Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Et "L'invité de l'actu", ce matin, c'est vous, Alain GRISET. Bonjour.
ALAIN GRISET
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être mon invité sur RMC. Vous êtes le ministre délégué aux Petites et moyennes entreprises, et on peut le dire, elles souffrent. Elles souffrent en ce moment, pour la plupart le reconfinement va donc faire chuter l'activité économique de 15%, c'est ce qu'a annoncé Bruno LE MAIRE hier soi, ce sont les estimations de Bercy, 200 000 commerces qui vont être obligés de fermer. Alors oui, vous le dites, l'Etat sera présent, mais vous avez conscience j'imagine, du sacrifice que c'est pour nombre d'entre eux.
ALAIN GRISET
J'ai totalement conscience que pour un indépendant, un artisan, un commerçant, fermer son entreprise c'est un crève-coeur, parce que naturellement ces hommes et ces femmes souhaitent travailler, souhaitent voir leurs clients, souhaitent les servir, et c'est naturellement pour eux, quoi qu'on fasse, une difficulté majeure, intellectuelle, et je le comprends naturellement très bien.
APOLLINE DE MALHERBE
Intellectuelle et puis parfois dans sa chair, parce que nombre d'entre eux qui nous appellent, nous disent : voilà, j'ai les emprunts à rembourser, j'ai les enfants dont il faut que je m'occupe, dont il faut que j'assure l'avenir. Alain GRISET, on va revenir sur les quelques modalités et les aides que vous allez apporter, mais je voulais quand même revenir sur un terme qui a été utilisé y compris par le président de la République, qui est le terme de, essentiel ou non essentiel. Ça a beaucoup choqué et ça a même vexé un certain nombre de commerçants, de restaurateurs, qui disaient : mais en fait, c'est ça maintenant la façon de distinguer les choses dans ce pays ? Essentiel, non essentiel, on nous juge non essentiels. Est-ce que vous comprenez que ça ait pu, est ce que, je ne sais pas, il n'y avait pas d'autre façon de faire ?
ALAIN GRISET
Je l'ai beaucoup entendu, effectivement, c'est plutôt j'allais dire les commerces de première nécessité, voilà, là où il n'y a pas vraiment de choix…
APOLLINE DE MALHERBE
Vital, non vital.
ALAIN GRISET
Oui, parce que naturellement il y a une différence entre le fait qu'on va chez un commerçant pour manger, et puis ensuite il y a beaucoup d'autres activités qui sont importantes, qui sont essentielles dans la vie de tous les jours mais qui ne sont pas indispensables pour la vie, dans le confinement. Donc bon, je crois que le président a souhaité indiquer qu'il y avait effectivement des entreprises qui étaient ouvertes, d'autres moins, bon moi je dis plutôt ceux de première nécessité, absolue.
APOLLINE DE MALHERBE
Avec une question également dans cette distinction : les librairies vont fermer, mais les grandes enseignes comme la FNAC vont rester ouvertes, parce qu'elles ont des services de réparation, des téléphones mobiles, qui eux font partie des commerces jugés, dans ces temps de télétravail, nécessaires. Les magasins de jouets vont devoir fermer, mais les rayons jouets des supermarchés vont rester ouverts. Est-ce que ça n'est pas une manière de donner un dernier coup sur le cercueil des petits commerçants et des centres villes ?
ALAIN GRISET
Si vous permettez, je n'accepte pas ce terme de « cercueil », parce que ce n'est pas l'objectif du tout. Bon, il y a une vraie difficulté…
APOLLINE DE MALHERBE
Je crois bien que ça ne soit pas l'objectif, mais dans les faits…
ALAIN GRISET
Non, mais même dans les faits, même dans les faits. Je comprends qu'une fois le désarroi de certains et même le mécontentement de certains, qui considèrent qu'il y a une discrimination et qu'il y a plutôt un favoritisme fait pour la grande distribution, en gros bons. Néanmoins, ce que le gouvernement fait, c'est de tout mettre en oeuvre, pour qu'au bout du compte, au moins sur le plan financier, compenser cette perte de chiffre d'affaires, et il y a des mesures prises en France qui sont inédites dans le monde, donc que nous avons renforcées, pour effectivement dire à ces entrepreneurs : écoutez, c'est vrai, c'est difficile, nous comprenons, c'est vrai que pour vous, vous pouvez comparaître et considérer que vous êtes discriminés, mais néanmoins, malgré ça, nous sommes à vos côtés pour vous permettre de passer ce moment qui effectivement est difficile.
