Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 (nos 3360, 3399).
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'enseignement scolaire (no 3399, annexe 24 ; no 3459, tome II).
(…)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Ce débat intervient dans un moment douloureux pour notre école, mais aussi pour tout notre pays, et même au-delà de nos frontières. Comme vous tous, je veux exprimer une nouvelle fois mon soutien et ma reconnaissance à l'ensemble de la communauté éducative et évoquer la mémoire de Samuel Paty, mort pour les valeurs que vous avez tous rappelées. Dans ces moments de consensus national autour des valeurs de la République, il est très important de dire, comme vous l'avez tous fait, que l'école de la République est notre trésor précieux. Samuel Paty n'est pas mort à l'occasion d'un fait divers, mais en hussard d'une école qui porte haut les valeurs des Lumières. Il est tombé dans une guerre entre les forces universalistes, qu'il incarnait, et les forces de fragmentation, qui cherchent à diviser et vont à l'encontre des Lumières. Cet esprit d'unité et de combat pour ce qui fait la France et la République, nous devons le garder à l'esprit afin qu'il ne s'estompe pas avec les jours qui passent. Lundi prochain, à travers l'hommage que nous rendrons au professeur Samuel Paty, c'est tous nos professeurs – passés, présents et à venir – que nous honorerons dans les écoles, les collèges et les lycées, en votre présence, mesdames et messieurs les députés.
La tâche de nos professeurs est rude, particulièrement dans certains territoires. La création d'un secrétariat d'État chargé de l'éducation prioritaire témoigne de la conscience aiguë de ces enjeux au sein du Gouvernement. Je suis heureux d'être accompagné dans ma tâche par Mme Nathalie Elimas, malheureusement absente de cet hémicycle car atteinte du covid-19.
Vous examinerez également aujourd'hui les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », avec Mme Roxana Maracineanu et Mme Sarah El Haïry. Notre grand ministère répond à un même objectif : celui de faire grandir nos enfants en leur transmettant les savoirs et les valeurs de notre République, que ce soit à l'école ou en dehors d'elle.
Il est important de souligner que nous sommes au coeur de deux crises très significatives, qu'il ne faut pas sous-estimer : la crise de sécurité, dont témoigne le décès de M. Samuel Paty, et la crise sanitaire. C'est dans des moments comme celui-là que nous pouvons prouver que nous sommes un grand pays qui sait faire preuve de résilience, mais aussi s'unir autour des choses essentielles. Dans les propos qui ont été tenus à cette tribune, j'ai entendu un même amour de l'école de la République, une même volonté d'en voir progresser le budget ; c'est sur ce socle que nous devons bâtir, même si, bien sûr, il est normal de tenir un débat démocratique sur l'usage de nos moyens.
Le budget de l'enseignement scolaire est le premier budget de la nation. La priorité que le Président de la République et le Gouvernement accordent à l'éducation est non seulement intacte, mais surtout renforcée. Nous vous présentons donc un budget de consolidation et d'approfondissement des réformes, cohérent avec les budgets précédents et marqué par plusieurs dynamiques.
La dynamique en faveur de l'école primaire est une constante de ce quinquennat. Nous nous attachons à rattraper ce qui doit l'être car, vous le savez tous, l'investissement dans l'école primaire est insuffisant dans notre pays depuis plusieurs années. Grâce à la création de postes et à d'autres augmentations budgétaires, nous nous efforçons d'accomplir la priorité absolue qui a été rappelée ici : donner à tout enfant le socle fondamental que représente la maîtrise des bases – lire, écrire, compter, respecter autrui. Avec le dédoublement des classes de CP et CE1 en REP et REP+ – pointe avancée d'une politique qui se poursuit en faveur des grandes sections en REP et REP+, mais aussi en faveur de toute l'école primaire grâce à la limitation des effectifs, particulièrement en grande section, CP et CE1 dans toute la France –, nous affichons une conviction simple : la première chance que l'on donne à une personne, dans les premières années de sa vie, c'est l'école.
