Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin, c'est Brigitte BOURGUIGNON. Bonjour.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous, ministre déléguée chargée de l'Autonomie. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la Presse quotidienne régionale, représentée par Stéphane VERNAY. Bonjour Stéphane.
STEPHANE VERNAY
Bonjour Oriane.
ORIANE MANCINI
Stéphane qui dirige le bureau parisien du journal Ouest France. On va commencer bien sûr en parlant du vaccin, de cette stratégie vaccinale qui pose questions. Plus de 100 000 Français qui sont désormais vaccinés, mais à un rythme qui est toujours un peu lent. Olivier VERAN s'engage à ce qu'un million de Français soit vacciné d'ici la fin du mois de janvier. Est-ce qu'on est quand même dans un gouvernement qui gère la pénurie éventuelle de vaccins ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, d'abord on ne gère pas la pénurie, les doses sont là, nous savons que nous avons déjà le million de doses annoncé, 500 000 qui sont livrées chaque semaine. Donc nous ne gérons pas une pénurie, mais nous gérons par contre une stratégie, une stratégie avec un produit qui n'est pas si simple d'utilisation qu'on voudrait bien le penser, et donc avec cette stratégie développée, nous avons d'abord, et nous assumons, d'avoir commencé par les personnes les plus âgées, les plus vulnérables, qui sont, je le rappelle pour certains, sont celles qui ont payé le plus lourd tribut lors de la crise sanitaire. Chacun pouvait s'émouvoir des morts en EHPAD, aujourd'hui lorsqu'on commence par eux, parce que c'est eux qui développent la maladie la plus aggravante et souvent mortelle, bien sûr qu'il est normal que nous commencions par cette population, ainsi que pour les personnes âgées à domicile, qui vont suivre. Cette stratégie a été élargie, vous le savez, pour accélérer les choses, au personnel soignant de plus de 50 ans et à ceux de moins de 50 ans qui présentent des comorbidités, et puis aussi aux sapeurs-pompiers et vous savez bien aussi que ça a pour effet de booster les chiffres depuis quelques jours, aujourd'hui nous on est passé à 139 000, quasiment, 138 450 pour être précise, hier, et nous allons continuer sur cette ligne-là pour atteindre peut-être même 400 000 en fin de semaine. Des centres de vaccination s'ouvrent sur les territoires, qui s'adresseront donc à ces personnes, à ces personnels, notamment du domicile de plus de 50 ans, et pour les autres qui ont des comorbidités. Ces centres de vaccination vont se multiplier, pour l'instant il y en a 200, il y en aura à peu près 350 en fin de semaine, pour aller jusque 600 à la fin du mois. Donc voilà, toute cette stratégie, voyez-vous, se met en place et a pour effet bien sûr de booster les chiffres.
ORIANE MANCINI
Et 400 000 à la fin de la semaine, c'est l'objectif du gouvernement.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, c'est l'objectif.
