Texte intégral
BERNARD POIRETTE
Jean-Michel BLANQUER, bonjour.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.
BERNARD POIRETTE
Merci d'être en studio avec nous sur Radio Classique, je rappelle que vous êtes ministre de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Sports, vous suivez comme nous tous l'infernale péripétie de Miss Provence avec les suites judiciaires à venir, avec aussi je raccroche avec l'interview de monsieur MACRON à L'Express, une très très longue interview, il dit beaucoup de choses le président. Il dit notamment je combats l'antisémitisme fortement et férocement mais il serait absurde de dire précise-t-il que MAURRAS par exemple ne doit plus exister. Donc le président est très clair dans sa tête, il dit bon aujourd'hui il faut combattre ça, mais on ne va pas refaire L'histoire, MAURRAS se fait partie de l'histoire et donc voilà on ne va pas le gommer. Quelle est votre position à vous ministre de l'Education nationale sur ces questions-là ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ma position…
BERNARD POIRETTE
C'est complexe.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr que c'est complexe mais ma position c'est que nous ne devons pas nous laisser submerger par l'impression de magnitude que donnent des réseaux sociaux. Au fond aujourd'hui grâce aux réseaux sociaux n'importe quelle petite minorité extrémiste peut donner le sentiment d'être très puissante et parfois ils le deviennent par une sorte de cercle vicieux, par une sorte d'effet d'amplitude et donc ce qui s'est passé…
BERNARD POIRETTE
Au point de pouvoir faire tuer un enseignant.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Exactement les réseaux sociaux sont devenus un outil, un outil d'amplification et on voit que sur certains des réseaux sociaux, c'est d'ailleurs toujours les extrêmes qui triomphent, par exemple souvent sur Twitter on voit l'extrême gauche et l'extrême droite très puissante de manière très disproportionnée par rapport à leur poids réel dans la population. Et donc il faut faire très attention à ça parce que après, c'est eux qui créent le débat, c'est eux qui créent l'agenda politique alors même que… et donnant le sentiment en quelque sorte qu'on est submergé. Aujourd'hui c'est très important qu'une sorte de très grande majorité républicaine de la population française se voie davantage, se manifeste davantage parce que la démocratie elle se défend face à l'antisémitisme, face à toutes sortes de phénomènes contemporains qui sont graves. Et de ce point de vue là je pense qu'il faut à la fois lutter de manière très ferme contre ça et en même temps de ne pas exagérer la force de l'adversaire.
BERNARD POIRETTE
Alors hier sur cette antenne Aurore BERGE que vous connaissez bien, Luc FERRY que vous connaissez également disaient, écoutez c'est insupportable les GAFA américains, ce sont des tuyaux dans lesquels passent de l'information, ils ne veulent rien censurer sur cette information, disent nous on est des fournisseurs d'accès, c'est tout. Donc le problème il est là les gens peuvent penser ce qu'ils veulent et dire toutes les horreurs qui veulent, est-ce qu'il y a une responsabilité de ceux qui transportent ces messages et qu'est-ce que vous pouvez faire vous politique, pas vous BLANQUER, mais vous politique ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr qu'il y a une responsabilité, tout le monde a une responsabilité sur cette terre et quand on a une entreprise, en l'occurrence des grandes entreprises du numérique américaine, on a évidemment une responsabilité. D'ailleurs les Américains eux-mêmes savent très bien nous trouver des responsabilités à nos grandes entreprises quand elles agissent internationalement, donc il est évident qu'on doit inventer une forme de responsabilité notamment par des normes européennes. L'Europe a d'ailleurs montré qu'un peu d'efficacité sur ces sujets, je pense notamment au règlement européen, le fameux RGPD qui permet aujourd'hui d'avoir un très bon modèle de normes de protection des données. Nous devons vis-à-vis des plates-formes de réseaux sociaux en particulier avoir la même démarche, c'est-à-dire une démarche de responsabilité, une démarche aussi de souveraineté, une démarche de protection de la personne humaine et donc il est évident que dans les temps les plus proches, il faut qu'on ait un régime de responsabilisation des plateformes.
