Déclaration de M. Joël Giraud, secrétaire d'Etat à la ruralité, sur l'Agence nationale de la cohésion des territoires, au Sénat le 18 novembre 2020.

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Circonstance : Débat organisé au Sénat à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur l'Agence nationale de la cohésion des territoires, un an après sa création.

Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l'auteur de la demande dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l'issue du débat, l'auteur de la demande dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

(…)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le groupe RDSE d'avoir demandé l'inscription à l'ordre du jour de ce débat sur l'Agence nationale de cohésion des territoires, un an après sa création.

Certes, contrairement à ce qu'indique l'intitulé du débat, l'ANCT n'a pas tout à fait un an, puisqu'elle a été créée le 1er janvier 2020.

Par ailleurs, si l'agence a bien été juridiquement créée en janvier 2020, la fusion des personnels, l'élaboration de l'organigramme et celle de sa feuille de route, ainsi que les négociations en vue de la signature des conventions pluriannuelles avec d'autres opérateurs ont nécessité plusieurs mois de travail.

Il est donc temps, à l'approche de ce premier anniversaire, de dresser un premier bilan de ce jeune établissement public. Je voudrais d'emblée, avant de répondre à vos questions, remercier les services de l'ANCT de leur concours indispensable et efficace, dont je me rends compte quotidiennement en ma qualité de secrétaire d'État à la ruralité.

Les services de l'ANCT ont été mis à disposition de mon ministère, dans le cadre de la politique de développement des territoires ruraux, qui m'a été confiée par le Président de la République et le Premier ministre. À ce titre je suis notamment chargé du suivi de la mise en oeuvre de l'agenda rural, une politique dont l'ANCT assure la coordination.

Les avancées du dernier comité interministériel, qui s'est tenu le 14 novembre dernier, ont été saluées de toutes parts. Elles montrent tout l'apport de l'ANCT dans le travail interministériel et l'intérêt d'avoir un opérateur spécialisé.

À cette occasion, nous avons engagé un nouveau dispositif prévu par l'agenda rural, auquel je tenais beaucoup, à savoir le volontariat territorial en administration, le VTA, sur le modèle du VTE, le volontariat territorial en entreprise.

Ce dispositif est de nature à renforcer l'ingénierie à disposition des territoires et des petites collectivités. En effet, ce sont, à terme, 800 jeunes qui pourront bénéficier de cette possibilité, donc 800 collectivités qui seront accompagnées en ingénierie, notamment dans le temps du plan de relance.

Les jeunes VTA apporteront un concours précieux à ces collectivités pour monter leur projet. En retour, ils acquerront une expérience professionnelle valorisante. C'est que j'appelle du gagnant-gagnant, au service des territoires et de la jeunesse.

Nous montons également, dans le cadre de l'agenda rural, des partenariats renforcés avec certains ministères, pour enrichir le soutien que nous apportons aux collectivités locales. C'est le cas pour le déploiement des projets alimentaires territoriaux. En lien avec le ministère de l'agriculture, 80 millions d'euros ont été ouverts, dont 5 millions d'euros en ingénierie.

Comme vous le constatez au travers des avancées du comité interministériel aux ruralités, le Gouvernement partage votre point de vue sur l'importance de l'ingénierie dans les territoires. Il fait donc en sorte que l'ANCT complète son offre en la matière.

L'ANCT a également pour objectif de simplifier la relation entre les élus locaux et l'État. Je le rappelle, la création de l'agence visait à répondre au souhait exprimé par les élus locaux de disposer d'un accès simple aux services de l'État et aux différents opérateurs qui interviennent pour soutenir leurs projets.

L'organisation de l'ANCT est d'ailleurs déconcentrée, et les préfets sont les délégués départementaux de l'ANCT dans les territoires. Les commissariats de massifs sont également des relais territoriaux de l'agence dans les massifs de montagnes. Les associations d'élus participent directement au conseil d'administration de l'agence, qui est présidé par Caroline Cayeux, la maire de la ville de Beauvais.

En outre, au travers de ses divers programmes nationaux d'intervention, l'agence est aussi le bras armé de la politique de cohésion des territoires.

J'ai cité l'agenda rural et l'organisation récente du comité interministériel. Nous avons également lancé la conception d'un programme dédié à la montagne, lors du congrès de l'ANEM, l'Association nationale des élus de la montagne, qui devrait aboutir à la mi-mai 2021. Vous connaissez également les programmes France Mobile et France Services, qui sont des succès.

Durant ce débat, j'aurai sans doute l'occasion de dresser un premier bilan de plusieurs programmes emblématiques de l'agence, tels que Petites villes de demain, Action coeur de ville, Territoires d'industrie, ou encore Nouveaux lieux, nouveaux liens.

Par exemple, pour Action coeur de ville, quelque 222 villes ont été sélectionnées et ont bénéficié de près de 1,4 milliard d'euros en moins de deux ans. À terme, 5 milliards d'euros seront engagés sur ce programme.

Le programme Petites villes de demain a été lancé le 1er octobre 2020. Le comité interministériel aux ruralités a été l'occasion d'annoncer la première vague de labellisations, avec 170 communes sélectionnées dans trois régions : PACA, ou plutôt Sud, pour respecter la nouvelle dénomination de la région, Centre-Val de Loire et La Réunion.

Au-delà, n'oublions pas que l'agence intervient aussi en soutien à l'ingénierie en dehors de tout programme. Sur les neuf premiers mois de l'année, 80 dossiers ont fait l'objet d'une sollicitation de l'agence, en dehors des programmes nationaux qu'elle pilote. Pour cette ingénierie sur mesure, une enveloppe de 20 millions d'euros, soit 10 millions supplémentaires par rapport à 2020, est prévue dans le projet de loi de finances pour 2021, comme vous l'avez souligné, monsieur Requier.

Le doublement des crédits d'ingénierie de l'ANCT constituait une demande forte du ministère dans le cadre des négociations budgétaires. En effet, bien souvent, ce ne sont pas les financements et les idées qui manquent ; c'est l'ingénierie qui fait défaut pour les plus petites collectivités.

Notre objectif est de les aider à monter leurs projets et à se saisir des crédits que l'État met à leur disposition. Je pense en particulier aux crédits de la relance, pour le déploiement desquels nous comptons énormément sur les territoires. À cette fin, l'ANCT sera pleinement mobilisée pour assurer la déclinaison et la réussite du plan France Relance. La philosophie de ce plan, vous le savez, est une réponse territorialisée à la crise.

Je partage avec le Premier ministre la conviction que la relance se fera par les territoires. C'est pourquoi nous avons opté pour une large déconcentration des crédits au niveau des préfets. L'ANCT a participé aux travaux préparatoires du plan de relance et a contribué à nourrir la réflexion gouvernementale dès le printemps et durant tout l'été. C'est ainsi que plusieurs chapitres du plan de relance concernent directement ou indirectement l'ANCT.

Outre la mobilisation exceptionnelle de 250 millions d'euros sur deux ans du Fonds national d'aménagement et développement du territoire, le FNADT, outre les programmes nationaux que j'ai cités et qui se voient allouer de nouveaux moyens, l'ANCT assurera la gestion du fonds de subventions d'investissement mis en place par l'État, pour soutenir les opérations de restructuration des locaux d'activité dans le cadre de création de foncières de redynamisation territoriale. Ce fonds représente 180 millions d'euros, dont 60 millions sur les deux premières années.

L'ANCT est également mobilisée sur plusieurs autres volets du plan de relance, comme la rénovation énergétique des bâtiments, l'inclusion numérique, avec la généralisation de la fibre d'ici à 2025 et les opérations de rénovation des réseaux électriques, d'eau potable ou d'assainissement.

Pour résumer, l'ANCT, je tiens à le souligner, sera présente dans l'ensemble du champ de l'action publique : industrie, transition écologique, mobilité, jeunesse, numérique et culture.

Forte de son expérience en matière de contractualisation avec les collectivités, l'agence sera impliquée dans l'élaboration des contrats de relance et de transition écologique, qui prendront la dénomination de contrats de ruralité de transition écologique dans les territoires ruraux, ce qui permettra une diffusion rapide de ces contrats sur les territoires.

En conclusion, madame la présidente, monsieur Requier, mesdames, messieurs les sénateurs, l'agence est désormais pleinement opérationnelle et répond aux objectifs que lui avait fixés la loi du 22 juillet 2019.


Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l'auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n'ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'Agence nationale de la cohésion des territoires, dont la création est récente, vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, est né d'une demande forte des élus locaux visant à être accompagnés et soutenus, face aux complexités administratives qui freinent parfois leurs initiatives, leurs politiques de développement du territoire et la mise en place de leurs projets locaux.

Les collectivités territoriales ont dû faire face ces derniers mois à la crise de la Covid. Le déploiement des projets a dû s'effacer temporairement face à l'urgence sanitaire. Les dégâts de la crise actuelle mèneront sans doute à une sollicitation accrue des collectivités, qui souhaiteront les réparer et assurer, par exemple, une revitalisation de leur centre-ville, les petits commerces et les artisans locaux faisant battre le coeur de nos territoires.

Il y a eu aussi, à la suite des dernières élections, l'arrivée de nouvelles équipes municipales, qui portent, de plus en plus souvent, des projets de transformation écologiste visant à renforcer le besoin d'individualisation de l'accompagnement pour la mise en place de nouvelles ambitions de gestion et de soutien pour la mise en oeuvre de projets de territoire, plus durables, afin de faire face à des défis tels que la transition énergétique.

Si l'ambition première de l'ANCT est l'ingénierie d'appui, que ce soit d'un point de vue réglementaire, juridique, financier, administratif ou de projets, plusieurs points restent encore sans réponse. Ils concernent l'efficacité réelle ou espérée du dispositif et sa capacité à répondre à la demande de recherche d'équilibre et d'équité entre les territoires.

