Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l'Assemblée nationale (projet n° 137, rapport général n° 138).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi de finances pour 2021 tel qu'il a été adopté, il y a quelques jours, par l'Assemblée nationale.
Vous le savez, c'est un texte singulier et même exceptionnel à bien des égards. Je vous le présente alors que notre pays traverse une crise sanitaire inédite, dominée par l'inquiétude et l'incertitude, même si les chiffres de l'épidémie semblent s'améliorer depuis quelques jours. Dans le même temps, nous subissons une crise aux conséquences sévères pour notre économie et tout particulièrement pour nos commerces.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les circonstances présentes exigent l'unité et la responsabilité : c'est ce dont le Parlement a fait preuve depuis plusieurs mois, notamment en adoptant plusieurs lois de finances rectificatives, dont les mesures permettent d'apporter une réponse massive à la crise. Tout récemment encore, dans la nuit de lundi à mardi, vous avez adopté un quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR 4), ce dont je vous remercie. L'accord trouvé en commission mixte paritaire permet d'envisager l'adoption et la mise en oeuvre de ce texte dans les meilleurs délais.
Ainsi, face à cette crise épidémique et économique sans précédent, le Gouvernement a mis en oeuvre une réponse massive. Avec le PLFR 4, nous avons engagé plus de 86 milliards d'euros de dépenses. Nous avons également pris des mesures dont l'efficacité semble avérée.
Nous avons proposé des prêts garantis par l'État (PGE) et reporté la date jusqu'à laquelle ils pourront être souscrits ou rechargés. En parallèle, nous avons mené à son terme une négociation avec la Fédération bancaire française quant aux conditions de remboursement et aux différés de première échéance.
Nous avons mis en place un dispositif de financement de l'activité partielle à un niveau inédit pour ce qui nous concerne et inégalé sur la scène européenne. Ce faisant, nous avons pu prendre en charge jusqu'à 12 millions de personnes lors du premier confinement.
Nous avons mis en place un fonds de solidarité, aujourd'hui bien connu, qui a profité à plus de 2 millions d'entreprises et dont les critères ont été revus à l'aune des débats parlementaires et de diverses contributions. Désormais, ce fonds bénéficie aux entreprises employant jusqu'à 50 salariés, pour des montants pouvant atteindre 10 000 euros par mois.
Nous avons accompagné ces outils de reports massifs de charges, pour une trentaine de milliards d'euros, et de dispositifs d'exonération. En incluant les exonérations que nous accordons au titre du second confinement, le total devrait dépasser les 8 milliards d'euros.
Face à la seconde vague épidémique, nous avons fait le choix, avec Bruno Le Maire, de renforcer ces outils et d'y ajouter une aide à la prise en charge des loyers, à savoir un crédit d'impôt au bénéfice des bailleurs. Ce dispositif a été introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale ; vous serez appelés à l'examiner au titre des articles non rattachés.
Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2021 revêt une importante particulière. Il doit permettre au Gouvernement de donner à notre pays les moyens de la relance économique, pour le sortir de la crise, de tenir ses engagements et de financer ses priorités. Il doit également prendre en compte, en suivant un double objectif de sincérité budgétaire et de réalisme économique, les dernières évolutions de la pandémie et ses conséquences sur nos hypothèses macroéconomiques comme sur la trajectoire des finances publiques. Tels sont les trois points sur lesquels je m'appesantirai.
Premièrement, je tiens à rappeler que le projet de loi de finances pour 2021 est le principal vecteur du plan de relance.
Ce plan de relance s'élève à 100 milliards d'euros, dont 14 milliards d'euros seront apportés par divers organismes – je pense à la Banque publique d'investissement, à la sécurité sociale ou encore à l'Unédic, pour ce qui concerne l'activité partielle – et 86 milliards d'euros relèveront directement de l'État.
La baisse des impôts de production sera de l'ordre de 20 milliards d'euros. À cet égard – nous aurons l'occasion d'y revenir –, les collectivités territoriales bénéficieront d'une compensation intégrale, qu'il s'agisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui concerne spécifiquement les régions, de la cotisation foncière des entreprises (CFE) ou de la taxe foncière sur les propriétés bâties frappant les locaux industriels. Les 66 milliards d'euros restants sont constitués de crédits budgétaires, que l'État déploie pour accompagner la reprise économique.
Le programme d'investissements d'avenir 4 (PIA 4) représente 11 de ces 66 milliards d'euros. En parallèle, 16,5 milliards d'euros sont répartis entre différentes missions, dont nous débattrons en seconde partie. Par exemple, nous avons considéré que les crédits en faveur de l'insertion par l'activité économique seraient plus utilement et plus efficacement gérés et déployés s'ils relevaient de la mission "Travail et emploi" plutôt que de la mission "Plan de relance".
