Extraits d'un entretien de M. Clément Beaune, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, avec LCI le 3 février 2021, sur l'Union européenne face à l'épidémie de Covid-19, la situation en Russie d'Alexeï Navalny et l'entreprise Carrefour.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

 - Bonjour, Clément Beaune.

R - Bonjour.

Q - Vous êtes le secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes. Merci d'avoir accepté l'invitation de LCI. Le Président de la République, hier soir, a pris - on peut le dire comme ça - le dossier des vaccinations en main. Il a annoncé que désormais - cela n'était pas le cas jusqu'à présent, bien sûr - des vaccins seraient produits en France, sur quatre sites, à partir de la fin février ou de début mars, et que l'ensemble de la population - Jean-François Delfraissy, qui dirige le Conseil scientifique, avait dit que cela n'était pas possible - que l'ensemble de la population, a dit Emmanuel Macron, serait vacciné d'ici à la fin de l'été. Il fallait reprendre en main ce plan vaccin, dont plus personne ne comprenait où on allait et on avait peur de la pénurie ?

R - Je ne crois pas. Mais le Président de la République suivait le dossier de très près d'ores et déjà. Il a voulu l'expliquer, lui-même, aux Français, dans cette période où il y a à la fois une impatience - on peut le comprendre, parce que le vaccin, c'est l'espoir, ce n'est pas le seul outil, mais c'est sans doute le premier outil de sortie de cette pandémie, évidemment - et expliquer la stratégie européenne, la stratégie française, en effet, qui consiste à produire, au moins dans les dernières étapes, un certain nombre de vaccins en Europe et en France en particulier, dans quatre sites de production. Et puis, il a expliqué cette stratégie européenne qui est une sorte de nouveauté, et dont, je crois, il faut faire la pédagogie, parce que l'on a décidé de passer des contrats avec chacun des grands laboratoires internationaux, avec tous nos partenaires européens, parce que l'on pense qu'en diversifiant ces achats, et en achetant massivement les doses, car c'est cela que permet le cadre européen, nous nous protégeons mieux.

Q - C'est la Commission qui fait cela pour tous les pays de l'Europe ? Evidemment, les vaccins qui seront produits en France sont des vaccins qui découlent des commandes faites par la Commission, on est d'accord ?

R - Bien sûr...

Q - Ce ne sont pas des vaccins supplémentaires que la France a achetés pour son compte ?

R - Non, nous achetons tout via la Commission européenne, et ensuite, c'est réparti au prorata de la population de chaque pays, de manière objective.

Q - Donc, il n'y a rien de changé. Pourquoi fabriquera-t-on en France alors ?

R - Parce que de façon générale, on essaie de produire ces vaccins, même quand ils ne sont pas européens, quand les entreprises ne sont pas européennes, sur le territoire européen. Et c'est le cas, d'ailleurs, pour un peu plus de 80% de la production de ces vaccins, ce qui est important. Et évidemment, l'industrie française est aussi partie prenante de cet effort. On a vu qu'il y avait même des accords originaux entre Sanofi et Pfizer, le vaccin Sanofi ne sera pas disponible avant la fin de l'année. Et donc, à partir de cet été, par exemple, cent millions de doses du vaccin Pfizer qui, lui, est disponible, seront finalisées dans les usines de Sanofi. C'est ce type d'accord qui se développe aujourd'hui sur le territoire français.

Q - La Commission européenne est très critiquée dans la passation de ces marchés, trop lente, pas assez sécurisée, des contrats mal négociés qui font que par exemple, AstraZeneca ne livrera pas tout ce qui avait été promis. Vous partagez certaines des critiques ou pas, faites à la Commission, est-ce qu'il y a eu un défaut, une lenteur, une imprécision ?

R - Honnêtement, je ne crois pas, parce que, qu'est-ce qui s'est passé, sur le rythme ? On a commencé dès le mois de juin, comme la plupart des pays les plus avancés dans la campagne de vaccination.

Q - Vous avez commencé, enfin, la Commission a commencé les négociations ?

R - Les négociations avec les laboratoires. Pour être précis, on l'a d'abord fait à quelques pays, la France, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas, avec plusieurs laboratoires, dont AstraZeneca d'ailleurs. On a ensuite proposé à la Commission de reprendre ce modèle de contrat. Elle n'a pas perdu de temps, elle a repris les travaux en cours pour le compte des 27. Pourquoi on l'a fait à 27 ? Je tiens à l'expliquer, parce que parfois, on dit...

Q - Allez-y, oui...

