Déclaration de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols, au Sénat le 13 janvier 2021.

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Circonstance : Débat organisé à la demande de la commission d'enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols, au Sénat le 13 janvier 2021

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission d'enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols, sur les conclusions de son rapport.

Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l'auteur de la demande dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l'issue du débat, l'auteur de la demande dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

(…)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la présidente, madame la rapportrice, mesdames, messieurs les sénateurs, "être contemporain, c'est avoir conscience des héritages, consentis ou contestés" écrivait René Rémond. Je pense que cette leçon s'applique aux travaux de votre commission d'enquête.

La pollution des sols par l'activité industrielle ou minière est effectivement un héritage dont nous nous serions bien passés, celui d'une industrialisation rapide du pays pendant un siècle. Cette industrialisation a contribué – et c'est heureux ! – à l'augmentation du niveau de vie des Français, mais elle a aussi creusé notre dette environnementale, car la santé humaine et l'écologie ont été pendant longtemps le parent pauvre des politiques publiques.

Et, comme votre commission l'a écrit, cette histoire est celle, un peu partout dans le pays, de plus de 320 000 anciens sites d'activités industrielles ou de services et de près de 3 000 anciens sites miniers. C'est colossal !

À présent, notre responsabilité devant la Nation, ma responsabilité de ministre, c'est de faire face à cet héritage, d'en purger le passif et de changer les règles pour ne pas répéter les erreurs du passé. C'est une question de santé publique, de respect de l'environnement et de développement durable, bref, une question de tout premier plan pour la ministre de l'écologie que je suis ! Je tiens donc à vous remercier très sincèrement de votre invitation à venir m'exprimer devant vous.

Je commencerai par dire, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, que la première des mesures, le b.a.-ba de la lutte contre les pollutions des sols, c'est la prévention.

Mon ministère travaille tous les jours à cette prévention. Qu'il s'agisse du contrôle des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ou de celui des installations minières, l'État exerce avec diligence son pouvoir de police pour prévenir les infiltrations dans les sols ou les eaux souterraines. Plus de 18 000 contrôles sont réalisés chaque année et nous allons augmenter leur nombre de 50% d'ici à la fin du quinquennat.

Parfois, malheureusement, les mesures de prévention ne suffisent pas. Il appartient alors à la puissance publique de se retourner vers les exploitants en application du principe pollueur-payeur.

Vous le savez les exploitants des ICPE sont déjà soumis à des obligations de remise en état de leurs terrains après la cessation de leur activité. L'État a souhaité s'assurer que cette obligation soit remplie chaque fois, y compris si l'exploitation a fait faillite entre temps. C'est pourquoi les ICPE susceptibles de causer d'importantes pollutions, soit près de 800 sites, sont assujetties à des garanties financières. À cette heure, ce sont près de 650 millions d'euros qui sont provisionnés et directement mobilisables afin que les terrains puissent toujours être remis en sécurité.

Pour les mines, je le dis clairement, l'existant ne suffit pas. J'ai donc décidé que nous devions nous doter de nouvelles règles pour tirer toutes les leçons du passé. La réforme du code minier en est l'occasion.

Avec cette réforme, d'une part, nous nous donnons enfin les moyens de rechercher la responsabilité de la maison mère, ce qui permettra de continuer à agir, même si une filiale est fermée ou insolvable. D'autre part, nous étendons la police résiduelle des mines jusqu'à trente ans après l'arrêt des travaux miniers. L'État pourra donc chercher la responsabilité de l'exploitant durant trente ans. C'est un grand pas en avant.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, faire face à cet héritage industriel et minier, c'est aussi assurer la mémoire et la transparence : mémoire des sites pollués pour ne pas mettre en péril la santé humaine ; transparence sur leur recensement.

C'est l'engagement de mon ministère, qui a mis à la disposition du public plusieurs outils permettant à chacun de consulter la liste de tous les sites ayant hébergé une activité industrielle. Par exemple, la base de données des anciens sites industriels et activités de services (Basias) recense plus de 300 000 terrains.

J'y vois un double enjeu : d'une part, dépolluer les sols ; d'autre part, réussir le pari du recyclage urbain pour maîtriser l'étalement de nos villes. Vous le savez, l'artificialisation est une bombe à retardement pour la biodiversité comme pour le lien social, qui est si précieux.

Avec le plan de relance, nous mettons 300 millions d'euros sur la table pour accélérer le recyclage des friches. Dans ce cadre, mon ministère a lancé en novembre dernier un premier appel à projets piloté par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

Plus spécifiquement, madame la rapportrice, 40 millions d'euros sur deux ans permettront de reconvertir d'anciennes installations classées ou sites miniers et de leur offrir une nouvelle vie. Cela n'empêche évidemment pas qu'une part des 260 autres millions puisse également servir à la dépollution.

C'est un travail de fond, qui va durer. L'engagement de l'État pour faciliter les opérations de dépollution et revaloriser ces terrains disponibles perdurera aussi longtemps que nécessaire.

Enfin, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, faire face à cet héritage, c'est parfois faire face à la plus pressante des urgences et à des situations dans lesquelles l'État doit agir rapidement pour protéger la santé des populations ou circonscrire une pollution qui menace de s'étendre.

En effet, si l'État est engagé depuis plus de vingt ans dans le renforcement de la réglementation, de nombreuses pollutions historiques sont antérieures à cette prise de conscience des pouvoirs publics. De ce fait, chaque année, l'Ademe traite une vingtaine de sites et mobilise son expertise pour réaliser les opérations les plus urgentes, en ayant toujours à cœur la protection des personnes et celle de l'environnement.

L'État assume donc pleinement ses responsabilités. Et vous le voyez, qu'il s'agisse de nous doter de règles pour mettre les pollueurs devant leurs responsabilités, d'assumer les missions de l'État, dont la première est de protéger, ou encore de préparer l'avenir, tout en réparant le passé, nous sommes au rendez-vous !

Je crois pouvoir dire que nous viendrons à bout de cet héritage contesté de notre époque industrielle, en responsabilité et avec lucidité et détermination. Que notre génération laisse à ses enfants une terre plus propre qu'elle ne l'a trouvée, tel est le sens de mon combat, et je crois que nous le partageons tous, en particulier vous, madame la rapportrice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)


- Débat interactif -

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et que le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

Dans le cas où l'auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n'ait pas été dépassé.

Je me permets d'insister, madame le ministre, mes chers collègues, sur le respect du temps de parole, afin que les deux débats suivants puissent se tenir dans les meilleures conditions.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Si la lutte pour la préservation de l'environnement est une cause désormais largement admise, nous constatons que la lutte contre la pollution des sols en est le parent pauvre.

C'est d'ailleurs ce constat qui a motivé la création de cette commission d'enquête. À cet égard, je tiens d'ailleurs à remercier chaleureusement nos collègues Gisèle Jourda et Laurent Lafon, qui ont mené de main de maître ses travaux.

C'est vrai, le Gouvernement a mis sur la table 300 millions d'euros, mais cela apparaît largement insuffisant face aux dégâts constatés dans les territoires. Un peu partout en France, les mêmes schémas se répètent. D'abord, on constate sur d'anciens sites miniers que les sols sont pollués plus que de raison. Ensuite, on se rend compte de l'impossibilité d'appliquer le principe pollueur-payeur, l'exploitant ayant disparu ou étant insolvable. La conséquence est, hélas ! toujours la même : la charge de la dépollution revient aux collectivités, qui, souvent démunies, ne peuvent l'assumer.

Dans mon département, si je prends l'exemple des mines de Penarroya, à Pierrefitte-Nestalas, à la dépollution s'ajoutent des mesures de sécurisation demandées par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) pour prévenir d'éventuels éboulements lors d'intempéries. Ces demandes, si elles sont légitimes, ne tiennent pas compte des capacités financières des collectivités.

Aussi, madame la ministre, j'aimerais savoir ce qu'entend entreprendre le Gouvernement pour lutter efficacement contre la pollution des sols, après s'être opposé aux 750 millions d'euros de crédits ouverts par le Sénat lors de l'examen du PLF. Si vous ne souhaitez pas allouer davantage de crédits, comment comptez-vous étendre aux exploitants des sites miniers l'obligation de constitution de garanties financières pour la remise en état des sites après leur fermeture ?

Irez-vous jusqu'à permettre de rechercher la responsabilité de la maison mère lorsque des filiales sont défaillantes ?

En clair, à défaut d'octroyer des fonds suffisants à la dépollution des sites, quelle solution envisagez-vous pour faire payer les pollueurs ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la sénatrice, la réforme du code minier que nous allons mettre en œuvre, et qui sera intégrée au projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit "Climat et résilience", vise justement à améliorer les dispositifs de concertation dans le cadre des autorisations de projets miniers en prenant en compte les enjeux environnementaux dès les premières étapes de la procédure afin d'être en mesure de rejeter plus rapidement les projets qui ne sont pas à la hauteur de nos ambitions et d'améliorer la prise en considération des enjeux environnementaux en post-exploitation.

