Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Nous sommes en direct avec Barbara POMPILI. Je rappelle que vous êtes Ministre de la Transition écologique. Le premier commentaire est simple, direct, il vient évidemment de la situation qui est celle d'un Joe BIDEN qu'on a vu à la Maison Blanche signer un certain nombre de décrets donc on ne passe pas par le Parlement. Et parmi ces décrets, il y avait le retour dans les accords de Paris. Quelle est votre réaction ?
BARBARA POMPILI
C'est un beau début d'année. Je suis très heureuse de voir que les États-Unis reviennent autour de la table avec tous les autres États pour lutter contre le changement climatique. On avait besoin d'eux, même si on avait depuis l'arrivée de TRUMP au pouvoir, on avait dû s'organiser et on avait fait beaucoup de travail pour faire vivre cet accord de Paris notamment avec d'ailleurs les initiatives de la France et du président de la République - les One Planet Summit - parce que le monde ne s'est pas arrêté de tourner quand Donald TRUMP est arrivé. Donc il a fallu travailler, il a fallu motiver tout le monde. On a progressé, Joe BIDEN revient, c'est une excellente nouvelle.
GUILLAUME DURAND
Vous avez déjà eu des contacts avec son administration ?
BARBARA POMPILI
On a eu des contacts informels avant l'arrivée de Joe BIDEN mais pour l'instant, il n'était pas encore en place et donc il tenait à faire les choses…
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous allez avoir des contacts avec lui ? Est-ce qu'il est prévu par exemple que pour que tout ça s'organise, parce qu'on ne rentre pas comme ça dans un accord sans qu'il y ait des négociations, est-ce que tout ça va prendre forme ? C'est-à-dire contacts informels avant mais maintenant, il faut passer à autre chose.
BARBARA POMPILI
Oui. Moi j'avais eu John KERRY au téléphone qui était déjà très investi. On sent qu'il y a une vraie volonté d'agir. Une vraie volonté quelque part un peu de vouloir rattraper le temps perdu de ce qui n'a pas été fait au temps de Donald TRUMP. Dans le retour dans l'accord de Paris, il va y avoir des mesures un peu techniques et un peu juridiques mais peu importe. L'acte principal, c'est l'acte politique. On va avoir une COP à Glasgow à la fin de l'année où les États vont donner leurs grandes orientations et leurs grands objectifs. Les États-Unis seront là et ce sera une très bonne chose.
GUILLAUME DURAND
Question, elle est importante. On vient de parler du calendrier électoral avec Guillaume TABARD. Vous connaissez ça par cœur. Les Français s'interrogent, ceux qui nous écoutent en tout cas, sur cette affaire de référendum sur le climat. Est-ce que ce matin, vous pouvez nous dire si oui ou non il y aura un référendum sur le climat qui suivra les régionales avant la présidentielle ? Parce que tout ça, c'est évidemment un ouvrier hyper serré.
BARBARA POMPILI
Oui, il y aura un référendum à partir du moment où elle le texte aura été voté dans les mêmes termes par les deux assemblées, l'Assemblée nationale et le Sénat. C'est la volonté du président de la République et c'est une très belle occasion de mobiliser, en fait, la population pour dire oui à l'écologie. Cet acte de placer l'environnement, la protection de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique à l'article 1er de la Constitution, c'est-à-dire dans notre socle de valeurs fondamentales, c'est un symbole très important.
GUILLAUME DURAND
Donc on est certain que ça va avoir lieu.
BARBARA POMPILI
Dans un moment charnière. "On est certain" : à partir du moment encore une fois… Moi je suis une ancienne parlementaire, Guillaume DURAND, donc je respecte le travail qui va être fait à l'Assemblée et au Sénat. Mais à partir du moment où c'est voté dans les mêmes termes, on le met au référendum.