J'en pointerai deux, avec une bienveillance naturelle pour un nouveau-né que nous espérons voir se développer harmonieusement et rapidement.

Premièrement, l'agence se veut l'outil de simplification des démarches. Je souhaiterais connaître les modalités d'évaluation de l'impact que l'ANCP pense apporter. Comment allez-vous évaluer l'efficacité de cet outil en termes de services rendus aux collectivités ? Gain de temps ? Baisse des coûts des projets ?…

Deuxièmement, les collectivités territoriales sont parfois enracinées dans un modus operandi tel qu'elles cherchent toujours un appui auprès de certains organismes. Pensez-vous avoir suffisamment impliqué, jusqu'à présent, les élus locaux, pour promouvoir votre agence, afin que celle-ci ne devienne pas un établissement public de plus ? Comment comptez-vous faire pour induire rapidement le réflexe ANCT auprès des élus ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur, qui porte à la fois sur l'implication des élus et sur leur prise en compte. Ces derniers sont très impliqués dans les projets de l'agence, et ce à plusieurs niveaux.

Tout d'abord, au niveau national, l'ANCT, je le rappelle, est un établissement public doté d'un conseil d'administration comprenant de nombreuses personnes représentant des associations d'élus, ainsi que des parlementaires.

Je me souviens d'ailleurs très bien du débat ayant présidé à la création de l'agence, puisque, à l'époque, j'étais parlementaire. Je faisais partie des gens qui souhaitaient que certaines associations spécialisées en soient partie prenante, notamment l'Association nationale des élus de la montagne. J'ai toujours eu une ruralité un peu en pente ! (Sourires.)

Par ailleurs, la présidence du conseil d'administration est confiée à une élue, qui est la présidente de Villes de France et qui me semble particulièrement efficace sur le terrain. Au niveau local, des comités locaux de cohésion territoriale sont présidés par le préfet de département, qui en arrête la composition. Je vous invite d'ailleurs, le cas échéant, comme certaines associations l'ont fait, à faire remonter au ministère les éléments relatifs à un éventuel déséquilibre de leur composition. (M. Guy Benarroche acquiesce.)

Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une organisation dont les niveaux locaux sont importants.

Enfin, l'agence intervient en appui des collectivités et de leurs projets, au travers des programmes qui lui sont proposés au niveau départemental. Il s'agit d'avoir, au niveau départemental, des projets menés en concertation par les préfets et les élus locaux. Ces projets devront être financés par des crédits déconcentrés, mis à disposition des préfets dans chaque département.

C'est une logique inverse de ce qui se pratique habituellement dans notre pays. Elle me permet d'affirmer que les élus locaux sont particulièrement concernés.

Quant aux mesures de l'impact de l'action de l'ANCT, les programmes de l'agence sont suivis par des indicateurs très précis relatifs à la vie quotidienne.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier le groupe RDSE de ce débat important, qui se tient quasiment un an après la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires.

Monsieur le secrétaire d'État, l'une des principales missions de l'Agence nationale de la cohésion des territoires est d'accompagner les projets des collectivités les plus fragiles, que celles-ci soient urbaines, périurbaines, rurales ou ultramarines, en prenant en compte leurs spécificités territoriales. L'État doit être facilitateur pour les collectivités.

À cet effet, l'agence disposait pour l'année 2020 d'un soutien à hauteur de 54 millions d'euros au titre de sa subvention pour charges de service public. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une augmentation de 7 millions d'euros, portant ainsi ce montant à 61 millions d'euros, afin de permettre le doublement du montant de l'ingénierie destinée à appuyer des projets sur mesure, portés par les territoires.

Avec une telle augmentation de son budget, plus de 300 équivalents temps plein à disposition, et un contexte sanitaire accentuant la fragilité des territoires, comment l'ANCP entend-elle participer à la mise en oeuvre du plan de relance dans ces territoires ?

En effet, son engagement auprès des territoires les plus fragiles, au même titre que la mobilisation de l'ensemble des acteurs ruraux, est impératif pour relever les défis de la relance.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, cher Bernard Buis, vous m'interrogez sur le rôle que l'ANCT jouera dans la mise en oeuvre du plan de relance.

Vous le savez, la philosophie du plan de relance, à savoir une réponse territorialisée à la crise, s'appuyant sur les territoires, qu'il s'agisse des collectivités territoriales ou des services déconcentrés de l'État, est en parfaite concordance avec les démarches poursuivies par l'agence.

En effet, l'ANCT est l'opérateur dédié à l'accompagnement des projets des collectivités territoriales. À ce titre, elle s'impliquera pleinement dans la déclinaison territoriale du plan de relance.

Plusieurs des programmes nationaux de l'agence, dont l'action s'insère d'ailleurs dans un cadre interministériel, seront directement mobilisés dans le cadre du plan de relance.

Je pense notamment aux programmes Action coeur de ville, Petites villes de demain, Territoires d'industrie et Nouveaux lieux, nouveaux liens, mis en place dans votre territoire du Diois, à l'inclusion numérique, à l'agenda rural, ou encore à tous les programmes de la politique de la ville, qui pourront s'appuyer sur des crédits ouverts au type des différentes actions qui sont conduites par le plan de relance.

Ainsi, pour ce qui concerne le programme Territoires d'industrie, piloté en lien avec le ministère chargé de l'industrie et les régions, un fonds de 400 millions d'euros sur la période 2020-2022, dont 150 millions d'euros dès 2020, est créé dans le cadre du plan de relance, pour soutenir les projets d'investissements industriels dans ces territoires.

Par ailleurs, forte de son expérience en matière de contractualisation avec les collectivités, l'ANCT sera pleinement impliquée dans le pilotage et la coordination des contrats territoriaux de relance et de transition écologique. La contractualisation avec les collectivités territoriales participera pleinement à la réussite de ce plan de relance. Cela permettra d'associer les collectivités au financement des actions, afin de créer un effet de levier sur les crédits de l'État.

Enfin, nous aurons l'occasion d'évoquer ce point à plusieurs reprises au cours du débat, l'accompagnement sur mesure des projets optimisera la mobilisation de l'ingénierie nécessaire à la réalisation effective des opérations. Les crédits supplémentaires du plan de relance permettront de répondre massivement et rapidement aux saisines des collectivités qui souhaitent participer à ce plan de relance.

Ces crédits permettront aux préfets de département de mobiliser plus facilement l'ingénierie locale disponible, telle que je l'ai décrite tout à l'heure, en réponse à la question de M. Benarroche.

Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis heureuse que mon groupe ait mis à l'ordre du jour ce débat relatif à l'Agence nationale de la cohésion des territoires.

Les missions qui lui ont été confiées en termes de conseil et de soutien aux collectivités dans la mise en oeuvre de leurs projets la rendront, je l'espère, incontournable auprès des territoires, notamment les territoires hyper-ruraux, comme mon département de la Lozère.

Publié en juillet dernier, le rapport intitulé Les Collectivités et l'ANCT au défi de l'ingénierie dans les territoires, de nos collègues Josiane Costes et Charles Guené, a mis en avant des faits que nous observons sur nos territoires.

Si l'ingénierie locale s'est développée, elle n'est pas venue compenser le retrait progressif de l'État. Ainsi, nombre de territoires en manque de moyens financiers ne peuvent répondre aux appels à projets, ce qui alimente la concurrence entre territoires, au profit des pôles urbains.

Les auteurs du rapport ont pris en compte la demande d'ingénierie, en proposant de faire de l'ANCT le pivot de la mutualisation et des ressources locales. Les propositions 15 et 16 de ce rapport prévoient notamment la création d'une plateforme numérique centralisant les moyens d'ingénierie publique et la diffusion des bonnes pratiques, par un retour d'expérience sur l'espace « projet ».

Cette notion de diffusion et de partage est, selon moi, centrale si l'on souhaite non pas alimenter la concurrence, mais bien faire primer l'alliance entre nos territoires.

Aussi, monsieur le ministre, après plus d'un an d'existence de l'ANCT, pouvez-vous nous éclairer sur l'articulation de ses prérogatives d'ingénierie, ainsi que sur la manière dont celles-ci s'exercent aujourd'hui ? Des évolutions ou des ajustements sont-ils prévus ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur les prérogatives d'ingénierie au sein de l'ANCT. Il s'agit bien évidemment d'une question centrale pour nos territoires.

Vous avez raison de le souligner, cette notion de diffusion et de partage est primordiale, notamment grâce à la centralisation des moyens d'ingénierie publique et la diffusion des bonnes pratiques par un retour d'expérience sur l'espace « projet ».

La loi créant l'ANCT a donné à cette dernière la mission de « faciliter l'accès des porteurs de projets aux différentes formes, publiques ou privées, d'ingénierie juridique, financière et technique qu'elle recense […]. »

La disponibilité des ressources en ingénierie est aujourd'hui extrêmement morcelée et inégalement accessible sur le territoire. Les acteurs sont nombreux. Ils proposent des aides financières, des dispositifs d'accompagnement et une expertise qui sont souvent difficiles à identifier pour les porteurs de projets, surtout les plus petits d'entre eux.

De ce fait, différentes plateformes ont été développées. Elles impliquent des acteurs variés – l'État, les collectivités, des associations et des opérateurs –, pour diffuser les outils de méthode et les ressources disponibles. Il y a là des annuaires, des guides, des boîtes à outils et des sites internet consacrés à des retours d'expérience et de bonnes pratiques.