Ainsi, afin de prévenir les risques miniers, une meilleure prise en compte des risques sanitaires dans les objectifs de dépollution des friches minières est envisagée. Les sanctions dont vous parliez seront renforcées et harmonisées avec celles du code de l'environnement, notamment celles qui sont prévues pour les ICPE.

Sont aussi prévues l'extension des garanties financières à la remise en état du site minier après fermeture et l'extension pour une durée de trente ans des conditions d'exercice de la police résiduelle des mines afin de permettre à l'État de rechercher la responsabilité des exploitants en cas d'apparition de nouveaux désordres.

Je vous confirme, madame la sénatrice, que cette recherche de responsabilité ira jusqu'à la maison mère, justement pour pouvoir pallier les défaillances d'entreprises qui seraient insolvables ou auraient tout simplement déposé le bilan.

Cette réforme permettra donc une bien meilleure gestion du passif d'après-mines, et répondra, je pense, à la plupart de vos préoccupations.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. J'ai participé aux travaux de la commission d'enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols.

Le sujet est important dans mon département, qui a souffert, comme d'autres, de la désindustrialisation, à une époque où les entreprises n'étaient astreintes à quasiment aucune obligation forte en matière de dépollution des sols.

Je souscris donc pleinement à l'exigence d'une loi fondatrice sur ce sujet consacrant le rôle premier de l'État, à l'instar de la loi sur l'eau ou sur la pollution de l'air.

À la croisée des chemins, ces enjeux mêlent des questions sanitaires et écologiques qui ne peuvent se résumer à l'application du principe pollueur-payeur ou à la création d'un fonds, qui reste largement sous-doté, à hauteur de 40 millions d'euros, dont seulement 4 millions d'euros en crédits de paiement. Je rappelle que le Sénat avait adopté en loi de finances un amendement tendant à prévoir un fonds spécifique doté de 25 millions d'euros. Sans succès…

L'utilisation des sols doit répondre à l'intérêt général et être conforme aux principes d'aménagement définis par la puissance publique. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, madame la ministre.

J'évoquerai trois exemples.

Le collège Saint-Exupéry à Vincennes est fermé depuis 2017 en raison d'une pollution au trichloréthylène antérieure aux années 1960. Le coût de sa dépollution dépasserait les 17 millions d'euros. Préalablement à la construction du collège Josette-et-Maurice-Audin à Vitry-sur-Seine, 8 millions d'euros ont été engagés pour la dépollution du site. Enfin, le collège Assia-Djebar à Ivry-sur-Seine n'a pu rouvrir à la suite de la découverte de traces de mercure supérieures aux normes.

La question de la dépollution de ces sites conditionne ainsi très clairement la réalisation par les collectivités des missions d'intérêt général qui leur sont confiées, en l'occurrence l'accueil et l'enseignement pour les collégiens.

Ma question est simple : que compte faire le Gouvernement pour régler ces situations impossibles non seulement pour les collectivités concernées, mais aussi pour les collégiens et leurs parents ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, une loi sur la pollution des sols serait un beau projet mais le texte Climat et résilience prévoit déjà un renforcement des sanctions en cas de pollution des sols due à une mauvaise gestion des déchets ou à l'exploitation d'une activité industrielle sans se conformer à la réglementation. Dans les cas de pollution grave et intentionnelle, ces peines pourront atteindre dix ans de prison et 4,5 millions d'euros d'amende, contre trois ans de prison et 150 000 euros d'amende aujourd'hui.

Quant aux cas que vous avez évoqués, ils n'ont pas forcément vocation à être traités de la même manière.

Ainsi, l'origine de la pollution du collège de Vincennes, dont les sols et les eaux souterraines sont pollués par des solvants chlorés ayant entraîné des dépassements importants des valeurs de référence dans l'air intérieur de plusieurs salles, est une activité industrielle ayant cessé depuis près d'un demi-siècle, soit à une époque où la réglementation relative aux établissements dangereux ne prévoyait pas d'obligation de remise en état des sites, celle-ci ayant été introduite en 1976.

Dans ce cas, la responsabilité de l'ancien exploitant ou de l'autorité de police ne peut pas être recherchée. En effet, les règles ont été respectées puisqu'il n'y en avait pas. La charge des travaux de réhabilitation revient donc aux gestionnaires et aux propriétaires actuels du site, à savoir le conseil départemental du Val-de-Marne et la commune de Vincennes.

Les services de l'État ont cependant apporté un appui au conseil départemental, notamment par l'examen du plan de gestion, qui doit encore être complété afin de définir plus précisément le scénario de gestion de la pollution.

À Ivry-sur-Seine, la situation est différente. La remise en état des terrains avait été réalisée par l'inspection des installations classées en 1994, dans le respect des dispositions alors applicables. Des teneurs résiduelles en mercure ayant été relevées, le préfet a émis des réserves sur le permis de construire, qui n'ont pas été respectées par l'aménageur. Dans ce cas, la responsabilité de l'aménageur est engagée.

Nous avons reçu un passif en héritage, mais chaque situation est différente. Nous allons essayer de les régler au cas par cas.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, si vous aviez accepté les 25 millions d'euros que le Sénat avait votés, votre enthousiasme sur une loi sur la dépollution des sols serait aujourd'hui plus crédible. À un moment donné, il faut bien donner des signes tangibles et concrets de la volonté politique.

Ensuite, je ne peux accepter ce que je viens d'entendre sur le collège de Vincennes. Tous mes collègues ne sont pas élus du Val-de-Marne, mais ils ont bien compris, en vous écoutant, que les frais de dépollution du collège, qui s'élèvent à 17 millions d'euros, allaient quasiment être à la charge d'une ville et d'un département ! Or ils connaissent tous le prix d'un collège.

Franchement, madame la ministre, vous devez, en responsabilité, respecter une forme de devoir de mémoire. L'entreprise qui a occupé ce site a connu de la croissance, elle a payé de la taxe professionnelle. Il y a donc eu un retour pour la société, il faut que celle-ci l'assume, dans le Val-de-Marne ou dans tout autre département.

Madame la ministre, j'y insiste, je fais appel à votre responsabilité dans cette affaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté.

Mme Sonia de La Provôté. Ma question porte sur le financement des projets d'aménagement des sites pollués, notamment dans le cadre du plan de relance.

Si le rapport de la commission d'enquête met en évidence la difficile mobilisation des friches industrielles et minières pour diverses raisons, dont la nature des pollutions, les risques physiques encourus et une disponibilité foncière complexe, il existe un autre écueil important pour la reconversion : le surcoût financier important lié à la dépollution et à la viabilisation, surtout quand une opération comporte la construction de logements.

Dans le cadre du plan de relance, c'est une belle occasion d'accélérer des projets sur des sites qui répondent, en outre, parfaitement aux objectifs d'urbanisation vertueuse et de zéro artificialisation nette.

Certes, le plan prévoit 300 millions d'euros gérés par l'Ademe pour la réhabilitation des friches, mais ils sont destinés exclusivement aux anciens sites industriels ICPE ou miniers. Or, nombre de friches industrielles et portuaires sont en cours de reconversion. Les projets ont démarré et subissent des surcoûts dus aux pollutions multiples. Malheureusement, ces friches ne sont pas, pour la plupart, d'anciens sites ICPE.

Certes, il existe le fonds "friches" des établissements publics fonciers et celui qui est géré par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), mais ils accompagnent surtout le diagnostic et le portage foncier.

En réalité, toute friche polluée, quel que soit son passé, devrait pouvoir être accompagnée par le fonds de relance, surtout parce que ce fonds est un outil d'accélération de l'opérationnel et du calendrier. L'occasion est donc manquée, en l'état, de simplifier et d'aider les porteurs de projets. Il eût été opportun d'éviter ces obstacles réglementaires et administratifs inadaptés. En outre, il existe dans certains départements un risque de non-consommation des crédits pour des raisons qui, vous l'avouerez, sont à l'opposé de l'objectif de relance.

Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'il serait utile de prioriser les projets engagés et de faire en sorte que les 300 millions du plan de relance leur soient accessibles en rendant les critères d'attribution moins restrictifs ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la sénatrice, la reconquête des friches est effectivement un enjeu majeur d'aménagement durable des territoires pour répondre aux objectifs croisés de maîtrise de l'étalement urbain, de revitalisation urbaine et, par conséquent, de limitation de la consommation des espaces naturels agricoles et forestiers.

Les friches représentent ainsi un important gisement foncier, dont la mobilisation et la valorisation sont de nature à contribuer à l'objectif de zéro artificialisation nette fixée par le Gouvernement.

L'effort exceptionnel prévu dans le plan de relance doit permettre d'intervenir grâce au fonds pour le recyclage des friches, lequel est doté de 300 millions d'euros, dont 40 millions d'euros pour la reconversion des friches polluées issues d'anciens sites industriels ICPE ou miniers, dans le cadre d'un appel à projets lancé par l'Ademe. Une enveloppe de 260 millions d'euros entièrement territorialisée – un cahier des charges sera défini par chaque préfet de région – sera consacrée au recyclage foncier dans le cadre de projets d'aménagement urbain, de revitalisation des cœurs de ville et de périphéries urbaines, mais aussi de projets de requalification à vocation productive, y compris sur des sites qui n'ont pas été ICPE ou miniers.