STEPHANE VERNAY
Alors, vous dites, il n'y a pas de pénurie à gérer, il y a quand même eu un retard à l'allumage, en tout cas moi je me souviens de Jean CASTEX qui au moment de la présentation de la politique vaccinale du gouvernement annonçait des livraisons très claires, avec des volumes très chiffrés, il disait notamment qu'il y avait 1,160 million de doses qui devaient être livrées d'ici la fin de l'année, là vous nous dites on a un million. Il y a quand même un décalage. Comment…
BRIGITTE BOURGUIGNON
Non non, il n'y a pas de décalage. Aujourd'hui…
STEPHANE VERNAY
Eh bien, entre ce qu'il annonçait et ce qui s'est fait, il y a quand même un décalage. Ça a été rattrapé ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Aujourd'hui, les doses sont là. Je voudrais qu'on arrête avec ces problèmes récurrents en France, qui sont toujours en train de… on est toujours finalement en train de s'autoflageller. Les doses sont là. Les EHPAD sont prêts, aujourd'hui même on va aller sur finalement les personnels qui n'étaient prévus qu'en février. Nous avons remonté le calendrier, pour permettre à ces chiffres de monter. Moi je trouve qu'on devrait passer son temps plutôt à essayer de sensibiliser ceux qui sont encore sceptiques, les personnels aussi, très souvent, qui sont encore sceptiques face à la vaccination. Aujourd'hui on a le recul…
ORIANE MANCINI
Il y a encore des personnels soignants qui ne veulent pas se faire vacciner aujourd'hui ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Enormément. Nous avons beaucoup…
ORIANE MANCINI
Ça représente combien, à peu près, en pourcentage de personnes, d'après vos chiffres ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Pour l'instant on a 20 % de personnels qui acceptent la vaccination par endroits. Ça n'est pas suffisant. D'autres endroits par contre acceptent largement, par exemple dans les milieux hospitaliers, c'est quelque chose de plus courant. Nous sommes aujourd'hui sur cette problématique qu'il faut régler, parce que oui on a un cordon sanitaire à faire autour des personnes âgées aujourd'hui, autour des personnes vulnérables que nous ciblons, à travers cette première vague de vaccination, et donc il ne faudrait pas qu'on ait un maillon manquant dans cet édifice, il faut donc continuer à sensibiliser, c'est demandé. Par exemple j'étais en en visioconférence hier avec les fédérations de domicile, tout comme vendredi avec les fédérations d'EHPAD qui vous le disent : nous avons encore à convaincre notre personnel qui commence à regarder. Moi je les ai rencontrés, je suis allée visiter cinq EHPAD qui démarrent leur vaccination en Seine-Saint-Denis, à Montfermeil, à Saint-Omer dans le Pas-de-Calais, au Laventi (phon) etc., et j'ai parlé avec ces personnels, j'ai entendu, elles disaient : « On attend un peu, on veut le recul nécessaire ». Le recul est là, le recul est là puisqu'on met suffisamment les chiffres des autres pays en évidence, nous savons aujourd'hui qu'il n'y a pas de victimes, vous savez bien comme moi que s'il y en avait on le saurait très vite. Donc aujourd'hui ce recul est là, la vaccination n'a pas d'effets nocifs sur les personnes, au contraire, donc nous devons renforcer cette vague de vaccination, convaincre.
ORIANE MANCINI
Mais comment vous l'expliquez, cette réticence ? Olivier VERAN lui-même a reconnu qu'il y avait sûrement eu de sa part un déficit de communication, un déficit d'explications. Est-ce que par exemple le gouvernement devrait faire une campagne de publicité en faveur du vaccin ? Est-ce que c'est prévu ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, moi, ça m'est demandé, en tout cas, donc nous irons probablement vers une campagne de sensibilisation à la vaccination, parce que moi je salue d'ailleurs, il y a pas mal d'élus locaux qui le font, il y a pas mal aussi de mouvements qui se sont organisés en disant « je me vaccine, et vous ? ». Oui, il faut aller…
ORIANE MANCINI
Il y aura une campagne nationale de la part du gouvernement ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Il faudra qu'il y ait une campagne nationale. J'en ai parlé hier avec les fédérations qui le demandent, je leur ai demandé aussi à elles de déployer ce type de « publicité » auprès de leur personnel bien sûr. Vous savez, les réticences viennent parfois de vieilles peurs qu'on s'est créés ou du fait que pour une fois nous avons d'abord un virus que personne ne connaissait, qu'il nous a fallu apprendre à connaitre, d'un vaccin qui mondialement a été boosté aussi par tous les chercheurs qui se sont rassemblés pour le faire. Je pense qu'on devrait s'enorgueillir de ce résultat aussi rapide, et c'est peut-être cette rapidité qui a perturbé, mais voilà, il faut maintenant qu'on travaille là-dessus pour convaincre tous ceux qui peuvent déjà à avoir accès au vaccin, d'y aller déjà.