APOLLINE DE MALHERBE
Alain GRISET, avant d'être ministre, vous étiez à la tête de l'Union des entreprises de proximité, et voilà ce qu'elles disaient hier : « Si le motif sanitaire d'une telle mesure est de limiter les interactions sociales, pourquoi les supermarchés et les hypermarchés ne sont-ils pas soumis à la même interdiction ? » Ce sentiment d'injustice c'est votre, votre syndicat, votre union que vous présidiez encore hier, qui vous le dit aujourd'hui.
ALAIN GRISET
Oui mais j'entends bien, d'ailleurs c'est vous dire le rôle d'une organisation professionnelle que de porter ce message. Il n'y a pas de difficultés.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous l'auriez dit si vous étiez encore à la tête.
ALAIN GRISET
Je l'aurais sûrement dit, sans aucun doute. Néanmoins on est aujourd'hui dans une situation tout à fait exceptionnelle, à plus d'un titre. Bon, il y a une priorité absolue, c'est la sécurité sanitaire, et si le gouvernement de prenait pas de mesures dans ce domaine-là, il nous le serait reproché. Moi je ne suis pas ministre de la Santé, je ne suis pas spécialiste du tout dans ce domaine, il y a un certain nombre de spécialistes qui ont indiqué qu'en réalité il fallait, ce qu'il fallait éviter c'est les flux, les passages, le croisement, enfin bon. Donc, moins j'entends ce qui est dit, moi j'ai dû prendre acte comme Bruno LE MAIRE, de la décision qui avait été prise, et donc nous ce qu'on a essayé de faire, c'est comment fait-on pour accompagner ces entreprises, pour ne pas qu'il y ait au bout du compte, pour justement qu'il n'y ait pas de cercueil, pour ne pas qu'il y ait de dépôt de bilan.
APOLLINE DE MALHERBE
Précisément, vous le disiez, comment accompagner ? Les aides vont être renforcées, certaines aides vont être aussi gonflées, jusqu'à 10 000 € par exemple pour aider, mais nombreux qui nous appellent et qui nous appelaient notamment hier sur cette question-là, avec cette inquiétude, disaient : mais par exemple, quand on est gérant, on parle beaucoup du chômage partiel, c'est un crève-coeur pour nombre d'entre eux de devoir mettre au chômage partiel leurs employés, mais quand ils sont gérants, ils n'ont pas véritablement d'aide.
ALAIN GRISET
Ecoutez, vous êtes passée un peu rapidement en disant : maintenant c'est 10 000 €. Permettez-moi d'insister quand même…
APOLLINE DE MALHERBE
Prenez le temps, prenez le temps d'expliquer.
ALAIN GRISET
Lorsqu'une entreprise est fermée, c'est 10 000 € de compensation de chiffre d'affaires pour un mois, nous étions à 1 500, on passe à 10 000.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui.
ALAIN GRISET
Uniquement ce fonds de solidarité, nous avons mis de mars à septembre 6 milliards, on mettra au mois de novembre 6 milliards en un mois. Bien. J'ajoute à ça, exonérations de cotisations sociales. J'ajoute à ça, prise en charge à 100 % du chômage partiel. On peut penser, on peut penser je dis bien, que ces 10 000 € de compensation de chiffre d'affaires permettent à la personne que vous indiquez, d'avoir une rémunération à l'intérieur, puisque quand vous avez 10 000 € de chiffre d'affaires compensé, il y a encore peut-être un peu de loyer, même si nous avons pris une mesure hier sur les loyers, qui fait que…
APOLLINE DE MALHERBE
Laquelle, redites les précisions ?
ALAIN GRISET
La mesure sur les loyers, c'est-à-dire que sur le dernier trimestre, le bailleur qui laisse un mois, il peut laisser plus, mais s'il laisse un mois, nous donnons au bailleur, la possibilité de récupérer un tiers de ce qu'il aura laissé. Sur trois mois…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est pour inciter les bailleurs à accepter de faire des efforts.
ALAIN GRISET
Oui, et j'insiste sur le fait qu'ils ont plutôt intérêt à le faire, parce que si au bout du compte le locataire disparaît, eh bien il n'y aura plus du tout de locataires, ils perdront tout.
APOLLINE DE MALHERBE
En fait, tout le monde a intérêt à ce qu'on arrive à traverser cette crise.
ALAIN GRISET
Naturellement.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est-à-dire les propriétaires fonciers eux-mêmes n'ont pas intérêt à ce qu'il y ait des faillites en cascade, qui ensuite fassent que le prix de l'immobilier, leur propre rentabilité, leur propre locataire s'écroule.
ALAIN GRISET
Oui, parce qu'à un moment donné ils ne trouveront même plus de locataire.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour autant, nombreux également disent : mais ce ne sont que des prêts, pour la plupart, notamment de la part des bailleurs quand ils acceptent de faire, de décaler. Il y a un moment où ils vont devoir quand même payer, ils se sentent inquiets par cela.