Aussi, plutôt que de développer un nouvel outil de recensement de l'ingénierie, l'ANCT a souhaité s'associer et contribuer au développement d'une plateforme existante, qui dispose des fonctionnalités utiles à la mission de l'agence. Il s'agit de la plateforme Aides-territoires, qui est développée dans le cadre de la Fabrique numérique par le ministère de la transition écologique.

C'est un portail internet qui référence les aides, qu'elles soient ou non financières, à tous les territoires. Il s'adresse aux agents des collectivités et leur permet de s'y retrouver face à la multitude d'aides publiques qui sont à leur disposition.

Elle permet de dresser rapidement un état des lieux des aides publiques disponibles sur un territoire donné, de l'échelle communale jusqu'à l'échelle nationale, d'offrir à toutes les collectivités le même niveau d'information et de faciliter et d'améliorer la communication sur les aides publiques pour ceux qui les portent.

Si vous y ajoutez les moyens locaux que nous allons mettre à disposition des collectivités – je pense en particulier aux VTA, les volontaires territoriaux en administration –, je pense que cette plateforme sera plus facile encore à manier avec le meccano qui se met en place.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a un an, le Parlement a donc voté la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, préfigurée par le rapport Morvan et censée incarner une vision profondément renouvelée de l'action de l'État dans les territoires.

Cette structure a soulevé une vague d'espoir parmi les élus, qui en attendaient du soutien financier, mais également de l'expertise pour mener à bien leurs projets, surtout pour les plus petites collectivités. Celles-ci subissent en effet, et de plein fouet – nous en voyons beaucoup d'exemples dans nos départements ruraux –, l'affaiblissement de l'ingénierie des services de l'État sur le terrain et le désengagement, voire la fermeture, des services publics de proximité, ce recul se conjuguant avec une baisse continue des dotations.

Pourtant, en cette période inédite, comment méconnaître qu'elles sont les acteurs incontournables de la relance ? Face à ce constat, malheureusement, l'agence peine toujours à convaincre.

Tout d'abord, elle a confirmé nos craintes concernant un renforcement des pouvoirs des préfets, devenus omnipotents.

Par ailleurs, au regard de l'ensemble de ses missions, son activité aura été bien faible et resserrée. Ainsi l'agence a-t-elle été sollicitée uniquement pour 81 projets, hors programmes nationaux ; sur ces 81 projets, 70 dossiers de restructuration commerciale étaient déjà en cours. D'autres dossiers relèvent d'une ingénierie sur mesure ; ceux-ci sont dotés d'une enveloppe doublée cette année à hauteur de 20 millions d'euros, une somme dérisoire.

L'agence, qui devait également nouer des partenariats avec l'ensemble des acteurs de l'État pour la transition écologique, risque enfin d'être pénalisée par la perte de 800 postes parmi les opérateurs de l'État en matière d'écologie cette année.

Quelle est donc la plus-value réelle de l'agence, dont la fonction essentielle est de jouer le rôle d'un guichet unique en mutualisant des moyens et des outils le plus souvent déjà existants, portés y compris par les départements ?

Monsieur le secrétaire d'État, ma question sera simple : comment faire toujours plus avec toujours moins ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, je vous trouve un peu dure avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires, tout simplement parce qu'il s'agit d'un nouveau-né, comme je l'ai dit ; et vous jetez déjà ce nouveau-né avec l'eau du bain… Je ne pense pas que ce soit utile.

Justement, si cette agence a été créée, c'est pour faire en sorte que des partenariats se nouent entre un certain nombre d'agences de l'État, qui mutualiseront ainsi leurs moyens au bénéfice des collectivités territoriales. C'est dans ce cadre qu'une ingénierie de qualité pourra être mise à disposition par ce que vous appelez, vous, une autorité préfectorale, mais qui selon moi relève plutôt du dialogue entre les maires, les autorités locales et, en effet, les préfets, un dialogue qui, tout de même, a fait ses preuves, pendant la crise du covid-19 notamment.

Je suis donc quelque peu étonné de vous entendre. Je viens de détailler les moyens d'ingénierie que nous mettons en oeuvre sur les territoires. Il s'agit de moyens d'ingénierie centraux : clairement, les agents de l'ANCT peuvent être mobilisés par les préfets.

Des partenariats ont été mis en place avec les agences qui travaillent pour le compte de l'ANCT de telle sorte que, justement, s'il s'agit d'un besoin spécifique, une agence d'État à forte compétence comme l'Agence nationale de l'habitat, l'ANAH, ou le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, le Cerema, intervienne sur ces territoires.

En complément de ces aides des agences d'État, des journées d'ingénierie ont été payées par un marché public de l'État afin d'obtenir du "cousu main", c'est-à-dire des ressources plus accessibles pour les territoires.

Je citais tout à l'heure les volontaires territoriaux en administration, ces jeunes diplômés forts de cinq à dix ans d'expérience auxquels on demande en général de bien vouloir s'adresser aux collectivités territoriales, ce qui veut dire qu'ils ne travaillent jamais ; ces jeunes diplômés, au nombre de 800 pour la seule année 2021, ce qui correspond grosso modo au nombre d'intercommunalités dans notre pays, vont pouvoir développer des projets dans ce cadre, avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires et évidemment avec les préfets.

La logique des projets que nous lançons est une logique où les territoires reprennent leurs droits, notamment leur droit à exister.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Je voudrais tout d'abord saluer l'initiative de nos collègues du RDSE, qui ont en quelque sorte provoqué la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires et qui, aujourd'hui, mettent en oeuvre cette démarche parlementaire remarquable consistant à en assurer le suivi.

Monsieur le secrétaire d'État, la délégation aux collectivités territoriales s'est très tôt intéressée à cette agence et, par le biais de nos collègues Josiane Costes et Charles Guené, a formulé treize propositions – c'est un chiffre porte-bonheur ! (Sourires.)

Il est sans doute un peu tôt pour faire un état des lieux de l'écho qu'ont reçu ces propositions, qui me paraissaient fort pertinentes. Pouvez-vous néanmoins vous engager à ce que cet écho puisse faire l'objet d'un suivi de la part de la délégation ?

Ma question sera double, monsieur le secrétaire d'État. Premièrement, comment éviterons-nous que l'agence soit simplement le bras armé de l'État pour aider des collectivités à répondre à des appels à projets qui sont souvent très frustrants et très mobilisateurs de temps ? Comment pourrait-elle devenir plutôt le bras armé des collectivités elles-mêmes, les aidant à réussir leurs propres projets ? Comment articulez-vous son action avec celle des agences départementales, quand elles existent ?

Deuxièmement, évaluer étant un souci et un devoir du Parlement, puis-je vous solliciter, en sorte que notre délégation obtienne un suivi de l'évolution de l'efficacité et du travail de cette agence par le biais d'un tableau de bord ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Gatel, vous avez posé un nombre important de questions, qui sont autant d'invitations à venir vous voir dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales, pour que nous puissions en discuter plus avant – en deux minutes, il est difficile de faire le tour de vos questions !

Vous m'interrogez sur les moyens d'appui en ingénierie qui sont ceux de l'agence et sur leur rapport aux projets locaux.

Vous le savez, l'ANCT dispose, pour 2021, d'un budget de 20 millions d'euros de crédits d'ingénierie sur mesure au profit des projets locaux. Mais la plus-value de l'agence ne réside pas seulement dans ces crédits : l'ANCT est avant tout un ensemblier – j'ai employé tout à l'heure le terme de "meccano" –, qui, via ses propres personnels et les équipes du préfet dans les départements, parvient à rassembler des porteurs de projets, des apporteurs de solutions, des financeurs et des savoir-faire.

J'ai pendant longtemps été président d'un comité de massif ; j'ai donc eu l'habitude de travailler avec des gens qui sont des ensembliers des politiques publiques. Et je vous prie de croire que ce qui fonctionne dans les massifs peut parfaitement bien fonctionner en dehors de ces derniers.

L'ANCT offre également un moyen de partager des expériences, des savoirs, des réussites ou des difficultés rencontrées. L'élément financier est certes indispensable, mais il ne saurait à lui seul résumer ce qu'apporte l'agence.

S'agissant de cet accompagnement totalement sur mesure des projets des collectivités territoriales, la doctrine d'intervention de l'agence repose sur trois principes.

Premier principe : la complémentarité avec l'intervention des acteurs locaux, l'ANCT n'ayant vocation à intervenir qu'en l'absence ou en raison de l'insuffisance de ressources mobilisables localement. Pour connaître particulièrement bien, notamment, les agences créées par les conseils départementaux et les moyens qui ont été mis en oeuvre dans ce cadre, je sais très bien le caractère essentiel de cette complémentarité.

La déconcentration, ensuite : c'est le préfet, délégué territorial de l'agence, qui examine en premier ressort toutes les demandes des collectivités.

Enfin – c'est l'un des piliers de l'agence –, la simplification et la coordination des acteurs : il y sera pourvu grâce à ces fameuses conventions qui seront conclues entre l'ANCT et les grands opérateurs de l'État que je citais tout à l'heure.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour la réplique.

Mme Françoise Gatel. Monsieur le secrétaire d'État, les membres de la délégation seront ravis de vous recevoir !

Vous disiez que l'agence est un nouveau-né ; mais il importe que ce bébé grandisse vite et bien et que, vraiment, les élus locaux puissent saisir, tout simplement, cette agence. Il y a, dans nos territoires, un vrai besoin d'ingénierie, non seulement en conception de projets mais aussi, parfois, en matière juridique.

Je souhaite que le dispositif soit simple d'accès et que chacun puisse repérer l'agence dans son territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie tout d'abord le groupe RDSE d'avoir permis la tenue de ce débat.