GUILLAUME DURAND
Mais on a vu que Gérard LARCHER évolue. Au départ, Les Républicains étaient quand même - ils sont majoritaires au Sénat - ils étaient assez opposés pour des raisons que je vais essayer de résumer simplement. C'est-à-dire qu'ils considèrent que mettre l'écologie au-dessus de la liberté d'entreprendre, au-dessus de l'égalité entre les hommes et les femmes, ça leur paraît bizarre. Puis il y a un problème de vocabulaire, c'est-à-dire qu'ils disent aussi ou ils disaient aussi : est-ce qu'on met "garantit", c'est-à-dire en gros c'est une obligation, ou est-ce qu'on met "l'État favorise" ? D'après ce qu'on sait dans les dernières informations, LARCHER a dit qu'il allait examiner ça dans le détail avec sa majorité et qu'ils n'étaient pas fondamentalement opposés comme ils avaient pu l'être avant. Donc c'est plutôt positif pour l'instant.
BARBARA POMPILI
Oui, ça évolue. Ça évolue et puis il y avait peut-être besoin aussi qu'il y ait ce débat et qu'il y ait des explications entre tout le monde parce qu'évidemment, il n'est pas question que la protection de l'environnement soit au-dessus de l'égalité entre les hommes et les femmes. En fait on est dans le même article, et donc on est sur des valeurs qui sont nos valeurs communes.
GUILLAUME DURAND
Si on prend les verbes, vous pensez que ce qui serait habile ce serait plus de mettre "l'État favorise" ou "la Constitution favorise" plutôt que "garantit absolument".
BARBARA POMPILI
Ce qui est inscrit et ce qui a été déposé là en Conseil des ministres c'est "garantit". Et c'est le terme qui avait été porté par les membres de la Convention citoyenne pour le climat. Parce que ce qui est intéressant aussi, c'est que ça arrive dans un processus où on essaie de réinventer notre démocratie, où la Convention citoyenne pour le climat c'est un essai de redonner la parole aux citoyens. Les citoyens ont fait cette proposition de rédaction et après, on va revenir devant les citoyens pour faire une validation par référendum. Donc nous, on a repris et le président de la République a souhaité reprendre sans filtre, entre guillemets, la proposition des citoyens. Après le débat parlementaire aura lieu et on verra.
GUILLAUME DURAND
Le débat parlementaire aura lieu mais si débat parlementaire a lieu dans le sens que vous souhaitez, il y aura un référendum. Il faut être clair ce matin.
BARBARA POMPILI
Bien sûr.
GUILLAUME DURAND
Il y aura un référendum.
BARBARA POMPILI
C'est la volonté du président de la République.
GUILLAUME DURAND
Vous avez une idée de la date ?
BARBARA POMPILI
L'idée, c'est de le faire d'ici la fin de l'année parce qu'après…
GUILLAUME DURAND
Donc octobre-novembre.
BARBARA POMPILI
Voilà. Ça, je ne peux pas vous dire exactement mais une fois que ce sera voté. Et c'est pour ça aussi qu'on ne s'attaque pas à une réforme globale de la Constitution qui, là, prendrait beaucoup plus de temps. On se concentre sur cet article 1er.
GUILLAUME DURAND
Barbara POMPILI vous avez dit tout à l'heure "je suis une ancienne parlementaire", c'est vrai. Mais vous êtes aussi une amoureuse de la politique puisque vous faites une carrière politique. Vous savez que les référendums, vous avez raison de respirer un bon coup. Les référendums, c'est le fusil à un coup. C'est-à-dire que si jamais le non l'emporte pour des raisons qui sont liées soit la question, soit au fait qu'on se saisit comme pour le général de GAULLE d'un référendum pour dire "on en a assez de cette majorité", le président de la République risque de sortir par la petite porte. Est-ce que vous mesurez le danger d'un référendum qui existe et auquel on ne répond jamais à la question qui est posée ?