ALAIN GRISET
Non. Je vous prie de m'excuser, le fonds de solidarité ça n'est pas un prêt, c'est donné, et c'est normal je veux dire, ça n'est pas un reproche, c'est donné. Exonérations de cotisations sociales, ça n'est pas un prêt. Lorsqu'on dit, lorsque le bailleur va laisser un mois de loyer, ce n'est pas un prêt pour le locataire, ça c'est une diminution de son loyer. Donc le seul prêt et qui est tout à fait utile, c'est le prêt garanti par l'Etat, sur lequel nous faisons aussi beaucoup d'efforts en termes de décalage de remboursement.
APOLLINE DE MALHERBE
Les aides donc, sont le plus complètes qu'elles peuvent être de votre point de vue. Alain GRISET, une question si sur le timing. On nous annonce que ce confinement durera jusqu'au 1er décembre a minima, ce sont les termes du chef de l'Etat, mais qui dit dans 15 jours on pourra éventuellement revoir pour les commerces. C'est un peu pour du beurre, c'est pour faire plaisir que vous dites ça, parce que dans le même temps il nous dit aussi que dans 15 jours les chiffres seront épouvantables dans les réanimations.
ALAIN GRISET
D'abord, ça n'est pas pour du beurre, c'est avec l'espoir de pouvoir réorienter. Rappelez-vous ce qui s'est passé à Marseille pour les restaurateurs. Nous avions dit « on ferme 15 jours », on a constaté à l'époque qu'il y avait une diminution, ça a été 8 jours. Naturellement que la situation sanitaire est prioritaire, et on n'est pas certain du tout que dans un mois il y ait les éléments qui permettent de rouvrir. Mais bon, il y a une piste, possible.
APOLLINE DE MALHERBE
Et la piste c'est que dans 15 jours on verra si la situation permet de rouvrir.
ALAIN GRISET
On verra, tout naturellement. Je précise aussi qu'il y a quand même beaucoup plus d'activités qui vont ouvrir cette fois-ci, qu'au premier confinement : les marchés aujourd'hui sont ouverts, ce qui est quand même une très bonne chose pour le consommateur, et puis il y a aussi des commerces spécialisés qui vont pouvoir ouvrir.
APOLLINE DE MALHERBE
Beaucoup plus de commerce qui seront rouverts, mais avec encore des questions très précises, je voudrais d'ailleurs qu'on prenne Mohammed qui nous appelle, il est gérant d'auto-école, il a une question très précise, je ne sais pas si vous aurez la réponse, quelle est votre question Mohammed sur les examens du permis de conduire ?
MOHAMMED
Oui, bonjour Apolline, bonjour Monsieur le Ministre. J'ai une question à vous poser, très simple, c'est qu'en fait, quand je lis les textes, on nous dit que les auto-écoles doivent fermer, mais que les examens seront possibles. Alors, est-ce que vous pouvez m'expliquer comment je peux, je dois fermer, mais je dois emmener des gens passer l'examen, je veux dire, je ne les fais pas conduire et je les amène comme ça, directement ?
APOLLINE DE MALHERBE
Typiquement, votre question Mohammed elle montre aussi les complications, Victor JOUANIN nous le disait tout à l'heure, pour essayer de s'y retrouver. Merci Mohammed. Est-ce que, est-ce que vous pouvez répondre à ce genre de questions ?
ALAIN GRISET
Oui, le Premier ministre a dit hier que les services publics restaient ouverts, et donc le fait de passer le permis de conduire c'est un acte public et donc naturellement ce sera possible.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça veut dire qu'en effet, ceux qui sont prêts ils ne peuvent plus prendre de cours, mais ceux qui sont prêts peuvent aller passer l'examen. Voilà la réponse Mohammed ? Courage pour essayer de vous y retrouver, en effet dans ce moment où il y a beaucoup d'exceptions, même si j'imagine que c'est aussi votre objectif, que ces exceptions permettent de ne pas tout figer comme ça avait été le cas dans le premier confinement.
ALAIN GRISET
Oui, et puis il y a aussi sur le site du gouvernement, la foire aux questions, des explications au cas par cas, parce que naturellement dans la vie de tous les jours il y a un tas de questions sur les exceptions éventuelles, sur les possibilités. Donc, que chacun puisse regarder sur ce site quelles sont les possibilités ou pas de faire.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce que l'on a le droit de faire ou non et les aides que l'on peut obtenir ou non. Merci beaucoup Alain GRISET d'être venu à tenter de nous éclaircir sur tous ces points ce matin sur RMC.
ALAIN GRISET
Merci à vous.
APOLLINE DE MALHERBE
Je rappelle que vous êtes le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises. Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 novembre 2020