BERNARD POIRETTE
Jean-Michel BLANQUER, parlons de ce qui fait prioritairement l'actualité ces temps-ci, avec le flou artistique total, avec ce nouveau… cette variante anglaise du Covid-19 etc. Dans l'état actuel des choses et là où nous parlons le 22 décembre, les enfants retournent à l'école le 4 janvier, on n'a rien bougé.
JEAN-MICHEL BLANQUER
On n'a pas bougé, on n'a pas changé cela en effet.
BERNARD POIRETTE
Ça peut bouger ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Par définition tout peut toujours évoluer mais vous le savez je plaide fermement pour le maintien de l'ouverture des écoles, des collèges et des lycées, le droit à l'éducation est essentiel, le fait que les enfants et les adolescents aillent à l'école, au collège et au lycée, c'est absolument fondamental, ça ne doit pas se sacrifier, c'est la dernière chose à sacrifier dans une période comme celle que nous vivons. En mars et avril on a bien vu l'inconvénient que cela représentait même si on a une belle mobilisation pour que l'enseignement à distance soit réalisé. La France est un des pays qui a le mieux traversé scolairement cette période sanitaire, nous devons maintenir cet avantage en 2021 et d'ailleurs les protocoles sanitaires que l'on a appliqué depuis la rentrée de septembre ont montré leur efficacité puisqu'on n'a pas constaté de contamination plus élevée en milieu scolaire que dans le reste de la société, c'est même plutôt le contraire, donc il faut maintenir ce cap et je suis fermement résolu à le maintenir.
BERNARD POIRETTE
Est-ce que vous trouvez injuste que selon un sondage tout récent de la FSU, la principale organisation syndicale de l'enseignement, seulement un quart des enseignants soient satisfaits de votre gestion de la crise sanitaire ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non mais ça ce n'est pas… ce sondage est intéressant par d'autres questions notamment quand on voit dans ce sondage ou d'autres d'ailleurs que les Français sont majoritairement et les et les acteurs du système éducatif majoritairement satisfaits de la façon dont le système éducatif a traversé la crise sanitaire. Alors après qu'on n'attribue pas au ministre les vertus de ce qui se passe bien, ça n'est pas très grave, ce n'est pas le sujet le plus important.
BERNARD POIRETTE
Bon alors et il y a aussi dans le monde de l'enseignement et de l'éducation monsieur BLANQUER, alors vous allez me dire ce n'est pas véritablement mon secteur, la faculté et les étudiants qui me semble-t-il souffrent bien plus encore que les plus jeunes. Eux ils ont rien eu au printemps, après ça a été l'été, ils sont retournés en fac début octobre et ça a refermé ensuite un mois après, c'est une épouvante pour eux.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il est certain qu'on doit être extrêmement attentif à ce qui se passe pour eux et à ce qui se passe pour les universités et l'enseignement supérieur en général. C'est ce que fait Frédérique VIDAL, c'est pourquoi elle a prévu un retour progressif à la normale à partir du mois de janvier dans la mesure où les circonstances sanitaires le permettent, mais il est évident qu'on doit maintenant avoir un retour physique des étudiants le plus possible, c'est quelque chose de fondamental.
BERNARD POIRETTE
Est-ce que vous confirmez monsieur BLANQUER peut-être par des études internes au ministère ou par Madame VIDAL que le monde des étudiants et dans une détresse absolue, une détresse morale, intellectuelle, psychologique et financière gravissime ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui il y a des indicateurs qui sont parfois inquiétant sur le sujet ? Encore une fois ça justifie largement le retour à la normale pour eux ? Mais c'est un sujet qui est géré par Frédérique VIDAL encore une fois. Mais ce raisonnement qui vaut pour les étudiants aurait pu valoir pour les élèves si on les avait maintenu confiné, c'est bien pour ça que je plaide sans arrêt pour le fait que nous ouvrions les écoles, les collèges, les lycées. S'agissant des universités c'est une problématique particulière parce que c'est des grands amphithéâtres, parce que la vie étudiante conduit aussi à beaucoup plus de brassage, donc il est normal qu'il y ait eu des mesures assez raisonnables et restrictives jusque-là. Mais maintenant on doit être très attentif à ce que ces étudiants ne perdent pas les années actuelles d'une manière qui serait trop préjudiciable pour eux.