Ce fonds est donc destiné à des projets d'aménagement de friches dont les bilans économiques restent déficitaires après prise en compte de toutes les autres subventions publiques et malgré la recherche et l'optimisation de tous les autres leviers d'équilibre.

Ne sont pas éligibles au fonds les opérations de simple mise en conformité à une obligation réglementaire et les opérations de simple démolition, dépollution, portage ou renaturation lorsqu'elles ne s'intègrent pas dans un projet plus global d'aménagement avec production ou réhabilitation de surfaces de logement, de surfaces économiques ou d'équipements publics.

Vous le voyez, le fonds Friches offre de nombreuses possibilités. Il n'est pas réservé aux seuls anciens sites ICPE ou miniers, une enveloppe de près de 260 millions d'euros étant prévue. Monsieur Savoldelli, il me semble que le collège de Vincennes devrait postuler à ce fonds.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour la réplique.

Mme Sonia de La Provôté. Madame la ministre, le coût de la dépollution des friches industrialo-portuaires et des friches polluées est extrêmement élevé : il est supérieur de 30%. Il peut même doubler, par opportunité, quand il s'agit d'y construire ensuite des logements.

Les 260 millions d'euros vont être priorisés sur les programmes Action cœur de ville, Petites villes de demain et sur un certain nombre de projets. Très clairement, ce montant n'est pas suffisant pour accompagner les projets sur les friches, qui sont des sites particuliers, requérant un investissement important. Il eût été opportun qu'ils bénéficient du même accompagnement que les sites pollués.

Les 40 millions d'euros sont destinés aux anciens sites ICPE, mais tous les autres sites, dont un certain nombre sont pollués, ont également besoin d'un accompagnement. Or les 260 millions d'euros seront finalement peu mobilisés pour eux.

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Madame la ministre, en matière de dépollution des sols, on utilise aujourd'hui, pour l'essentiel, des techniques très impactantes. Les sols sont excavés, les terres stockées, puis transportées, souvent loin, dans des usines spécialisées où elles sont traitées, les reliquats étant stockés, souvent enterrés ou traités par ces mêmes entreprises.

D'autres techniques, beaucoup plus douces, existent toutefois. Elles sont mises en œuvre aujourd'hui dans un certain nombre de pays, notamment en Amérique du Nord, particulièrement au Québec. Ainsi, la phytoremédiation consiste à implanter judicieusement sur les terrains pollués soit des plantes, soit des arbres. On constate alors que le système racinaire capte les particules polluantes, notamment les métaux lourds, les résidus acides et même des résidus d'utilisation de produits pétroliers.

Il se trouve qu'un certain nombre d'entreprises françaises, essentiellement des pépinières, se sont intéressées à ce procédé. Elles ont participé à quelques programmes de recherche. Il en est notamment un qui a beaucoup évolué, sous l'impulsion d'un universitaire de Franche-Comté, qui a tissé des partenariats avec des pépinières de sa région et de la région Auvergne-Rhône-Alpes voisine. Au terme de ces travaux, il est apparu que la création d'une filière était opportune.

Madame la ministre, le Gouvernement envisage-t-il de lancer des appels à projets, notamment dans le cadre du plan de relance, afin de rassembler ces entreprises, des laboratoires de recherche, quelques universités, pour travailler sur cette technologie – j'emploie le terme à dessein –, qui est douce ? Elle a toutefois une exigence : il faut beaucoup anticiper, car le traitement des sols nécessite d'utiliser des végétaux pendant parfois dix ou quinze ans.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, ces sujets, vous vous en doutez, m'intéressent particulièrement. Les phytotechnologies regroupent un ensemble de techniques utilisant les espèces végétales pour extraire, contenir ou dégrader des polluants. Elles sont généralement utilisées in situ, sur une large variété de sols pollués ou susceptibles de l'être, qu'il s'agisse de sols agricoles ou de friches industrielles. Elles sont évidemment jugées plus compatibles, a priori, avec les enjeux du développement durable que les techniques classiques de traitement que vous avez évoquées. Elles sont en général utilisées comme compléments aux techniques conventionnelles, notamment dans les cas de pollution à grande échelle, souvent durant une longue période, vous l'avez dit, le traitement des sols pouvant nécessiter de nombreuses années.

Nous avons déjà commencé à travailler sur ce sujet. En 2013, l'Ademe et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) ont élaboré un guide sur l'état de l'art et la mise en œuvre de ces techniques. Dans le cadre de son appel à projets pour la reconversion des friches, l'Ademe a soutenu financièrement au cours des dernières années plusieurs projets de phytoremédiation, ou a porté elle-même des projets dans le cadre de ses missions de mise en sécurité des sites à responsable défaillant. Je pense, par exemple, au site de Saint-Laurent-le-Minier.

Des actions de recherche sont également portées par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), en lien avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), notamment, pour améliorer ces techniques.

Nous étudions attentivement tous les travaux de recherche, y compris ceux que vous avez mentionnés, qui sont effectivement très intéressants. L'Ineris procède en outre actuellement, pour le compte du ministère, à un retour d'expérience, dont les résultats sont attendus pour la fin de cette année, sur l'utilisation des phytotechnologies comme techniques de dépollution.

Nous devons travailler sur ces sujets, car ils offrent des solutions de remplacement qui n'avaient pas été suffisamment étudiées par le passé et dont nous mesurons aujourd'hui tout le potentiel.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le plan de relance prévoit un fonds de recyclage de 300 millions d'euros pour la réhabilitation des friches, dont 40 millions d'euros dédiés à la reconversion des friches polluées. Un appel à projets a été lancé en fin d'année dernière.

La dépollution de nos friches est essentielle à plusieurs égards, mais son financement reste une problématique majeure, comme l'a très bien souligné Mme la rapportrice. C'est notamment le cas dans la région Grand Est, qui a subi de grandes mutations industrielles et militaires et où subsistent encore de nombreuses friches, qui constituent des espaces non valorisés à ce jour.

Dans son rapport, la commission d'enquête, dont je salue le travail, propose un mécanisme complet pour permettre la dépollution et la réhabilitation de ces sites. Deux propositions ont retenu mon attention : l'instauration d'incitations fiscales dans le cadre de la réhabilitation des sites pollués et la création d'un fonds chargé de les financer.

Je pense que ces deux propositions sont à étudier conjointement afin d'adopter un mécanisme complet et de le rendre pérenne. Le fonds de recyclage prévu sur deux ans dans le plan de relance est bien évidemment très encourageant, mais il ne permettra pas néanmoins de venir à bout des problèmes que nous vivons sur nos territoires.

Par ailleurs, il me semble que le lien établi avec la lutte contre l'artificialisation des sols est nécessaire. En effet, la réutilisation des friches et des sols pollués réhabilités durablement est une piste évidente pour éviter de consommer des espaces nouveaux.

Madame la ministre, à la lumière des observations et des conclusions de la commission d'enquête, quelle dynamique de financement comptez-vous mettre en œuvre à l'issue du plan de relance ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, l'Ademe lance chaque année un appel à projets "Travaux de dépollution pour la reconversion des friches polluées". Entre 2010 et 2019, elle a ainsi soutenu près de 130 projets de reconversion, pour un montant de 42 millions d'euros. Vous l'avez rappelé, dans le cadre du plan de relance, nous avons prévu 300 millions d'euros pour la réhabilitation des friches. Sur cette somme, 40 millions d'euros ont été confiés à l'Ademe et sont exclusivement dédiés à la réhabilitation d'anciens sites industriels ou miniers pollués.

Un premier appel à projets visant à soutenir à la fois les travaux de dépollution et des études préalables a été lancé début novembre 2020 par l'Ademe.

Je suis disposée à étudier la mise en place d'un dispositif pérenne, une fois que le retour d'expérience aura été effectué sur les situations nécessitant des financements complémentaires – ils ne sont pas forcément nécessaires quand le prix du foncier est élevé et que l'aménageur peut payer la dépollution – et que le dimensionnement des montants aura été évalué.

En revanche, soyons clairs, la question de l'alimentation de ce fonds n'est pas résolue et nécessitera une expertise. À mon sens, il faut faire les choses dans l'ordre : d'abord tirer toutes les leçons de ce qui aura été fait dans le cadre du plan de relance – on a deux ans –, puis étudier comment on peut pérenniser tout cela.

Un groupe de travail, présidé par la députée de la Charente, Sandra Marsaud, a pour mission de définir les outils à mettre en place pour accompagner les opérations qui n'ont pas d'équilibre économique, en particulier dans les zones où il y a peu de pression foncière. Plusieurs pistes sont aujourd'hui à l'étude. Sandra Marsaud a écouté différents points de vue, qui pourront nourrir sa réflexion et éventuellement donner lieu à la rédaction d'une proposition de loi. À suivre, donc, monsieur le sénateur !