STEPHANE VERNAY
Le ministère de la Santé a communiqué sur le nombre de personnes vaccinées en France hier, 138 000 Français vaccinés au 11 janvier, donc les choses démarrent. Par contre les vaccinations sont à peu près également réparties sur l'ensemble du territoire, pas de souci, sauf que les Outre-mer sont très peu représentés, la Guadeloupe 96 vaccinés, la Martinique 159. Est-ce que c'est normal ou est-ce qu'il y a une difficulté particulière sur les Outre-mer ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Non, il n'y a pas de difficulté, il y a même eu les stratégies dont on nous parlait beaucoup, militaires, qui ont été déployées pour apporter la logistique nécessaire dans ces départements. Il y a encore du travail peut être de conviction et d'organisation à voir, là je n'ai pas encore les remontées, je ne suis pas en mesure de vous donner plus d'informations là-dessus, mais nous allons nous y pencher.
ORIANE MANCINI
Un mot sur le calendrier avant de parler des EHPAD. La vaccination débute lundi pour les plus de 75 ans, on va y revenir, on va en parler avec vous, mais à quand le début pour les plus de 65 ans ? Est-ce qu'on peut s'attendre à un début à la fin du mois ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, moi j'ai le calendrier actuel, que je peux vous communiquer et qui est celui que vous connaissez, c'est-à-dire que nous avons donc ces personnels dont nous parlions, de plus de 50 ans, ceux qui ont une commodité et les plus de 75 ans à partir du 18 janvier. Ce qui est important de rappeler quand même à nos auditeurs, c'est que une plateforme s'ouvre à partir de jeudi, pour prendre rendez-vous dans les centres de vaccination qui s'ouvrent, qui sont déjà connus sur cette carte qui vous est communiquée lorsque vous vous inscrivez, vous n'êtes pas obligé d'aller dans un centre ou dans un autre, vous pouvez aller dans le centre qui vous convient, celui qui est le plus en proximité avec votre domicile d'ailleurs. L'idée c'est quand même, et nous en avons beaucoup discuté avec les directeurs d'ARS et les préfets qu'a réunis le Premier ministre vendredi soir par visio, et nous allons beaucoup nous appuyer évidemment sur le local, le territorial, parce que rien ne serait pire que de ne pas être en proximité, sur une campagne qui va s'adresser à chacun.
ORIANE MANCINI
Mais c'est-à-dire, concrètement, comment vous allez vous appuyer ? Pour les plus de 75 ans qui nous écoutent aujourd'hui, qu'est-ce qu'ils doivent faire concrètement pour pouvoir être vaccinés ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Voilà, c'est ce que je vous disais, les plus de 75 ans doivent aller s'inscrire sur ce site, mais ils peuvent être aidés, il y a un numéro de téléphone aussi pour ceux qui…
ORIANE MANCINI
Donc soit par téléphone, soit par internet.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Voilà, soit par téléphone. Un numéro est communiqué, et à partir de jeudi ce sera mis en place et opérationnel, et vous vous inscrivez dans le centre qui vous convient, et alors vous pouvez être aidé aussi par les gens qui passent à domicile pour vous conseiller, nous avons demandé hier aux fédérations de relayer ce message aussi et d'aider le cas échéant les personnes à domicile qui ne sauraient pas s'occuper de manière numérique de cette prise de rendez-vous.
STEPHANE VERNAY
Est-ce que vous êtes en mesure d'évaluer à peu près la demande ? Est-ce que vous savez s'il va y avoir une demande très forte des plus de 75 ans dès jeudi ou vous avez des indicateurs à peu près par … ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, les indicateurs je n'en dispose pas, mais par contre ce que je sais c'est qu'il y a vraiment une volonté d'aller se faire vacciner chez ces personnes.