De plus, parmi ces 16,5 milliards d'euros, un certain nombre de crédits ont déjà fait l'objet d'une adoption par le Parlement. Je pense aux dispositifs de soutien aux collectivités territoriales et notamment à la tranche supplémentaire de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) votée à l'occasion du PLFR 3. Vous le verrez en examinant l'article 46 du projet de loi de finances : nous veillons à ce que les crédits non engagés soient bien reconductibles en 2021. Ainsi, la fin de l'exercice budgétaire n'entraînera pas de perte pour les collectivités.
Enfin, la mission « Plan de relance » regroupe 22 milliards d'euros de crédits de paiement et 36,4 milliards d'euros d'autorisations d'engagement répartis en trois programmes : le programme "Écologie", qui finance notamment la transition énergétique, pour 18,4 milliards d'euros ; le programme "Cohésion", qui a pour objet la cohésion sociale et territoriale, pour 12 milliards d'euros ; et le programme "Compétitivité", pour 6 milliards d'euros.
Cette concentration est le fruit d'une volonté délibérée du Gouvernement et, en particulier, du ministère de l'économie, des finances et de la relance : elle nous permet de disposer de trois programmes massifs. En outre, la possibilité de fongibilité et de redéploiement des crédits au sein d'un même programme garantit l'application des clauses de revoyure en cas de retard dans la mise en oeuvre d'un volet du plan de relance. Ainsi, nous pourrons financer les projets qui avancent, sans perdre de temps avec les projets qui viendraient à être freinés, voire à s'arrêter.
Pour certains, mieux vaudrait reporter le plan de relance. Ce n'est pas notre analyse – j'observe d'ailleurs que, bien souvent, les mêmes avaient d'abord jugé cette réponse trop tardive…
À nos yeux, au-delà des mesures d'urgence adoptées au titre du PLFR 4, la relance économique est justement l'un des moyens de répondre à la crise : il convient de soutenir l'activité pour retrouver au plus vite le niveau de production que nous connaissions à la fin de 2019.
C'est pourquoi nous avons assorti ce plan de mesures spécifiques, comme le crédit d'impôt pour les bailleurs. C'est pourquoi nous voulons qu'il soit mis en oeuvre rapidement : notre objectif est que son décaissement atteigne 50 % d'ici à la fin de l'année 2021, ce qui représente une dizaine de milliards d'euros au titre de 2020 et une quarantaine de milliards d'euros au titre de 2021, par le truchement des missions et des opérateurs que j'ai évoqués.
Deuxièmement, ce budget permettra au Gouvernement de tenir les engagements pris, à commencer par le financement de ses priorités politiques.
Vous pourrez constater que nous renforçons le budget des ministères régaliens. Le ministère de l'intérieur voit ses moyens augmenter de plus de 430 millions d'euros. Le ministère des armées voit ses moyens augmenter de 1,7 milliard d'euros, conformément à la loi de programmation militaire (LPM). Le ministère de la justice voit ses crédits augmenter de 610 millions d'euros, ce qui représente une hausse de 8%. Cette progression est d'une ampleur inédite, tant en volume qu'en pourcentage. L'objectif est double : rattraper, et même dépasser, la trajectoire fixée par la loi de programmation et de réforme pour la justice et assurer le déploiement de la justice de proximité.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Nous voulons aussi consacrer des moyens aux ministères qui préparent l'avenir. C'est pourquoi le ministère de l'éducation nationale verra ses crédits augmenter, à périmètre constant, de 1,4 milliard d'euros. Le ministère de la transition écologique verra ses crédits augmenter, toujours hors plan de relance, de 1 milliard d'euros. Quant au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, il verra ses crédits augmenter de 500 millions d'euros ainsi répartis : une centaine de millions d'euros au titre du plan de relance, pour soutenir la vie étudiante, et 400 millions d'euros constituant la première tranche des crédits du projet de loi de programmation de la recherche. Ce texte a, lui aussi, fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire : il devrait être bientôt adopté définitivement.
Ce projet de loi de finances traduit d'autres priorités politiques encore. Ainsi, nous augmentons sensiblement les crédits du ministère de la culture – ces fonds progressent de plus de 150 millions d'euros, hors plan de relance. En outre, même si les montants considérés sont évidemment plus modestes, nous avons fait le choix d'augmenter de 40% le budget du ministère chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, sachant que, par définition, ce dernier s'appuie également sur des missions plus transversales.
Le présent texte met en oeuvre un second engagement du Gouvernement : la baisse des prélèvements obligatoires. S'il est adopté, et s'il est appliqué, les prélèvements obligatoires auront reculé de 45 milliards d'euros entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2021. Cette baisse concerne pour moitié les ménages et pour moitié les entreprises – j'inclus dans ce calcul les 10 milliards d'euros de baisse d'impôts de production que nous vous proposons avec ce projet de loi de finances.