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Les sols constituent une ressource inestimable, hélas trop souvent sous-estimée. Loin d'être un simple support pour les activités humaines, et au-delà de leur vocation fondamentalement nourricière, ils remplissent des fonctions essentielles pour le cycle de l'eau, du carbone et abritent une part importante de notre biodiversité.

Il est plus que nécessaire de se pencher sur la question de leur pollution. Je salue donc l'initiative de notre collègue Gisèle Jourda.

Ma question porte plus précisément sur le financement de la dépollution des sols.

Le PLF pour 2021 prévoit que la part départementale de la taxe d'aménagement des espaces naturels sensibles (TAENS) pourra financer également des opérations de renaturation, et donc de dépollution des sols.

S'il est essentiel de financer ces opérations, comme l'a montré le rapport, mettre en concurrence le financement des espaces naturels sensibles et de la dépollution des sols paraît plus que problématique. Les opérations de dépollution sont, on le sait, très coûteuses et pourraient vite consommer une part importante des fonds.

Par ailleurs, les financements "biodiversité" des départements seront déjà affectés, hélas ! par la crise du covid, notamment à cause des dépenses croissantes de RSA ou de la baisse des permis de construire.

Dans ce contexte se profile le risque d'un appauvrissement des fonds dédiés à la biodiversité, alors même que M. le Président de la République vient de faire des annonces fortes lors du One Planet Summit.

C'est pourquoi le rapport sénatorial propose des mécanismes de financement de la dépollution des sols. Madame la ministre, comment le Gouvernement compte-t-il s'assurer que le financement de la dépollution des sols ne se fera pas au détriment des espaces naturels sensibles ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, vous imaginez bien que je ne souhaite absolument pas que les espaces naturels sensibles perdent leurs financements au profit de la dépollution des sites.

Le plan de relance prévoit des mesures spécifiquement dédiées à la dépollution des friches : les 40 millions d'euros, plus les 260 millions d'euros qui peuvent éventuellement être ajoutés. Il prévoit également des mesures spécifiquement dédiées à la biodiversité. Les enveloppes ne sont a priori pas fongibles, sauf si l'on ne réussit pas à avoir assez de projets, mais, je vous rassure, nous en aurons suffisamment.

Les départements utiliseront bien évidemment leurs fonds comme ils le souhaitent, mais nous procédons, avec les préfectures, au recensement des projets des collectivités locales dans le cadre des différents dispositifs prévus par le plan de relance.

Nous travaillons également à une planification, dans le cadre des contrats de relance et de transition écologique (CRTE), lesquels permettront aussi d'allouer des moyens à des projets de territoire intégrant des mesures de protection de la biodiversité.

Vous le voyez, par différents canaux et de manière assez organisée, grâce à des projets de territoire, nous faisons en sorte de résorber ces friches, de les dépolluer quand c'est nécessaire, et de les réutiliser, tout en travaillant à la protection de la biodiversité. À titre d'exemple, je rappelle que nous avons lancé un projet de plantation de haies de 7 000 kilomètres, pour un montant de 50 millions d'euros.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. Madame la ministre, merci pour la précision de votre réponse. Nous connaissons tous votre attachement à la biodiversité. Pour autant, il y a parfois des arbitrages que vous avez du mal à gagner ; cela fait partie du jeu. Sachez en tout cas que nous serons derrière vous ; nous vous dérangerons même parfois, quand cela sera nécessaire.

Un sujet supranational se pose : on parle depuis longtemps du projet de directive-cadre sur la protection des sols ; ce texte est extrêmement attendu. Nous souhaiterions, madame la ministre, que la France joue véritablement son rôle pour qu'on avance sur ce sujet.

Enfin, à la demande de mon collègue Jacques Fernique, je dirai un mot du site Stocamine : il sera nécessaire de bien écouter les avis des élus locaux à ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Notre pays déplore de nombreux cas de dégradation de la qualité de ses sols, rançon de sa riche histoire industrielle et minière. Cette pollution, à laquelle peu de nos territoires échappent, constitue une menace potentielle pour l'environnement et la santé des habitants des territoires.

Le rapport dont nous débattons relève que, à la différence de la pollution de l'air et de l'eau, qui fait aujourd'hui l'objet d'un encadrement et d'un suivi très stricts de la part des autorités, la pollution des sols est mal appréhendée dans notre législation nationale, mais aussi à l'échelle européenne.

Je citerai en exemple mon département, le Haut-Rhin, et en particulier les communes de Wintzenheim et Sierentz, qui ont hérité de friches et de décharges orphelines issues de l'activité industrielle, notamment chimique.

Or, dans ces cas bien précis, il est impossible pour les élus locaux d'aller chercher les exploitants responsables : souvent, cela fait bien longtemps qu'ils ont mis la clé sous la porte.

Face à ces situations, il s'agit de pallier l'absence d'information à laquelle les responsables locaux sont trop souvent confrontés et qui est, pour eux, source d'inquiétude. Aussi, il convient de mettre en œuvre la plus grande transparence sur les risques sanitaires associés aux sites pollués. Il convient surtout de soutenir et d'accompagner les acteurs publics dans la dépollution et la reconversion de ces sites.

À cette fin, madame la ministre, comment entendez-vous clarifier les rôles de chacun en matière de lutte contre la pollution des sols ? Il faut permettre à chacun d'identifier clairement ses interlocuteurs.

Plus largement, quels moyens le Gouvernement entend-il déployer pour venir en aide aux collectivités ayant hérité de sols pollués, parfois sur des terrains privés, par d'anciennes activités industrielles ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la sénatrice Schillinger, les pollutions des sols peuvent être dramatiques, qu'elles résultent d'une mauvaise gestion des déchets ou des activités industrielles elles-mêmes.

Dans le cadre du projet de loi Climat et résilience, nous allons renforcer les sanctions lorsque le non-respect d'une prescription ou la mauvaise gestion des déchets conduit à une pollution durable des sols. Comme je l'ai annoncé, les sanctions pourront aller jusqu'à dix ans d'emprisonnement et 4,5 millions d'euros d'amende dans les cas les plus graves.

L'Ademe peut, à la demande de l'État, assurer la mise en sécurité d'une ICPE lorsqu'il y a défaillance de l'ancien exploitant ou des éventuels responsables subsidiaires, quand la maison mère est fautive ou lorsque le propriétaire du terrain est négligent ; elle peut aussi le faire en cas de menace grave pour les populations ou l'environnement. En revanche, la dépollution du site, qui permet un recyclage urbain, reste de la responsabilité du propriétaire du terrain ou du futur aménageur.

Dans certains cas, tels que les pollutions aux hydrocarbures des sols et les pollutions de nappes pouvant avoir un impact en dehors du site, une dépollution peut se révéler nécessaire pour mettre le site en sécurité. L'intervention de l'Ademe aura alors pour objectif de circonscrire la pollution sur le site. Je sais à ce propos, madame la sénatrice, que votre département connaît une pollution par le lindane ; nous sommes en train de nous en occuper.

Sur proposition des agences régionales de santé (ARS), quand l'enjeu sanitaire le nécessite, la mise en sécurité peut inclure le relogement temporaire ou définitif des riverains.

Depuis 1999, 550 interventions de mise en sécurité ont été conduites par l'Ademe, sur environ 350 sites.

Le budget de l'Ademe s'élève à environ 18 millions d'euros par an. Une trentaine d'accords d'intervention sont donnés chaque année ; il y a ainsi eu dix-neuf nouvelles interventions et onze poursuites d'intervention en 2019.

Environ quatre-vingts sites supplémentaires déjà identifiés par la Dreal pouvant faire l'objet d'une intervention de l'Ademe dans les prochaines années ont été repérés. Des moyens financiers et humains suffisants doivent donc être octroyés à l'Ademe pour réaliser ces mises en sécurité d'anciennes friches dans les meilleurs délais. Madame la sénatrice, je m'y emploie activement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour la réplique.

Mme Patricia Schillinger. Merci, madame la ministre. Il est vrai que, dans mon département comme ailleurs, les élus vous harcèlent, car on a besoin d'avoir un décideur, ou un donneur d'ordres.

Je souhaite, comme mes collègues parlementaires, qu'un comité de pilotage puisse définir les actions à mener et effectuer les expertises nécessaires. On entend des interventions sur beaucoup de sujets, mais on a surtout besoin aujourd'hui de quelqu'un qui nous draine et nous dise ce qui est faisable ou non.

Je vous remercie encore, madame la ministre : je sais que je peux compter sur vous !

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Le rapport de cette commission d'enquête sénatoriale, auquel j'ai eu le bonheur de participer en tant que vice-président, est un modèle du genre. Je voudrais ici saluer tout particulièrement le travail et l'investissement de Gisèle Jourda, qui en a été la rapportrice, et de son président Laurent Lafon.

Ce rapport démontre, une nouvelle fois, combien notre institution est capable de produire des documents de qualité qui répondent à des enjeux majeurs, tels que la pollution des sols et la santé environnementale.