STEPHANE VERNAY
Donc il y aura une demande forte à partir de…
BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, parce qu'on parle toujours des plus de 75 ans en les imaginant uniquement incapables de se mouvoir. Vous savez très bien comme moi qu'elles se déplacent, qu'elles ont une vie sociale, qu'elles sont très souvent bien sûr valides et c'est tant mieux, et quelles qu'elles vont faire comme elles font d'habitude quand elles prennent un rendez-vous chez le médecin. Il y a aussi l'aide par exemple de Doctolib, par moments, sur certains départements qui sont déjà organisés en ce sens, et donc voilà vous avez beaucoup de souplesse…
ORIANE MANCINI
Sauf que le médecin est peut-être près de chez eux, là vous le disiez il va y avoir, fin du mois de janvier six centres par département.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui…
ORIANE MANCINI
Six par département, du coup, donc ça ne sera pas forcément à proximité du domicile de ces personnes âgées, est-ce qu'elles vont être aidées pour aller se faire vacciner ? Est-ce qu'il y a des choses qui sont mises en place ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, si vraiment elles ont un problème de déplacement, ce qui n'est pas souvent le cas…
ORIANE MANCINI
Mais ce qui peut être le cas.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Ce qui peut être le cas. Vous savez, il y a des communes qui par exemple, plutôt que d'être dans la critique, proposent déjà. Et moi je les salue et je salue les élus locaux qui s'impliquent et certains ont déjà pensé à l'organisation de navettes, éventuellement par leur CCAS ou par d'autres structures, pour aller les mener dans les centres…
ORIANE MANCINI
Donc ça, ça va passer par les communes, par les départements.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Voilà, mais tout ça est en train de s'organiser, nous avons une réunion ce midi aussi avec les élus locaux, qui nous feront leurs remontées. En fait c'est de la co-construction en ce moment, de façon à ce que cette campagne de vaccination, le Premier ministre s'est engagé à ce qu'elle soit transparente, et vous voyez, nous vous communiquons les chiffres, et puis à ce qu'elle soit de proximité, gratuite et de libre accès. Donc je pense que tout ça est en train de se mettre en place, c'est quelque chose qui ne s'est jamais fait d'une manière aussi rapide dans un pays et nous avons toujours fixés ce calendrier sur 3 mois voire un peu plus, pour vraiment arriver aux 15 millions de personnes visées.
ORIANE MANCINI
Comment vous allez vous assurer que tous les plus de 75 ans qui souhaiteraient être vaccinés, le serons ? Est-ce que c'est les départements qui vont surveiller ça à travers leurs fichiers ? Comment ça va se passer ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Il y a le couple qui a bien fonctionné, si j'ose dire, pendant la crise sanitaire qui est celle du préfet et du directeur d'ARS, qui sont là pour nous faire ces remontées et être en vigilance bien sûr sur les territoires. Mais je pense aussi par exemple à d'autres populations auxquelles on pense moins, et là on aura besoin des élus locaux, on travaille déjà avec eux, ce sont les personnes isolées qui sont l'objet de nos attentions d'ailleurs, en particulier moi je veux qu'on bâtisse une stratégie là-dessus, parce que les personnes isolées, on a vu part dans les plans canicule, là pendant cette crise sanitaire, il a fallu recourir à beaucoup de stratagèmes pour les atteindre et pour aller les rencontrer. Donc celles-ci seront à surveiller particulièrement.
STEPHANE VERNAY
J'en reviens à la demande que l'on évoquait tout à l'heure, est-ce que vous êtes prêts à faire face à cette demande, est-ce qu'il faut s'attendre à de l'attente dans un certain nombre de centres, ou délais importants ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
C'est possible que s'il y a une très forte demande il y ait des délais d'attente, comme pour un rendez-vous quelque part, le tout étant que nous nous préoccupions chaque jour de savoir si ces demandes ne reculent pas dans le temps et dans le calendrier.
STEPHANE VERNAY
Et un délai d'attente raisonnable, pour vous, ça serait quoi ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Un délai d'attente raisonnable ce n'est pas plus de 8 jours.
