Conférence de presse de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur l'aide publique au développement, à Paris le 17 décembre 2020.

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Circonstance : Conseil présidentiel du développement

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,


Bruno Le Maire et moi-même, nous sortons tout juste du premier Conseil présidentiel du développement qui vient de se tenir à l'Elysée sous l'égide du Président de la République qui était avec nous en visioconférence, autour du Premier ministre qui était également en visioconférence, avec les principaux ministres concernés, ainsi que les dirigeants des opérateurs de l'Etat en charge du développement, singulièrement le directeur général de l'Agence française de développement.

Ensemble, nous avons pu mesurer le chemin parcouru depuis le début du quinquennat : avec une APD - une aide publique au développement - qui a maintenant dépassé les dix milliards d'euros, près de onze milliards d'euros en fin 2019, d'après les derniers chiffres de l'OCDE. Notre pays est enfin revenu dans le jeu, après quelques années d'éclipse.

Il fallait revenir dans le jeu parce que, d'abord, c'est notre histoire de solidarité et d'engagement, et aussi parce qu'il n'est pas concevable de laisser les coudées franches aux nouveaux acteurs que l'on voit aujourd'hui s'engager sur le terrain du développement, avec des méthodes et des intentions telles qu'il est essentiel que nous soyons au rendez-vous pour proposer une autre voie à nos partenaires.

Nous avons aussi fait le point sur les répercussions économiques de la crise pandémique qui sont, vous le savez, dramatiques pour beaucoup de nos partenaires africains.

Un sommet se tiendra d'ailleurs en mai prochain, avec les institutions financières internationales, afin de chercher collectivement des solutions innovantes aux problèmes de financement des économies africaines. Et Bruno Le Maire y reviendra.

Lors de ce Conseil présidentiel, nous avons également décidé de donner une nouvelle ambition à l'expertise française à l'international, qui est une référence dans de nombreux domaines, et notamment dans le domaine du développement.

Sous l'impulsion de l'Etat, nous allons renouveler l'offre d'expertise et renforcer notre dispositif sur le terrain, dans une approche plus stratégique. Nous allons également valoriser l'engagement de la jeunesse, et notamment des jeunes issus des diasporas africaines.

Enfin, ce Conseil présidentiel du développement a décidé la mise en place d'un nouveau Fonds d'innovation pour le développement qui sera chargé de soutenir des projets d'innovations technologiques, sociales, financières, environnementales, ayant un fort impact sur le terrain dans les secteurs thématiques et géographiques prioritaires de l'aide française, en particulier dans le domaine de la santé. Il sera financé par l'Etat et présidé par l'économiste Esther Duflo, qui est, elle aussi, une référence à l'international et qui a choisi de revenir en France, et nous sommes très heureux qu'elle ait accepté de jouer ce rôle d'impulsion.

Impulser un nouvel élan à notre politique de développement et de solidarité internationale, c'est également l'ambition du projet de loi que j'ai présenté hier matin au Conseil des ministres et que nous avons évidemment évoqué.

Ce projet de loi est l'aboutissement de trois années de travail et de concertation avec l'ensemble de la communauté française du développement, depuis les ONG jusqu'aux collectivités territoriales, sans oublier le rôle du secrétaire d'Etat Jean-Baptiste Lemoyne et des parlementaires, en particulier Hervé Berville, qui ont été très ardents sur cette co-construction.

En même temps qu'un aboutissement, ce projet est un nouveau départ pour nous tous. C'est d'abord, si vous me permettez l'expression, un changement de braquet, puisque conformément à l'engagement pris par le Président de la République, dès le début de son mandat, nous allons porter notre aide publique au développement à 0,55% de notre richesse nationale en 2022, c'était 0,37% en 2017. Nous sommes aujourd'hui à 0,44%. Et l'objectif de 0,55% est donc tout à fait atteignable.

