Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de M. Vincent Ledoux pour l'accès universel, rapide et équitable au vaccin contre le covid-19 (nos 3475).
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La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. La proposition de résolution que nous examinons est de celles qui suscitent spontanément l'adhésion : les principes qu'elle porte haut sont profondément égalitaires ; l'ambition qui l'anime est la même que celle qui fonde notre modèle de protection sociale. Depuis quelques jours, une lueur d'espoir parcourt le monde ; nous devons nous en réjouir collectivement, après de longs mois de lutte contre une épidémie aussi brutale qu'inattendue. Nous avons tous besoin d'une certaine dose d'optimisme, et la perspective raisonnable d'une arrivée prochaine de vaccins y participe.
La prudence doit néanmoins rester de mise : il est encore trop tôt pour crier victoire ; de nombreuses incertitudes demeurent quant au calendrier de disponibilité d'éventuels vaccins en quantité suffisante ; enfin, une stratégie extrêmement rigoureuse de vaccination devra, en temps voulu, être précisée par le Gouvernement – nous avons commencé à y travailler.
Depuis le début de cette crise sanitaire inédite, le Gouvernement et l'État ont pris leurs responsabilités. La santé pour chacun, la solidarité pour tous : voilà nos valeurs, voilà nos exigences. Les soignants en première ligne et ceux qui font tourner l'économie au quotidien, toutes et tous, les Françaises et les Français, se sont mobilisés et ont tenu. Si nous ne devions retenir qu'un mot d'ordre, qui aura été le credo de la nation tout du long, c'est bien celui de ne laisser personne au bord du chemin.
Le milieu de la recherche est lui aussi pleinement engagé. Il est en train de réaliser la prouesse, en quelques mois seulement, de trouver un vaccin contre la covid-19. C'est dès à présent que nous, responsables politiques, devons déterminer les meilleures conditions de son déploiement. Plusieurs exigences sont incontournables : la transparence des investissements en fait partie, et le ministère des solidarités et de la santé y est, vous le savez, particulièrement attaché. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 consacre d'ores et déjà un certain nombre de mesures à cette transparence non seulement légitime dans un État de droit, mais ô combien nécessaire à l'heure où les marchands de conspiration trouvent dans cette crise de nouvelles ressources.
Je rappelle que nous travaillons, au niveau européen, à la fixation d'un prix juste pour les futurs vaccins contre la covid-19, à travers des mécanismes d'achats groupés tenant essentiellement compte du coût de production des firmes pharmaceutiques. Personne ne devrait avoir à payer davantage que ce prix juste. C'est ce que nous nous employons à garantir avec les entreprises.
Chaque euro consacré à l'achat de vaccins sera documenté, tracé et justifié. Le ministère des solidarités et de la santé est aussi celui de l'équilibre et de la sincérité des comptes sociaux. Je mesure à la fois l'évidence et l'importance de le rappeler à la représentation nationale.
J'en viens à la question de l'universalité. Comment ne pas souscrire à l'ambition présentée et largement partagée à travers le monde de faire de l'accès à ce vaccin un droit humain fondamental et imprescriptible ? De Paris à Tokyo, de New York à Bamako, nous sommes tous confrontés à une même crise, à une même peur, à de mêmes risques. Je vous rappelle, mesdames et messieurs les députés, que c'est notamment à l'initiative de la France qu'a très tôt été mise en avant cette approche selon laquelle le vaccin contre la covid-19 devrait être un bien public mondial. Dès le 16 avril, auprès de M. Tedros, puis de nouveau le 24 avril, le Président de la République a utilisé cette expression de bien public mondial.
M. Jean-Paul Lecoq. C'est de la com !
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État. À plusieurs occasions, il a exprimé et soutenu cette idée, encore lors du lancement de l'accélérateur ACT-A – le dispositif pour accélérer l'accès aux outils de lutte contre la covid-19, que certains d'entre vous ont mentionné –, mais aussi lors de l'Assemblée mondiale de la santé et du Sommet mondial sur la vaccination. Donner accès au vaccin à certains et pas à d'autres serait une faute morale. Afficher une division voire une concurrence entre pays serait une faute morale. Ce n'est pas notre conception ni de la santé ni de la coopération internationale. Ce n'est pas à cela que nous voulons que ressemble la vie après la covid-19.
Je vous le garantis : l'Europe n'agira pas en ordre dispersé. En ce moment même, nous conjuguons nos forces avec celles de nos partenaires pour mettre en oeuvre une stratégie vaccinale concertée et coordonnée qui permettra à chacun de pourvoir aux besoins des populations. C'est l'exigence que défend notre pays, la France. Nous soutenons toutes les initiatives internationales. L'excellence de la recherche européenne fait – il faut nous en réjouir – que nous aurons sans doute accès au vaccin avant d'autres. C'est là, mesdames et messieurs les députés, que les actes pourront rejoindre les paroles. Le partage des doses de vaccin, dès le premier accès, est un engagement qui sera tenu. Nous prendrons toute notre part aux démarches multilatérales de rétrocession d'une partie de nos doses pour la vaccination des personnels soignants des pays les plus pauvres. Plus que jamais, nous devons rester solidaires et nous le resterons. L'Europe des solidarités, que le Président de la République promeut depuis plus de trois ans, constitue le cadre pertinent pour répondre à un défi de cette ampleur.
Les enjeux soulevés par cette proposition de résolution sont au coeur des travaux de l'ensemble des acteurs de la gestion de la crise. Chacun mesure que le déploiement des vaccins doit suivre une partition millimétrée, sans faute, sans approximation et sans la moindre place laissée à l'improvisation. Il y a un enjeu de transparence, et toutes les garanties sont prises pour que chaque euro dépensé le soit à bon escient. Il y a un enjeu d'universalité : nous ne pouvons imaginer un seul instant que des pays soient privés de ce vaccin. Une crise sanitaire internationale appelle une solidarité internationale ; c'est tout autant une question d'efficacité pour permettre une couverture vaccinale mondiale suffisante qu'une question – surtout – morale. À cet égard, la France sera au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Agir ens et Dem.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 9 décembre 2020