L'affaiblissement de l'État territorial a renforcé les inégalités en matière d'ingénierie et a contribué à ce sentiment d'abandon que, en tant qu'élus locaux, nous connaissons bien. L'ingénierie locale a souvent compensé efficacement ce retrait de l'État, mais de manière non uniforme.

Les collectivités les plus fragiles, dépourvues d'équipes et de moyens suffisants, sont amenées à se focaliser sur une logique où les dépenses d'investissement, l'ingénierie opérationnelle notamment, l'emportent sur les études en amont, alors que celles-ci permettent justement d'économiser des moyens en aval.

Face à cette situation, l'Agence nationale de la cohésion des territoires est apparue comme le remède à la désertion de l'ingénierie publique d'État.

En lieu et place du guichet unique annoncé et tant attendu par les élus locaux, l'ANCT serait une fabrique à projets à la main des préfets du département, apportant si elle le peut l'ingénierie nécessaire là où elle est défaillante. Ainsi, ce sont les territoires les plus vulnérables qui pourront bénéficier de l'ingénierie étatique, comme il est expliqué dans la feuille de route pour 2020 en date du 17 juin dernier.

Pour le moment, l'ANCT est, pour les élus, une espérance davantage qu'une réalité concrète, mais une espérance tout de même. Le programme Petites villes de demain vient tout juste d'être lancé, les comités locaux s'organisent, des « contrats de relance et de développement écologique » ont été promis par le Premier ministre lors du deuxième comité interministériel aux ruralités qui s'est tenu samedi dernier.

Toutefois, concrètement, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous préciser quelle complémentarité vous envisagez entre l'ingénierie locale et l'ingénierie nationale ? Va-t-il y avoir une contractualisation, une labellisation, une mutualisation ? L'ANCT sera-t-elle bientôt en capacité de fournir aux élus une cartographie exhaustive de tous les moyens d'ingénierie publique, au sens large du terme ?

Enfin – c'est le nerf de la guerre –, qui décidera, en dernier ressort, d'attribuer les crédits ? L'ANCT ? La direction générale des collectivités locales (DGCL) ? Les comités locaux de cohésion territoriale ? Les comités régionaux des financeurs ?

Voilà des questions simples, que se posent les élus et qui appellent des réponses simples.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Bigot, vous m'interrogez essentiellement sur l'articulation concrète entre l'offre d'ingénierie proposée par l'ANCT et l'ingénierie locale.

Dans plusieurs départements, je le disais, ont été déployés des dispositifs d'ingénierie ou d'appui à l'ingénierie au profit des collectivités ; je pense par exemple à toutes les agences techniques départementales, mais aussi aux services, déjà en fonction dans plusieurs collectivités, qui réalisent ces missions dans des domaines parfois très larges.

Cette dynamique d'ingénierie territoriale réaffirme notamment la place du département – vous avez en face de vous un membre du Gouvernement qui est plutôt départementaliste, parce qu'il est issu d'un territoire rural – dans son rôle d'assistance technique aux collectivités territoriales.

L'offre de l'ANCT – je l'ai dit tout à l'heure à Mme Gatel, mais je le répète volontiers – n'a vraiment pas vocation à entrer en concurrence avec l'existant, au contraire : sa vocation est d'être complémentaire. C'est pourquoi chaque préfet de département arrête lui-même la composition des comités locaux de cohésion territoriale : il a la possibilité d'y intégrer tout acteur susceptible d'y apporter des compétences, un savoir, une expérience, afin de favoriser les mutualisations lorsqu'elles sont possibles – et elles sont possibles dans nombre de cas.

Il faut s'assurer qu'une collectivité qui a un besoin auquel il peut aisément être répondu avec des moyens existants localement ne passe pas à côté faute d'en avoir eu connaissance ; en effet, cela arrive. Il s'agit aussi de permettre aux dispositifs existants d'être pleinement mis en oeuvre.

Ainsi, je le répète, la complémentarité avec l'ingénierie locale est constamment recherchée : l'ANCT propose une offre de services d'ingénierie sur mesure, qui n'est activée que lorsque l'offre d'ingénierie disponible localement ne suffit pas.

Elle est, en ce sens, particulièrement équitable : les départements qui n'ont pas été en mesure de mettre cette ingénierie en oeuvre pour des raisons par exemple financières pourront bénéficier de compléments émanant de l'ANCT, qui prendra ainsi en compte l'ingénierie disponible auprès de ses opérateurs partenaires, l'ANAH, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, l'Agence de la transition écologique, ou Ademe, le Cerema, la Banque des territoires, mais aussi l'ingénierie proposée par les collectivités territoriales.

Permettre le parfait déploiement de l'offre existante localement et assurer la bonne connaissance des dispositifs existants : voilà les conditions d'interaction entre l'ingénierie déployée par l'agence, d'une part, et l'ingénierie locale, d'autre part.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Force est de constater que, un an après sa création, quelques retards ont été pris dans l'installation de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, pour des raisons explicables notamment par la crise sanitaire et par le changement de préfigurateur.

Je voudrais néanmoins saluer la présidente de l'agence, Caroline Cayeux, ainsi que son directeur général, Yves Le Breton, et toute son équipe, pour leur volonté de mettre en place un fonctionnement efficace et partagé fondé sur la coordination des opérateurs nationaux avec lesquels l'agence a contractualisé ainsi qu'avec les préfets de département.

Trois aspects me paraissent aujourd'hui mériter de véritables garanties de votre part, monsieur le secrétaire d'État.

Il est nécessaire, tout d'abord, de valoriser et de mieux faire reconnaître l'action d'accompagnement des territoires dans leurs projets structurants qui est celle de l'agence et de mettre en exergue son rôle de pivot de la mutualisation des ressources locales d'ingénierie.

Le doublement de ses crédits d'ingénierie pour 2021 est un signe positif ; j'espère que ce geste sera par la suite amplifié. Il faut avant tout éviter que les grandes agglomérations, mieux pourvues, aspirent l'essentiel des financements, au détriment des territoires les moins outillés, et arriver au « cousu main ».

J'insisterai également sur l'importance des actions à mener pour garantir le rôle de l'agence et ses missions, en particulier auprès des territoires ruraux, dans la territorialisation du plan de relance. L'absence de toute référence à l'agence dans la circulaire du Premier ministre m'étonne et m'inquiète, alors que l'ANCT doit être l'outil des ministères sur les territoires.

Enfin, concernant le guichet unique, je constate un réel risque de perte d'efficacité et de doublon entre les nouvelles instances du plan de relance et les comités existants de l'agence, ce qu'il faut absolument éviter.

En conclusion, je forme le voeu que l'année 2021 montre l'efficacité de l'agence et clarifie le « qui fait quoi ». L'ANCT ne saurait être une simple réorganisation administrative d'agences de l'État sans moyens supplémentaires ; 2021 doit témoigner de sa performance dans la mise en place des politiques publiques au service des territoires, chose que nous appelions de nos voeux, Hervé Maurey et moi-même, dans un rapport dès 2017.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur de Nicolaÿ, je salue le rôle qui a été le vôtre dans la création de cette agence, puisque vous étiez le rapporteur du texte ici au Sénat. Vos questions sont nombreuses ; c'est légitimement que vous suivez un bébé que vous avez contribué à faire naître… (Sourires.)

Concernant cet accompagnement sur mesure, vous avez raison sur le "cousu main" : il faut avant tout éviter que les grandes agglomérations – ce sujet nous préoccupe particulièrement –, mieux pourvues en ingénierie, n'aspirent l'essentiel des financements, qu'il s'agisse des crédits du plan de relance, de la DSIL, la dotation de soutien à l'investissement local, ou d'autres crédits, au détriment de collectivités moins outillées. Il faut arriver au "cousu main " que tous, au ministère, nous souhaitons.

Je vous renvoie à ce que je disais sur la complémentarité avec les acteurs locaux. La déconcentration est aussi extrêmement intéressante : elle permet un dialogue avec le préfet, délégué territorial officiel de l'agence, qui examine en premier ressort l'intégralité des sollicitations et qui est l'interlocuteur unique des collectivités en matière d'accompagnement.

Il y a là une simplification et une coordination de tous ces grands acteurs. Pour avoir été maire pendant longtemps, je sais la difficulté de mobiliser par exemple l'ANAH ou l'Ademe sur un certain nombre de sujets. Il était très difficile d'obtenir un accès direct dans un cadre administratif classique.

Je rappelle également – je l'ai dit, mais j'y insiste encore – l'importance des 800 volontaires territoriaux en administration. C'est un élément de l'agenda rural, porté par la mission "Agenda rural", notamment par le député Daniel Labaronne et le sénateur Patrice Joly, qu'il me semble intéressant de mettre en oeuvre, parce que cela revient à placer de l'ingénierie au sein des collectivités territoriales de base, avec de jeunes diplômés – j'en ai déjà fait l'expérience dans le cadre d'autres fonctions.

C'est là le ressort même d'un travail accompli en bonne intelligence entre le patron, qui est le chef d'une collectivité territoriale, d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'une commune, et un jeune qui a envie de voir développer des projets sur un territoire dont il n'est pas forcément originaire, mais où il vient poser ses valises.

C'est de cette manière, parce que nous avons voulu que ces jeunes soient mobilisés dans le cadre du plan de relance, que nous arriverons à faire en sorte que ledit plan commence par les territoires, en particulier par les plus petits d'entre eux.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la réplique.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je dirai juste un mot pour remercier M. le secrétaire d'État de sa vision des choses très positive. À défaut de Dieu (Sourires.), puissent les services de l'administration vous entendre, afin que la coordination soit parfaite dans les actions de l'agence !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais vous livrer un retour d'expérience. Lors de la campagne des élections sénatoriales de cette année, j'ai relevé que, sur mon territoire, le département de la Haute-Garonne, l'ANCT suscitait de réelles inquiétudes, mais était aussi motif d'espoirs.