STEPHANE VERNAY
D'accord. Une semaine.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Pas plus de 8 jours. Maintenant, si c'est beaucoup plus, alors il nous faudra aussi nous appuyer sur d'autres structures, comme centres de vaccination, peut-être qu'il y a aussi, par exemple moi j'ai un territoire très rural, beaucoup de communes rurales, peut-être que les centres de vaccination seront avoisinants, adossés aux hôpitaux, mais pour autant au milieu de ces territoires il n'y a pas d'hôpital, donc il faudra bien que par exemple on s'appuie sur des maisons de santé etc. Donc tout ce déploiement va aller de cette manière-là, exponentielle.
STEPHANE VERNAY
Est-ce que ce déploiement pourrait s'appuyer plus sur les élus locaux, il y en a beaucoup qui sont demandeurs, vous avez évoqué ceux qui sont à l'initiative et qui sont plutôt positifs dans la démarche…
BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr.
STEPHANE VERNAY
… mais aussi ceux qui critiquent, en disant : pourquoi est-ce qu'on ne fait pas appel à nous ? On sait faire. Comment… où est-ce que vous en êtes de la relation ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Moi je pense que chacun a ses compétences et que justement les mains tendues doivent être prises bien sûr, et c'est ce qu'on est en train de faire d'ailleurs dans le déploiement territorial de cette stratégie vaccinale. Quand on parle des établissements, vous le savez, ça se passe entre ARS, et puis professionnels de santé, mais quand on parle du domicile, là ça devient plus diffus, plus compliqué à organiser et c'est là où nous avons besoin…
STEPHANE VERNAY
C'est là-dessus que vous avez besoin des élus.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr, et c'est pourquoi nous travaillons déjà sur cette stratégie qui va être déployée sur tous les départements et même au plus près des territoires et 'on y travaille bien sûr avec eux, et tous ceux qui ont des propositions sont bien sûr regardés de près, parce que ça nous intéresse au contraire, c'est beaucoup plus pragmatique.
ORIANE MANCINI
On va parler plus spécifiquement des EHPAD. On va revenir bien sûr à la question du vaccin mais un mot d'abord sur ce variant britannique qui inquiète fortement et qui on imagine inquiète dans les EHPAD. Est-ce que du coup le protocole va être à nouveau renforcé pour éviter la propagation de ce variant dans les EHPAD ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, ça rejoint toutes les questions qu'on s'est posées avant. D'abord la nécessité de se faire vacciner, soi-même, et puis l'entourage qui vous est proche, et puis ensuite ça pose la question du protocole. Moi je suis toujours un peu frileuse au reconfinement total d'un établissement, à partir du moment où les gestes sanitaires sont respectés, où les précautions d'usage sont là, je pense qu'il est quelques fois plus nocif encore d'isoler totalement une personne âgée. Ce que j'ai entendu de mes retours d'expérience, tout de suite à ma nomination, c'était ça, c'était surtout que, d'accord il a fallu protéger de manière sanitaire ces personnes, pour qu'il n'y ait pas de propagation du virus, mais ce que j'ai surtout entendu c'est que beaucoup d'entre elles se sont laissées glisser parfois, parce que l'isolement était trop insupportable. Aujourd'hui, ce qu'elles nous disent c'est : elles veulent retrouver une vie normale, elles veulent retrouver une vie sociale, elles veulent que leurs enfants puissent revenir. Les protocoles ont été assouplis, vous savez quand même que pour autant nous restons vigilants, bien sûr, et les directions d'établissements doivent prendre les mesures proportionnées, évidemment, et donc il y a des droits de visite maintenant, bien sûr, toujours un peu réglementés par des rendez-vous pris, quelquefois des timing un peu serrés je trouve pour des familles qui sont éloignées et qui n'ont pas la possibilité de voir leurs parents. Donc on s'arrange pour qu'on protège sans isoler, c'est un peu…
ORIANE MANCINI
Donc pas de modification du protocole des EHPAD à l'heure actuelle, au niveau national, est-ce que territorialement il peut y avoir des durcissements ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr, si par exemple…
ORIANE MANCINI
… notamment dans les villes touchées, comme à Marseille ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Voilà, si par exemple il y a un cluster évident dans un établissement, il appartient au directeur de prendre les mesures qu'il convient de prendre, mais dans la majeure partie du territoire, nous, enfin, les directeurs essaient de maintenir ce lien social très important, notamment lorsqu'il a proche aidant et troubles cognitifs.
