Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à RMC le 18 novembre 2020, sur les annonces du président pour soutenir le sport français, la mise en place du "Passe Sport" et la pratique des sports d'hiver pendant la crise sanitaire.

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Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Jean-Michel BLANQUER.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour Apolline DE MALHERBE.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être mon invité ce matin sur RMC ; vous êtes le ministre de l'Education, de la Jeunesse et des Sports. On va revenir en détail sur les annonces du président hier pour soutenir, voire pour sauver le sport français. On a quand même l'impression que vous l'aviez un peu oublié quand même, le sport, ou en tout cas, il se sentait abandonné.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je ne crois pas. Il ne se sentait pas abandonné non plus puisque depuis le début de la crise, le sport a bénéficié d'au moins 3 milliards d'euros dans l'ensemble des aides qui ont pu être données à l'ensemble des acteurs de la vie économique et sociale française. Ceci étant, le sport, c'est un sujet fondamental, c'est central, ce n'est pas un sujet accessoire pour la santé des Français en particulier d'ailleurs et pour la vie des Français, pour l'art de vivre aussi et donc il est tout à fait normal que dans ce deuxième confinement, on cherche une sorte de deuxième souffle non seulement d'ailleurs pour traverser la crise puisqu'il s'agit d'éviter qu'en particulier, des structures ne s'effondrent mais aussi pour préparer l'avenir puisque notre objectif, ça reste plus de pratique sportive pour tous les Français.

APOLLINE DE MALHERBE
400 millions d'euros d'aide pour tout le secteur, on a l'impression quand même que vous avez mis le temps à pouvoir mettre cet argent sur la table, ça veut dire qu'il fallait convaincre Bercy peut-être ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y a toujours des sujets évidemment de discussions avec Bercy mais encore une fois, du travail a été fait dans les six mois précédents et là, c'est une nouvelle étape très ciblée, il y a à la fois le sport professionnel et le sport amateur qui est concerné par les mesures que l'on a prises. Du côté du sport professionnel, il s'agit notamment de compenser les problèmes de billetterie puisque les matchs se jouent à huis clos ou parfois ne se jouent pas et donc vous avez des clubs qui sont très, très menacés de faillite tout simplement. Donc c'est plus de 100 millions d'euros qui ont été décidés. Là, il fallait du temps aussi parce qu'il fallait passer par la Commission européenne, ce que le Premier ministre a fait et puis s'agissant du sport amateur, il y a tout le travail pour inciter à l'inscription dans les clubs et ça me concerne aussi en tant que ministre de l'Education nationale. C'est tout le sens d'avoir « Education nationale, Jeunesse et Sports » ensemble puisque mon but, notre but avec Roxana MARACINEANU, c'est d'inciter les enfants, les adolescents à s'inscrire dans les clubs alors même qu'ils ont souffert en cette rentrée d'un affaiblissement des inscriptions.

APOLLINE DE MALHERBE
Quand est-ce qu'on peut commencer à imaginer qu'il y ait à nouveau du public dans les stades et sous quelle forme ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, c'est évidemment trop tôt pour le dire ; comme vous le savez, c'est très dépendant des résultats de la situation sanitaire, le plus vite le mieux évidemment. Nous regardons ça attentivement ; au mois de décembre, ce que l'on peut espérer – mais je ne peux pas employer un mot plus fort que « espérer » –, c'est de réussir forme de déconfinement progressif déjà des structures sportives pour la pratique des mineurs, ce qui est déjà un point important, l'activité sportive des mineurs. Donc nous préparons un plan.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc ça, à partir du 1er décembre ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Peut-être, ça dépend encore une fois de ce qu'on va avoir comme résultat sanitaire ou en tout cas à un moment donné du mois de décembre, j'espère bien qu'on sera capable de faire ce déconfinement progressif des structures sportives pour le public mineur. Ce sera, j'espère, une hirondelle qui annoncera le printemps pour d'autres mesures ensuite. Hier, dans les discussions …