Nous attendons depuis bientôt dix ans une réforme d'ampleur du code minier ; vous avez abordé ce sujet tout à l'heure, madame la ministre. Un projet de loi était prévu ; il a même été soumis pour avis au Conseil national de la transition écologique (CNTE). Toutefois, le projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat semble prévoir plutôt des ordonnances, ce qui restreindra, de fait, l'action des parlementaires, qui sont pourtant très impliqués sur le sujet.

Comme vous le savez, je suis très attaché à l'économie circulaire et je crois fermement à la possible reconversion des sols pollués. Néanmoins, dans le projet de loi que j'ai pu consulter, il manque une définition claire des termes "sols pollués", "friches", "réhabilitation", "remise en état" ou encore "usage". Il s'agit pourtant de notions clés, car elles définissent le niveau de risque à prendre en compte et établissent ainsi le niveau de pollution acceptable ou non et les mesures de dépollution nécessaires à mettre en œuvre.

Aussi, dans le souci de favoriser une meilleure circularité de l'économie des sols, êtes-vous prête, madame la ministre, à suivre les recommandations de notre rapport pour définir ces termes essentiels ? Cette démarche serait un préalable notoire à la sécurisation juridique ; elle a d'ores et déjà été accomplie pour l'eau et pour l'air.

Au risque de voir se développer un "droit mou", le Gouvernement souhaite-t-il clarifier ces notions, qui garantiront une meilleure détermination de la chaîne des responsabilités et du champ des obligations en matière de gestion des sites et des sols pollués ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, je veux d'abord vous rassurer concernant le projet de loi relatif au code minier. Ses dispositions seront intégrées dans le projet de loi Climat et résilience. Effectivement, des ordonnances sont prévues sur certains aspects de ce problème, de manière à pouvoir, tout simplement, avancer au plus vite.

Je souhaite pour ma part que le code minier puisse être révisé avant la fin du quinquennat. Un compromis était nécessaire en la matière. En revanche, les dispositions relatives à l'après-mine, qui sont les plus sensibles, ne seront pas renvoyées à des ordonnances : elles figureront dans le texte même et pourront donc faire l'objet de débats et être amendées par le Parlement.

Quant aux notions que vous souhaitez sécuriser juridiquement, précisons que l'article L. 173-3 du code de l'environnement fait déjà référence à la pollution des sols : des sanctions pénales sont prévues lorsque des activités "ont porté gravement atteinte à la santé ou à la sécurité des personnes ou provoqué une dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l'air, du sol ou de l'eau". Le juge pénal est donc déjà à même de qualifier cette notion.

Le projet de décret d'application de l'article 57 de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dite "loi ASAP", qui porte sur les évolutions des dispositions législatives relatives aux ICPE, prévoit bien de clarifier les notions de "réhabilitation" et de "remise en état". La notion de "friche" existe déjà dans le vocabulaire de l'environnement, par une publication au Journal officiel ; elle est définie comme un "ensemble de terrains laissés à l'abandon sur lesquels peuvent subsister des installations ou des dépôts liés à des activités passées et qui sont susceptibles de présenter des risques de pollution".

Des définitions semblent donc déjà exister. Néanmoins, nous allons évidemment étudier dans le détail les propositions qui ont été faites par votre commission d'enquête de manière à déterminer si des éclaircissements supplémentaires peuvent être apportés.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot, pour la réplique.

M. Joël Bigot. Madame la ministre, merci pour ces précisions. Nous sommes souvent interpellés en tant qu'élus sur ces sujets. Nous resterons très vigilants sur ce sujet majeur pour l'environnement. À l'heure où l'on parle de lutter contre l'artificialisation des sols, il est bon de savoir de quelle boîte à outils on peut disposer pour remobiliser ces terrains, qui seraient plus de 6 000 et défigurent nos villes et nos paysages. Ils doivent être réhabilités et réutilisés pour protéger l'environnement et mettre un terme à la consommation de terres agricoles.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Moga.

M. Jean-Pierre Moga. Les travaux de notre commission d'enquête sur la pollution des sols ont révélé que celle-ci constituait un enjeu sanitaire et écologique majeur, un enjeu jusqu'à présent négligé, mal appréhendé et sous-estimé.

Je tiens donc à saluer le caractère pionnier des conclusions de notre commission d'enquête et les avancées qu'elles vont permettre de réaliser, et à adresser un remerciement tout particulier à son président, Laurent Lafon, et bien sûr à sa rapportrice, Gisèle Jourda, pour l'ampleur et la qualité de leur investissement.

Les conclusions de la commission d'enquête ont des airs de bilan écologique de la révolution industrielle. Elles identifient pour la première fois la dépollution des sols comme un impératif d'action écologique majeur. Elles établissent enfin un cadre global d'action, en six axes, pour y remédier.

Ma question, madame la ministre, porte sur le sixième de ces axes : "mobiliser les friches industrielles et minières dans une démarche d'aménagement durable". L'une des propositions faites par la commission d'enquête dans le cadre de cet axe nous semble particulièrement importante : la création d'un fonds national dédié au financement de la réhabilitation des sites et sols pollués, géré par l'Ademe, pour les sites orphelins, mais aussi les sites non-orphelins pour lesquels le responsable n'a pas les moyens d'opérer. Un tel fonds me semble essentiel. C'est le nerf de la guerre, car l'insuffisance des financements est le principal obstacle à la dépollution des sols. Le problème est d'ailleurs identifié de longue date et des fonds comparables existent ailleurs dans le monde.

Madame la ministre, la création d'un tel fonds est-elle prévue par le Gouvernement ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur Moga, j'ai déjà quelque peu répondu à cette question, notamment lors de ma réponse à M. Menonville. Oui, dans le cadre du plan de relance, nous allons consacrer 300 millions d'euros à la réhabilitation des friches, dont 40 millions d'euros seront spécifiquement confiés à l'Ademe pour la réhabilitation d'anciens sites industriels et pollués.

Nous avons décidé de travailler sur un retour d'expérience de l'utilisation de ces fonds, afin de pouvoir identifier les situations qui nécessitent des financements complémentaires. Quand le foncier est cher, normalement, on n'a pas besoin de fonds supplémentaires. En revanche, quand le foncier est détendu, plus de questions se posent. Il faut aussi regarder le dimensionnement des montants nécessaires.

Nous sommes donc enclins à étudier la mise en place d'un tel dispositif.

La question qui se pose dès lors est celle-ci : comment alimenter ce fonds ? Plusieurs pistes peuvent être expertisées, notamment une fiscalité sur l'artificialisation du territoire, ou sur les activités ou les produits polluants, ou encore une dotation budgétaire du même type que celle dont bénéficie l'Ademe à ce jour. Il faut en tout cas vraiment prendre le temps de bien identifier les besoins, au regard de ce qui aura pu être fait dans le cadre du plan de relance, pour affiner tout cela et déterminer les meilleures pistes à suivre.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Moga. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

Mon collègue Pascal Savoldelli vous a parlé du collège de Vincennes, notre rapportrice Gisèle Jourda a évoqué la pollution minière de la vallée de l'Orbiel, véritable catastrophe écologique. Madame la ministre, je connais votre implication en faveur de l'environnement et de l'écologie, mais ne nous voilons pas la face : sans un tel fonds, il ne sera pas possible de dépolluer des sites de ce type, car ces opérations exigent des dépenses énormes.

Pour ma part, je ne pense pas qu'il convienne de ne taxer que les industries polluantes, qui subissent déjà beaucoup de contraintes ; il faut une taxe plus générale, pour qu'elle soit mieux acceptée par tout le monde.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe.

Mme Sabine Van Heghe. Je veux remercier notre collègue Gisèle Jourda pour la qualité de son rapport et souligner le consensus qui s'est dégagé entre les différents membres de cette commission d'enquête sur nos préconisations.

J'évoquerai la proposition de la commission de mettre un terme aux asymétries entre le code minier et le code de l'environnement en matière de responsabilité des exploitants et de prévention des risques sanitaires et environnementaux.

Notre commission d'enquête propose ainsi l'extension aux exploitants de sites miniers de l'obligation de constitution de garanties financières pour la remise en état de la mine après fermeture, l'intégration de la protection de la santé publique dans les intérêts protégés par le code minier, ainsi que l'extension aux sites miniers de la possibilité de rechercher la responsabilité de la société mère en cas de défaillance éventuelle de la filiale exploitante.

Elle propose également l'intégration des travaux miniers dans l'autorisation environnementale afin d'harmoniser les procédures administratives d'instruction, de contrôle et de sanction entre les sites miniers et les sites d'installations classées pour la protection de l'environnement.

Enfin, nous proposons l'extension à trente ans après les travaux des conditions d'exercice de la police résiduelle des mines, afin de permettre à l'État de rechercher la responsabilité des exploitants en cas d'apparition de nouveaux désordres et dommages.