R - On serait allé plus vite tout seul. Je ne crois vraiment pas. On le fait à 27, parce que ça nous permet d'avoir accès à l'ensemble de laboratoires. Si chaque pays avait fait une solution industrielle dans son coin, on voit bien que l'Allemagne aurait peut-être eu un meilleur accès à Pfizer BioNTech, parce qu'il y a un partenaire allemand, peut-être la France à Sanofi, mais ce serait venu plus tard, etc. Et puis, certains pays, nos voisins, nos partenaires n'auraient sans doute pas eu accès, ou très tard, ou très peu, aux vaccins. Vous vous allez me dire : ce n'est pas notre problème. Je crois que si, parce qu'on voit bien qu'au sein de l'espace européen, en particulier, si vous n'avez pas résolu ensemble le problème de la pandémie, vous réimportez le [virus].

Q - Il y a une solidarité, mais la lenteur est là, puisque vous voyez que la Grande-Bretagne, en négociant toute seule, a été beaucoup plus vite.

R - Alors...

Q - Et elle a commencé la campagne de vaccination avant nous...

R - Attention, parce qu'on compare souvent au Royaume-Uni ou à Israël. Je tiens à préciser les choses, parce que...

Q - En parlant du Royaume-Uni, ils ont été plus vite que nous...

R - Tout à fait, il faut donner tous les paramètres. Le Royaume-Uni a misé, essentiellement, pas que, mais essentiellement, sur un vaccin, qui est AstraZeneca, qui est un laboratoire anglo-suédois. Et le Royaume-Uni, parce que sa situation sanitaire est difficile sans doute, a pris énormément de risques, que nos scientifiques, nos autorités scientifiques...

Q - De quel point de vue, les risques ?

R - Eh bien, par exemple, le vaccin AstraZeneca est utilisé au Royaume-Uni pour des publics de plus de 65 ans aussi. Nos autorités sanitaires - ce n'est pas moi, ce n'est pas le gouvernement - en Allemagne, en France, dans plusieurs autres pays européens, nous disent, la Haute autorité de santé l'a dit encore hier, qu'elle ne recommandait pas, parce que l'on n'avait pas assez d'informations sur l'efficacité, l'utilisation du vaccin AstraZeneca pour les personnes de plus de 65 ans. On respecte ces prescriptions. Cela nous oblige à adapter notre stratégie vaccinale. Le Président l'a dit, on va utiliser ce vaccin pour les personnels soignants, pour des personnes entre 50 et 65 ans, donc c'est utile quand même. Mais vous voyez que le Royaume-Uni prend moins de précautions que nous. Je peux le comprendre parce que leur situation sanitaire est très difficile, il faut comparer l'ensemble de la situation, donc nous, nous avons une situation sanitaire meilleure...

Q - Le Royaume-Uni a été plus prudent, mais plus rapide, la condition...

R - A été moins prudent et plus rapide...

Q - Moins prudent et plus rapide, la commission a été plus prudente, mais moins rapide...

R - Et puis, je ne crois pas que l'on ait été moins rapide. Parce que quand vous regardez les autorisations qui ont été délivrées : AstraZeneca, on l'a délivré quelques semaines après les Britanniques, c'est vrai ; les Américains n'ont pas encore donné leur autorisation. Le vaccin de Pfizer, on a donné l'autorisation quelques jours après les autorités britanniques. Si on était - parce que c'est ça, la comparaison - si on faisait chacun notre procédure nationale, la France, l'Allemagne, etc., ce ne serait pas une autorisation européenne qu'il faudrait demander auprès de l'Agence européenne des médicaments pour chaque laboratoire, ce serait 27 autorisations, avec la longueur que cela prend. Donc, je crois qu'on gagne du temps en passant par l'Europe, qu'on est protecteur, prudent. Et puis, il faut regarder les choses dans la durée : on aura besoin de plusieurs vaccins, et donc sur les vaccins, au-delà d'AstraZeneca, on attend, j'espère à la fin du mois, le vaccin Johnson & Johnson, qui est très important, parce qu'il est un vaccin à une seule dose...

Q - ... donc plusieurs autres vaccins...

R - Voilà, exactement, et donc c'est comme ça qu'il faudra juger la stratégie européenne...

Q - Et donc l'ensemble de la population française vaccinée avant la fin de l'été, c'est l'engagement pris par le chef de l'Etat ?

R - C'est ce qu'a dit le Président hier, absolument.

Q - Et on verra s'il sera respecté. Il y a un cavalier seul quand même en Europe, la Hongrie qui a eu hier des livraisons de médicaments Spoutnik, de vaccins Spoutnik, le vaccin russe. Vous déplorez ce cavalier seul ?