La nouvelle dynamique concerne également les ressources humaines : c'est le sens du Grenelle de l'éducation, dont le budget que je vous présente constitue une première étape en matière de revalorisation des salaires. Ce processus marque un véritable tournant pour l'éducation nationale, le passage à une deuxième partie de ce quinquennat. Les réformes pédagogiques et éducatives ainsi que certaines évolutions de pouvoir d'achat décidées dans le cadre du Grenelle de l'éducation représentent déjà une amorce importante, mais ce budget traduit également la volonté de refonder les ressources humaines de l'éducation nationale, non seulement en revalorisant significativement les professeurs – un objectif que manifestement nous partageons –, mais aussi en posant la première pierre d'une modernisation. Sur bien des sujets – l'éducation prioritaire, la direction d'école et d'autres enjeux qui ont été évoqués ici –, le Grenelle de l'éducation, comme celui de la santé, va assurément contribuer à cet objectif, a fortiori si nous sommes nombreux à le soutenir.
Le budget de la mission « Enseignement scolaire », hors cotisations aux pensions de l'État, s'établit à 53,6 milliards d'euros, en augmentation de plus de 3 %. Ces 1,6 milliard d'euros supplémentaires représentent une augmentation considérable, deux fois supérieure à la trajectoire budgétaire qui avait été initialement définie l'année dernière pour l'exercice 2021. Par ailleurs, pour la deuxième année consécutive, nous sanctuarisons les emplois. Cela signifie que de septembre 2017 à septembre 2021, l'augmentation aura été de 6,8 milliards d'euros – à comparer, je l'ai dit en commission, à l'augmentation de 2,3 milliards d'euros entre septembre 2012 et septembre 2016. Ces chiffres illustrent clairement la priorité donnée à l'éducation au cours du présent quinquennat. J'étais un peu surpris, madame Tolmont, de vous entendre comparer des chiffres incluant les cotisations aux pensions de l'État, pour le précédent quinquennat, avec des chiffres hors cotisations, pour le quinquennat en cours. Tout à l'heure, on a évoqué Gorgias : permettez-moi de vous dire que vous avez fait très fort, et que vous avez construit un beau sophisme !
Mme Sylvie Tolmont. Ça y est, ça commence…
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. L'augmentation a été continue et elle va évidemment se poursuivre. Il est important de le reconnaître parce qu'il ne s'agit pas de littérature, mais de mathématiques : ce sont des chiffres bruts que je vous donne.
Notre ambition en matière d'enseignement primaire est exigeante et constante depuis mai 2017 : dans ce budget, nous créons 2 039 postes supplémentaires pour le premier degré, malgré un contexte de baisse démographique. En effet, il faut le souligner et le déplorer : à la rentrée 2021, il y aura 65 000 élèves en moins. Au total, depuis 2017, nous aurons créé plus de 7 000 postes dans le premier degré, avec 200 000 élèves en moins. Je profite de l'occasion pour m'inquiéter de cette tendance démographique, qui doit être surveillée de très près. Néanmoins, la combinaison de ces deux phénomènes conduit évidemment à une amélioration très importante des taux d'encadrement. Cette amélioration a été continue de 2017 à 2021, constatée à chaque rentrée scolaire, dans chaque département de France.
Ce budget inclut des mesures importantes de justice sociale : le dédoublement des classes non seulement de CP et CE1, mais aussi désormais de grande section de maternelle en REP et REP+, le plafonnement à vingt-quatre élèves par classe en grande section, CP et CE1, et l'accueil d'élèves supplémentaires avec l'abaissement de l'âge de la scolarité obligatoire à 3 ans, dans la lignée du discours du Président de la République aux Mureaux.
Il accompagne, plus que jamais, tous les élèves vers la réussite. Le volume d'enseignements du second degré public sera maintenu en 2021. Certes, 1 800 emplois sont redéployés vers le premier degré, mais nous créons des heures supplémentaires, ce qui augmente les moyens d'enseignement d'une façon équivalant à la création de près de 1 000 emplois. L'année 2021 sera celle de l'aboutissement de la refonte du baccalauréat, qui doit permettre à tous les lycéens de s'approprier progressivement leur avenir grâce à l'élargissement des choix.