ORIANE MANCINI
Sur la vaccination, combien de résidents d‘EHPAD ont été vaccinés à l'heure actuelle parmi ceux qui le souhaitent ? Et ça représente quel pourcentage parmi tous les résidents d'EHPAD ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Ça fait à peu près 30 000 résidents là, à l'heure actuelle, qui ont été vaccinés, il y aura une montée en charge de ces chiffres-là puisque maintenant les remontées en consentements sont là et que nous savons exactement combien de doses il faut par établissement. Ça nous permettra de faire un pointage plus affiné dans les jours qui viennent.
STEPHANE VERNAY
Pour avoir une idée, 30 000 résidents, c'est 30 000 sur combien ? Et combien de résidents en EHPAD en France.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Il y a à peu près un million de résidents en France.
STEPHANE VERNAY
Donc ça commence quand même petitement.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Tous publics confondus, c'est-à-dire qu'on n'assimile pas souvent, mais il faut l'assimiler, il y a aussi les résidences autonomie, les résidences personnes âgées, qui ne disposent pas des mêmes systèmes, et qui ont des logements plus autonomes, eh bien tout ce public là sera aussi visé maintenant. Donc il faut…
STEPHANE VERNAY
Et dans votre plan de charge, quand est-ce que le million de résidents sera couvert ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
C'est théoriquement, on s'était fixé ça pour le mois de janvier, théoriquement.
ORIANE MANCINI
Donc fin janvier, tous les résidents d'EHPAD qui le souhaitent pourront être vaccinés ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
C'est le but poursuivi, parce que c'est ça l'évidence. Il faut…
STEPHANE VERNAY
Mais pour passer de 30 000 à un million…
BRIGITTE BOURGUIGNON
C'est très compliqué…
STEPHANE VERNAY
Ça veut dire, sur un mois, il faut que vous augmentiez votre prise en charge de manière très conséquente.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Il faut booster. Mais maintenant, la différence entre maintenant et hier c'est que maintenant les doses sont arrivées la plupart du temps dans les établissements, ça va être déployé, moi j'ai quelques calendriers, je sais que les EHPAD de ma circonscription qui sont dans un certain flux, ce sera le 27 janvier, ça ils ont le calendrier déjà, ils le l'ont dit, ils sont prêts.
ORIANE MANCINI
Juste, vous nous parliez d'une remontée de consentements, c'est l'expression que vous avez employée, ça veut dire qu'au début de la campagne de vaccination très peu de résidents d'EHPAD souhaitaient être vaccinés, et on en est où aujourd'hui ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Ah non, ce n'était pas cette question-là. C'était que bien sûr qu'il faut demander l'avis des personnes, notamment lorsqu'elles sont en établissement et que beaucoup…
ORIANE MANCINI
Est-ce que les réticences sont fortes ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Les réticences n'étaient pas fortes, mais parfois vous avez des gens, alors il y a beaucoup de populations dans ces établissements qui sont des populations aux troubles cognitifs ou qui ont perdu la faculté parfois de donner leur propre consentement, et ça il faut en tenir compte, c'est pas simple, donc ce sont soit les personnes de confiance qui donnent leur consentement ou la famille lorsqu'il n'y a pas de personne désignée, et ça prend un peu plus de temps. Ce n'est pas le formalisme qui a pris du temps, parce qu'il n'y a pas de formalisme, il n'y a pas de consentement écrit. J'ai vu ça et là des initiatives qui ont été prises et qui ne sont pas du fait de directives qui tout à coup des médecins demandant des consentements écrits, jamais on ne leur a demandé de demander des consentements écrits. Mais pour autant, oui ça prend un petit peu de temps que d'expliquer à la personne, mais ce n'est pas ce qui freine un approvisionnement, je vous rassure là-dessus.
