Interview de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État, porte-parole du gouvernement, à France 2 le 17 novembre 2020, sur la mise au point d'une stratégie de vaccination anti-Covid et de réouverture des commerces pour les fêtes de fin d'année.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Gabriel Attal - Secrétaire d'État, porte-parole du gouvernement

Média : France 2

Texte intégral

CAROLINE ROUX
Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour Caroline ROUX.

CAROLINE ROUX
La société MODERNA annonce un vaccin avec un taux d'efficacité de 94,5%, alors on a eu du retard sur les masques, on a eu du retard sur les tests, est-ce qu'on sera prêt à l'heure pour une campagne de vaccination début de l'année ?

GABRIEL ATTAL
On se met dans les starting-blocks pour être prêt pour distribuer un vaccin dès lors que celui-ci aura bénéficié des autorisations et des validations par les autorités scientifiques européennes et nationales, donc il faut anticiper. Anticiper, ça veut dire quoi, ça veut dire réserver des doses de vaccins, on le fait au niveau européen, c'est la France qui a impulsé ce mouvement, plusieurs centaines de millions de doses qui ont été réservées auprès des différents laboratoires.

CAROLINE ROUX
Pas auprès de MODERNA puisqu'il a dit qu'il y a pas d'accord qui est signé avec la communauté européenne.

GABRIEL ATTAL
5 contrats déjà finalisés, un 6ème qui va l'être, on l'espère dans les prochains jours, c'est le contrat de MODERNA pour qu'il y ait des doses disponibles. Ensuite on a budgété, on a mis de côté une somme d'argent, un milliard 500 millions d'euros pour 2021 pour acheter une première série de vaccins, donc ça c'est sur le sujet des doses. Ensuite il y a le sujet de la logistique du stockage, de l'endroit où les Français pourront se faire vacciner, évidemment ça dépend du vaccin qui sera retenu ou distribué puisqu'ils n'ont pas tous les mêmes conditions de transport et de conservation.

CAROLINE ROUX
Ça ne nous quand au printemps ?

GABRIEL ATTAL
L'Agence européenne du médicament a indiqué ce week-end qu'elle pensait pouvoir donner une validation, un premier vaccin d'ici à la fin de l'année pour qu'ils puissent être distribué à partir du mois de janvier, c'est-ce que l'agence européenne a dit.

CAROLINE ROUX
Donc ça veut dire qu'en ce moment le gouvernement français prépare une campagne de vaccination pour le début de l'année.

GABRIEL ATTAL
On prépare une campagne de vaccination pour être prêt au moment où un vaccin sera validé par l'Autorité de santé européennes et nationales. Et pour pouvoir dans la foulée immédiatement lancer un vaccin.

CAROLINE ROUX
S'il est validé au début de l'année, on pourra organiser une campagne de vaccination ?

GABRIEL ATTAL
Oui bien sûr, c'est pour ça qu'on anticipe et qu'on travaille, donc il y a, je le disais les doses, la question du stockage et puis il y a une dernière question qui est celle des publics qu'on va priorise, est-ce que en priorité ce sera les publics vulnérables, par exemple les personnes âgées et les personnes qui ont des maladies chroniques ?

CAROLINE ROUX
Est-ce que vous avez décidé ?

GABRIEL ATTAL
Est-ce que ce sera les soignants ? À ce stade il n'y a pas de décision qui est prise puisque nous avons demandé leur avis aux autorités de santé, je pense à la Haute autorité de santé et au Comité consultatif national d'éthique qui vont nous remettre dans les prochains jours leur avis, là aussi ça dépendra évidemment des propriétés du vaccin qui sera retenu.

CAROLINE ROUX
En tout cas ce que ce que l'on retient ce matin de ce que vous nous dites Gabriel ATTAL, c'est, il ne manquera pas de vaccin, nous ne serons pas en retard sur les campagnes de vaccination.

GABRIEL ATTAL
Non précisément parce qu'on se met en condition d'être prêt au moment où un vaccin sera validé, mais vous savez il faut toujours considérer que c'est encourageant quand il y a des bonnes nouvelles sur le front de la recherche, il faut aussi être prudent. Voilà on se met en condition d'être prêt mais à ce stade je rappelle que la phase 3 n'est pas terminée, que ce sont des résultats préliminaires, donc il vaut mieux être prudent et avoir une bonne nouvelle que se précipiter avant une grosse déconvenue.

CAROLINE ROUX
Qu'est-ce qu'il présidera aux choix du vaccin au niveau européen mais aussi et surtout j'imagine au niveau national et politiques de santé, qui sont du registre de la souveraineté nationale, ce sera le moins cher, ça sera le plus efficace, ce sera celui qui est prêt en premier ?