Ce budget renforce par ailleurs le soutien aux élèves les plus fragiles : ainsi, je suis fier d'appartenir à un gouvernement qui aura tant investi dans l'école inclusive. Bien sûr, il reste à faire et vous êtes plusieurs à l'avoir dit, mais regardons ce qui a été fait : le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés est en constante augmentation. En 2021, nous consacrerons à ce sujet plus de 3,3 milliards d'euros par an : c'est la plus grande augmentation budgétaire de tous les postes de l'État…
M. Maxime Minot. Tout à fait ! Il faut le souligner !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Depuis 2017, elle atteint 60 %. Après la création de 8 000 ETP d'AESH en 2020, nous en créons encore 4 000 en 2021. Des progrès considérables ont été accomplis, même si d'autres restent à faire – nous en parlerons lors de la discussion des amendements.
J'insiste également sur l'accompagnement social des élèves, qui représente l'une des conditions clés de la réussite : les bourses et les fonds sociaux représentent en 2021 une enveloppe de 860 millions d'euros, en hausse de 51 millions d'euros.
Enfin, ce budget engage la revalorisation salariale et le renforcement de l'attractivité du métier d'enseignant. S'agissant de la revalorisation attendue par nos personnels, nos engagements sont tenus avec une enveloppe financière de 400 millions d'euros, dont le coût en année pleine s'élève à 500 millions d'euros. De façon globale, les crédits de masse salariale font l'objet d'une augmentation nette de près de 950 millions d'euros, qui bénéficie directement aux personnels du ministère et se traduit par des améliorations de pouvoir d'achat. Le Grenelle de l'éducation a débuté le 22 octobre : il aura vocation à valoriser tous nos personnels et à donner à nos professeurs la place centrale qui leur revient dans la société. Il engagera aussi une logique pluriannuelle – je défends l'idée d'une loi de programmation qui tirera les conséquences des travaux du Grenelle.
C'est donc la reconnaissance de la nation envers ses professeurs, mais aussi la reconnaissance par la nation du rôle central de l'éducation en général que promeut ce budget – et je vous en remercie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions. Je rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes chacune.
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière. Monsieur le ministre, après nos échanges un peu vifs d'hier, qui se sont même poursuivis sur les réseaux sociaux sans que vous ne répondiez aux questions précises que je vous posais sur votre soutien à l'école privée, je veux vous interroger sur un sujet dont le caractère problématique va sans doute nous mettre d'accord : celui du manque cruel de la médecine scolaire au sein de nos écoles publiques.
Les médecins scolaires sont désormais, en France, moins d'un millier pour plus de 12 millions d'élèves. En Seine-Saint-Denis, département où je suis élu, ils ne sont plus qu'une vingtaine. Il en va de même pour les infirmiers et les infirmières scolaires : les postes manquent et ceux qui sont ouverts restent trop souvent vacants.
Le problème est simple : nous ne payons pas assez les médecins scolaires. Un rapport de la Cour des comptes proposait de les augmenter de 30 %, mais cette recommandation n'a pour l'instant pas été suivie d'effet.
Un exemple tragique : le 30 septembre dernier, à Saint-Denis, au lycée Paul-Éluard, l'un des principaux lycées du département, deux élèves se sont affrontés et l'un a poignardé l'autre – cela avait défrayé la chronique. Et c'est un élève qui suivait un cours de secourisme qui a sauvé la vie de son camarade, parce que l'établissement ne compte ni infirmière ni médecin scolaire. Cela montre bien le caractère inacceptable, si l'on a à coeur la défense de l'école publique, de cette situation qui ne peut plus durer.
Depuis l'arrivée de la pandémie, il y a plus de neuf mois, on ne peut pas considérer que la situation ait évolué. Le virus circule dans les établissements d'où sont absents les personnels spécialisés qui pourraient détecter les symptômes et faire de la prévention. Hors covid-19, c'est d'ailleurs tout le travail de prévention, d'éducation à la sexualité et à la contraception, de détection des troubles psychologiques en direction de notre jeunesse qui est défaillant. Je ne parle même pas du recul des liens entre l'éducation nationale et les centres médico-psycho-pédagogiques, qui sont essentiels pour détecter les troubles comportementaux des jeunes – troubles qui peuvent avoir un rapport, lorsqu'ils sont sévères, avec des drames qui se déroulent plus tard…
Mme la présidente. Monsieur Corbière, vos deux minutes sont écoulées.