Nous allons poursuivre sur cette trajectoire, grâce à laquelle le poids des prélèvements obligatoires a déjà été réduit de 45% à 44% du PIB, avec une première tranche de diminution de la taxe d'habitation pour les 20% de ménages qui l'acquittent encore intégralement – depuis le mois dernier, 80% des ménages en sont exonérés – et avec de nouvelles baisses d'impôt sur les sociétés, conformément à la trajectoire pluriannuelle arrêtée.
D'autres engagements, pris au nom de la sincérité budgétaire, seront tenus. Je pense notamment à la réserve de précaution. Depuis 2018, nous avons fait le choix de fixer le niveau de cette réserve à 3%, contre 8% les années précédentes. Je précise qu'il s'agit d'une moyenne : pour l'essentiel des lignes budgétaires, la réserve de précaution s'établit aux alentours de 4%. En revanche, elle est réduite à 0,5% pour les lignes dont on sait qu'elles ne sont pas « pilotables », comme les allocations de logement, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou d'autres minima.
Dans le même souci de lisibilité et de sincérité budgétaire, nous poursuivrons deux autres chantiers.
Le premier est la suppression des petites taxes. La marche semble moins haute que les années précédentes, mais j'attire votre attention sur le fait que nombre de suppressions décidées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 prendront effet au 1er janvier 2021. Ainsi, le coût de ce chantier sera plus élevé en 2021 qu'il ne l'est cette année, malgré la diminution du nombre de taxes concernées.
Le second, que l'adoption d'un certain nombre d'amendements permet de continuer, est l'unification et la modernisation du recouvrement de l'impôt.
Enfin, ce projet de loi de finances comporte un certain nombre de mesures relevant de réformes structurelles comme la mise en oeuvre – enfin ! diront certains – de la contemporanéisation de l'aide personnalisée au logement (APL). Je pense également à la facturation électronique que nous proposons de rendre obligatoire à compter de 2023, afin d'améliorer nos possibilités de lutte contre la fraude fiscale, notamment en matière de carrousels de TVA.
Mme Nathalie Goulet. Absolument !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Troisièmement, permettez-moi de souligner que le budget que nous vous présentons s'inscrit dans un contexte macroéconomique qui évolue. Le rebond de la crise épidémique nous a amenés à revoir nos prévisions. Comme nous vous l'avons indiqué lors des débats sur le PLFR 4 et à l'occasion de l'actualisation des sous-jacents du PLFSS, nous avons corrigé nos hypothèses macroéconomiques pour 2020.
Nous avons porté nos prévisions de récession à 11% du PIB – plutôt que 10%, comme nous l'envisagions au début du mois de septembre –, le niveau du déficit prévisionnel pour 2020 à 11,3% – plutôt que 10,2%, comme prévu au début du mois de septembre – et le poids de la dette publique de 117,5% à 119,8% du PIB.
Ces chiffres sont, aux yeux d'autres analystes, particulièrement prudents, la Banque de France et l'Insee considérant dans leurs propres travaux que les hypothèses de récession pourraient être moins mauvaises. Ils avaient, en effet, évalué la récession attendue entre 9,5% et 10% du PIB.
Depuis le début du quinquennat, nous avons constamment fait le choix de la prudence pour nos hypothèses. Le Haut Conseil des finances publiques a toujours qualifié les hypothèses de travail du Gouvernement de « plausibles et prudentes » ou de « plausibles, mais prudentes ».
Nous avons donc à réviser un certain nombre de sous-jacents des textes que nous vous présentons. Vous avez accepté de le faire par l'adoption d'un amendement à l'article 7 du PLFSS pour l'année 2021 ; j'aurai l'occasion, après la discussion générale, de vous proposer un amendement pour actualiser les sous-jacents pour l'année 2020 de l'article liminaire du présent projet de loi de finances, et je reviendrai, dans un instant, sur la prévision pour 2021 au sujet de laquelle nous travaillons.
Nous vous proposons une actualisation des lois de financement de l'État et de la sécurité sociale « au fil de l'eau », en fonction des avis du Haut Conseil des finances publiques et de l'évolution de nos travaux de prévision.
Avant de conclure, permettez-moi d'évoquer deux points : tout d'abord, les évolutions du texte entre le moment où j'ai eu l'occasion de vous le présenter en commission des finances et aujourd'hui, c'est-à-dire après le débat à l'Assemblée nationale ; ensuite, les chantiers qui nous attendent.
Premièrement, le texte a évidemment évolué lors de son examen par l'Assemblée nationale et, si le temps ne me permet pas de revenir en détail sur chacune des dispositions initialement prévues, je tiens à souligner que l'Assemblée nationale l'a enrichi de nombreux amendements, près de 400 ayant été adoptés.
À la suite d'un travail transpartisan réunissant les députés et les sénateurs représentant les Français de l'étranger autour d'un rapport remis par le Gouvernement, l'Assemblée nationale a ainsi adopté le maintien, pour les non-résidents, de la retenue à la source spécifique partiellement libératoire.