Ces craintes étaient partagées par beaucoup. Elles ont trait aux relations entre les élus et certains satellites des préfectures, comme les Dreal, les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, les DDT, les directions départementales des territoires, ou les ARS, les agences régionales de santé pour ne citer que ces exemples : ces relations semblent se dégrader. J'ai pu constater que de nombreux élus voyaient plus souvent leurs interlocuteurs comme des censeurs que comme de véritables partenaires.

Il est vrai que pour sa première année, l'ANCT doit faire face elle aussi à une crise sanitaire qui complexifie les besoins locaux. Les circonstances ajoutent des complications aux difficultés auxquelles était déjà confrontée une agence qui doit trouver son rythme.

L'année a aussi été marquée par l'installation de nouveaux élus locaux, qui devront faire face à la pandémie et à des reports d'élections. On voit les difficultés s'accroître et les demandes se diversifier. Nous ne devons pas oublier que l'objectif premier de l'ANCT est de favoriser et d'améliorer ce que l'on appelle communément l'ingénierie territoriale.

Les mois et années qui viennent seront consacrés à la relance du pays. La territorialisation du plan de relance, que vous avez évoquée lors de votre audition il y a quinze jours par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, place l'ANCT dans une position d'acteur principal. La confiance dans l'agence et dans son bon fonctionnement est donc essentielle.

Monsieur le secrétaire d'État, les préfets sont considérés comme les délégués territoriaux de l'ANCT ; comment comptez-vous corriger les petits problèmes pratiques constatés sur le terrain ? Cela pourrait-il passer par un renforcement du rôle et des pouvoirs dévolus aux préfets, allié à quelques ajustements permettant de profiter pleinement du concept séduisant de "guichet unique" ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, je ne répéterai pas ce que j'ai dit à nombre de vos collègues concernant l'ingénierie et la façon dont il faut la concevoir. Je voudrais simplement faire un point sur votre département et sur les problèmes que vous soulevez ; une campagne sénatoriale venant de s'achever, je comprends que vous en ayez identifié.

Pour ce qui est de la Haute-Garonne, le comité local de cohésion territoriale a été installé le 4 novembre. Ce comité est présidé par le préfet, évidemment, mais il comprend beaucoup d'élus locaux, ainsi que des acteurs locaux de l'économie et de l'aménagement. La feuille de route de votre département a été tracée et présentée à l'occasion de cette récente réunion.

Le premier axe est de faire connaître et de proposer aux élus locaux les apports possibles en ingénierie territoriale et d'identifier avec eux les projets concrets qui pourraient bénéficier de cet appui.

Le second axe consiste à nouer des partenariats avec les acteurs de l'ingénierie territoriale du département, en premier lieu le conseil départemental, pour travailler efficacement.

Le troisième axe revient à définir les thématiques précises d'intervention de la délégation dans ces territoires, qui font miroir avec les priorités gouvernementales, comme le « zéro artificialisation nette », un sujet important, la souveraineté alimentaire ou la transition écologique et énergétique.

La délégation locale intervient déjà sur une série de projets, dont je vous donne quelques exemples : opération de revitalisation du territoire de Saint-Gaudens, à propos de laquelle je vous indique – je pense que vous le savez – que la candidature montée conjointement avec la commune, la communauté de communes et la DDT est lauréate d'un appel à projets intitulé "ateliers flash d'aménagement" ; accompagnement d'une requalification de friche industrielle au Vernet ; accompagnement de projets de territoires à Fronton et à Villemur-sur-Tarn ; mise en place d'une zone maraîchère à Blagnac ; accompagnement d'un projet de méthaniseur à Boulogne-sur-Gesse.

La période actuelle n'est pas très propice aux contacts de terrain – je suis moi aussi frustré de voyages officiels, et viendrais volontiers, si cela était possible, voir le développement de ces projets…

Aussi la délégation a-t-elle engagé, en partenariat avec l'association des maires de Haute-Garonne, une action d'organisation de webinaires de présentation de ses capacités d'intervention, qui va commencer en décembre prochain.

Vous parlez souvent de la posture des services territoriaux de l'État ; elle est complexe, parce qu'il s'agit à la fois de s'assurer de la légalité d'un certain nombre d'actes, en mettant en oeuvre le contrôle de légalité, et de faire du développement local. Mais soyez sûrs d'une chose, mesdames, messieurs les sénateurs : la mission donnée par le ministère de la cohésion des territoires va bien dans le sens du développement local.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.

M. Pierre Médevielle. Monsieur le ministre, j'entends bien ce que vous avez dit de toutes les opérations qui sont en cours du nord au sud de mon territoire – vous en avez cité la plupart.

Il n'empêche qu'un travail de normalisation reste à faire entre les services du département et les services de l'État. J'ai pu, au cours de plus de 500 visites dans ces communes, noter tout de même un certain malaise, pas avec les préfets ni avec les sous-préfets, mais avec leurs satellites, je le précise.

Il est positif, évidemment, que les DDT s'assurent du respect des normes, tout en favorisant le développement local ; mais elles ont parfois tendance à vouloir se couvrir et à oublier quelque peu, précisément, le développement local, ouvrant les parapluies quand il fait beau…

J'espère que nous verrons davantage d'audace de la part de ces satellites ; nous avons vraiment besoin de relancer les investissements et l'activité économique sur ces territoires, notamment sur les territoires ruraux.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Prince.

M. Jean-Paul Prince. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'Agence nationale de la cohésion des territoires, créée par la loi du 22 juillet 2019, a vu le jour le 1er janvier 2020. La création de cette agence apparaît d'autant plus justifiée aujourd'hui, à l'instant critique où notre pays se trouve et au regard des défis gigantesques qu'il aura à relever dans l'avenir.

Dans la période d'épidémie que nous traversons, les collectivités sont aux avant-postes, dans des conditions d'autant plus difficiles que cette crise sanitaire est doublée d'une grave crise économique. La mise en oeuvre des mesures de distanciation sociale dans les lieux publics et les mairies et les achats supplémentaires de matériel rendus nécessaires par la crise ont eu un coût important, en particulier pour les petites communes.

En outre, des investissements futurs sont à prévoir dans ce domaine. Je pense, par exemple, aux dispositifs de détection de virus dans les eaux usées des stations d'épuration gérées par les collectivités ; ceux-ci sont en train de faire leurs preuves à l'étranger et viennent de recevoir l'agrément qui autorise leur commercialisation en France.

Il est évident que, après la fin de la pandémie de covid-19, la politique de prévention et de lutte contre les épidémies sera renforcée et remaniée, tant à l'échelon national qu'à l'échelon local. Les collectivités seront nombreuses à vouloir agir dans ce domaine, pour protéger leur population.

Mon propos n'est pas de faire peser toute la charge qui en résultera sur l'État, et encore moins sur l'ANCT, mais je prévois que toutes les collectivités ne feront pas face à armes égales aux difficultés financières et techniques afférentes, surtout si l'on considère le contexte, celui d'une crise économique, et les dépenses liées à l'épidémie déjà engagées.

C'est pourquoi je souhaiterais savoir si l'ANCT prévoit de mettre en place, à l'avenir, un dispositif spécifique d'aide aux collectivités dans le domaine de la lutte contre le risque épidémique.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Prince, il y a, dans les dispositions qui ont déjà été votées par votre assemblée, des mesures relatives notamment à ce qu'on appelle le "compte covid", à savoir l'étalement des dépenses sur cinq ans, permettant – je le précise, même si cela n'a pas de rapport direct avec l'ANCT – de donner une réponse partielle aux questions que vous posez.

Plus globalement, vous m'interrogez pour savoir si l'ANCT va mettre en place un dispositif d'aide aux collectivités dans le domaine de la lutte contre le risque épidémique.

C'est l'occasion pour moi de rappeler que, en tant qu'autorité de coordination interfonds, l'ANCT a en charge le pilotage et la conduite des travaux visant à réunir les conditions d'une "opérationnalisation" en France des propositions de la Commission européenne et à faciliter ainsi la mobilisation des fonds européens, en réponse à la crise de la covid-19, notamment par l'identification des besoins qui sont remontés des territoires et par la recherche de solutions opérationnelles.

C'est donc bien par le biais de l'ANCT que ce dispositif trouve à s'appliquer, et vous avez raison de poser cette question, qui est originale dans le cadre de cette discussion, de sorte que nous puissions y répondre.

À la suite de la propagation de l'épidémie de covid-19 en France et en Europe, plusieurs niveaux se sont mobilisés pour répondre aux enjeux liés à la mise en oeuvre des fonds européens.

Je citerai notamment le Feder, le Fonds européen de développement régional : le règlement européen du 30 mars 2020 autorise le soutien des investissements nécessaires au renforcement des capacités de réaction aux crises dans le domaine sanitaire. Le financement des dispositifs médicaux et des matériels de protection peut également faire l'objet d'un soutien de la part du FSE, le Fonds social européen : de nombreuses réponses ont été apportées, en lien avec des remontées de terrain coordonnées par l'ANCT.

En tant qu'autorité de coordination, l'agence a conduit tous ses travaux en collaboration avec Régions de France, avec les autorités de gestion des fonds européens et avec les services de l'État qui étaient directement concernés par ces fonds. Un dialogue en temps réel avec les services de la Commission a permis de bien faire remonter les problématiques et permet aujourd'hui de financer un certain nombre d'opérations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul.

Mme Martine Filleul. Monsieur le secrétaire d'État, la crise sanitaire a révélé comment l'inégal accès de nos concitoyens au numérique crée une rupture d'égalité et renforce les injustices. Travailler, accéder à ses droits, engager des démarches administratives, étudier, se soigner devient pour beaucoup un défi insurmontable.