BERNARD POIRETTE
En matière de vaccination Jean-Michel BLANQUER, on commence dimanche dans les EHPAD donc avec le 1er vaccin disponible pour les résidents et pour les soignants. Est-ce qu'il vous semblerait logique que le corps enseignant soit également prioritaires à la vaccination ou pas ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça c'est vraiment les autorités sanitaires qui décident ce genre de choses parce qu'elles ont évidemment la vision complète. ce qui me semble assez logique, c'est le fait qu'on commence par les personnes âgées et les personnes vulnérables, viendra le temps du monde enseignant, pour l'instant on n'a pas d'indicateur inquiétant s'agissant de la contamination des professeurs, bien entendu il y a de décontamination comme pour le reste de la population, mais c'est plutôt en dessous de la moyenne de la population, c'est d'ailleurs la preuve que les gestes barrières ont bien été appliqués, il faut qu'on rende hommage aux enseignants pour cela aussi parce qu'au fond le milieu scolaire a été un milieu plutôt préservé du virus par rapport est de la société parce qu'au quotidien les adultes avec leurs élèves ont su faire respecter les gestes barrière. Vous savez je dis souvent cela quand les élèves ne sont pas à l'école de toute façon ils font quelque chose et même parfois en famille que ce soit pendant les repas ou à d'autres moments, on peut se contaminer, à la limite davantage que dans le milieu scolaire, quand on est attentif au respect des gestes barrières. Donc c'est ce qui s'est passé pendant ce trimestre, c'est ce qui fait qu'on a des chiffres qui sont relativement faibles par rapport à la moyenne dans le dans le milieu scolaire et donc ceci néanmoins pourrait justifier du fait des particularités de la vie scolaire qu'à un moment donné les enseignants soient vaccinés, mais il faut que ce soit les autorités sanitaires qui définissent le bonne ordre dans lequel les choses doit se faire.
BERNARD POIRETTE
Jean-Michel BLANQUER, vous êtes aussi le ministre de la Jeunesse et des Sports notamment du monde du sport associatif, pas le professionnel. Le professionnel, il est en plein soubresauts footballistique avec Mediapro etc mais ils vont trouver une solution financière avec un repreneur, il y a pas de problème, mais les amateurs, le monde du sport amateurs, est-ce qu'il va, est-ce qu'en mars il y aura encore du sport amateur en France ? Les petits clubs là ils n'ont plus aucune ressource plus rien.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Nous sommes évidemment très attentifs à cela et avec Roxana MARACINEANU nous y travaillons tous les jours et vous savez le fait d'avoir réuni le ministère de l'Education nationale avec la Jeunesse et les Sports, c'est fait justement pour avoir des synergies, pour faire en sorte que sport et éducation et jeunesse se confortent mutuellement. Dans des circonstances comme celles-ci notre objectif il est double, c'est à la fois de traverser la crise donc éviter comme vous venez de le craindre que des clubs disparaissent tout simplement, des clubs amateurs. Donc traverser la crise mais aussi semer des graines pour l'après-crise pour la suite. Exemple typique nous venons de prendre la mesure qui s'intitule passeport et qui est dotée de plus de 100 millions d'euros et qui permet de financer l'inscription dans les clubs des enfants et des adolescents pendant la période actuelle pour compenser les non-inscriptions de cette année, mais aussi pour créer une incitation qui vaudra bien au-delà de la crise sanitaire parce que nous voulons que les enfants et les adolescents pratiquent beaucoup plus le sport. Et c'est d'ailleurs notre grande ambition ensemble, c'est notamment avec la Locomotive que représentent les Jeux olympiques de 2024, de lancer un grand élan pour le sport en France notamment dans la pratique sportive des enfants et des adolescents et c'est quelque chose qui va beaucoup changer dans les temps qui viennent avec les différentes mesures que nous prenons.