M. Alexis Corbière. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire sur ce sujet sur lequel nous voulons tous avancer ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. En deux minutes, c'est toujours le même problème, monsieur Corbière, je n'ai pas le temps de répondre à ce que vous avez dit avant d'en venir à votre question. Je l'aurais pourtant fait avec plaisir.
M. Alexis Corbière. D'accord !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J'apprécie à la fois le sens de votre question très sérieuse et la tonalité que vous avez adoptée – cela contraste avec nos échanges d'hier. Pas un des points que vous venez d'avancer ne relève du mensonge ou de l'exagération. Je préfère décidément ce ton-là. Faisons attention, n'oublions pas que la calomnie et les fausses informations qui circulent ensuite sur les réseaux sociaux font beaucoup de mal. On ne peut pas les dénoncer d'un côté et se rendre complice de leur propagation de l'autre. Je vous donnerai un seul exemple, parmi d'autres : vous avez dit que j'avais été DGESCO – directeur général de l'enseignement scolaire – de 2007 à 2012, ce qui n'est pas exact.
Mme Elsa Faucillon. Répondez plutôt à la question.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Dans le contexte actuel, et aussi en écho aux propos de M. Mélenchon, je tiens également à dire qu'un fonctionnaire n'a pas à rendre compte de l'action du pouvoir politique. Des fonctionnaires placés sous ma responsabilité ont récemment fait l'objet de diverses accusations : critiquez-moi autant que vous voulez, mais ne mettez pas en cause des fonctionnaires qui ne peuvent pas se défendre à armes égales avec vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
Mme Elsa Faucillon. Et la question ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Cela vaut autant pour les fonctionnaires d'aujourd'hui que pour celui que j'étais.
M. Alexis Corbière. Un directeur général d'administration est tout de même un fonctionnaire un peu particulier !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. S'agissant de la santé scolaire, qui est une question très importante, j'adhère aux tenants et aboutissants de votre propos. Le sujet mériterait évidemment une réponse de plus de deux minutes.
Oui, il s'agit d'un problème, et notre santé scolaire doit être revalorisée. Apporter une réponse structurelle à la situation que vous décrivez est difficile, car cela renvoie à la question de la vocation médicale et au problème du nombre de médecins en France. Nous allons tâcher de le faire grâce au Grenelle de l'éducation : des groupes de travail débattront de cette question du médecin scolaire, et dans ce cadre, d'ici au mois de février, des progrès auront été accomplis.
Je précise que nous ne sommes pas restés inactifs depuis trois ans. Loin de moi l'idée de vouloir éluder votre question, mais je manque de temps pour vous décrire la totalité de notre action passée et des perspectives qui s'ouvrent. J'y reviendrai.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Dubois.
Mme Jacqueline Dubois. La France s'est résolument engagée pour une école inclusive. Les projets de loi de finances successifs depuis 2017 en témoignent, qui ont vu le budget de l'école inclusive augmenter de plus de 60 %. Je m'en félicite.
La loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance avait acté la transformation des contrats aidés des accompagnants des élèves en situation de handicap – AESH – en contrats à durée déterminée de droit public de trois ans, renouvelables une fois, et la création d'un service public de l'école inclusive. En 2021 les crédits dédiés permettront de financer le recrutement de 4 000 emplois supplémentaires d'AESH. Si la formation de ces derniers s'est améliorée, et si leur place au sein des établissements est mieux reconnue, ils se trouvent parfois en difficulté sur le terrain, et leurs revenus sont encore trop faibles – autour de 700 euros mensuels.
Je souhaite d'abord appeler votre attention sur les tensions liées à la différence de traitement et de gestion des deux types de contrats qui les régissent : les contrats relevant du titre 2 ou hors-titre 2. Les AEHS recrutés sur ce second type de contrat ne bénéficient pas d'indemnisation des frais de déplacement. Les disparités entre les deux contrats posent des difficultés de gestion pour le recrutement et pour la bonne organisation des pôles inclusifs d'accompagnement localisés inter-degrés.
Monsieur le ministre, vous semble-t-il possible de simplifier cette situation, sachant qu'au bout de six ans, les contrats des AESH deviennent tous des CDI du titre 2 ?