Le code minier a été adopté au milieu du siècle dernier. Nous attendons sa réforme depuis plus de dix ans. J'ai bien noté l'annonce récente de l'intégration de cette réforme dans le projet de loi relatif au climat que nous examinerons au printemps prochain. Je m'en réjouis, car le code minier est aujourd'hui inadapté, en particulier au regard du code de l'environnement.

Madame la ministre, quel sort entendez-vous réserver, dans les futurs débats parlementaires, aux propositions unanimes de notre commission d'enquête sur ces enjeux d'importance ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la sénatrice Van Heghe, comme je l'ai dit, le principe d'une réforme du code minier a été annoncé au conseil de défense écologique du 23 mai 2019 ; le projet de réforme a reçu un avis favorable du Conseil national de la transition écologique le 16 novembre 2020 ; il a été intégré au projet de loi faisant suite à la Convention citoyenne pour le climat, que nous allons appeler "projet de loi Climat et résilience".

Cette réforme vise à améliorer les dispositifs de concertation dans le cadre de l'autorisation de projets miniers, à prendre en compte les enjeux environnementaux dès les premières étapes de la procédure, afin d'être en mesure de rejeter plus rapidement des projets qui ne seraient pas à la hauteur de nos ambitions – soit dit en passant, cela nous permettra de ne plus avoir à régler des problèmes tels que celui de la Montagne d'or, qui montre les manques du code minier actuel – et à améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux après l'exploitation.

Ainsi, pour la prévention des risques miniers, sont envisagées une meilleure prise en compte des risques sanitaires dans les objectifs de dépollution des friches minières – les sanctions seront renforcées pour être harmonisées avec celles du code de l'environnement –, l'extension des garanties financières à la remise en état du site minier après fermeture, et l'extension à trente ans des conditions d'exercice de la police résiduelle des mines, afin de permettre à l'État de rechercher la responsabilité des exploitants en cas d'apparition de nouveaux désordres.

Comme je le disais en réponse à M. Bigot, l'ensemble du volet consacré au renforcement des dispositions portant sur la période après l'exploitation minière, y compris les propositions de votre commission d'enquête, sera soumis au débat parlementaire et pourra donc faire l'objet d'amendements et, si nécessaire, d'améliorations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour la réplique.

Mme Sabine Van Heghe. Madame la ministre, merci pour ces précisions. Cela fait trop longtemps que nous attendons cette réforme ; nous comptons vraiment sur votre intervention et sur le débat qui aura lieu au Parlement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler.

Mme Sabine Drexler. Madame la ministre, alors que nos voisins suisses ont mis en œuvre un programme de déstockage total et de traitement des polluants, on se contente trop souvent en France de les confiner, laissant aux générations futures, à nos enfants et petits-enfants, un cadeau empoisonné.

Je prendrai pour exemple la pollution au lindane dans le Haut-Rhin, que vous avez évoquée. Cette pollution est liée à une usine chimique qui a fabriqué cet insecticide jusqu'en 1974. Des produits présentant des défauts de fabrication ont alors été entreposés à différents endroits du département, en particulier à Sierentz et à Colmar.

Lorsque l'usine a fait faillite, en 1996, le site de son implantation, tout près de Bâle, a été occupé par des entreprises suisses. Depuis lors, nos voisins suisses ont entrepris la dépollution totale du site, pour près de 250 millions d'euros ; elle est aujourd'hui achevée. Des travaux similaires ont été réalisés récemment à Bonfol, toujours en Suisse, pour près de 400 millions d'euros, afin de résorber une décharge chimique située sur la frontière avec la France.

Du côté de Colmar, alors même que la quantité de lindane est bien moins importante, on s'est contenté d'une couverture dite "étanche" du site et d'une surveillance de la nappe à l'aval. Une surveillance a depuis montré qu'une langue de pollution s'échappe inexorablement de ce site et que la zone polluée ne cesse de s'agrandir.

Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur la résorption définitive des sites et des sols pollués ? Comptez-vous mettre en œuvre une politique d'élimination complète des polluants en lui allouant, comme le font nos voisins suisses, les moyens financiers nécessaires ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. La Commission européenne a engagé des travaux pour améliorer les connaissances sur la présence et la gestion des déchets de lindane et d'hexachlorocyclohexane. Elle a ainsi mandaté un consortium de bureaux d'études afin de l'assister dans ce projet, tout d'abord pour réaliser un inventaire des sites où ces substances ou leurs déchets sont présents, puis pour apporter une aide et une expertise aux autorités des États membres confrontés à ces problématiques.

L'inventaire des sites ayant stocké, produit, manipulé ou utilisé du lindane a été transmis par la Commission aux États membres afin que ceux-ci puissent réagir. Sur la base des informations disponibles, la France a répondu à la Commission, au début de décembre 2020, afin de confirmer si tel ou tel site est susceptible, ou non, d'être pollué au lindane.

Dans le Haut-Rhin, j'ai en tête deux sites : Sierentz et le site PCUK de Wintzenheim, qui connaît la pollution la plus importante. Entre 700 et 750 tonnes de ces déchets ont été déposées sur ce site dans les années 1970. Un confinement a été mis en place en 1985, sous le contrôle des services de l'État ; il a été renforcé par l'Ademe. Il y a une couverture ; pour autant, comme vous l'avez dit, madame la sénatrice, le fond n'a pas été traité, si bien qu'en hautes eaux la nappe peut être en contact avec le lindane.

L'Ademe est mandatée pour la surveillance des eaux souterraines, l'élaboration d'études d'impact et de comportement des polluants, l'entretien du confinement et la mise en place d'un dispositif de régulation des accès, avec signalétique, pour quatre ans. Le montant total engagé aujourd'hui s'élève à 1,4 million d'euros.

Nous examinons comment l'Ademe peut renforcer son intervention sur place afin de limiter les risques de pollution. Ce que je peux vous dire, madame la sénatrice, c'est que ces observations me permettront certainement de vous faire des annonces dans les prochains jours.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler, pour la réplique.

Mme Sabine Drexler. Madame la ministre, pour les Suisses, ces assainissements sont une priorité absolue parce qu'ils savent que les coûts générés par une pollution seraient absolument pharaoniques. Ces mêmes Suisses connaissent bien nos dossiers, notamment celui de Stocamine, où il est prévu un prochain confinement.

Madame la ministre, Stocamine inquiète nos voisins suisses et allemands parce que ce dossier met en péril la plus grande nappe phréatique d'Europe. Les experts savent qu'aucun confinement n'empêchera l'eau d'arriver à des déchets qui n'auraient jamais dû se trouver là ; le jour où cette pollution surviendra, elle empoisonnera non seulement les Alsaciens, mais également les Suisses et les Allemands.

En Alsace, dès aujourd'hui, en prenant les bonnes décisions, vous aurez l'occasion de passer des paroles aux actes !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Michau.

M. Jean-Jacques Michau. Permettez-moi de saluer à mon tour le travail conduit par notre commission d'enquête, qui pose un bilan clair de la situation nationale et émet des propositions concrètes pour permettre une réelle prise en compte des risques sanitaires et écologiques induits par la pollution de nos sols.

Ces risques touchent tout le territoire français, sans distinction, en métropole comme outre-mer, des milieux urbains aux zones rurales. Ainsi, dans l'Ariège, mon département, l'industrie textile et métallurgique, mais aussi l'extraction minière ont laissé pléthore de friches. L'inventaire conduit en 2003 répertoriait plus de 1 400 sites.

Le premier axe du rapport aborde le socle indispensable à toute action sanitaire et écologique : l'accès à l'information. Alors que les technologies le permettent, il n'existe aucun outil offrant une vision globale des données en la matière. L'accès à une base fiable consolidant les informations disponibles aujourd'hui, encore incomplètes et fragmentées, est une priorité.

La qualité de cette information s'impose comme un déterminant de l'efficacité de l'action en matière d'aménagement du territoire et de protection de la santé des populations et de l'environnement. Sa lisibilité est un enjeu de confiance dans la transparence et l'efficience de l'action publique.

À ce jour, chacun des outils existants répond à une finalité distincte et est orienté vers un public particulier. Ce sont plus d'une dizaine de bases de données différentes qui sont utilisées pour connaître les risques de pollution des sols.

N'est-il pas temps, madame la ministre, que l'État se dote d'une base lisible et accessible à tous les acteurs, des élus locaux aux citoyens, et non plus aux seuls experts ? Une forme vulgarisée des données indiquant les risques associés à une liste de substances polluantes et une cartographie interactive plus accessible sont des pistes d'amélioration identifiées par notre commission d'enquête.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour fournir à tous une information sur l'état des sols français qui soit complète, fiable et accessible ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur Michau, vous avez complètement raison : il faut aujourd'hui rationaliser nos dispositifs afin que l'information soit clairement et facilement accessible à tous et sur tous les sites.

Le ministère de la transition écologique est transparent en la matière, depuis de nombreuses années. Des informations relatives aux sites et aux sols pollués sont contenues dans trois bases de données – Basias, Basol et Secteurs d'information sur les sols (SIS) – qui ont pour objectif l'information du public et des riverains, la communication sur l'action administrative de l'État et la conservation de la mémoire.