Malgré les actions en faveur de l'inclusion numérique menées depuis une dizaine d'années, près de 13 millions de Français et de Françaises en demeurent exclus ; mais ce chiffre est, dit-on, largement sous-estimé.

Ce qu'il faut bien appeler un échec est lié à l'absence de rationalisation de l'action publique. Le foisonnement de l'offre de médiation, avec des initiatives diverses, des situations différentes, des ressources dispersées et plusieurs niveaux de décisions, rend ces actions difficilement identifiables. La preuve en est la faible utilisation du pass numérique. Éclatées, ces actions manquent de cohérence, d'organisation, de lisibilité et donc d'efficacité.

La relance de notre pays ne peut faire l'impasse sur une véritable appropriation du numérique et de ses usages par tous. Certes, 250 millions d'euros gérés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires, l'ANCT, sont prévus pour cela, mais ce n'est pas suffisant. Encore faut-il que cet argent soit efficacement utilisé.

Monsieur le secrétaire d'État, il est urgent de mettre en place une véritable politique publique de la transformation numérique et surtout de l'inclusion numérique.

Concrètement, c'est d'un chef d'orchestre que nous avons besoin. L'ANCT pourrait jouer ce rôle, car ce sont les territoires qui permettront de mettre en oeuvre une telle politique. L'agence est-elle prête à assurer ce leadership pour, enfin, nous doter d'une stratégie cohérente, équilibrée territorialement et ciblée en direction des populations qui en ont besoin ? Si oui, comment ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, vous avez entièrement raison d'aborder la question de l'inclusion numérique. La fracture numérique, en ce qui concerne tant la qualité de l'accès à internet que la maîtrise des usages du numérique, est un élément extrêmement important dans la crise que nous traversons.

L'action de l'ANCT porte sur le développement des infrastructures numériques dans les territoires, notamment ruraux, mais aussi sur la montée en compétences numérique des Français, ce qui constitue votre question principale en matière de formation et d'inclusion. La crise sanitaire actuelle a renforcé la pertinence de cette action.

Aujourd'hui, 13 millions de Français sont en difficulté avec le numérique, ce qui est tout à fait considérable. Plusieurs facteurs sont déterminants dans ses difficultés : le niveau d'études, l'âge, la pauvreté, l'implantation territoriale, voire la situation personnelle.

Hier, Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, maintenant sous la double tutelle de Bercy et du ministère de la cohésion des territoires, ont annoncé les principales mesures du plan de relance en faveur de l'inclusion numérique lors de l'ouverture de l'édition 2020 du forum Numérique en Commun[s].

L'objectif est de donner un coup d'accélérateur absolument inédit à l'inclusion numérique et d'en faire une vraie politique publique, telle que vous l'appelez de vos voeux.

Ce sont 250 millions d'euros qui sont mobilisés pour rapprocher le numérique du quotidien de tous les Français. L'idée est très simple : pour mieux former, il faut plus de professionnels, des lieux équipés et multiples, et davantage d'outils pour les aidants.

Pour développer des ateliers et des formations numériques sur le terrain, 4 000 conseillers numériques France Services seront recrutés, formés et déployés sur l'ensemble du territoire. L'État finance leur formation à hauteur de 200 millions d'euros. Il finance également pour 40 millions d'euros la conception et le déploiement de kits d'inclusion numérique importants dans les mairies, les bibliothèques et les centres sociaux.

Enfin, 10 millions d'euros serviront à financer la généralisation du service public numérique – France Connect – et la montée en compétences numériques des aidants professionnels, en première ligne dans le cadre de l'inclusion numérique.

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud.

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le secrétaire d'État, nous avons bien perçu votre ambition pour la ruralité – nous nous rejoignons en cela.

Pour autant, ce dont ont besoin les élus de la ruralité, c'est que ce type d'agence soit au rendez-vous en matière d'agilité et de réactivité, notamment dans leur capacité à mobiliser au plus vite les fonds du plan de relance. Plus encore, il ne faudrait surtout pas que l'ANCT soit une façon de "réinventer l'eau chaude", si vous me permettez d'être un brin trivial !

J'ai bien entendu vos propos : il n'y aura pas de concurrence, au moins masquée, entre les agences d'ingénierie existantes sur nos territoires, qu'il s'agisse des syndicats mixtes ou autres, ni même avec l'État – vous avez cité le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, le Cerema. Pouvez-vous vous engager formellement sur ce point, d'autant que nous avons besoin que ces actions soient conduites avec la plus grande réactivité ?

Par ailleurs, la plupart des élus des territoires éprouvent une forme de désespérance. Ils ont le sentiment de ne pas être entendus sur des sujets qui ont pourtant une résonance forte sur le terrain. Je pense, notamment, au développement de la téléphonie ou à certains axes de mobilité interdépartementaux, pour ne citer que les exemples auxquels je suis confronté dans mon département de l'Ardèche.

Nous avons donc aussi besoin que cette agence constitue une sorte de caisse de résonance par rapport aux problèmes que rencontrent les élus locaux. Nous comptons véritablement sur une juste articulation. Pouvez-vous nous garantir qu'il en sera ainsi ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, je me suis effectivement déjà exprimé sur ce sujet, pour souligner la complémentarité de l'ensemble des services d'intervention et de leurs fonctions sur les territoires.

L'ANCT a aussi pour mission d'être à l'écoute des problèmes locaux, s'il apparaissait que les moyens de l'agence n'étaient pas forcément utilisés à bon escient. Je vous invite à pousser la porte du secrétariat d'État : nous pourrions alors engager le dialogue et tirer les choses au clair s'il advenait localement un raté, ce qui n'est pas exclu, car rien n'est parfait dans ce monde, sans quoi nous ne serions pas là, ni le Gouvernement ni le Parlement, pour tenter d'y apporter une solution !

J'ai évoqué les agences départementales. Ce qui est en train d'être mis en oeuvre par le Cerema, en termes de complémentarité, me semble intéressant. Le conseil d'administration du Cerema a pour stratégie d'augmenter la part de son activité destinée aux collectivités. C'est pourquoi le centre s'inscrit en appui aux actions de l'ANCT.

Dans le cadre de l'accompagnement sur mesure, le Cerema mobilise des compétences et ses personnels dans des domaines d'expertises propres qui ne sont souvent pas ceux des collectivités. Par exemple, il peut dans un premier temps accompagner les collectivités territoriales pendant trois à cinq jours maximum, sans facturer ce service. Au-delà, les interventions plus approfondies feront l'objet de convention, de cofinancement, d'appui opérationnel entre l'ANCT, le Cerema et la collectivité concernée. Et le Cerema peut supporter jusqu'à 50% du coût des études engagées.

Idem pour le programme d'expertise sur les ponts. J'ai été élu local et je n'ignore pas quelle est la responsabilité d'un élu de terrain, qu'il soit maire ou président de département, lorsque des ponts sur son territoire sont concernés par cette problématique.

J'incite donc fortement les collectivités à utiliser les moyens du Cerema : c'est la meilleure façon de montrer que l'on fait le nécessaire quand il y a un problème et que l'on a entamé un processus vertueux.

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le secrétaire d'État, soyez rassurés, nous ne manquerons pas de revenir vers vous pour vous informer de ce qui se passe sur nos territoires, singulièrement dans mon département de l'Ardèche.

Il est absolument nécessaire de disposer d'une grande agilité, car c'est bien de cela que nos élus ont besoin !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le secrétaire d'État, vous venez de le rappeler, l'ANCT a vocation à travailler avec les opérateurs existants, dont le Cerema.

Hier, lors de l'audition de Mme la ministre de l'écologie, il a souvent été fait référence au Cerema comme point d'appui pour développer ces politiques. Je m'en félicite.

Toutefois, le Cerema connaît une diminution continue de ses moyens humains et financiers, ce qui conduit à une fragilisation de ses compétences et obère ses capacités d'investissement.

Les élus locaux ont rappelé à de nombreuses reprises la nécessité du Cerema comme outil d'ingénierie et d'expertise. Cette situation conduit à une contradiction entre les discours du Gouvernement sur la cohésion territoriale et la continuité d'un plan d'austérité, qui fragilise une expertise publique et indépendante au profit des territoires.

En deux ans, le Cerema aura perdu 188 postes. Au-delà des chiffres, il faut considérer ce que les agents peuvent vivre et exprimer. L'analyse de la démarche "Cerem'Avenir" fait office de révélateur de l'ensemble des facteurs de risques professionnels auxquels sont exposés les agents : perte du sens du travail, surcharge de travail amplifiée, dégradation de la performance opérationnelle, précarisation subjective et risques liés à un plan de sauvegarde de l'emploi, un PSE.

Dans ce contexte, quelles seront les futures relations entre l'agence et le Cerema ? La convention signée entre l'État, l'agence et le Cerema ne prévoit aucune participation claire de l'ANCT au financement du Cerema.

Enfin, comment comptez-vous garantir les moyens humains et financiers de ce centre tellement indispensable pour le développement de nos politiques publiques et pour le plein exercice de ces compétences ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, j'ai commencé à évoquer le Cerema, en réponse au précédent intervenant. Vous voulez savoir comment vont s'articuler les choses. Il s'agit effectivement d'un point important.

Le Cerema est un partenaire majeur de l'ANCT, qui est cité à trois reprises – j'y insiste – dans la loi de 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires. Ce texte précise, en particulier, que l'ANCT conclut des conventions pluriannuelles avec le Cerema, que le Cerema est représenté avec voix consultative au conseil d'administration de l'ANCT et que le comité national de coordination de l'ANCT comprend des représentants du Cerema. Sur le plan juridique, un travail législatif important a donc déjà été réalisé pour que les choses soient parfaitement en miroir l'une de l'autre.