Il faut ensuite évoquer la question du temps de travail des AESH, contraints d'exercer à temps partiel, parfois moins de 20 heures, souvent 24 heures, plus rarement 30 heures par semaine. En primaire, en raison de la durée des enseignements, la plupart des accompagnants ne peuvent être employés plus de deux fois trois heures par jour, soit au maximum 24 heures par semaine. Le passage à des contrats de 30 heures par semaine, grâce à un allongement de la journée de travail sur le modèle du collège, en incluant les temps périscolaires, pourrait constituer un levier pour sortir les AESH de la précarité et rendre, en 2021, nos écoles plus inclusives pour les 385 000 élèves en situation de handicap qui y seront accueillis.
Monsieur le ministre, je vous remercie de nous dire quelles sont vos intentions pour parfaire la professionnalisation des AESH et améliorer encore la situation de ces personnels au sein de l'éducation nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il s'agit là aussi d'un sujet sérieux qui méritera que nous y revenions à plusieurs reprises au fil de nos débats.
J'ai dit, et vous l'avez relevé, que nous étions sur un très bon chemin, puisque le budget de l'école inclusive a augmenté de 60 % depuis 2017. L'augmentation concernant les AESH a été à la fois quantitative et qualitative. On comptait environ 70 000 contrats aidés il y a quatre ans, et nous en sommes aujourd'hui à plus de 100 000 CDD, voire CDI dans certains cas. C'est un progrès considérable. Je n'ai pas en tête d'exemple d'évolution aussi forte s'agissant de personnels travaillant pour l'État. Nous considérons désormais les AESH comme des membres à part entière de l'éducation nationale.
Conformément à ce qui a été dit au moment du vote de la loi pour une école de la confiance, en 2019, mon objectif est de faire vivre un service public de l'école inclusive, ce qui signifie en particulier qu'il pourra y avoir des carrières d'AESH – il leur sera possible d'évoluer au sein de l'éducation nationale. On trouve ainsi désormais des AESH référents par département, qui recevront une prime en 2021, grâce au budget que je vous présente. Bref, nous ouvrons des perspectives. Nous devons certainement mieux faire, mais ne négligeons pas tout ce qui a déjà été fait.
S'agissant des perspectives salariales, le présent budget permettra probablement des améliorations pour la rentrée 2021. Dans le cadre du Grenelle de l'éducation se déroule une discussion spécifique aux AESH.
Pour ce qui est du travail à temps plein, il s'agit d'un objectif qui n'était pas du tout atteint précédemment, mais qui commence à l'être grâce aux pôles inclusifs désormais installés dans près de 80 % des établissements de France. En deux rentrées nous avons, là encore, amélioré très fortement les choses. En commission, Mme Rubin avait d'ailleurs reconnu qu'il s'agissait d'une évolution intéressante, même si ce n'est pas tout à fait ce qu'elle a dit tout à l'heure à la tribune.
À l'aune du nombre de postes que nous avons créés, chacun peut en tout cas constater que notre but n'est certainement pas de faire des économies de postes, mais de mieux les utiliser et de permettre à davantage d'AESH de travailler à plein temps – nous y sommes parvenus à la rentrée, nous en ferons le bilan. Ce sera l'un des objectifs pour la prochaine rentrée du budget que vous examinez.
Mme la présidente. La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme Géraldine Bannier. Sachant que le programme 143 « Enseignement technique agricole » de la mission « Enseignement scolaire » comporte un plafond d'emplois de 15 266 ETPT – équivalent temps plein travaillé –, je souhaite vous transmettre quelques interrogations des personnels de l'enseignement agricole.
Très touchés, comme l'ensemble de leurs collègues de l'éducation nationale, par la mort brutale et si injuste de Samuel Paty, ils ont souhaité me faire part de leur profonde émotion. Ils rapportent aussi, à cette occasion, une curieuse anomalie dans l'enseignement agricole : de fait, les élèves préparant les baccalauréats professionnels agricoles n'ont aucun cours d'éducation morale et civique, contrairement à ceux préparant les baccalauréats professionnels de l'éducation nationale, la matière n'ayant simplement jamais été intégrée aux maquettes du cursus.