Cette nouvelle loi, qui est une loi de programmation, et pas simplement une loi d'orientation, fixera la trajectoire budgétaire qui nous permettra de parvenir à cet engagement. A l'inverse de certains de nos voisins, nous avons décidé de maintenir notre engagement parce que la crise actuelle nous a confortés dans l'idée qu'il était crucial de maintenir cet effort pour les années à venir.

Il ne s'agit pas uniquement, d'ailleurs, de faire plus, mais grâce à ces moyens renforcés, nous entendons aussi faire mieux. Ce projet de loi inaugure donc un changement de méthode en profondeur, dans le sillage des efforts de rénovation qui avaient été déjà engagés au sein du comité interministériel de la coopération internationale et du développement, que l'on appelle généralement le CICID, qui s'était tenu en février 2018 et qui a permis la mise en place d'un nouveau paradigme.

Ce nouveau paradigme contient des priorités plus définies.

Des priorités géographiques, bien sûr, avec la concentration de notre aide publique au développement en dons, - en particulier en dons -, vers les pays les plus vulnérables, en particulier les 19 pays prioritaires appartenant à la catégorie des pays les moins avancés, principalement situés en Afrique subsaharienne.

Meilleure définition, aussi, de nos priorités thématiques : partout où nous investissons, que ce soit dans des pays en développement ou des pays émergents, nous voulons investir dans l'avenir pour les biens publics mondiaux.

Le premier de ces biens communs, c'est bien sûr la santé. C'est tout à fait d'actualité. Vous savez l'engagement de la France dans les grands enjeux de santé internationaux, depuis l'engagement dans le fonds contre le sida, la tuberculose et le paludisme ; et l'initiative du Président de la République et de l'Union européenne autour de l'opération ACT-A, de lutte contre la pandémie par la mobilisation autour des vaccins, des traitements et des tests, était extrêmement importante.

Il s'agit aussi, dans les biens publics mondiaux, de faire en sorte que l'engagement pour la préservation du climat et de la biodiversité soit prioritaire dans les nouvelles orientations de notre politique de développement.

Nous allons avoir, cinq ans après l'Accord de Paris que nous avons marqué la semaine dernière, en 2021, les trois COP : la COP 26 sur le climat, la COP 15 sur la biodiversité et la COP sur la désertification. Et dans ce moment particulier, nous ferons en sorte que notre aide publique au développement soit compatible avec l'Accord de Paris et avec nos engagements pour lutter contre le réchauffement climatique.

Dans les biens publics mondiaux, il y a, aussi, l'engagement autour de l'éducation, qui avait déjà été engagé à Dakar par le Président de la République, et qui va se poursuivre dans le plan mondial pour l'éducation et, évidemment, dans la promotion de l'égalité de genres en commençant par l'égalité entre les filles et les garçons à l'école. C'est particulièrement important, en 2021, puisque se tiendra à Paris le Forum génération égalité, vingt-cinq ans après ce premier forum de Pékin.

Voilà donc ce nouveau paradigme sur des priorités géographiques, sur des priorités thématiques, avec une mobilisation financière nouvelle.

Mais ce nouveau paradigme, c'est aussi un paradigme qui s'appuie sur des partenariats refondés.

Il ne s'agit pas seulement de faire pour nos partenaires du Sud, mais de faire avec eux, car face aux défis que nous avons traversons ensemble, nous avons des responsabilités communes et ce projet de loi indique la méthode nouvelle que nous voulons développer pour qu'il y est un vrai partenariat entre le Nord et le Sud.

Ce nouveau paradigme, c'est enfin un renforcement du pilotage de la politique de développement par l'Etat, avec une chaîne de commandement, une responsabilité collective, qui sera clarifiée, du plus haut niveau de l'Etat, on vient de le tenir, jusqu'à une implication renforcée de nos postes diplomatiques avec des partenaires locaux, et les partenaires ONG, sur place.

Voilà l'essentiel de cette réunion qui vient de se terminer. Je vais donner tout de suite la parole à Bruno Le Maire pour compléter mon propos.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 décembre 2020