BERNARD POIRETTE
Jean-Michel BLANQUER, ça vous tente d'être tête de liste En Marche aux régionales en Ile-de-France en juin ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Pour l'instant ça n'est pas le sujet, vous le savez je suis chef de file c'est-à-dire que j'organise ce que fait notre majorité présidentielle pour la région Ile-de-France en termes de programme et puis en termes de l'Union des personnes qui s'investissent dans cette campagne.
BERNARD POIRETTE
Si vous organisez, ça veut dire que vous allez mener la campagne.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Parfois on peut avoir un sens collectif tellement développé que l'on fait les choses pas forcément pour soi, vous savez, ça arrive et c'est peut-être ce qui arrivera, le but est pas finalement mon sort et puis actuellement je suis quand même très mobilisé…
BERNARD POIRETTE
Mais ça vous tente dans l'absolu, si vous si on vous le demande gentiment, vous irez.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce qui est très important déjà c'est que j'accomplisse mes fonctions de ministre de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Sports dans une période de crise sanitaire qui requiert tout mon temps, donc le travail que je fais est un travail d'impulsion avec d'autres personnes qui sont remarquables comme Laurent SAINT-MARTIN qui député du Val-de-Marne qui m'aide dans ce dans ce travail. Donc c'est d'abord et avant tout un travail collectif et ensuite on verra bien, mais ce qui me meut actuellement, c'est évidemment de bien assurer à la fois la gestion de la crise et en même temps de continuer à creuser les sillons fondamentaux, vous savez la question de l'école primaire reste ma priorité fondamentale, lire, écrire, compter et respecter autrui, nous faisons certains progrès sur ces sujets. Il y a évidemment tous les enjeux de la réforme du lycée aussi, donc tout toutes ces questions me mobilisent pleinement.
BERNARD POIRETTE
Et juste une dernière question parce que je sais qu'il y a beaucoup de gens qui nous écoutent qui sont directement concernés, on est bien d'accord monsieur BLANQUER que dans l'avenir en France il sera de plus en plus difficile aux parents de ne pas envoyer leurs enfants à l'école, qu'ils les éduquent eux-mêmes chez eux, vous ne voulez plus que ça, ce sera exceptionnel…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y aura des exceptions qui seront prévues par la loi et que nous avons commencé à déterminer, que ce soit pour des raisons de santé, pour des raisons par exemple de pratique intensive sportives ou artistiques et quelques cas particuliers, mais notre but est vraiment que les enfants aillent à l'école. c'est d'ailleurs toujours le même sujet qu'on voit sous un angle ou sous un autre, je disais les enfants doivent aller à l'école malgré la crise sanitaire, je vous dis aujourd'hui les enfants doivent aller à l'école, il y a un enjeu républicain bien sûr pour éviter les séparatismes et on a vu que par exemple quand on a démantelé récemment en différentes structures clandestines de scolarisation, la moitié des enfants qui étaient dedans, étaient enrôlés dans l'islamisme radical et l'étaient alors qu'ils avaient le statut d'enfants instruits à domicile. Donc nous devons lutter contre cela pour la République, mais je dirais au moins tout autant pour les droits des enfants puisque lorsqu'il se passe des choses comme ça, c'est les droits des enfants qui sont qui sont violés. Donc je suis déterminé sur ce sujet dès l'école maternelle, puisque l'école c'est bon pour les enfants et c'est bon pour les enfants tôt, à l'âge de 3 ans, quand tant de choses se déterminent dans la vie, le vocabulaire, la sociabilité, la joie d'être avec les autres tout simplement et je dirais la joie de vivre même. Et donc ces enjeux-là, nous devons les développer mais ceux-là aussi créer des défis pour l'école pour qu'elle soit pleinement attractive et en même temps nous ne devons pas être aveugle face à certaines façons de faire qui parfois sont nécessaires pour les enfants et nous saurons trouver les bonnes exceptions.
BERNARD POIRETTE
Merci beaucoup Jean-Michel BLANQUER, donc ministre de l'Education nationale, Jeunesse et Sports sur Radio Classique. Je vous souhaite de bons congés si vous avez la possibilité de prendre quelques jours.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 janvier 2021