APOLLINE DE MALHERBE
On commencera par les enfants donc mais les majeurs, ils pourront, eux aussi, retourner progressivement faire du sport. On a des situations quand même ubuesques, quand on entend par exemple des joueurs de tennis qui jouent régulièrement qui sont deux sur un terrain immense et qui ne peuvent pas aller jouer. Est-ce qu'il ne fallait pas quand même autoriser certaines pratiques ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, dans ce que vous avez dit, il y a deux catégories de choses : il y a d'abord la pratique sportive en tant que telle et puis après, il y a le public. Sur le premier sujet, chaque sport mérite son protocole sanitaire spécifique, c'est le travail qu'on fait avec Roxana MARACINEANU, c'est-à-dire de regarder sport par sport. Dans le cas du tennis, c'est évident que ce n'est pas la même situation que dans tel ou tel sport de contact. Donc c'est ce type de plan qui va nous permettre au cours du mois de décembre d'avoir un protocole sanitaire par sport nous permettant ce déconfinement progressif. S'agissant des publics dans les stades, il ne faut pas s'attendre à des améliorations avant le mois de janvier mais on va aussi réviser notre manière de voir les jauges, peut-être des jauges plus proportionnelles plutôt qu'en valeur absolue, autrement dit en comptant par mètre carré de spectateurs plutôt que par un nombre …

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire que ce sera un pourcentage ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Voilà.

APOLLINE DE MALHERBE
10%, on peut partir sur 10% ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, ça n'est pas fait. Mais le genre d'idée, ça peut être un spectateur sur 2 ou 4 mètres carrés par personne, ce type de calcul. En tout cas, c'est les perspectives qui s'offrent et qui s'ouvrent à nous après les discussions d'hier que nous avons eues pendant la moitié de la matinée avec le président de la république, le Premier ministre, les ministres concernés, les acteurs du sport, je dois saluer le caractère très constructif de l'ensemble des acteurs. Hier, c'était une réunion de travail au sens plein de ce terme avec une très belle participation de sportifs et de représentants du monde sportif et on est en train de construire ensemble la manière de traverser cette crise et encore une fois, de préparer la suite aussi.

LOUIS AMAR
Jean-Michel BLANQUER, il y a un sujet qui préoccupe beaucoup les clubs de Ligue 1 dont vous avez reçu hier l'un des représentants, président de Reims, Jean-Pierre CAILLOT. Ce sujet, c'est celui des droits télé qui représentent en moyenne 40% du budget des clubs de la Ligue, le diffuseur MEDIAPRO ne souhaite pas payer avant d'avoir renégocié le contrat à la baisse. Emmanuel MACRON a dit hier que l'Etat ne se substituerait pas aux intérêts privés. Est-ce à dire que vous êtes prêt à courir le risque d'un écroulement économique de la Ligue 1 ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non ni l'un ni l'autre ; d'abord s'agissant du premier point, le raisonnement est quand même normal. Vous avez des personnes qui ont pris des risques largement excessifs sur des bases, je ne dirais pas de cupidité mais en tout cas de raisonnement pécuniaire un peu aventureuses …

LOUIS AMAR
Les anciens présidents de la Ligue, c'est d'eux que vous parlez ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y a quelque chose de très aventureux dans ce qui s'est passé, vous ne pouvez pas faire des aventures financières privées et ensuite réclamer à l'Etat de venir au secours. Donc là, il y a un véritable problème sur ce qui s'est passé et qui relève … (mots inaudibles).

APOLLINE DE MALHERBE
Vous dites : voilà, ça, c'est de leur faute, on ne va pas en plus jouer les assureurs ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, surtout sur des montants énormes …

LOUIS AMAR
1 milliard d'euros …

JEAN-MICHEL BLANQUER
… et là, il y a vraiment une prise de risque excessive qui a été prise. Ensuite, sur la santé financière des clubs, on doit évidemment être très attentif et d'ailleurs le président du club de Reims a tenu des propos très responsables et très constructifs hier. C'est un autre sujet et on doit être évidemment attentif à ce qu'aucun club ne fasse faillite en Ligue 1 mais les deux sujets doivent être distingués.

APOLLINE DE MALHERBE
Il y a aussi un « Passe Sport » que vous voulez mettre en place, c'est quoi et ça va fonctionner comment ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, alors le « Passe Sport », c'est vraiment l'une des principales mesures de soutien au sport amateur, ça va probablement être un peu plus de 100 millions d'euros et le principe, c'est d'inciter les enfants et les adolescents à s'inscrire dans les clubs et donc à soutenir leur inscription dans les clubs et, au travers de cela, dans les fédérations. Donc nous faisons d'une pierre plusieurs coups puisque, de ce fait, nous allons empêcher que des fédérations se trouvent en situation de faillite, ça peut être vrai notamment des petites fédérations et puis, nous allons, ce faisant, inciter à la pratique sportive des enfants. C'est justement nos objectifs indépendamment de la crise épidémique, on les a beaucoup affichés ces derniers temps avec Roxana MARACINEANU notamment pour la rentrée scolaire. Nous avons besoin de plus de pratique sportive de nos enfants.