R - Oui, alors, il y a un seul pays européen qui le fait, la Hongrie, qui, si je puis dire, mange un peu à tous les râteliers, si vous me permettez l'expression, puisqu'elle bénéfice du cadre européen...

Q - Elle a des vaccins qui sont issus de laboratoires...

R - Et sans le cadre européen, elle n'aurait sans doute pas les vaccins Pfizer, AstraZeneca, etc, dont elle bénéficie. Et puis, elle mène des procédures, seule, avec la Chine et la Russie.

Q - Et la Russie. Et ce ne serait pas un exemple à suivre ?

R - Eh bien, nous, nous avons dit, tous les vaccins, le président l'a redit hier, Mme Merkel l'a redit, tous les vaccins sont les bienvenus. On ne fait pas de politique avec le vaccin, on a des critères uniquement sanitaires...

Q - Et si un vaccin russe est disponible, pourquoi ne pas l'utiliser ?

R - Absolument, nous sommes tout à fait ouverts, mais, il y a des procédures, pas plus, pas moins...

Q - Des procédures lentes, longues ?

R - Non, non...

Q - Les gens en ont marre, là...

R - D'accord, mais on ne va pas leur administrer un vaccin qui n'est pas vérifié, je crois que personne ne le veut. Et donc si le vaccin russe est soumis à l'autorité européenne, exactement comme tous les autres, et que l'autorité européenne nous dit oui, c'est bon, on l'utilise. Mais les Russes n'ont pas soumis leur vaccin à l'autorité européenne, on les invite à le faire.

Q - Et ils vont le soumettre bientôt, vous avez des informations ?

R - On n'a pas d'information à ce stade, mais on est tout à fait ouvert à ce qu'ils le fassent. Et après, ce sont les mêmes critères, il n'y a pas de nationalisme antirusse ou de préférence pour tel ou tel pays, c'est la santé qui compte.

Q - Les frontières sont fermées pour les personnes qui ne sont pas ressortissantes de l'Union européenne. Pourquoi vous avez autant tardé à prendre cette mesure, puisque, maintenant, elle paraît efficace ou nécessaire, et ça fait longtemps que des gens disaient : il faut fermer les frontières ?

R - Oui, et d'ailleurs, on ne les a pas attendus, pour être précis, on a renforcé une mesure...

Q - Cela a été annoncé vendredi soir par Jean Castex...

R - Oui, mais, qu'est-ce qui a été annoncé exactement ?

Q - La fermeture des frontières aux non-ressortissants de l'UE...

R - Oui, mais pour être précis, c'est que depuis le 17 mars 2020 - c'était une initiative qu'on a portée, nous, la France - toute l'Europe a fermé ses frontières avec l'extérieur de Schengen, avec quelques dérogations, qui sont essentiellement nos ressortissants...

Q - Maintenant, il n'y en a plus, tout est fermé. Pourquoi ne pas l'avoir fait avant ?

R - Et maintenant, on a, en deux étapes, pour être tout à fait précis, renforcé ou restreint ces dérogations, plus exactement, en exigeant systématiquement pour tous les pays un test PCR négatif avant l'embarquement, depuis le 18 janvier. C'était une mesure nécessaire face aux variants. Et on a encore renforcé pour que même quand vous êtes français, vous ayez un motif dit impérieux, une convocation judiciaire, un impératif familial...

Q - Pourquoi ne pas l'avoir fait avant ?

R - Mais on l'a fait, et d'ailleurs...

Q - Vous l'avez fait, non, vous l'avez fait... vendredi, ça a été annoncé...

R - Pardon, mais, déjà, non, il faut voir ce qui se passe dans la vraie vie...

Q - On avait des tests avant, mais maintenant, c'est fermé, sauf motif impérieux...

R - Maintenant, c'est encore plus réduit...

Q - Pourquoi ne pas l'avoir fait avant ?

R - Eh bien, parce que cela n'a jamais aucun inconvénient de prendre des mesures comme cela. Donc on prend des mesures coordonnées avec nos partenaires européens, sinon, cela ne sert à rien. Parce que, que le vol Rio-Paris soit fermé, si vous pouvez faire Rio-Berlin et revenir à Paris, c'est le même effet sanitaire. Donc, il faut être pragmatique, coordination européenne. Et on le fait de manière proportionnée, au fur et à mesure de l'épidémie. Pour nos ressortissants, interdire les voyages, pour nous, c'est une solution qui est douloureuse, qui est difficile. On l'a fait avec des restrictions supplémentaires, parce que c'était nécessaire, compte tenu des variants et de la situation sanitaire. Mais je ne peux pas laisser dire que les frontières étaient grandes ouvertes depuis le 17 octobre.