Elle a également adopté le relèvement à 10 millions d'euros – au lieu de 7 630 000 euros – du plafond de chiffre d'affaires pour l'application taux réduit de l'impôt sur les sociétés en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) ; le maintien de la différence de taxation entre l'E5 et l'E10 au titre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ; la neutralisation des incidences de la crise sanitaire sur la détermination des fractions de TVA revenant aux collectivités territoriales ; un abondement de 60 millions d'euros du fonds de péréquation horizontale des départements pour le maintenir à son niveau actuel de 1,6 milliard d'euros concernant les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ; le maintien de la méthode actuelle de revalorisation des bases des locaux industriels pour garantir aux collectivités une évolution dynamique de celles-ci et, enfin, la mise en oeuvre d'un protocole d'accord avec le réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI) par la fixation à 349 millions d'euros du plafond de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises en 2021 et à 299 millions d'euros en 2022.
Deuxièmement, les députés ont adopté en seconde partie un régime de révision des contrats photovoltaïques pour les 800 plus important d'entre eux, dans le but de mettre un terme à la surrentabilité constatée ; la prolongation jusqu'au 30 juin 2021 du prêt garanti par l'État ; la rénovation du dispositif de péréquation régionale conformément à l'accord signé par le Premier ministre avec les présidents de région le 28 septembre dernier ; la modification des critères d'attribution du fonds de stabilisation pour les départements, pour qu'il puisse bénéficier à une cinquantaine de départements au lieu de trente auparavant, et alors qu'il est porté à 200 millions d'euros au lieu de 115 millions habituellement. L'Assemblée nationale a, enfin, adopté les amendements visant à faciliter la mise en oeuvre du plan de relance, notamment en permettant des dépenses anticipées sur un certain nombre de sujets.
En matière de dispositions fiscales, les députés ont complété le malus CO2, lui-même modifié par le texte, par l'ajout d'une composante liée au poids des véhicules. Ils ont prorogé les dispositifs en faveur du logement, dits « Pinel » et PTZ, en prévoyant des modifications de leurs paramètres pour les rendre plus justes et plus efficients.
Enfin, en cohérence avec la proposition du Gouvernement que j'ai évoquée, ils ont créé un dispositif de soutien aux entreprises locataires de moins de 5 000 salariés pour leur permettre de faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Il permet la prise en charge par l'État d'une partie des loyers, sous la forme d'un crédit d'impôt accordé aux bailleurs égal à 50% des loyers abandonnés normalement dus au cours de la période d'application des mesures de confinement pour les entreprises de moins de 250 salariés, et à 33% pour les entreprises d'une taille supérieure.
L'ensemble des amendements adoptés par l'Assemblée nationale conduit évidemment à une dégradation du solde budgétaire de 344 millions d'euros par rapport au point d'entrée en discussion. Ce solde budgétaire s'établirait à 153,1 milliards d'euros en 2021, représentant un déficit exceptionnellement élevé qui traduit l'impact de la crise sur les finances publiques et la mise en oeuvre du plan de relance.
Pour conclure, nous proposons, comme je vous l'ai dit, une révision des hypothèses macroéconomiques au fil de l'eau, avec un objectif de sincérisation des textes et d'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances pour 2020 avec les mêmes hypothèses, les mêmes sous-jacents et la même trajectoire macroéconomique. Nous sommes en mesure de le faire pour 2020 et nous vous proposons de faire de la même manière pour 2021.
Nous proposerons au Parlement d'ouvrir, lors de la nouvelle lecture du projet de loi de finances, les crédits de la mission "Plan d'urgence face à la crise sanitaire" pour 2021. Nous aurons alors plus de visibilité sur les conditions de sortie du confinement et sur les moyens qu'il est nécessaire de mettre en oeuvre pour accompagner la sortie du confinement.
Nous avons saisi le Haut Conseil des finances publiques de notre prévision de croissance pour 2021. Nous escomptions, initialement, un rebond de l'activité de 8% par la levée des contraintes sanitaires grâce à un tissu productif et un potentiel de reprise relativement fort, facteurs qui ont d'ailleurs expliqué la forte reprise du troisième trimestre. Toutefois, la recrudescence de l'épidémie cet automne montre que sa maîtrise sera plus exigeante cet hiver. Aussi avons-nous intégré à nos projections de croissance des comportements plus prudents de la part de tous les acteurs.
Nous avons ainsi proposé au Haut Conseil des finances publiques de chiffrer le rebond de l'activité l'année prochaine à 6% au lieu de 8%, toujours mobilisés par la mise en oeuvre du plan de relance que nous sommes en train de déployer. La révision du scénario macroéconomique et cette hypothèse de croissance à 6% auront naturellement des conséquences sur les grands chiffres et les équilibres des finances publiques, notamment le déficit que nous estimons, dans ce projet, à 6,7% du PIB. Conformément à la loi organique, je vous propose toutefois d'attendre que nous disposions de l'avis du Haut Conseil des finances publiques pour tirer les conséquences de cette révision dans le PLF et modifier l'article liminaire pour la prévision relative à 2021. Mais nous le ferons, si vous en êtes d'accord, dans un instant, pour la prévision concernant 2020.
