Texte intégral
Merci beaucoup, Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Président de la Commission de l'Union africaine,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers amis,
Je voudrais tout d'abord chaleureusement féliciter la Tunisie qui prend la présidence du Conseil de sécurité, en ce début d'année, féliciter également les nouveaux membres de ce Conseil, l'Inde, l'Irlande, le Kenya, le Mexique, la Norvège, et saluer des visages familiers, en ce début d'année.
Je tiens également à présenter au président Issoufou et au peuple nigérien les condoléances de la France, suite aux attaques perpétrées le 2 janvier dernier au Niger dans les villages de Tchombangou et Zaroumdareye, qui ont causé la mort de plusieurs dizaines de civils et fait de nombreux blessés. La France condamne avec la plus grande fermeté ces crimes odieux dont les responsables doivent être traduits en justice.
Monsieur le Président,
Je vous remercie de l'organisation de cette réunion. Je remercie aussi le Secrétaire général des Nations unies, le président de la Commission de l'Union africaine, et l'ancienne présidente du Libéria.
Ce débat s'inscrit d'ailleurs aussi dans la droite ligne d'un débat que nous avions eu en mars 2018 sur ces opérations de maintien de la paix. C'était à l'époque une présidence néerlandaise, et je voudrais aujourd'hui insister sur trois points :
Un constat : je crois qu'il faut que nous puissions bien appréhender les facteurs de fragilités et leurs conséquences.
Deux : rappeler le chemin parcouru, car notre système des Nations unies s'est réformé.
Et puis trois : aussi, peut-être évoquer encore des modalités d'évolution de nos cadres d'intervention.
Je reviens donc au premier point : le constat. Je crois que l'effort d'analyse auquel vous nous invitez, Monsieur le Président, est essentiel car la manière d'appréhender les facteurs de fragilités a des conséquences politiques sur l'action du système des Nations unies et sur ses partenaires.
Ces facteurs de fragilités, cela a été dit avant moi, sont multidimensionnels. Ils peuvent être sources de menaces à la paix et à la sécurité internationales, créer aussi des cycles de crise sans fin. Et je crois qu'ils ont comme dénominateur commun la faiblesse des Etats.
Ces fragilités exposent les populations et le personnel des Nations unies à des risques nouveaux, à des environnements plus dangereux, à des menaces qui se jouent des frontières, et qui s'épanouissent dans un contexte d'affaiblissement des partenaires institutionnels voire de vides de gouvernance. Elles offrent ainsi un terrain propice au développement du terrorisme et à l'affaiblissement des processus de paix.
Je crois que ce constat doit nous inciter à décloisonner notre action. En traitant les crises dans leur dimension régionale. En mettant aussi l'accent, au-delà de la gestion de la crise, sur la prévention, le renforcement des capacités des Etats et la consolidation de la paix. Et puis aussi en dépassant une réponse sécuritaire : elle est indispensable, mais il faut aussi traiter les facteurs de fragilités dans leur globalité. Je pense à l'impact du changement climatique, à la situation des personnes déplacées et des réfugiés, bref, aux défis humanitaires et sanitaires ou au manque d'inclusivité des processus politiques s'agissant des femmes et des jeunes. C'est l'approche que promeut la France aux Nations unies et au sein de ce Conseil.
Dans le contexte de la crise sanitaire que nous traversons encore, l'appel à un cessez-le-feu global, que vous avez lancé, Monsieur le Secrétaire général, le 23 mars 2020, puis l'adoption à l'unanimité au mois de juillet dernier de la résolution 2532, portée conjointement par Tunisie et la France, ont été des jalons indispensables de la réponse collective que la communauté internationale devrait apporter.
Mon deuxième, c'est, je le disais, rappeler le chemin parcouru. Sous votre impulsion, Monsieur le Secrétaire général, le système des Nations unies s'est en effet réformé pour s'adapter à ces défis.