BARBARA POMPILI
Alors évidemment ce risque existe puisqu'on peut transformer des référendums en plébiscite, entre pour ou contre le président de la République. Maintenant sur une question comme celle-là, qui concerne vraiment l'avenir de nos enfants, qui est un symbole énorme, je n'imagine pas que les Français pourraient jouer à cela. Et d'ailleurs, il faut toujours faire attention aux sondages, mais là on a un sondage qui est sorti hier qui dit que ceux qui seraient prêts à aller voter pour ce référendum, et il y aura une campagne évidemment parce que pour l'instant, ils n'en ont pas encore beaucoup entendu parler - c'est normal - ceux qui seraient prêts à aller voter voteraient à près de 80 % "oui". Parce que c'est une question très importante, parce que la prise de conscience de la crise climatique…
GUILLAUME DURAND
Donc ce matin, vous considérez que les Français sont mûrs sur cette affaire-là.
BARBARA POMPILI
D'une manière générale, moi j'ai toujours pensé qu'il ne fallait pas prendre les Français pour des idiots et que les Français, c'est eux qui nous ont alertés. C'est eux qui nous poussent, et on l'a vu avec la Convention citoyenne, pour aller plus loin dans la lutte contre le changement climatique. C'est eux aussi qui me portent et qui nous portent pour avoir des mesures ambitieuses dans la prochaine à venir et puis tout simplement pour protéger l'avenir de nos enfants. Je n'imagine pas que les Français, et d'ailleurs qu'aussi les sénateurs, puissent refuser de nous donner cette chance de mettre ces valeurs au cœur de notre Constitution. Donc on verra mais…
GUILLAUME DURAND
Vous savez qu'il y a de la duplicité dans la politique. Ils peuvent dire "oui" à un référendum et, comme disait le général de GAULLE, il faut toujours se mettre en accord avec ses arrière-pensées. C'est-à-dire qu'ils peuvent à la fois dire : allez-y, faites ce référendum, avec l'espoir que tout d'un coup la hache va tomber. Mais puisque vous avez déjà abordé ce sujet, nous allons passer à un autre qui est quand même problématique et qui concerne en fait l'essentiel. Tout n'a pas été repris de la Convention citoyenne, on le sait. Les associations ne sont pas d'ailleurs toujours très contentes de cette situation, mais il y a une interrogation ce matin avec les variants. C'est qu'on se demande si tout ce dont on parle ne va pas être totalement bousculé par une troisième vague qui pourrait s'installer à partir du mois de mars et durer, durer. On ne sait même plus jusqu'à quand. C'est-à-dire bouleverser les régionales, peut-être bouleverser le calendrier politique qu'on vient d'évoquer etc, etc, etc.
BARBARA POMPILI
Ecoutez là-dessus, moi je suis comme vous : je regarde ce qui est en train d'arriver. On a le gouvernement, Olivier VERAN, le Premier ministre qui travaillent en lien avec les services de santé, en lien avec les chercheurs, pour essayer d'avoir les solutions les plus adaptées possible. On verra bien. Ce qu'on essaye nous au gouvernement, c'est d'anticiper au maximum mais après, chacun à sa place. Moi j'écoute ce que disent mes collègues et j'applique. Je fais comme vous. Après mon travail, c'est aussi d'essayer de faire en sorte de tirer des leçons de ce qui est en train de se passer. On a maintenant conscience, et il y a eu d'ailleurs une publication scientifique qui est sortie à la fin de l'année dernière de l'IPBES qui est le GIEC de la biodiversité, qui fait un lien clair maintenant entre les atteintes à la biodiversité et l'arrivée des zoonoses et donc des pandémies type Covid. Et donc…
GUILLAUME DURAND
Ça, c'est un débat qui est extrêmement contesté. Vous le savez.
BARBARA POMPILI
Ah non. Là, excusez-moi, on a, vous savez…
GUILLAUME DURAND
Non mais entre cette pandémie-là je veux dire, parce que les pandémies en général, là je vous parle de ce qui se passe en ce moment.
BARBARA POMPILI
Sur ce qui se passe ce moment, nous avons de plus en plus de certitudes que ça vient d'atteintes à la biodiversité. Mais effectivement, on n'est pas sûr à 100 % de exactement d'où ça vient. Par contre ce qu'on sait…
GUILLAUME DURAND
Il y a un rapport de l'OMS, enfin il y a une mission de l'OMS qui est partie en Chine pour voir exactement comment ç'a démarré.