Pour mémoire, les bacs pro éducation nationale bénéficient d'une moyenne de 90 heures annuelles en français, histoire et éducation morale et civique. Il serait bon, puisque cette matière est l'affaire de tous, que la filière agricole puisse aussi bénéficier de ces cours.
Un autre sujet de préoccupation concerne l'augmentation des seuils de dédoublement de 16 à 19 élèves. Ils nous disent, avec, semble-t-il, beaucoup de sincérité, qu'il n'est pas sain de faire acquérir dans ces conditions des gestes professionnels qui nécessitent des manipulations, notamment en bac pro « conduite et gestion de l'entreprise agricole ». L'apprentissage peut vite sembler une voie plus appréciable pour les futurs chefs d'exploitation.
Enfin, je profite du projet de loi de finances pour rappeler que les professionnels de l'enseignement agricole ont besoin d'être associés le plus possible aux travaux en cours, comme le Grenelle de l'éducation, auquel ils participent déjà, mais aussi comme les états généraux du numérique. Il est vrai que la crise sanitaire actuelle ne facilite pas les choses, mais cela doit être possible.
Monsieur le ministre, bien que l'enseignement agricole relève de la tutelle du ministère de l'agriculture, je ne doute pas que vous pourrez aujourd'hui apporter une réponse interministérielle à ces interrogations. J'ai cru comprendre qu'un amendement en faveur de l'enseignement agricole serait examiné : c'est une très bonne chose que notre majorité puisse le défendre parce que l'enseignement agricole est vraiment une voie de réussite. Ses acteurs ont besoin de cette reconnaissance. (Mme Sophie Mette applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je rends hommage à l'enseignement agricole chaque fois que c'est possible, et je veux le faire de nouveau ce soir. Ce n'est pas un concurrent de l'éducation nationale : il fait partie du service public général. Nous en parlons fréquemment avec le ministre de l'agriculture, à telle enseigne que, depuis trois rentrées désormais, nous faisons la promotion de l'enseignement agricole, en particulier au collège, pour que les élèves puissent savoir qu'il existe. Il est très important que nous travaillions en coopération étroite, ce que nous faisons. Je le répète, nous ne sommes en concurrence à aucun titre, pas plus budgétaire qu'éducatif.
La journée d'hommage à Samuel Paty sera la même dans l'enseignement agricole que dans le reste du système scolaire, ce qui est bien normal.
L'éducation morale et civique est présente dans les référentiels de formation, aussi bien en classe de 4e et de 3e qu'en 2de générale et technologique, ainsi que dans la préparation au baccalauréat technologique « sciences et techniques de l'alimentation et du vivant ». Nous avons de plus procédé à une rénovation du tronc commun des baccalauréats professionnels délivrés par le ministère de l'agriculture : ils intégreront l'éducation morale et civique à partir de la rentrée 2022. Les élèves de l'enseignement agricole travaillent déjà sur les valeurs de la République, notamment grâce à la pédagogie de projet en français, en histoire-géographie et en éducation socioculturelle, mais cela sera renforcé par la réforme que je viens d'évoquer.
Les seuils de dédoublement ont augmenté pour donner plus de souplesse aux établissements, mais ils sont totalement préservés pour les enseignements qui doivent respecter des règles particulières de sécurité – par exemple les travaux forestiers – ainsi que pour les langues vivantes. Le but de la réforme est de donner plus de souplesse aux établissements dans la gestion de leurs moyens. Les effets de la réforme des seuils de dédoublement sont suivis avec précision, notamment par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, qui a réalisé un rapport sur la première année de son application sans noter de difficultés particulières.
Enfin, le Grenelle de l'éducation et les états généraux du numérique éducatif associent totalement l'enseignement agricole. Les orientations et les décisions relatives aux rémunérations que nous prendrons s'appliqueront au corps de l'enseignement agricole.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Victory.
Mme Michèle Victory. Dans le second degré, jusqu'en 2023, il y aura une augmentation des effectifs, comme dans les lycées professionnels à la prochaine rentrée. Au total, 520 433 élèves sont attendus en LEP – lycées d'enseignement professionnel. Dans le même temps, nous assistons à une baisse d'environ 700 postes d'enseignement en LEP, dans un contexte déjà fortement marqué par l'utilisation des heures supplémentaires et par le recours aux contractuels, alors même que le volume d'heures supplémentaires à la disposition des chefs d'établissement explose.