L'année 2020 se termine donc avec des finances publiques évidemment dégradées par la réponse à la crise, la diminution des recettes étant liée, elle aussi, à la crise et à l'arrêt de l'activité économique pendant plusieurs semaines.
L'année 2021 s'ouvrira avec un déficit prévisionnel en diminution, mais à un niveau qui restera exceptionnellement élevé. Le niveau d'endettement sera, lui aussi, exceptionnellement élevé. Nous aurons à chercher et à trouver les bonnes solutions en matière de gouvernance, de définition de trajectoire pluriannuelle des finances publiques, de maîtrise et de cantonnement de la dette, d'amélioration des processus d'élaboration de la décision budgétaire et, peut-être, de perspectives pluriannuelles en la matière.
Cela fera l'objet d'un groupe de travail propre au Gouvernement que je mettrai prochainement en place. Nous nous appuierons sur l'intégralité des propositions des parlementaires, qu'elles soient déjà faites et formalisées dans différents rapports – en matière de gouvernance notamment –, ou à venir, dans le cadre des réflexions et des concertations sur la manière dont nous allons affronter cette crise et sortir de la période que nous vivons.
Voilà ce que je souhaitais vous dire, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en ouverture de la discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2021. J'ai la conviction que les échanges qui vont nous réunir pendant plusieurs jours constitueront autant d'occasions de continuer à améliorer ce texte et, je l'espère, à trouver de grandes convergences. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE. – Mme Nathalie Goulet et M. Yves Détraigne applaudissent également.)
(…)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d'abord remercier les orateurs qui se sont exprimés au cours de la discussion générale.
Si certains propos ont pu parfois s'apparenter à un concours d'adjectifs ou de comparaisons chiffrées, beaucoup de prises de parole ont également permis d'avancer dans notre discussion et d'anticiper sur les points de convergence ou de divergence que la majorité sénatoriale pourrait entretenir avec le Gouvernement et la majorité présidentielle.
Je ne répondrai pas à chaque intervenant – ce serait trop long –, mais je souhaite aborder cinq points de fond. Je ferai ensuite deux remarques.
Premièrement, sur la question du budget "vert", vous regrettiez, madame Lavarde – je reprends vos propos sans les partager –, que seulement 10% des dépenses de l'État soient considérées comme des dépenses vertes. Je veux tout d'abord souligner l'effort de méthode ayant permis au jaune budgétaire de retracer le budget vert – la formulation peut paraître quelque peu contradictoire (Sourires.) – tout en indiquant que ce dernier a évidemment vocation à s'améliorer avec le temps.
La méthode que nous avons retenue est issue d'un rapport commun de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Nous avons prévu une évaluation des dépenses publiques – crédits budgétaires ou dépenses fiscales – au travers de six critères. La part de 10% des dépenses ayant un effet favorable sur l'environnement est composée de dépenses cotées favorablement sur l'un au moins de ces critères et défavorablement sur aucun. À l'inverse, il y a un quantum à peu près équivalent de dépenses cotées défavorablement sur tous les critères. Ainsi, nombre de dépenses sont grises, parce que cotées favorablement sur un critère et défavorablement sur un autre.
Par ailleurs, pour être tout à fait complet sur la méthodologie, nous avons décidé que toutes les dépenses de transfert ou de salaire ne seraient pas évaluées au regard de leur effet sur l'environnement, considérant que c'était par principe neutre. Nous sommes évidemment ouverts à une évolution méthodologique sur ces points.
Il est important de le noter, nous avons procédé à cette évaluation tant sur le budget de 2021 que sur l'exercice de 2020. On constate que la part des dépenses considérées comme uniquement vertes progresse de manière extrêmement sensible, tandis que la part des dépenses considérées comme uniquement brunes décroît également de manière sensible. Or – c'est là que réside la difficulté – les dépenses considérées comme brunes relèvent pour la plupart de dépenses fiscales, notamment en matière d'accompagnement des dépenses énergétiques des ménages ou des entreprises. Nous savons d'expérience qu'il est politiquement extrêmement difficile de diminuer ces dépenses.
Deuxièmement – cela rejoindra ma remarque sur les hypothèses macroéconomiques –, je veux aborder le séquençage du plan de relance. Ce dernier représente 100 milliards d'euros. En l'occurrence, 86 milliards d'euros sont pris en charge par l'État, dont 66 milliards d'euros en crédits budgétaires, et 14 milliards d'euros sont assumés par d'autres acteurs.