STEPHANE VERNAY
Et vous disiez que dans certains établissements il n'y a que 20 % du personnel qui souhaite se faire vacciner, est-ce que ça ce n'est pas un autre problème important ? Parce que j'imagine que ce personnel il a un rôle prescripteur très fort. Si vous n'avez que 20 % du personnel qui se fait vacciner, ça veut dire que 80 % du personnel est a priori opposé à la vaccination et du coup dans les conseils ou les recommandations que ce personnel va donner aux résidents qui les écoutent, il peut y avoir un effet très négatif.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, honnêtement les remontées que j'ai, les directeurs font leur job, informent correctement les résidents, c'est un consentement éclairé dont on parle, mais…
STEPHANE VERNAY
Mais au-delà des directeurs, le personnel.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, le personnel…
STEPHANE VERNAY
Les soignants, les accompagnants.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Jamais ils ne font part de leur sentiment aux résidents, je précise bien les choses. Il reste à les convainque, il n'y a pas d'anti vaccin au milieu de ces personnels, mais il reste parfois une indécision, une petite angoisse, certains même vont jusqu'à me dire « Je préférerais tel vaccin plutôt qu'un autre », voyez. On a tellement eu d'informations à profusion sur les noms des vaccins qui allaient arriver, que certains même voudraient privilégier le vaccin français qui n'arrivera que l'année prochaine. Donc je veux dire, il y a un moment, oui il faut que chacun…
STEPHANE VERNAY
Mais de quel outil est-ce que vous disposez aujourd'hui pour les convaincre ? Vous disiez, on parlait de campagne de communication, mais au-delà de ça vous avez d'autres leviers ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Il n'y a pas d'autres leviers que la sensibilisation, parce que nous sommes dans un pays où on n'infantilise pas et on laisse le libre choix aux personnels. Donc…
STEPHANE VERNAY
Donc c'est dans le dialogue.
BRIGITTE BOURGUIGNON
C'est toujours comme ça, c'est pareil sur le vaccin antigrippe, vous avez peu de personnel qui se font vacciner contre la grippe.
ORIANE MANCINI
Il y a aussi le fait que tous ne peuvent pas se faire vacciner à l'heure actuelle, vous le disiez, la vaccination est réservée aux plus de 50 ans. On va écouter à ce sujet une directrice d'EHPAD dans l'Eure, elle s'appelle Noura MINOT, elle était au micro de Samia DECHIR, elle a une question pour vous.
NOURA MINOT, DIRECTRICE DE L'EHPAD « VILLA SAINT MICHEL » A CHARLEVAL, DANS L'EURE
Etes-vous prête à élargir et à ouvrir la vaccination à toutes les personnes, toutes confondues, jeunes et moins jeunes, à domicile ou en structures ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, alors c'est une question qui est posée très souvent. Le choix de la priorisation il est très clair, aujourd'hui bien sûr dès lors que nous aurons atteint cette première cible le plus largement possible, avec toutes les conditions qu'on vient de se donner, c'est-à-dire celle de persuader et de continuer à convaincre, eh bien on passera tout de suite à l'autre phase, qui est celle des personnes au-delà de l'âge qui est prescrit pour l'instant.
ORIANE MANCINI
…quand ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Ce sera en février/mars, nous allons être sur cette prolongation du calendrier, et bien sûr un élargissement à tous les professionnels.