Historiquement, Basias et Basol concernent majoritairement des sites suivis par l'inspection des installations classées. Ces bases de données ne permettent donc pas d'avoir une vision complète des sites et sols pollués ou potentiellement pollués. Les pollutions causées par d'autres secteurs, tels que l'agriculture, notamment par l'usage de pesticides comme le chlordécone ou le lindane, les transports, avec les produits de conservation des traverses de chemins de fer, par exemple, ou d'autres activités économiques, comme les parkings, les zones commerciales, ou les ports, n'y sont pas répertoriées. Lorsqu'un usage est indiqué, celui-ci a pu évoluer au fil du temps sans que l'inspection dispose de cette information.

En 2014, la loi ALUR a créé les SIS, qui visaient notamment à disposer d'une base de données plus complète, comprenant des sites pollués par d'autres origines que des installations industrielles ou minières.

Ce que je souhaitais, c'était une coordination de ces trois bases de données. Elle est en train d'être mise en œuvre. La direction générale de la prévention des risques (DGPR) a entamé en 2018 un travail de rationalisation de Basias, Basol et SIS dans une base unique nommée InfoSols, dont la première version, intégrant Basias et Basol, est opérationnelle depuis octobre dernier ; elle intégrera Basias courant 2021.

Ce travail doit permettre de répertorier l'ensemble des informations sur les sites et sols pollués dans un espace unique, de garantir la cohérence des informations de ces trois bases de données et d'améliorer la localisation de ces sites.

En matière de communication pour le grand public, des marges de progrès existent pour vulgariser et expliciter auprès des riverains et des associations les résultats des études réalisées, dont les rapports sont parfois longs et techniques, et les actions menées par les services de l'État qui en découlent. Le travail est en cours ; il doit être poursuivi.

En tout cas, la base InfoSols constitue déjà un point de départ très important pour la rationalisation et la facilitation de la transmission de l'information.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa.

M. Laurent Burgoa. Je tiens d'abord à remercier nos collègues du travail mené, travail véritablement nécessaire, la refonte du code minier étant un sujet de préoccupation depuis maintenant vingt-sept ans.

Madame la ministre, c'est sur la création d'un fonds de réhabilitation des sites et sols pollués que je souhaite vous interpeller.

L'élargissement du projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat à la réforme du code minier ne doit pas permettre d'en soustraire l'enjeu de l'après-mine ! C'est une préoccupation que je partage d'ailleurs avec mon collègue député Olivier Gaillard.

En effet, aujourd'hui, nous connaissons les risques que constitue la présence d'anciennes mines sur nos territoires. Dans le Gard, de Saint-Félix-de-Pallières à Tornac, les conséquences sur la santé de nos compatriotes inquiètent.

Dans son rapport, la commission d'enquête du Sénat propose la création d'un fonds de réhabilitation des sites et sols pollués pour prendre en charge la dépollution de sites dits "orphelins", mais aussi pour venir en aide aux collectivités n'ayant pas la capacité de prendre en charge les coûts de la dépollution de terrains dont elles sont propriétaires.

Ma question est simple, madame la ministre : votre gouvernement soutiendra-t-il cette proposition ? Notre État sera-t-il enfin protecteur ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, je ne peux à ce stade que vous apporter la même réponse que celle que j'ai faite à vos collègues tout à l'heure : sur les 300 millions d'euros du fonds Friches prévus dans le plan de relance, 40 millions d'euros sont dédiés aux ICPE et aux anciens sites miniers, ce qui n'empêchera pas d'utiliser les 260 millions d'euros restants.

Nous tenons vraiment à un retour d'expérience avant de mettre en place un fonds pérenne, car nous avons besoin de vérifier qu'il est bien nécessaire au regard de la tension du foncier et d'en identifier les pistes de financement.

Ce dernier point donnera sans doute lieu à des débats. Faut-il une taxation des entreprises susceptibles de polluer ? Faut-il une taxation plus large, avec une fiscalité sur l'artificialisation des sols ou sur les produits polluants ? Faut-il au contraire créer une dotation budgétaire, qu'il faudra aussi alimenter ?

Toutes ces questions demanderont du temps. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous en dire beaucoup plus à ce stade.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.

M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, permettez-moi de porter à votre connaissance la décision du tribunal administratif de Nîmes du 21 décembre dernier. Dans son jugement, il annule neuf arrêtés, car, conclut-il, "le préfet du Gard, qui a usé de ses pouvoirs de police pour mettre à la charge des communes la sécurisation des déchets issus de l'exploitation minière, dont la gestion relevait d'une compétence étatique au titre du droit minier, a entaché sa décision d'une erreur de droit".

Madame la ministre, visiblement, la justice estime que, dans la mesure où le Gouvernement a accepté la renonciation aux concessions minières par arrêtés, la surveillance et la prévention des risques de ces sites ont été transférées à l'État. Prenez donc vos responsabilités !

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Genet.

M. Fabien Genet. Je salue le travail remarquable que constitue le rapport de la commission d'enquête.

Madame la ministre, permettez-moi de vous emmener en Saône-et-Loire pour un rendez-vous en terre connue pour être polluée (Sourires.), tout d'abord dans ma commune de Digoin, petite ville au riche passé industriel, notamment en matière de céramiques. Malheureusement, au fil du temps, l'activité a été concurrencée et seules subsistent aujourd'hui des friches industrielles importantes.

Pour m'être battu comme maire voilà quelques mois aux côtés des salariés pour sauver une faïencerie locale qui avait déposé le bilan, je peux témoigner que la problématique de la pollution représente une véritable épée de Damoclès pour d'éventuels repreneurs.

Le rapport évoque bien la question du principe pollueur-payeur et pointe les pollutions historiques. Mettre à la charge du repreneur d'une activité industrielle parfois en difficulté le traitement de pollutions datant souvent de dix, vingt ou cinquante ans peut condamner l'activité et précipiter le moment où le site devient orphelin et à la charge des collectivités locales. Dans ce type de situation, ne serait-il pas utile d'accompagner le repreneur pour faciliter la dépollution ? Le fonds Friches peut-il être mobilisé ?

Autre exemple à rebours du précédent, celui de la commune de Montceau-les-Mines, ville au riche passé industriel et minier comptant plusieurs friches.

Ainsi, la centrale à charbon a arrêté son activité au début des années 2000. Le groupe propriétaire, qui s'est engagé à démanteler, ne fait pourtant dès lors que ralentir les procédures et repousser le moment où il devra achever cette dépollution. Face à une telle situation, comment l'État peut-il faire accélérer le processus ?

La maire de Montceau-les-Mines m'a signalé d'autres problèmes de friches industrielles en plein centre-ville : les opérations d'aménagement pour réaliser des logements butent souvent sur le coût de la dépollution et de la démolition. Pour siéger à la commission des élus chargés de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), je peux témoigner que les collectivités ayant des projets nécessitant des démolitions peinent à trouver des aides auprès des partenaires financiers. Comment convaincre ces derniers de s'investir au-delà des fonds d'État existants ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur, ces situations sont complexes, en effet.

Concernant la faïencerie de Digoin, la société historique est en liquidation judiciaire et le repreneur est tenu de respecter la législation ICPE. À ce titre, un arrêté imposera la constitution ou le cautionnement de garanties financières. La Dreal est particulièrement attentive à ce site, qui est régulièrement inspecté.

Il faut tout de même veiller, lorsqu'il y a des repreneurs successifs, à ce que les sols pollués soient réhabilités, le risque étant, sinon, de se retrouver avec des pollutions qui ne seraient pas traitées.

À Montceau-les-Mines, la centrale que vous avez citée s'est arrêtée en 2013. Les travaux de remise en état seront prochainement encadrés par arrêté préfectoral, leur fin étant prévue en 2024. En 2019, une grande partie des terrains – 70% – a été libérée de toute occupation, mais des bâtiments doivent faire l'objet d'un désamiantage. Le sous-préfet réunit régulièrement un comité de suivi du site. Le prochain, qui est programmé à la mi-février 2021, permettra de faire état de l'avancement du chantier de dépollution.

Même si ce site n'est pas concerné, je rappelle que la loi ALUR a instauré le dispositif du tiers demandeur, le tiers étant généralement un aménageur, permettant à ce dernier de se substituer à l'ancien exploitant pour réaliser la remise en état du site, généralement pour son usage futur dans le cadre d'un aménagement déjà prévu.

Cette procédure de substitution présente de nombreux avantages : elle est évidemment soumise à accord du préfet, les travaux d'instruction sont courts, la réalisation des travaux de dépollution et de remise en état pour l'usage futur final se fait en une seule fois. C'est beaucoup moins coûteux – la question des coûts est en effet cruciale –, plus rapide et cela clarifie les responsabilités, notamment en cas de découverte d'une nouvelle pollution, entre l'ancien exploitant et le tiers demandeur. En outre, un dispositif de garantie financière permet de sécuriser les opérations de dépollution.