GABRIEL ATTAL
Ce sera celui qui nous donne le plus de chances de contenir l'épidémie, alors je comprends que derrière ça il y a une batterie de critères, mais c'est pour ça qu'on a des autorités de santé qui peuvent nous éclairer, la Haute autorité de santé, l'Agence nationale de sécurité du médicament. Évidemment il y a un critère sur lequel on ne dérogera pas, c'est celui de la sécurité et celui du moindre risque puisque vous savez qu'un produit de santé voilà il faut vérifier que toutes les conditions de sécurité sont remplies.

CAROLINE ROUX
Est-ce que la nationalité ? Je ne sais pas si c'est comme ça qu'on dit, du vaccin entrera en ligne de compte dans la décision qui sera prise ? Est-ce qu'on va attendre le bon vaccin de SANOFI ou est-ce qu'on prendra le bon vaccin de PFIZER ou MODERNA ?

GABRIEL ATTAL
Je crois qu'on prendra le vaccin qui est disponible le plus rapidement possible et qui garantit une efficacité importante. C'est ça aussi un critère parce que vous avez tous les vaccins présenteront peut-être pas la même efficacité.

CAROLINE ROUX
94,5 c'est assez…

GABRIEL ATTAL
Il y a une question autour de la durée d'immunisation aussi, il y a des vaccins qui visiblement peuvent immuniser sur quelques mois, d'autres sur un nombre de mois plus important, donc on retiendra le vaccin qui a la plus grande efficacité pour les Français.

CAROLINE ROUX
En attendant le vaccin, je lisais de bonnes nouvelles sur le front du Covid même si évidemment la lutte n'est pas terminée, qu'il faut pas relâcher nos efforts et cette colère, j'en parlais en début d'interview de ces commerçants qui demandent une réouverture pour les week-ends importants de fin novembre avant les fêtes de Noël, est-ce que vous annoncez ce matin Gabriel ATTAL que les commerces pourront rouvrir pour le week-end du Black Friday ?

GABRIEL ATTAL
Alors je n'ai pas d'annonce à faire ce matin, mais je vais dire une chose très claire aux commerçants qui nous écoutent et qui je le sais en colère, sont inquiets et parfois sont très inquiets pour leur situation évidemment parce que la situation est très difficile financièrement. Et je rappelle que les commerçants pourront bénéficier d'une aide jusqu'à 10 000 euros pour compenser leur chiffre d'affaires de novembre, ils pourront la demander au tout début du mois de décembre et quelle sera versée dans les jours qui suivent. Mais en attendant moi je parle beaucoup avec des commerçants et ils disent, tant qu'on ne voit pas l'argent, on y croit pas bon, et on veut rouvrir, parce qu'on parle de personnes qui ont envie de vivre de leur travail et pas de survivre grâce à des aides de l'Etat. Donc ce que je dis c'est que pour l'instant le Premier ministre a annoncé qu'on se fixait un objectif du 1er décembre pour leur permettre de rouvrir, si la situation sanitaire continue à s'améliorer parce que vous l'avez dit, il y a des nouvelles encourageantes mais elles restent graves, on a toujours plus de patients à l'hôpital aujourd'hui qu'au moment du pic de la première vague. On est à l'hôpital sur un début de stabilisation, on n'est pas sur une décrue encore à l'hôpital.

CAROLINE ROUX
Donc la décision n'est pas prise pour le week-end de fin novembre ?

GABRIEL ATTAL
La décision sera prise dans le courant de la semaine prochaine. Ce que je veux dire, c'est que aujourd'hui l'objectif c'est le 1er décembre mais évidemment s'il y a de très bonnes nouvelles, que la situation continue à s'accélérer de manière positive, évidemment qu'on fera au mieux pour que les commerçants puissent travailler. Notre souhait c'est que les commerçants puissent rouvrir le plus rapidement possible. Mais le possible, c'est la situation sanitaire.

CAROLINE ROUX
On a entendu que la décision sera prise dans le courant de la semaine prochaine en fonction des résultats de l'épidémie. Est-ce que vous regrettez Gabriel ATTAL, alors c'est peut-être pas vous qui l'avez choisi cette expression-là, d'avoir parlé de commerces non essentiels ?

GABRIEL ATTAL
Oui. Je suis solidaire de cette fois parce qu'il m'est arrivé de parler, d'utiliser ce terme et c'est vrai c'est un terme entre guillemets juridique qui est un peu consacré, mais c'est vrai que ça a pu donner le sentiment que certains n'étaient pas essentiels, or on a besoin de nos commerçants, on a besoin d'eux pour l'art de vivre à la française pour faire vivre notre économie, donc oui je préfère parler de produits de première nécessité.

CAROLINE ROUX
Est-ce que vous assumez de dire aux restaurateurs, aux bars ce matin qu'ils ne rouvriront pas avant Noël et comme on l'a entendu ce matin sur France Info qu'ils rouvriront peut-être à partir du 15 janvier ?