Au-delà des crédits de paiement affichés, notre objectif est que ce plan soit engagé pour moitié d'ici à la fin de 2021. L'objectif sera atteint. D'une part, nous envisageons de dépenser en 2020 10 milliards d'euros au minimum, d'autant qu'un certain nombre d'amendements adoptés à l'Assemblée nationale lors de l'examen du PLFR 4 avaient pour objet d'anticiper des dépenses du fait de la consommation des crédits. D'autre part, nous avons inscrit pour 2021 22 milliards d'euros de crédits de paiement sur la mission "Plan de relance", auxquels il faut ajouter 16,5 milliards d'euros de crédits de paiement répartis dans d'autres missions, 11 milliards d'euros, pour la part engagée du programme d'investissement d'avenir, et une part des crédits portés par les autres acteurs.
C'est un point important, parce que la rapidité de l'exécution du plan de relance sera aussi le gage de son efficacité pour soutenir l'économie, surtout au moment où la crise épidémique repart fortement.
Troisièmement, je m'élève contre l'affirmation de Claude Raynal selon laquelle la Commission européenne aurait considéré négativement la perspective de notre baisse des impôts de production. En effet, la Commission européenne a indiqué en 2019 qu'il était nécessaire, pour réduire les inégalités de fiscalité entre la France et les autres États membres, de procéder à une diminution d'au moins quatre points des impôts de production. À mes yeux, c'est cette expression de la Commission européenne qui a valeur officielle. Cela relativise donc la portée de l'argument du président de la commission des finances.
Je ne partage pas non plus l'affirmation selon laquelle cette baisse des impôts de production ne serait accompagnée, comme d'autres dépenses du plan de relance, d'aucune contrepartie.
D'abord, la plupart des dépenses du plan de relance font l'objet de contreparties. Je pense à la prime d'embauche des jeunes ou des apprentis, qui n'est versée qu'en contrepartie d'une embauche.
Ensuite, un ensemble de mesures ont été adoptées par l'Assemblée nationale. La malice me pousse à le souligner que, pour l'égalité femmes-hommes, pour l'engagement et la traçabilité des efforts des entreprises dans le domaine de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que pour le dialogue social et la consultation, ces mesures sont finalement bien plus importantes pour compenser la réduction de 10 milliards d'euros des impôts de production que celles qui avaient été prévues pour faire face à la diminution de la masse salariale liée au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), à hauteur de 20 milliards d'euros. Je suis donc convaincu que nous serons d'accord pour constater un progrès en la matière et pour affirmer que notre pari, si c'en est un, n'est finalement pas plus hasardeux que celui qui avait été fait fin 2013, avec l'institution du CICE, dispositif dont nous savons qu'il a aidé les entreprises à traverser la crise.
Dernier point sur la question des impôts de production, même si les nombreux amendements à ce sujet permettront d'y revenir, la compensation pour les collectivités sera intégrale et nous veillerons à son caractère dynamique. Ainsi que M. Bilhac l'a indiqué, les élus se demandent avec inquiétude si l'engagement de l'État sera tenu. Je comprends d'autant plus cette inquiétude que je l'ai moi-même connue et que les expériences précédentes peuvent la nourrir.
Remontons un peu dans le temps. Lorsque la part « salaires » de la taxe professionnelle a été supprimée, elle a d'abord été compensée en 2000 par un dégrèvement, puis, l'année suivante, par une allocation de compensation, qui a été versée l'année d'après au titre des variables d'ajustement. Je pourrais également évoquer la suppression de ce qu'il restait de la taxe professionnelle. Quinze ans après, nous voyons combien le fonds national de garantie individuelle des ressources est particulièrement difficile à faire évoluer et condamnable en raison de son caractère fixe, qui peut nourrir des inégalités ou en créer d'autres. Tout cela a rendu les choses extrêmement compliquées…
J'ai la faiblesse de le penser, le modèle de compensation que nous proposons est plus viable, plus simple et plus pérenne. Le fait de compenser par une fraction de TVA ou par un prélèvement sur recettes avec une indexation sur les valeurs locatives a le mérite à la fois de la simplicité et du dynamisme.
Quatrièmement – je me permets de faire une incise –, j'ai toujours un peu de mal avec le fait de qualifier les 20 % de ménages qui paient encore la taxe d'habitation à 100% de « ménages les plus favorisés », voire « les plus riches ». Nous parlons de célibataires qui gagnent plus de 2 500 euros par mois et qui déclarent un revenu fiscal de référence de 27 000 euros par an ou de couples qui déclarent un revenu fiscal de référence de 42 000 euros par an. C'est évidemment plus que le salaire minimum, mais je ne crois pas que l'on puisse considérer qu'un tel revenu rend riche. En tout cas, un certain nombre de définitions de ce que signifie "être riche" plaçaient la barre à des niveaux plus élevés, dans les années précédentes. À 27 000 euros de revenu fiscal de référence, on ne parlait pas de ménage riche. Cela dénote simplement le fait que la réalité de la répartition des richesses et des revenus est souvent bien différente de la perception que l'on peut en avoir.