ORIANE MANCINI
Et juste un dernier mot sur les EHPAD, sur les réserves, parce que pour vacciner il faut du matériel, il faut des gens aussi, on sait qu'il y a des difficultés de personnel dans les EHPAD, comment ça se passe ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, la difficulté de personnel elle est récurrente, moi je l'ai connue dès mon arrivée aux Affaires sociales en 2017, il y avait une crise des EHPAD. Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet, dans l'urgence sanitaire, en renfort, avec beaucoup de vecteurs différents, avec Pôle emploi, on a signé des conventions avec Elisabeth BORNE, Pôle emploi, une circulaire notamment qui a été adressée aux directeurs d'ARS et au Pôle emploi. Le résultat c'est que nous avons eu 30 000 demandes d'emplois qui ont été satisfaites entre le domicile et les établissements Donc ça veut dire que d'abord il y a un vivier d'emplois conséquent dans ce domaine du prendre soin, et qu'il faut y travailler. Nous avons aussi activé le lien avec l'insertion, par l'insertion économique aussi, l'insertion des personnes plus éloignées de l'emploi, nous l'avons fait avec Brigitte KLINKERT aussi. On est allé par exemple dans un établissement à Caen, qui a déjà une convention en en insertion et qui permet à des personnels un peu éloignés de l'emploi, d'entrer directement dans ces formations. L'idée c'est que de l'urgence nait aussi l'appétence et que nous arrivions aussi à créer toute une filière d'emplois qui mérite d'être évidemment rendue attractive par le salaire et par les conditions qu'on y met.
ORIANE MANCINI
Et un dernier mot sur la Loi autonomie Stéphane.
STEPHANE VERNAY
Oui, il y a un séminaire gouvernemental demain, demain matin, vous allez y participer, il sera question de réformes. Est-ce qu'on peut encore conduire des réformes à ce stade du quinquennat dans ce pays et si oui, est-ce que la loi autonomie en fera partie ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, moi je ne peux pas vous donner de précision sur le calendrier, que vous imaginez bousculé, nous sommes au milieu d'une crise sanitaire, nous on met toute notre énergie à en sortir de cette crise sanitaire, donc évidemment il va de soi qu'un calendrier parlementaire ne peut pas sortir totalement indemne d'une telle crise sanitaire. Mais pour autant, nous n'avons pas tous les arbitrages à l'heure où je vous parle, le travail est conséquent depuis 6 mois déjà, à la fois sur le métier, à la fois sur les décisions qu'on peut prendre aussi sur le domicile et l'approche domiciliaire, et nous aurons les arbitrages rendus prochainement, ce que veut le président de la République…
ORIANE MANCINI
Mais ça veut dire que pour le moment elle n'est pas inscrite à l'ordre du jour cette loi autonomie.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Pour l'instant je n'ai pas l'ordre du jour, au moment où je vous parle…
ORIANE MANCINI
Y compris au Conseil des ministres.
BRIGITTE BOURGUIGNON
… personne ne l'a d'ailleurs au gouvernement.
ORIANE MANCINI
Non mais on sait par exemple que la loi climat arrive le 10 février en Conseil des ministres.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, bien sûr, mais…
ORIANE MANCINI
Il n'y a pas de date pour la loi autonomie.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Pour l'instant non. Moi ce que je…
STEPHANE VERNAY
Mais vous pensez que faisable avant la fin du quinquennat ? Avant la présidentielle de 2022 ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
A l'heure où je vous parle, je ne peux pas vous dire quels seront les arbitrages de demain, et je me refuse d'ailleurs à vous les donner, puisque qu'aucun de mes collègues n'est capable de vous dire, à l'heure où je vous parle, quels seront les arbitrages finaux. Ce que je sais en tout cas du président de la République, c'est que sa volonté réformatrice est là, qu'elle est toujours là et que la crise sanitaire n'a rien obéré de ses facultés à réformer le pays.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup. Merci Brigitte BOURGUIGNON d'être venue nous voir ce matin.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Merci.
ORIANE MANCINI
Stéphane, on regarde la Une de Ouest France : « Rénovation énergétique : les aides, un vrai casse-tête », c'est à la Une de votre journal ce matin. Merci Stéphane, merci Madame la Ministre.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 janvier 2021