Ce volume d'heures supplémentaires, dont nous ne contestons pas forcément le principe à petite échelle s'il a pour objectif de donner un peu de souplesse aux emplois du temps, est beaucoup trop élevé pour être absorbé dans de bonnes conditions – celles qui favoriseraient les efforts pédagogiques des enseignants. Nos élèves ont besoin d'un encadrement par des adultes disponibles, soutenus par l'institution, qui soient en mesure de prendre en compte de manière personnalisée les difficultés d'apprentissage, et de les accompagner dans un processus de retour à la confiance et de revalorisation de soi. Enseignants, conseillers principaux d'éducation, assistants d'éducation et personnels doivent pouvoir proposer des solutions de remédiation conduisant à la réussite.
Bien souvent les enseignants acceptent des heures supplémentaires afin de pouvoir compenser des salaires que tous s'accordent à trouver bien insuffisants, mais l'augmentation des heures que vous proposez, soit plus de 1 000 équivalents temps plein dans le secondaire, n'est pas raisonnable. Ces heures s'ajoutent en effet à un quotidien déjà lourd : préparation, corrections, formations, investissements dans de multiples projets et de multiples dispositifs… Vous ne pouvez l'ignorer, monsieur le ministre, les enseignants sont face à des publics de plus en plus hétérogènes alors que l'on enregistre un taux d'absentéisme de 16,8 % en LEP contre 6 % en lycée, des tensions au sein des établissements, et une contestation de plus en plus forte des règlements, avec un taux de violences graves de 21 % en LEP.
Ces chiffres disent une partie des enjeux auxquels sont confrontés nos enseignants. Pour autant, et c'est le point encourageant de ce tableau, la participation de ces élèves aux conseils de la vie lycéenne est supérieure en lycée professionnel, démontrant que les jeunes qui fréquentent ces établissements ont un réel besoin de reconnaissance et sont prêts à prendre des responsabilités.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous expliquer les raisons qui vous font préférer la facilité de gestion des heures supplémentaires à la stabilité et au renforcement des équipes éducatives au sein de nos établissements scolaires ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je peux partager une partie de vos propos, et votre question me donne l'occasion de présenter le cadre stratégique de ce que nous faisons non seulement dans ce budget mais depuis le début.
Tout d'abord, vous le savez, la France a sous-investi dans son école primaire. Elle est par contre au-dessus des pays de l'OCDE pour l'enseignement secondaire. Il y a une chose dont nous ne pouvons être soupçonnés, c'est de vouloir faire des économies sur l'éducation : j'ai déjà donné les chiffres, notamment les 6 milliards d'euros en plus sur cinq rentrées que nous consacrons à l'éducation. Le but n'est pas de faire des économies mais d'avoir une vraie trajectoire budgétaire, au service d'une stratégie qualitative, éducative et pédagogique.
Je l'ai souvent dit, en sixième, on préfère avoir un élève de plus dans la classe s'il arrive en sachant bien lire, écrire et compter que d'en avoir un de moins et des élèves mal préparés. Tout ce que nous faisons pour l'enseignement primaire, nous le faisons pour l'enseignement secondaire.
Nous avons environ 1,1 million de personnels à l'éducation nationale : si l'on fait le ratio, notre pays a un grand nombre de professeurs. Le but est donc de mieux les répartir. Cela vaut aussi pour le pouvoir d'achat. Il faut également avoir une vision dans la durée : je pense aux années à venir, où la vague démographique commencera dès l'année prochaine à atteindre le second degré. Nous avons donc tout intérêt à ce que les moyens supplémentaires importants de ce budget soient bien répartis. C'est pourquoi ils vont vers l'enseignement primaire. Dans l'enseignement secondaire, face à l'effet démographique, nous maintenons les moyens d'enseignement par le biais des heures supplémentaires ; ce ne serait bien sûr pas possible sur des années, mais cela peut s'arrêter au moment où la vague démographique arrivera, l'an prochain. Cela permettra de maintenir le taux d'encadrement dans l'enseignement secondaire. Et à l'école primaire, le but est que les élèves aient des savoirs fondamentaux consolidés.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 3 novembre 2020