quand ce sont des centres collectifs avec des dortoirs. Après, ça dépend de la manière dont c'est géré ; j'étais hier dans deux centres d'hébergement, un à Paris dans le XIIe arrondissement, géré par Emmaüs et un à Toulouse. Dans les deux cas, on n'a pas eu de sur-contamination ; ce sont souvent des chambres individuelles. On a fait un très gros effort, on a ouvert beaucoup plus de places, on a ouvert 30 000 places supplémentaires l'année dernière et on les maintient justement avec moins de dortoirs, plus de chambres individuelles ou familiales, d'ailleurs pour que les protocoles sanitaires puissent aussi être appliqués.
PATRICK ROGER
Oui, c'est ça. Alors, là, il va y avoir de nouveaux centres d'urgence d'ouverts. Et combien de places au total pour cet hiver ? Alors là, vous avez parlé de 30 000. Moi, j'ai vu un chiffre de 45 000.
EMMANUELLE WARGON
Donc là d'abord, nous essayons d'ouvrir des places pour les personnes qui en ont le plus besoin. Hier, je suis allée à la rencontre de centres qui accueillent des grands marginaux, soit des personnes qui ont été à la rue longtemps et qui ont des difficultés à revenir en hébergement, soit des jeunes et souvent aussi des jeunes avec des animaux et c'est important parce que vous savez, c'est parfois très important, un animal comme compagnon à la rue. On a besoin de multiplier ces centres ; c'est pour ça qu'avec Olivier VERAN, nous avons lancé un appel pour ouvrir plus de centres de ce type, on voudrait en ouvrir au moins une dizaine de plus, peut-être plus. Après globalement, on a environ entre 160 000 et 180 000 personnes hébergées en France chaque nuit, donc c'est considérable, plus en ce moment qu'en période normale et nous allons continuer. Nous avons ouvert 30 000 places supplémentaires au moment du confinement ; maintenant, j'en pérennise 14 000 et puis au fur et à mesure de l'évolution de l'épidémie, nous verrons comment faire. Nous avons aussi besoin d'endroits pour accueillir ces personnes et je lance aussi un appel aux maires parce que, parfois, les maires ne sont pas très motivés pour accueillir un centre d'hébergement, même temporaire et c'est pareil, dans cette période, nous avons besoin de solidarité en particulier vis-à-vis des plus fragiles.
PATRICK ROGER
Mais des centres temporaires qui pourraient être ou alors dans des...pas des gymnases, dans des maisons désaffectées jusqu'à présent ?
EMMANUELLE WARGON
En fait, il y a souvent des bâtiments qui sont, qui ne sont plus utilisés soit parce qu'il y a une démolition prévue ou un programme d'aménagement prévu et donc dans ces bâtiments même si on sait que dans un an, dans deux ans, ils seront réutilisés ou démolis, on peut faire des travaux, le temps d'accueillir des personnes. Typiquement dans le XIIe arrondissement hier à Paris, ce sont des locaux de la SNCF qui ont vocation un jour à être transformés en vrais logements mais qui, en attendant, accueillent de façon temporaire pour un an ou deux ans des familles.
PATRICK ROGER
Ça peut faire un objectif de combien de places au total, ça, alors … Vous n'avez pas mesuré encore pour l'instant puisque vous dites 180 000, on pourrait arriver à plus de 200 000 ?
EMMANUELLE WARGON
Je ne sais pas à combien de places on arrivera ; en tout cas, notre objectif c'est de ne laisser personne sans solution.
PATRICK ROGER
D'autant que, est-ce que la crise sanitaire, plus la crise économique également, qui est en cours actuellement fait exploser le nombre de SDF ?
EMMANUELLE WARGON
Alors, on a du mal à mesurer et c'est d'ailleurs une des questions que j'ai posée à mon arrivée : comment fait-on pour mesurer ? Nous allons relancer un recensement avec l'INSEE, le dernier date de 2012 et ce n'est pas facile sinon. Je pense qu'on a plutôt des personnes qui ne se manifestaient pas auprès des services sociaux qu'on voit apparaître qui appellent le 115 et donc je ne suis pas sûre qu'on ait plus de personnes. En revanche, on a plus de demandes. Nous avons aussi d'autres types de cas particuliers, par exemple des femmes avec des très jeunes enfants qui ne savent pas où dormir, voire des femmes qui vont accoucher, qui ne savent pas où aller à la sortie de la maternité. Ça aussi, on ne peut pas laisser ces femmes sans solution. Donc nous allons prendre une initiative sur le sujet.