BARBARA POMPILI
Oui, oui.
GUILLAUME DURAND
Et ce qui s'est passé exactement donc on va avoir la réponse.
BARBARA POMPILI
Oui, on va avoir la réponse sauf que ce qu'on sait aussi, et il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt parce que sinon on va avoir des problèmes, c'est que quand on fait de la déforestation, quand on fait du trafic d'espèces, on fait rentrer en contact des milieux qui ne le sont pas d'habitude, et c'est là que nous avons l'apparition de pandémies. Et d'ailleurs ce rapport, je rappelle qu'il vient de l'IPBES, c'est-à-dire le GIEC du climat. Le GIEC, on ne l'a pas écouté pendant longtemps ; maintenant on l'écoute. L'IPBES, on va l'écouter aussi. Ça s'appelle l'ère des pandémies. C'est-à-dire que si on continue de faire n'importe quoi sur la biodiversité, si on continue à faire de la déforestation ou du trafic d'espèces, des pandémies telles que celle qu'on est en train de vivre, on va en voir arriver de plus en plus régulièrement. Et moi ce que je ne souhaite pas, c'est que nous passions notre vie à courir après le vaccin du prochain virus. On doit anticiper, on doit arrêter de faire n'importe quoi avec la biodiversité et comme ça, on pourra éviter de se retrouver avec des pandémies qui se succèdent. Je pense que c'est ça mon travail, en lien avec mes collègues et tout le travail qui est fait au niveau international de recherche. Et on a lancé One Planet Summit avec le président de la République, un programme de scientifiques pour justement avoir tout autour de la planète des scientifiques qui sont des vigies et qui peuvent nous nous aider à agir.
GUILLAUME DURAND
Je sens à votre ton que vous n'êtes pas comme Nicolas HULOT qui, tout d'un coup en plein milieu d'une émission de radio, a dit qu'il allait partir du gouvernement. On sent qu'il y a chez vous une certaine ténacité. Ce n'est pas de la flagornerie mais je souligne ce ton. France relance, il s'agit de ce qui se passe concernant donc les voitures électriques, la rénovation des logements thermiques. Parce que ça, ça fait partie des choses qui ont été retenus par les propositions de la Convention citoyenne. Il y a d'autres choses qui n'ont pas été retenues du tout qu'on ne va pas détailler, mais allons verser deux sujets brièvement pour terminer.
BARBARA POMPILI
Oui. D'abord sur la Convention citoyenne, il y a un site avec un tableau où vous pouvez regarder ce qui est fait de chacune des 146 propositions et vous verrez qu'une réponse a été apportée à chacune. Sur le logement et sur les transports, on est sur deux secteurs très émetteurs de gaz à effet de serre. Et donc le plan de relance, on a un tiers qui doit servir à baisser nos émissions de gaz à effet de serre et à partir vers la transition écologique. Eh bien sur les mesures qui ont été prises, on a multiplié par trois la vente de véhicules électriques par rapport à l'année dernière. On a multiplié par trois les fameuses MaPrimeRénov. Alors vous pouvez aller sur le site Internet maprimerenov.gouv.fr qui va vous permettre de voir si vous avez droit à des aides pour pouvoir rénover votre logement. On les a multipliées par trois aussi par rapport au début de l'année dernière, donc ça répond à une attente. C'est-à-dire que non seulement, nous, on incite mais en plus on a en face de nous des gens qui ont envie de faire. Et ce qu'on veut, c'est faciliter. Faciliter la vie des gens pour qu'ils se tournent vers la transition écologique. C'est toute l'ambition de ce gouvernement auquel j'apporte ma contribution volontariste, comme vous l'avez dit.
GUILLAUME DURAND
Voilà. Nous étions avec Barbara POMPILI qui est Ministre de la Transition écologique au lendemain donc du retour des Américains dans l'accord de Paris. Merci de ce commentaire, merci d'être venue ce matin.
BARBARA POMPILI
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 janvier 2021