Monsieur le sénateur, des systèmes existent donc pour faciliter, simplifier et faire baisser les coûts, sans porter atteinte à l'exigence de dépollution que nous devons à nos enfants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac.

Mme Marta de Cidrac. Les friches et leurs reconversions sont des thèmes abordés dans l'excellent rapport de la commission d'enquête sur la pollution des sols. Ces espaces représentent une véritable opportunité pour nos territoires.

Madame la ministre, permettez-moi de m'appuyer sur un exemple malheureusement bien connu pour illustrer cette problématique. La plaine de Carrières-Triel-Chanteloup, dans les Yvelines, que vous connaissez, était jusqu'à tout récemment la plus grande décharge à ciel ouvert de France : 25 hectares souillés par 26 000 tonnes de gravats et détritus en tout genre.

Cette friche est aujourd'hui nettoyée, mais, d'après une étude en cours, l'accumulation de déchets pendant des années, dont 900 tonnes de matériaux dangereux, a laissé des traces dans les sols. Cette pollution s'ajoute d'ailleurs à celle qui résulte de l'épandage des eaux usées de Paris pendant de très nombreuses années. Il y a donc bien urgence à dépolluer. C'est une condition nécessaire à la réhabilitation de la plaine.

Les élus locaux sont mobilisés depuis le premier jour sur ce projet. Ils ont financé l'enlèvement des déchets. Ils ont réfléchi à un projet d'avenir pour la réhabilitation de cette friche en un écosystème tourné vers la forêt, mais aussi la faune et la flore existantes. Cette idée, défendue notamment par le département des Yvelines et les maires des communes, s'inscrit pleinement dans une logique de développement durable.

Vous l'avez compris, madame la ministre, la question de la dépollution fait également partie de leurs priorités et une étude est d'ailleurs en cours. L'État s'est associé à ces démarches au sein des comités de pilotage afin que ce fléau écologique ne soit bientôt plus qu'un souvenir, ce que nous espérons tous.

Madame la ministre, comment l'État va-t-il poursuivre son soutien aux initiatives des élus locaux concernant l'avenir de la plaine de Carrières-sous-Poissy ? Quelles sont les prochaines étapes ? Qui paie in fine ? Souvent, ce sont les élus locaux qui prennent en charge l'essentiel de ces dépollutions.

Plus largement, comment l'État accompagne-t-il les élus locaux sur la question des friches, qu'elles soient industrielles ou non ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. On a beaucoup entendu parler, madame de Cidrac, de cet énorme site de dépôts sauvages, qui était absolument aberrant. Nous travaillons sur la question de ces dépôts : la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite AGEC, prévoit la création d'une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) pour éviter les dépôts sauvages, par exemple de déchets du BTP. Dans mon souvenir, le site de Carrières-sous-Poissy en comptait beaucoup.

Nous n'en sommes pas au début du projet, la réhabilitation a déjà été pensée et de nombreux travaux ont déjà été mis en place. Je salue d'ailleurs le travail qui a été accompli par tous les acteurs du système et j'insiste sur la méthode très intéressante retenue : tous les acteurs se sont mis autour de la table pour essayer de trouver des solutions à ce problème et de construire un projet de territoire, qui a d'ailleurs fait l'objet de nombreux débats et pour lequel il peut y avoir un certain nombre de financements. L'État est déjà impliqué financièrement. Peut-être que des financements supplémentaires sont envisageables dans le cadre du plan de relance, notamment par le biais du fonds Friches.

Aujourd'hui, grâce à la loi AGEC, mais pas seulement, nous voulons renforcer les sanctions en cas de dépôts sauvages. Le préfet des Yvelines accompagne le projet.

De manière générale, face à ce type de problème, on ne parviendra à trouver des solutions qu'avec un projet de territoire. J'alerte sur la création possible de contrats de relance et de transition écologique (CRTE), qui dépassent la simple question des déchets et doivent être appréhendés comme de véritables projets de territoire de développement durable, ce qui leur permettra d'être alimentés par un certain nombre de financements.

Madame la sénatrice, je vous invite à contacter les services du ministère pour que nous puissions étudier cela de plus près.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.

Mme Marta de Cidrac. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

J'en profite pour attirer votre attention sur la plaine d'Achères, dans la commune de Saint-Germain-en-Laye, non loin du site dont nous venons de parler, qui connaît elle aussi un problème de dépollution, pris en charge par la ville de Saint-Germain-en-Laye. À cet égard, je souhaiterais rediscuter avec vous de la question du coût. Vous avez à juste titre rappelé le partenariat qui a été mis en place dans ce territoire. Continuons de travailler ensemble pour trouver des solutions à cette situation pesante.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Il semble aujourd'hui essentiel de prendre davantage en considération le sol, élément trop souvent oublié du triptyque air-sol-eau dans les politiques publiques environnementales. En effet, un sol sain et fertile stocke plus de carbone et renforce la résilience des territoires.

Dans son rapport, la commission d'enquête établit plusieurs constats et propose par exemple de mieux réparer les préjudices écologiques sur les sites pollués. Elle préconise ainsi que soit élaboré un plan d'action "détaillant les mesures de gestion des risques sanitaires pour chaque site pollué", sous l'autorité des préfets.

Ces propositions viennent combler les carences de l'État sur certains sites pollués, à l'heure où justement l'État veut imposer la norme du zéro artificialisation nette des sols. Il est donc essentiel que l'État définisse toutes les responsabilités, dont les siennes propres.

Permettez-moi d'ailleurs, madame la ministre, d'illustrer mon propos par deux exemples pris dans mon département de la Meurthe-et-Moselle.

À Blénod-lès-Pont-à-Mousson, pendant près de quarante-cinq ans, il y a eu un centre de production thermique fonctionnant au charbon. Fermé depuis six ans, il a laissé derrière lui un terril de 2,5 millions de mètres cubes de cendres externes – excusez du peu ! – sur plus de 30 hectares. La valorisation de cet amas cendreux, qui pourrait contaminer le sol, n'a jamais été véritablement pensée ni préconisée : durant les années d'exploitation du site, l'industriel n'a provisionné aucun fonds permettant de traiter le terril après la fermeture de la centrale. Si quelques solutions ont été envisagées, elles sont soit trop chères soit irréalisables.

Au-delà de la responsabilité administrative, il existe un enjeu juridique lié à la dépollution des sites contaminés lorsque l'entreprise responsable n'existe plus. Vous le savez, le scénario, dans ce cas, est aussi banal qu'affligeant.

La commune de Dieulouard a hébergé pendant plus de cinquante ans une usine de recyclage des huiles usagées. Le sous-sol du site est aujourd'hui souillé et pollué d'hydrocarbures et l'entreprise responsable a fait faillite. Qui se charge de la dépollution ? Qui paie ? Tout cela est-il bien codifié et solidement appréhendé juridiquement ?

Madame la ministre, comment l'État pourra-t-il aujourd'hui et demain mieux assumer ses responsabilités et combler les carences juridiques à l'égard des sites industriels pollués afin de créer à terme un cadre législatif robuste et protecteur ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Les exemples que vous avez évoqués, monsieur le sénateur Husson, et qui sont très parlants, le montrent : nous avons été obligés d'évoluer parce que la réglementation ne prévoyait ni la dépollution ni les risques d'atteinte à la santé publique.

Des garanties financières ont été mises en place depuis 2012 pour couvrir la mise en sécurité d'ICPE susceptibles d'être à l'origine de pollutions importantes des sols ou des eaux. Indépendamment de la mise en jeu des garanties financières pour les opérations qu'elles couvrent, l'exploitant demeure tenu de respecter ses obligations de cessation d'activité : mise en sécurité, puis remise en état du site.

Aujourd'hui, sur les 5 500 sites recensés, plus de la moitié sont des carrières qui sont soumises à des garanties financières pour un montant total de 3,5 milliards d'euros.

Les garanties financières relatives à la mise en sécurité concernent 870 sites, pour un montant total de 650 millions d'euros. Au cours des dix dernières années, les préfets ont appelé à une quinzaine de reprises des garanties financières auprès d'organismes de crédits pour un montant d'environ 3 millions d'euros, pour des problématiques de remise en état ou de mise en sécurité du site. On le voit, la réglementation évolue, car nous devons désormais tenir compte de l'existant et du passé.

Sur la question de la gestion des sols pollués, je vous rappelle que nous avons mis en place le principe de la gestion des risques selon l'usage. Nous ne sommes pas le seul pays à le faire : la Belgique et la Grande-Bretagne notamment agissent de même. Ce principe s'articule autour de deux actions : la recherche des possibilités de retrait des pollutions, notamment des pollutions concentrées, et l'obtention d'un niveau de réhabilitation compatible avec l'usage qui sera ensuite fait du terrain.

Les fonds qui sont aujourd'hui prévus dans le plan de relance permettent aussi de combler les manques de la réglementation passée afin d'essayer de rattraper ce retard. Je vous renvoie au débat que nous avons eu sur l'éventuelle pérennisation d'un tel fonds.


Source http://www.senat.fr, le 20 janvier 2021