PATRICK ROGER
Oui, parlons maintenant aussi du travail, on parle de plus en plus de télétravail de nouveau qui revient dans les grandes métropoles. Est-ce qu'au ministère du Logement, vous constatez un vrai phénomène de départ d'urbains vers des plus petites villes ou à la campagne ou c'est un épiphénomène ?
EMMANUELLE WARGON
Alors, c'est trop tôt pour le constater puisqu'on a à peine quelques mois de recul et le secteur immobilier a des chiffres qui ne sont pas tous cohérents les uns avec les autres pour savoir. Il y a beaucoup de gens qui ont regardé des annonces immobilières de maisons en grande couronne parisienne ou à l'extérieur des villes. Après, entre le nombre de personnes qui vont regarder des annonces et le nombre de transactions, c'est vraiment trop tôt pour le dire. En revanche sur le télétravail, nous, nous réfléchissons dans les opérations d'aménagement à favoriser le télétravail pas forcément chez soi mais dans des lieux dédiés à proximité de là où on habite, des lieux de coworking, ce qu'on appelle parfois "des tiers lieux" qui sont des lieux où on peut travailler, ce sont aussi des lieux de convivialité, ce sont des lieux aussi de rencontres, parfois d'activité. Moi, je crois qu'une partie du télétravail ne se fera pas chez soi mais se fera à proximité de son domicile avec d'autres personnes qui télé-travaillent le même jour que vous et ça crée aussi une nouvelle solidarité. Donc ça, il faut qu'on embarque ça dans nos programmes d'aménagement.
PATRICK ROGER
Emmanuelle WARGON, des bureaux vides aujourd'hui, est-ce qu'il ne risque pas d'y avoir une crise pour les professionnels de l'immobilier d'entreprise ? Et est-ce qu'il ne faut pas transformer ces bâtiments en immeubles d'habitation puisque vous disiez qu'on en manque justement notamment pour des gens qui sont en pleine crise économique et sanitaire ?
EMMANUELLE WARGON
Alors, j'étais hier à Toulouse et j'ai visité un bâtiment qui était un bâtiment de bureaux il y a quelques années qui est devenu un bâtiment de logements étudiants. Donc c'est vraiment des expériences qui marchent bien ; oui je crois que le marché du bureau va être un peu différent dans la période qui s'ouvre qu'avant et qu'on a des opportunités de transformer assez massivement des immeubles de bureaux en logements. On a encore des difficultés juridiques, on a des normes qui ne sont pas les mêmes, c'est parfois compliqué ; ça fait partie des sujets sur lesquels j'ai demandé à mes services de travailler pour qu'on puisse accélérer et avoir plus de volume.
PATRICK ROGER
Avec un dispositif d'aide peut-être pour ces propriétaires d'immeubles ?
EMMANUELLE WARGON
Pourquoi pas ? Après, c'est aussi un sujet d'investisseurs, il faut attirer des investisseurs qui acceptent de transformer des biens qui sont pour l'instant des bureaux en logements. Moi, je crois que c'est vraiment possible et qu'on peut faire beaucoup plus de volumes.
PATRICK ROGER
A propos de dispositifs, il y a Ma PrimeRénov, c'est le grand chantier que le gouvernement a mis en place. Alors l'UFC Que Choisir qui a regardé en détail dit : il n'y a rien de révolutionnaire finalement. Ça s'adresse aux foyers les plus modestes mais pour les autres, les classes moyennes, il n'y a rien d'exceptionnel dans ce plan. Qu'est-ce que vous répondez ?