En réalité, les échanges entre l'ANCT et le Cerema sont réguliers, car ces établissements doivent se coordonner sur de nombreux sujets d'interaction. Vous savez quelles sont les capacités d'intervention du Cerema en ingénierie. C'est une condition aussi de la capacité de l'ANCT à agir au profit des collectivités qui nous sollicitent.

Le Cerema est l'établissement de référence pour les questions territoriales, de gestion des risques – on en sait aujourd'hui quelque chose, notamment avec les expertises menées sur le bassin de la Roya –, de mobilité, d'aménagements urbain et foncier. Il est doté de 2 600 agents, qui sont des experts particulièrement reconnus.

L'ANCT considère que l'appui apporté par le Cerema aux collectivités sera fondamental pour aider ces dernières à mener leurs politiques de développement durable et à élaborer des projets de territoire. Il existe des guides, des outils cartographiques de mise en valeur des données du territoire, des assistances territoriales, des assistances à maîtrise d'ouvrage, de la maîtrise d'oeuvre, etc.

Pour ne citer qu'un seul exemple, le Cerema a conçu un outil, le Cartofriches, qui cartographie l'ensemble des friches sur le territoire. Cela permettra la création d'un fonds de réhabilitation des friches soutenu par le ministère.

Nous travaillons également à un programme pluriannuel doté de 40 millions d'euros entre l'ANCT et le Cerema, afin de mettre à la disposition des petites collectivités, comme je l'ai évoqué précédemment, une expertise sur les ouvrages d'art.

Soyez donc rassuré, monsieur le sénateur, l'établissement continuera à se développer dans le cadre de ce partenariat financier, technique et d'ingénierie, au profit des collectivités.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

Cela dit, augmenter la charge des services tout en diminuant les effectifs, c'est un peu comme si, en mécanique, on augmentait les efforts sur un arbre en diminuant son diamètre… Cela finit par casser. Tel risque d'être le résultat de votre politique du "en même temps" !

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel.

M. Stéphane Sautarel. Au risque d'être un peu caricatural, on peut prétendre que l'ANCT, même si elle avait été annoncée lors de la conférence des territoires ici même au Sénat, est la fille du grand débat qui a suivi la crise des gilets jaunes. Elle est aussi le syndrome français de la réponse à tout problème par une création nouvelle.

On peut aussi dire que l'ANCT veut tenter de pallier le recul ancien et constant de l'État déconcentré sur nos territoires, en particulier avec la suppression de l'assistance technique pour raisons de solidarité et d'aménagement du territoire, l'Atesat, évoquée par Josiane Costes, que je salue, dans son rapport.

Pour être factuel, on peut enfin rappeler que l'ANCT est aujourd'hui encore une coquille assez largement vide, ou presque, sur nos territoires.

Il est encore difficile de mobiliser des ressources de l'administration centrale et des opérateurs de l'État, trop éloignés, en complément de l'expertise des préfectures et des services déconcentrés de l'État, trop limitée. On ne peut pas réellement dire non plus que l'ingénierie locale est pleinement associée.

L'ANCT est encore trop souvent une réponse verticale et centralisée au besoin d'ingénierie territoriale. Elle répond à une ambition légitime, mais sans réels moyens humains de la part de l'État. Elle offre à l'échelle départementale un espace de concertation et de partage utile, dont il faut renforcer l'efficacité.

Elle n'associe pas assez les agences d'ingénierie départementales que les collectivités ont su mettre en place. L'accompagnement des acteurs publics locaux, l'accélération de la vision territoriale, l'identification de réels choix structurels portés par l'agence sont pourtant des nécessités. Le diagnostic est juste, mais la réponse n'est ni suffisamment pragmatique, ni partagée.

À l'heure du plan de relance au service des territoires ruraux, d'une relance qui mobilise tous les acteurs publics locaux, va-t-on enfin ajouter aux trois D annoncés le C de la confiance ?

La confiance appelle à mettre au coeur de l'ANCT les élus locaux, pour territorialiser son action et la relance, ainsi que pour confirmer l'attractivité accrue de la ruralité. Le comité local de cohésion territoriale présidé par le préfet pourrait-il ainsi, monsieur le secrétaire d'État, être coprésidé par le président du conseil départemental ?

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Stéphane Sautarel. L'échelle départementale est la bonne pour répondre à l'impérieux besoin d'ingénierie. Monsieur le secrétaire d'État, comment l'ANCT peut-elle le reconnaître ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Sautarel, vous m'interrogez sur le rôle que l'ANCT peut jouer dans la mise en oeuvre du plan de relance sur les territoires.

Vous le savez, la philosophie du plan de relance, qui est d'apporter une réponse territorialisée à la crise, en s'appuyant sur les territoires, aussi bien s'agissant des collectivités territoriales que des services déconcentrés de l'État, est en parfaite concordance avec la démarche de l'agence. L'ANCT est l'opérateur dédié à l'accompagnement des projets des collectivités territoriales. À ce titre, elle s'impliquera pleinement dans la déclinaison territoriale du plan de relance.

Vous estimez que cette agence a un rôle trop vertical, mais elle n'a pas été créée ex nihilo : elle a été instituée pour coordonner un ensemble d'autres agences.

Je vous prie de croire qu'il est pour moi plus efficace, quand je suis obligé de rappeler un certain nombre d'opérations, notamment sur la maintenance des réseaux numériques et autres, que l'Agence du numérique soit un service de l'ANCT. C'est tout de même beaucoup plus pratique qu'auparavant, lorsque nous avions affaire à des « électrons libres ».

Plusieurs des programmes nationaux de l'Agence, dont l'action s'insère dans un cadre interministériel, seront mobilisés dans le plan de relance : Action coeur de ville, Petites villes de demain, tiers-lieux, etc.

Ces programmes pourront s'appuyer sur les crédits mobilisés dans le programme de densification et de renouvellement urbain, au travers du fonds de recyclage des friches ou des foncières, pour restructurer 6 000 commerces d'ici à 2025. Il existe donc de nombreux programmes territorialisés pour lesquels l'agence jouera pleinement et entièrement son rôle.

Symbole d'une volonté d'agir en synergie, certains présidents de conseils départementaux coprésident avec le préfet de département les instances créées localement. Je pense aux comités locaux de cohésion territoriale.

La double gouvernance sur laquelle vous m'avez interrogé à la fin de votre intervention, monsieur le sénateur, est déjà possible, et sa mise en place ne pose aucun problème particulier. Il suffit de l'élaborer de manière territoriale, en collaboration avec le conseil départemental et l'État.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac.

Mme Marta de Cidrac. Auditionnés au Sénat par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales le 25 juin dernier, Mme Cayeux, présidente de l'ANCT, et M. Le Breton, directeur général de l'ANCT, ont été interrogés par mes collègues sur les programmes de soutien aux communes, notamment ceux établis dans les territoires fragiles.

Deux des propositions du rapport d'information de mes collègues Mme Josiane Costes et M. Charles Guené sur l'ingénierie territoriale et l'Agence nationale de la cohésion des territoires consistaient justement à favoriser l'émergence des projets lancés localement et à rendre prioritaire l'accompagnement dans les territoires les plus fragiles, vous avez rappelé à maintes reprises.

Dans la continuité de leurs travaux, ma question porte sur le programme Petites villes de demain, à destination des communes qui comptent moins de 20 000 habitants et montrent des signes de fragilité, comme le rappelle la lettre d'engagement du programme. Entre 800 et 1 000 communes, partout en France, pourront être accompagnées dans le cadre de ce programme d'appui supervisé par l'agence.

Monsieur le secrétaire d'État, le confinement de la population mis en place entre le 17 mars et le 11 mai 2020 s'est traduit par une contraction sans précédent de l'activité économique en France, ce qui a particulièrement touché le tissu économique de nos petites villes, composé en partie de commerces. Ainsi, les petites fragilités deviennent de plus en plus, hélas, de grandes vulnérabilités.

Les élus locaux demeurent, comme toujours, en première ligne et se démènent chaque jour pour trouver des solutions. Ils attendent aujourd'hui un soutien de l'État, afin de redonner vie à nos petites bourgades. Ce sont trop souvent des communes oubliées, alors qu'elles contribuent au charme de notre pays.

Les répercussions économiques des deux confinements seront-elles prises en compte dans la sélection des communes bénéficiaires de ce programme ? Sur quels critères sont identifiés les territoires vulnérables qui bénéficieront du programme Petites villes de demain ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur le programme Petites villes de demain, au regard de cette nouvelle donne qui est la fragilisation d'un certain nombre de territoires.

La sélection dans le cadre du programme Petites villes de demain s'est faite de la façon suivante. Il s'agit d'un programme qui concerne les bourgs-centres de moins de 20 000 habitants, sachant que nous n'avons pas voulu, Jacqueline Gourault et moi-même, instaurer de plancher.

En effet, le premier critère est celui de la centralité. Or la centralité, cela peut être des communes qui comptent 1 300 ou 1 200 habitants, quelquefois un peu moins.

C'est souvent ce que j'ai constaté lors de mes voyages officiels, avant le confinement. Je cite fréquemment l'exemple des Combrailles, dans le Puy-de-Dôme, qui comptait trois anciens chefs-lieux de canton. Chacun d'entre eux avait des spécificités en la matière, et ils souffraient tous les trois. Le deuxième critère de Petites villes de demain, c'est d'être particulièrement en difficulté au regard de cette fonction de centralité.

Un certain nombre de villes ont déjà été présélectionnées. Trois régions sont concernées à l'heure actuelle : une en outre-mer, La Réunion, et deux sur le territoire métropolitain, la région Sud et la région Centre-Val de Loire.