Cinquièmement, je veux évoquer la question des collectivités. Là aussi, le débat sera certainement nourri – c'est très légitime, surtout au Sénat –, et nous aurons l'occasion d'y revenir.
Néanmoins, je veux souligner que l'engagement du maintien des dotations est tenu pour la quatrième année de suite, à l'échelle globale – cela n'a jamais empêché, nous l'avons toujours dit, les variations individuelles –, et que cela s'accompagne du maintien de la croissance des dotations de péréquation. C'est un élément de stabilité à valoriser et un facteur de certitude pour les élus locaux.
Ce PLF comporte aussi un certain nombre de dispositions importantes pour les élus, en particulier des zones rurales. Je pense notamment, au-delà des dotations de fonctionnement, au maintien des dotations d'investissement, avec la possibilité, prévue tant dans le PLFR 4 que dans le PLF pour 2021, de reconduire sur l'exercice 2021 les crédits non engagés en 2020, dans des proportions extrêmement importantes.
Cela s'explique par la sous-consommation liée à la période de crise et par les engagements que nous avons pris ; je pense notamment à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) de 1 milliard d'euros, adoptée dans le PLFR 3, déjà engagée à 40 % et qui sera engagée à 100% grâce au principe de reconductibilité. Cela tient aussi à un amendement du Gouvernement, adopté à l'Assemblée nationale, qui visait à permettre la prorogation de tous les régimes zonés pendant deux ans. Là aussi, c'est de nature à rassurer l'ensemble des élus locaux, en particulier dans les zones rurales.
Je confirme que le Gouvernement présentera un amendement au PLF pour 2021 tendant à garantir aux communes de moins de 5 000 habitants la compensation de la perte de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en 2021, puisque ces communes perçoivent ces droits avec un décalage d'un exercice.
Il y a donc un véritable engagement du Gouvernement. Je ne peux pas vous laisser dire que l'État ne serait pas aux côtés des collectivités. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire, dans d'autres contextes, à M. Delahaye, le budget de l'État finance des priorités du Gouvernement. Cela se traduit par une augmentation des crédits des ministères, à plus forte raison dans le contexte d'un plan de relance et d'une réponse à la crise, et par une stabilité, ou presque, pour les collectivités locales.
Effectivement, l'État fait le choix de financer ses priorités et de garantir le maintien des dotations qu'il verse aux collectivités locales. Reprocher au Gouvernement d'augmenter les crédits des ministères plutôt que les dotations aux collectivités n'est pas compatible – je le dis comme je le pense – avec la revendication permanente d'autonomie fiscale, sous-jacente à bon nombre d'interventions que j'ai entendues. J'ai eu suffisamment l'occasion de m'exprimer sur la question de l'autonomie fiscale et de son absence de reconnaissance par la jurisprudence constitutionnelle, qui – M. Delcros l'a rappelé – ouvre un débat plus général sur le mode de financement des collectivités.
Par ailleurs, s'il y a parfois eu, je l'indiquais, un concours d'adjectifs, qui ne valent pas démonstration, il y a également eu un concours de jeux de mots, dans lequel le sénateur Bascher s'est illustré. À l'entendre énoncer la règle des "trois fois onze", j'avais l'impression d'entendre la règle des "trois fois D" : dénoncer les déficits et la dette tout en voulant augmenter les dépenses ! Ce n'est pas le sens de l'exercice budgétaire ou de la préparation d'une loi de finances qui serait tout à fait comptable. C'est sûrement une façon de revendiquer les "3 D", mais pas tout à fait dans le sens de ce que le Gouvernement et, je le crois, le Sénat espèrent.
Je conclurai par deux remarques rapides.
La première concerne la question de la trajectoire de finances publiques. Dans quelques instants, je présenterai un amendement ayant pour objet d'actualiser l'article liminaire en fonction des évolutions macroéconomiques.
Avant la crise, le Gouvernement avait tenu la plupart de ses engagements en la matière. Le poids des prélèvements obligatoires était passé de 45,1% à 44% du PIB et celui de la dépense publique de 55,5% à 54% du PIB. Nous avons tenu les engagements de baisses d'impôts et de diminution du poids de la dépense publique par rapport à la richesse nationale, indicateur beaucoup plus pertinent que les valeurs faciales figurant dans les documents budgétaires.
Nous aurons collectivement à affronter la question de la dette. Cette situation procède à la fois de la dette liée au covid, que l'on peut cantonner – c'est le travail de réflexion que nous devons conduire –, et de l'héritage de vingt ans ou trente ans d'accumulation de déficits, tendance que nous avons tous observée.
En défense de sa motion, M. Bocquet parlait du caractère souverain ou non d'une dette. Si l'on suit votre raisonnement, monsieur le sénateur, nous ne sommes plus souverains depuis 1974, année où ont été inaugurés les déficits chroniques et le recours à l'endettement auprès de fonds souverains.