GABRIEL ATTAL
Ce que je leur dis c'est que le Premier ministre a été clair dans sa conférence de presse sur le fait que ce qui était prévu comme possible réouverture au 1er décembre, ce sont les commerces qui ne sont pas des cafés, restaurants, bars et boîtes de nuit même si je n'ai pas tous dans le même panier, mais en tout cas ces établissements-là ne réouvriront pas le 1er décembre, tout comme au moment du déconfinement du printemps dernier, ils avaient rouvert plus tard, pourquoi, parce qu'on sait que ce sont des lieux où le virus se transmet…

CAROLINE ROUX
Ils veulent juste des perspectives.

GABRIEL ATTAL
Oui je sais.

CAROLINE ROUX
Dites-nous si c'est le 15 janvier, c'est possible que ce soit le 15 janvier ?

GABRIEL ATTAL
Ils auront des perspectives au début du mois de décembre pour l'instant il n'y a pas de calendrier arrêté. On travaille là sur les assouplissements puis sur le déconfinement, on est en train de faire un calendrier. Je comprends qu'il faut de la visibilité, vous savez j'ai travaillé dans la restauration, j'ai un cousin qui a son restaurant à Paris, ils sont inquiets ils ont envie d'avoir des perspectives. On leur en donnera dans les prochaines semaines.

CAROLINE ROUX
Y compris par exemple leur dire pour Noël ça paraît compliqué.

GABRIEL ATTAL
Si c'est le cas évidemment qu'on leur dira le plus tôt possible.

CAROLINE ROUX
Aujourd'hui on ne peut pas encore leur dire.

GABRIEL ATTAL
Aujourd'hui il y a pas de décision qui est prise sur le calendrier, j'entends, je vois dans la presse des pistes qui sont avancées, moi je pense qu'il faut toujours être prudent même si voilà pas il n'y a pas de calendrier qui est annoncé.

CAROLINE ROUX
C'est clair. Une étude de Malakoff Humanis révèle que les arrêts maladie sont en augmentation avec des troubles psychiques qui augmentent, des troubles psychologiques au sein même de l'entreprise avec des arrêts maladie longue durée, est-ce que vous craignez, j'allais dire une 3e vague psychologique, en tout cas un effet qu'on aurait peut-être pas suffisamment mesuré du confinement et la crise du Covid sur le moral d'une manière générale des Français ?

GABRIEL ATTAL
Moi je crains cette vague, peut-être ultime vague invisible de dépression, peut-être de suicide, on a vu à chaque crise, que ce soit en 1929 en 2008 qui avait cet impact psychologique et aujourd'hui ce virus nous fait renoncer à tout ce qu'on aime, c'est-à-dire le lien avec nos proches, la possibilité de retrouver nos familles, la possibilité de créer du lien avec les autres. En même temps assez peu de possibilités d'avoir des exutoires comme on dit puisque la culture, le sport, la fête ne sont pas aujourd'hui possibles. Donc oui je crains ça, c'est un sujet sur lequel je compte mobiliser personnellement. J'étais vendredi dernier au CHU de Lille pour rencontrer des psychiatres sur ce sujet, je vais en rencontrer d'autres, ce que je retiens c'est qu'il y a un élément qui accroît le risque, enfin le risque d'impact sur la santé mentale, c'est l'isolement quelle, quel que soit l'âge. Et donc moi vraiment je lance un appel aux Français à s'engager s'ils le peuvent donner un peu de leur temps pour rompre l'isolement. Il y a des associations qui permettent de le faire aujourd'hui, je pense à la protection civile, je pense aussi je veux aider.gouv.fr, on vous met en relation avec des personnes qui sont seules, je salue le travail de la Croix-Rouge, c'est un point sur lequel tout le monde peut se mobiliser.

CAROLINE ROUX
Vous êtes sur le plateau de télé matin, je ne peux pas vous poser cette dernière question qui concerne la liberté d'informer, la loi sur la sécurité globale est aujourd'hui à l'Assemblée, l'article 24 prévoit de punir d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende la diffusion dans un but malveillant d'image du visage d'un policier ou d'un gendarme, est-ce que ça n'est pas le risque de porter atteinte à la liberté d'informer, très vite Gabriel ATTAL ?

GABRIEL ATTAL
Non. J'ai vu beaucoup de choses circuler et beaucoup de choses être dites sur cet article et je veux être très clair. Que vise cet article : protéger nos policiers qui sont victimes d'agressions parfois très graves et de menaces en disant que seront poursuivis des personnes qui diffusent un moyen d'identifier le policier que ce soit notamment son visage, dans le but qu'il soit porté atteinte à leur intégrité physique ou psychique, mais évidemment pas une interdiction de filmer et de diffuser des policiers en manifestation ou en intervention, il faut très claire sur ce point-là. J'ai entendu beaucoup de choses circuler qui disaient, on n'aura plus le droit ou les journalistes ou des citoyens n'auront plus le droit de diffuser des images, si ils seront poursuivis si en publiant leur image ; ils l'accompagnent d'un message par exemple qui vise à s'en prendre à tel policier parce qu'il est reconnaissable sur la vidéo.

CAROLINE ROUX
Merci beaucoup d'avoir été notre invité Gabriel ATTAL.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2020