EMMANUELLE WARGON
L'objectif, ce n'est pas de révolutionner les aides tous les six mois ; l'objectif, c'est que ça marche. Ma PrimeRénov, on a eu 2,5 millions de visites sur le site cette année, 300 000 rien que la semaine dernière, et oui c'est dans la continuité de ce que nous avons fait à partir du début de cette année. Simplement, on a ouvert, on a ouvert aux propriétaires bailleurs ; on a ouvert aux ménages les plus aisés notamment pour la rénovation globale ; on fait maintenant une aide aux copropriétés elles-mêmes et pas à chaque copropriétaire. Donc c'est très fortement amélioré avec deux fois plus d'argent qu'avant et je pense qu'on aura beaucoup plus de volumes. Là encore, on aura beaucoup de Français qui vont se dire "c'est le moment de faire des travaux".
PATRICK ROGER
Oui la fin des chaudières au fioul, ça, ça se confirme ?
EMMANUELLE WARGON
Ça se confirme au 1er janvier 2022 mais je voudrais vraiment préciser – merci de me de me laisser une seconde pour ça – c'est la fin de la possibilité d'acheter de nouvelles chaudières au fioul à partir du 1er janvier 2022.
PATRICK ROGER
Oui, pour les existantes ?
EMMANUELLE WARGON
Les gens qui ont une chaudière au fioul aujourd'hui, qui l'ont achetée cette année, l'année dernière, il y a 5 ans, vont pouvoir continuer à se servir de leurs chaudières au fioul pendant 10, 15, 20 ans, le temps que cette chaudière durera. En revanche, quand votre chaudière au fioul vous lâchera, vous la changerez, nous la changerons avec autre chose (pompe à chaleur, granulés ou autres).
PATRICK ROGER
Est-ce que vous préférez des mesures pour le projet de loi qui pourrait arriver en décembre à la suite de la Convention citoyenne parce que les membres de la Convention citoyenne se disent déçus ?
EMMANUELLE WARGON
Alors moi, je travaille sur deux dimensions puisque vous savez que le ministère du Logement est rattaché au ministère de l'Ecologie et c'est logique, je travaille sur la rénovation – comment continuer encore à accélérer la rénovation des logements et des bâtiments, il y aura des dispositions là-dessus – et sur la question de l'étalement urbain parce que même si les Français souhaitent avoir plus d'espace, on a quand même besoin de se demander si on peut laisser nos villes s'étaler toujours plus et nos terres agricoles, nos terres naturelles disparaître toujours plus. Donc ça, ça fait partie des sujets qui seront dans ce projet de loi.
PATRICK ROGER
Question avec Cécile de MENIBUS, Emmanuelle WARGON.
CECILE DE MENIBUS
Justement sur la redynamisation urbaine, il y a un rapport d'une sénatrice qui montre que les quartiers prioritaires ne sont pas toujours … que cette rénovation n'est pas toujours bien accueillie par les habitants, même ils pensent à une réelle violence pour celles qui sont installées. Quel regard vous avez sur cette situation ?
EMMANUELLE WARGON
Moi, je crois que la rénovation urbaine, ça a été, c'est toujours une très belle politique qui permet de reconstruire, non seulement de reconstruire des quartiers qui ont été très dégradés mais en fait de repenser ces quartiers, de les rouvrir sur le reste de la ville, d'avoir une forme de mixité sociale plus forte. Après, ça marche d'autant mieux que le travail est vraiment concerté avec les habitants, ce sont souvent des logements sociaux …
CECILE DE MENIBUS
Ce qui n'est pas toujours le cas.
EMMANUELLE WARGON
…ou avec les habitants du quartier, ce qui n'est pas toujours le cas et ce qui nécessite de l'être. Vous savez, j'étais à Champigny avec Gérald DARMANIN dimanche soir suite à l'attaque du commissariat, c'est au bord d'un quartier de la politique de la ville qui va faire l'objet d'une opération de rénovation. Elle n'a pas encore été lancée, elle est attendue en fait depuis longtemps et typiquement, dans ce quartier-là, il faut vraiment que cette opération soit construite avec les élus, avec la nouvelle municipalité mais avec les habitants parce qu'on n'a pas raison tout seul en fait. Il faut le faire collectivement.
CECILE DE MENIBUS
Et il faudra garder le commissariat ?
EMMANUELLE WARGON
Je crois qu'il faudra garder le commissariat ; c'est une demande à la fois des habitants et des policiers.
PATRICK ROGER
Merci. Emmanuelle WARGON, ministre déléguée au Logement, était l'invitée de Sud Radio.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 octobre 2020