APOLLINE DE MALHERBE
Deux questions encore, Jean-Michel BLANQUER, l'une sur les vacances de février et la pratique notamment des sports d'hiver. L'idée d'étaler les vacances de février a été évoquée hier par Alain GRISET, le ministre des PME et à l'Assemblée. Est-ce que c'est quelque chose que vous envisagez sérieusement, de changer peut-être les dates des vacances de février pour que ce soit davantage étalé et que les différentes zones ne se croisent pas ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez, les dates des vacances, c'est une science extrêmement complexe que j'ai beaucoup pratiquée pour les définir ! Ça se fait très longtemps à l'avance et donc c'est extrêmement difficile pour toute une série de raisons que chacun peut comprendre, pas seulement les imprimeurs d'agendas, qu'il y a de grandes difficultés à changer les vacances à court terme comme vous le suggérez. Donc ce n'est pas une idée que nous allons développer …

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais enfin, on est dans une situation tellement exceptionnelle …

JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est vrai !

APOLLINE DE MALHERBE
…que les choses qui ne se sont jamais faites se sont quand même faites !

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui c'est vrai mais il y a déjà un étalement des vacances de février sur trois zones. Le risque de désorganisation avec des changements de vacances à court terme est, à mon avis, plus fort que l'intérêt que ça présente mais je pense qu'il faut être créatif dans une période comme celle-ci. Donc il ne faut fermer aucune porte.

APOLLINE DE MALHERBE
Tout à l'heure, je recevrai André COMTE-SPONVILLE, le philosophe qui explique que, longtemps, les parents se sont sacrifiés pour leurs enfants et qui se demande si, aujourd'hui, on n'est pas passé dans une autre société où c'est les enfants qu'on sacrifie pour les parents, la jeunesse qui se sent parfois sacrifiée aujourd'hui, quand on regarde, aucune perspective, des états de déprime de plus en plus importants. Est-ce qu'on n'a pas sacrifié la jeunesse quand même ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
En tout cas, je trouve qu'il a raison de poser cette question. Il a d'ailleurs été mon professeur et j'ai beaucoup de respect pour ce qu'il pense et je pense qu'on doit se poser cette question, c'est-à-dire que nous ne devons pas penser que la jeunesse sera sacrifiée avec ce qui se passe et ça ne doit pas être le cas. C'est pour ça qu'on a affiché la priorité « jeunesse absolue » comme étant la première priorité du gouvernement pour cette rentrée. Je suis ministre de la Jeunesse en tant que ministre de l'Education nationale mais aussi pour toutes les politiques périscolaires et extrascolaires. C'est, par exemple, pour ça qu'on a fait les « vacances apprenantes » cet été qui ont permis à des centaines de milliers d'enfants de partir en vacances, eh bien, de la même façon, on a fait le Plan Jeunes à la rentrée, c'est 6,5 milliards pour l'insertion professionnelle des jeunes, le maintien de l'apprentissage malgré toutes les difficultés économiques, tout ce qui doit nous permettre de se projeter positivement dans le futur …

APOLLINE DE MALHERBE
Mais cette question se pose ? Pour vous, cette question se pose ? Elle est quand même légitime ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Ah, je pense que dans nos décisions, dans l'ensemble de nos décisions, pas seulement de l'Etat mais de nos vies personnelles à tous, nous devons être très attentifs à avoir une priorité jeunesse et que ce soit dans les équilibres que nous faisons puisque nous n'arrêtons pas de prendre des décisions qui sont des équilibres entre des avantages et des inconvénients, eh bien, on doit toujours avoir d'abord la jeunesse comme premier critère. C'est pour ça qu'on a maintenu les écoles, collèges et lycées ouverts aussi parce que les inconvénients de la fermeture sont bien supérieurs aux avantages et donc cette priorité « jeunesse », elle est au cœur des politiques que je mène.

APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être venu répondre à mes questions, Jean-Michel BLANQUER dans ce studio de RMC.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci.

APOLLINE DE MALHERBE
Je rappelle que vous êtes donc le ministre de l'Éducation, de la Jeunesse et des Sports.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 novembre 2020