M. Éric Bocquet. En effet, c'est là que cela a commencé !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je rappelle cela pour souligner l'ancienneté de la question.
Nous devrons écrire ensemble – je l'espère, le plus largement – une trajectoire de finances publiques aussi réaliste que possible en matière de résorption et de soutenabilité tant de la dette que des déficits.
Ma seconde remarque fera écho à de nombreuses interventions, dont celle du président de la commission des finances. Le PLF que nous vous présentons est-il sincère ? Oui ! Il est sincère !
D'une part, nous respectons parfaitement, comme chaque année – c'est une marque de fabrique que chacun a soulignée lors du débat sur le dernier PLFR –, l'autorisation parlementaire. Cela se démontre par l'absence systématique de décrets d'avance et par notre volonté, au risque de multiplier les PLFR, de nous appuyer sur des autorisations parlementaires plutôt que sur des décrets d'avance pour modifier les crédits prévus.
M. André Gattolin. C'est vrai !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. D'autre part, nous vous proposons précisément d'actualiser ce PLF. L'insincérité consisterait à débattre de ce PLF sans jamais remettre en cause les hypothèses de l'article liminaire. Cela vaut d'ailleurs pour le PLF comme pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Nous vous proposons d'actualiser les hypothèses avec une méthode "au fil de l'eau", qui est – j'en conviens volontiers – inconfortable parce qu'elle oblige à intervenir à chaque séance, en se posant la question de la stabilité des hypothèses, même si je forme le voeu qu'elles soient désormais le plus stables possible. Cette "sincérisation" et cette actualisation des hypothèses sont le gage de la sincérité de l'exercice budgétaire que nous présentons.
Je veux citer trois références à ce sujet.
D'abord, une décision du Conseil constitutionnel du 21 juin 1993 a souligné que la sincérité en matière budgétaire tenait au fait de ne pas avoir l'intention de fausser les grandes lignes budgétaires. Or, lorsque l'on prend connaissance de la situation dégradée des finances publiques et de l'adéquation entre ce que nous vous proposons et la réalité des prévisions que nous connaissons, on constate qu'il n'y a aucune volonté – je crois que vous serez d'accord – de fausser les grands équilibres de ce PLF. Au contraire, nous veillons à le « sincériser » chaque fois que nous ne le pouvons, dans le respect de la loi organique relative aux lois de finances, c'est-à-dire une fois que l'avis du Haut Conseil des finances publiques sur les hypothèses macroéconomiques a été rendu.
Ensuite, en vertu de l'article 32 de la LOLF, les prévisions que le Gouvernement présente au Parlement sont argumentées compte tenu des informations dont il dispose. Je fais de nouveau un lien avec cette « sincérisation » et cette actualisation au fil de l'eau. Chaque fois que nous disposons d'informations de nature à changer les hypothèses macroéconomiques, nous actualisons le texte, au risque de susciter l'inconfort que j'évoquais.
Enfin, M. Bascher s'interrogeait sur la pertinence et la lisibilité ou l'intelligibilité d'une loi de finances qui comporte une mission – la mission "Plan de relance" – regroupant 36,7 milliards d'euros de crédits, répartis en trois programmes. J'assume volontiers le fait que cette mission relève, pour sa programmation et son exécution, du seul ministère de l'économie, des finances et de la relance. C'est un choix politique de pilotage du plan de relance. J'assume également – je l'ai dit dans mon intervention liminaire et devant la commission des finances –, le fait de n'avoir construit que trois programmes, afin de garantir une plus grande fongibilité et de permettre une « clause » de revoyure et le redéploiement des crédits. Est-ce illisible ou insincère ? Non. Aux termes de l'article 7 de la LOLF, les missions et les programmes sont construits en fonction de la finalité des crédits qui y sont inscrits. La finalité est, en l'espèce, la relance ; cela a été sanctionné positivement par l'intégralité de la jurisprudence.
Au demeurant, M. Bascher était beaucoup moins sévère à l'égard de cette méthode lorsque le plan de relance de 2009-2010 était construit autour d'une seule et unique mission, qui avait même donné lieu à la création d'un ministère pour la mettre en oeuvre, avec le même souci de fongibilité et de pilotage.
J'ai évoqué ces exemples à dessein. Nous entrons dans une discussion qui nous opposera certainement sur un grand nombre de points. J'espère qu'elle nous permettra aussi de constater des convergences. Je crois que cette discussion sera sincère et loyale et qu'elle nous permettra de nous interroger collectivement sur ce que l'on doit faire de nos moyens et sur la manière dont nous redresserons in fine la situation des comptes publics.
En tout cas, je me réjouis d'ouvrir cette discussion et de vous présenter l'article liminaire, avant de laisser mon collègue Clément Beaune débattre avec vous du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. Et je me félicite de vous retrouver demain pour discuter des articles et des amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La discussion générale est close.
source http://www.senat.fr, le 3 décembre 2020