Face à des environnements plus exigeants, les opérations de maintien de la paix sont devenues, je crois, plus performantes, plus robustes et plus agiles. La protection des civils est au coeur de leur mandat ainsi que la promotion du strict respect des droits de l'Homme et du droit international humanitaire. Pour accompagner les opérations de maintien de la paix, je crois que l'on a plus que jamais besoin de contingents mobiles, réactifs, bien équipés et bien formés, y compris sur le plan linguistique, je pense notamment à notre action, avec la francophonie au niveau de la langue française, qui permet parfois, sur des théâtres francophones, d'avoir cette bonne relation avec les populations. C'est pourquoi la France soutient les efforts de réforme du Secrétaire général à travers l'initiative "Action pour le maintien de la paix".
Je rends, à cette occasion, hommage aux casques bleus morts en opération et en particulier aux 60 soldats qui ont payé de leur vie cet engagement en 2020. Je salue également la résilience dont les opérations de maintien de la paix ont fait preuve face à la crise du Covid-19 et l'engagement des casques bleus aux côtés des Etats hôtes pour apporter leur soutien à la gestion de cette crise sans précédent.
Le développement et l'intégration des instruments de consolidation de la paix ont aussi progressé. La Commission de consolidation de la paix joue un rôle d'accompagnement et de suivi croissant. Le Fonds de consolidation de la paix est devenu un levier majeur dont l'efficacité a été prouvée. C'est pourquoi, la France multipliera par quatre sa contribution à ce fonds. Les opérations de maintien de la paix se sont aussi efforcées de renforcer l'intégration des composantes civiles et militaires. Cela reste un axe d'effort à poursuivre.
Enfin, et ce sera mon troisième point, notre responsabilité est de savoir faire évoluer nos cadres d'intervention.
La gestion des crises doit tenir compte de leur dimension régionale. Pour y faire face, on doit toujours mieux tirer parti des partenariats, en particulier avec l'Union africaine. Je rappelle à cet égard le soutien de la France au financement durable et prévisible des opérations africaines de paix, y compris sur contributions obligatoires de l'ONU. Le soutien à des opérations ad hoc doit aussi progresser. A cet égard, la Force conjointe du G5 Sahel est un exemple à promouvoir. Notre objectif est qu'elle devienne pleinement autonome. Pour y parvenir, elle a encore besoin d'un soutien aussi ambitieux que possible, auquel le Conseil de sécurité doit contribuer.
Par ailleurs, une paix pérenne ne peut prendre corps sans s'ancrer profondément dans le développement durable, dans l'anticipation des risques liés aux changements climatiques. La dimension climatique et la mise en oeuvre de l'agenda 2030 doivent être systématiquement prises en compte. Vous savez combien le Président Emmanuel Macron est attaché à cette dimension-là. Nous sommes à quelques jours d'un One Planet Summit et c'est l'approche que nous poursuivons avec nos partenaires dans le cadre de la Coalition pour le Sahel dont le quatrième pilier est constitué par cette Alliance Sahel. Dans ce contexte, la France soutient la recommandation de confier aux Nations unies une mission d'analyse et d'alerte précoce des impacts du changement climatique pour la sécurité internationale, à travers un rapport biennal du Secrétaire général à l'Assemblée générale et au Conseil de sécurité.
Enfin, la gestion des transitions nécessite sûrement davantage de flexibilité, pour éviter un retrait abrupt de la présence internationale lorsque, par exemple, une opération de maintien de la paix est fermée. Ce Conseil peut y contribuer en créant, par exemple, une mission politique spéciale chargée d'accompagner les autorités après le départ des casques bleus, comme c'est le cas au Soudan. Le rôle de suivi de la Commission de consolidation de la paix est également très utile pour maintenir l'attention de la communauté internationale et apporter une réponse régionale au règlement de la crise. Dans ce cadre, il est important que les bailleurs internationaux puissent se mobiliser pour faire la jonction et que les équipes-pays, sous l'autorité du Coordinateur résident, soient en mesure d'animer cette transition.
Monsieur le Président,
Vous nous avez invités à engager la réflexion sur un terrain où les défis sont nombreux pour la communauté internationale. Les outils pour y répondre sont entre nos mains. A l'heure où le Conseil de sécurité fête ses 75 ans d'existence, vous pouvez compter sur la France pour y prendre toute sa part, résolument, comme toujours.
Je vous remercie.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 janvier 2021