Dans ce cadre, non seulement cette fragilisation a été prise en compte, mais également le fait de pouvoir regrouper des candidatures au sein d'une intercommunalité, de façon à ne laisser sur le bord du chemin aucun territoire comprenant plusieurs bourgs-centres, qui sont issus de ces anciens chefs-lieux de canton que j'ai cités et qui, souvent, souffrent. Environ 1 000 communes ont été retenues.

Tel a donc été notre critère de sélection. Je vous prie de croire que l'accentuation des fragilités, que nous n'avons pas manqué de constater grâce au dialogue mis en place avec les préfets, a été prise en compte dans les critères finaux de sélection des villes concernées. Compte tenu du retour que nous avons des territoires, cela correspond à 99 % au sentiment des populations et des maires concernés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.

Mme Marta de Cidrac. Monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez pas répondu précisément à ma question !

Je pars du principe que la crise sanitaire est bien prise en compte pour la vulnérabilité des communes, sur la base d'un critère que vous avez développé, celui de la centralité. (M. le secrétaire d'État acquiesce.)

Ce critère mériterait d'être davantage détaillé, mais je m'adresserai éventuellement à vous par écrit. Un certain nombre de communes de mon territoire ne comprennent pas précisément cette définition et s'interrogent.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État. D'accord !

Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Courtial.

M. Édouard Courtial. Monsieur le secrétaire d'État, la liberté d'habiter à la ville ou à la campagne est-elle encore une réalité dans notre pays ? La question se pose avec une acuité toujours plus accrue, tant les fractures territoriales se creusent.

La désertification médicale, administrative, scolaire et économique, les mobilités et l'accès au numérique sont parmi les défis que nos territoires ruraux doivent relever. Pour autant, ils ont de nombreux atouts, dont un cadre de vie qui convainc ou tente, surtout dans le contexte actuel, de nombreux citadins, non sans certaines difficultés d'adaptation.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires, dont le titre même est une promesse, doit donc être à la pointe de ce combat, qui engage notre avenir.

Un an après le vote de la loi, dresser son bilan serait prématuré et les réserves qui ont présidé à sa création restent d'actualité, même si le Gouvernement, auditionné au Sénat il y a quelques jours, a voulu apporter des garanties.

En effet, s'il est pertinent et utile de créer un outil permettant de travailler en tandem avec les territoires pour les accompagner, pour les aider à développer leurs projets et pour coordonner l'action de l'État avec celle des collectivités territoriales, il serait inutile et contreproductif de le transformer en machine technocratique sous l'impulsion d'un gouvernement centralisateur, malgré la détermination de la présidente de cette agence, Caroline Cayeux, sur laquelle je sais pouvoir compter.

L'ANCT doit donc d'abord être réellement au service des territoires et s'appuyer avant tout sur le bon sens des élus locaux, qui sont au contact des réalités du terrain.

Elle doit ensuite ne pas nuire aux collectivités en accaparant des ressources qui leur seraient destinées et fortement utiles, y compris pour faire face à l'épidémie que nous traversons.

Elle doit enfin ne pas se substituer aux collectivités territoriales, qui, en la matière, oeuvrent sans relâche et avec détermination ; je pense, notamment au conseil départemental de l'Oise.

Faute de prendre en compte ces avertissements, l'ANCT créerait des espoirs déçus, qui alimenteraient encore davantage la défiance d'élus locaux se sentant de plus en plus dépossédés, aussi bien en termes de compétences que de moyens, alors que les attentes de leurs administrés n'ont jamais été aussi importantes.

Le premier vrai test est donc devant nous. Quel rôle sera accordé aux élus locaux dans les discussions avec l'ANCT à l'occasion du plan de relance ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la prise en compte des élus locaux dans l'ensemble des politiques relatives à l'ANCT. Ces derniers sont très impliqués dans la vie et les projets de l'agence, et ce à plusieurs niveaux.

Au niveau national, l'ANCT est, je le rappelle, un établissement public doté d'un conseil d'administration composé certes de représentants de l'État et de partenaires de l'agence, mais aussi d'élus. Quatre parlementaires y siègent, ainsi que dix associations d'élus : l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) ; l'Assemblée des départements de France (ADF) ; Régions de France ; l'Assemblée des communautés de France (AdCF) ; Villes de France ; l'Association des maires ruraux de France (AMRF) : l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM) ; l'Association des petites villes de France (APVF) ; France Urbaine ; l'Association des maires ville et banlieue de France.

Par ailleurs, la présidence de ce conseil d'administration est exercée par une élue, Mme Caroline Cayeux, présidente de Villes de France, dont je salue également le travail.

Au niveau local, les comités locaux de cohésion territoriale, présidés par le préfet de département qui en arrête la composition, associent très largement les élus locaux afin que ces derniers participent pleinement à la gouvernance locale du dispositif ; je viens d'ailleurs de répondre à une question sur la coprésidence de certaines instances par le président du conseil départemental et le préfet de département. C'est également un bon moyen de prendre en compte les réalités locales d'un territoire.

Enfin, l'agence intervient en appui des collectivités et de leurs projets, au travers aussi bien du soutien sur mesure qui est proposé aux collectivités que des programmes nationaux d'intervention.

Elle travaille dès lors sur la base des souhaits et des besoins des élus, selon une logique d'accompagnement, et non avec la volonté d'imposer un cadre qui serait fixé depuis Paris sans prendre en compte les spécificités de chaque territoire. Venant d'un territoire très spécifique, il me serait assez difficile d'accepter de défendre une politique qui serait la déclinaison d'un choix trop national !

Ainsi, l'action de l'agence s'accomplit bien par et pour les élus locaux, qui sont impliqués à chacun de ses échelons et dans chacune de ses interventions. C'est une garantie que je puis vous apporter.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Guené.

M. Charles Guené. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir m'excuser de vous rejoindre aussi tard, mais je participais à une réunion de commission.

J'ai commis avec ma collègue Josiane Costes, au sein de la délégation aux collectivités territoriales, un rapport d'information sur l'ANCT comportant vingt-cinq propositions.

Nous avons souhaité mettre en parallèle les ambitions de l'ANCT et la réalité des besoins de nos territoires en matière d'ingénierie, dans leur diversité. Nous avons pu, à cet égard, rappeler la volonté originelle du législateur et, par là même, ébaucher un débat fructueux avec l'administration, qui mettait en oeuvre cette nouvelle structure.

Nous étions et nous sommes assez confiants sur la mission principale de l'ANCT, qui a proposé de réorganiser l'action de l'État et la conduite de sa politique territoriale. Toutefois, nous avons insisté pour qu'elle réponde aux besoins d'ingénierie des territoires, particulièrement pour ceux qui en sont encore dépourvus, mais également à la nécessité de faire "sur mesure" et de promouvoir la "mise en projet" des territoires les plus fragiles.

Cette inclination nécessite la réalisation d'un état des lieux et la mise en oeuvre de gouvernances locales autour du préfet. Malgré les difficultés liées à la pandémie que nous comprenons bien, où en êtes-vous dans cette démarche, tant sur le plan structurel que par rapport au plan de relance ?

Enfin, lors de l'examen des crédits de l'outre-mer, notamment au regard du logement, nous avons constaté une grave sous-consommation des crédits de paiement alloués, et cela, nous ont dit nos collègues, en raison du manque d'ingénierie. Aussi, où en êtes-vous dans le déploiement de l'ANCT dans les outre-mer où elle semble très attendue ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, cher Charles Guené, si vous le voulez bien, je répondrai surtout à la question sur les outre-mer, puisque l'autre point de votre question a déjà été traité préalablement. Je me permets de le faire parce que nous nous connaissons bien ; nous partageons la paternité de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité, qui date de l'époque où j'étais rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Les territoires d'outre-mer constituent une priorité pour les interventions de l'ANCT, mais il a été nécessaire de procéder à une priorisation de ses actions, en raison de l'ampleur des difficultés auxquelles ces collectivités sont confrontées – situation financière très dégradée, déficit d'ingénierie majoré, difficultés économiques et sociales accentuées par la crise de la covid –, de l'importance de leurs besoins d'accompagnement au regard des moyens tant de l'agence que de ses partenaires et de l'éloignement.

Dans les faits, les besoins d'appui à l'ingénierie concernent les différentes phases d'un projet : assistance à la maîtrise d'ouvrage, souvent très en amont, ingénierie de projet, technique, financière et juridique, appui à des opérateurs spécialisés pour le portage du projet, comme dans le champ commercial et pour les projets d'aménagement en lien avec l'habitat et le logement.

Des travaux sont en cours avec les cinq opérateurs partenaires de l'ANCT, mais également avec l'Agence française de développement (AFD), en lien étroit avec la direction générale des outre-mer (DGOM) et les territoires, afin de définir une feuille de route spécifique à l'outre-mer, fondée sur la feuille de route nationale de l'Agence, mais adaptée à la situation et aux priorités de ces territoires. En outre-mer, les interventions de l'ANCT sont conditionnées à une demande des collectivités concernées et elles donneront lieu, le cas échéant, à une convention.

Au regard de la situation et des besoins exprimés par les préfectures, quelques priorités semblent d'ores et déjà ressortir : appui à des projets prioritaires, complexes et structurants des contrats de convergence et de transformation (CCT), qui doivent faire l'objet, dans un avenant, d'une prochaine clause de revoyure ; appui à des projets relevant du plan de relance ; et, enfin, accompagnement de projets relevant des programmes nationaux territorialisés de l'ANCT, dont les programmes Action coeur de ville – et sa feuille de route pour l'outre-mer – et Petites villes de demain.


Source http://www.senat.fr, le 2 décembre 2020