Q - Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Mais là, maintenant, elles sont fermées, et alors pourquoi n'exiger qu'un test PCR pour les ressortissants de l'Union européenne, puisque le virus circule ? Pourquoi ne pas appliquer ce régime strict aux ressortissants de l'Union européenne, par exemple, au Portugal, l'épidémie flambe, et c'est peut-être dangereux de laisser rentrer, même, ou laisser circuler les gens de l'Union européenne. Pourquoi cette différenciation ?

R - Alors, d'abord, les circulations en Europe - il faut le dire, puisqu'il faut regarder la réalité, elles sont très réduites - et notamment les mouvements qui ne sont pas des mouvements...

Q - Mais pourquoi ne pas prendre la même mesure, c'est ça ma question. Qu'elles soient réduites, ça m'est égal, c'est...

R - Non, mais c'est important...

Q - Pourquoi faire une différence ?

R - Eh bien, parce qu'on a toujours fait une différence ou une nuance entre l'extérieur de l'Union européenne et l'intérieur de l'Union européenne...

Q - Le virus n'en fait pas...

R - Oui, vous avez raison. Mais nous, nous en faisons une, parce qu'il y a un équilibre à trouver entre la protection nécessaire de la santé. Et un test PCR est exigé, ce n'est pas rien, on vérifie, si vous faites un vol Lisbonne-Paris, vous n'embarquez pas si vous n'avez pas un test PCR négatif.

Q - Oui, mais pour l'étranger, c'est impossible, sauf mesure impérieuse. Pourquoi ne pas l'appliquer aux Européens ?

R - Parce que la vie économique, sociale, humaine, à l'intérieur de l'Europe, est beaucoup plus intégrée. Je prends l'exemple, parce que c'est cela, la vraie vie...

Q - Il y a une contradiction quand même...

R - Non, il n'y a pas une contradiction, ce n'est pas pareil...

Q - Le virus se moque de la nationalité de celui qui voyage...

R - Mais vous le voyez, on prend des mesures de circulation qui sont différenciées. Quand vous êtes au sein du territoire national, vous avez plus de liberté de circulation, et pourtant, le virus est là, qu'avec nos voisins européens, et vous avez plus de liberté au sein de l'Europe que vous en avez à l'extérieur de l'Europe. Pourquoi ? Parce qu'en Europe, on circule plus, il y a 350.000 travailleurs frontaliers. Eux, ils ne voyagent pas, ils travaillent...

Q - Ça, c'est autre chose...

R - Non, mais c'est ça l'essentiel des mouvements, aujourd'hui. C'est pour eux qu'on n'a pas fermé complètement les frontières. C'est pour eux, ce n'est pas pour autre chose. C'est pour permettre aux gens qui vont travailler au Luxembourg, en Suisse, en Allemagne, pour gagner leur pain, que l'on n'a pas fermé complètement les frontières. Mais on a pris des mesures strictes, et par exemple, sur les vols aériens en Europe, vous avez l'obligation du test PCR à l'embarquement. Donc, ce n'est pas laxiste, et c'est vérifié systématiquement.

Q - Mais ça n'est pas seulement...

R - Ce n'est pas aussi strict à l'intérieur de l'Europe...

Q - ... les demandes impérieuses qui peuvent justifier de rentrer sur le territoire...

R - Pour cette raison, parce qu'il y a des mouvements essentiels qui se passent au sein de l'Union européenne.

Q - Jean-Yves Le Drian demande la libération immédiate d'Alexeï Navalny, en Russie. Poutine l'a mis, pour quelques années, quelques mois, en prison. C'est un voeu pieux évidemment ?

R - Non, d'abord...

Q - Poutine se moque de ce genre de demandes...

R - Si on ne la faisait pas, je pense qu'on ne ferait pas notre travail, notre responsabilité, de partenaire et de pays engagé à l'ONU...

Q - Vous pensez vraiment qu'il va être libéré, Navalny ?

R - Ecoutez, je l'espère, il faut maintenir cette pression. Nous avons envisagé toutes les options. M. Borrell, qui est le représentant de l'Union européenne, sera demain à Moscou, il dira que toutes les options sont à l'étude, nous maintiendrons cette pression.

Q - Début mai doit être célébré à Paris, aux Invalides, le 200ème anniversaire de la mort de Napoléon. Il est prévu que Vladimir Poutine soit associé à ces cérémonies. C'est possible, après ce qui se passe aujourd'hui en Russie ?

R - Ecoutez, c'était une option, le Président de la République en décidera en fonction de la situation...

Q - Une option fragile, après...

R - Je n'ai pas à la commenter, mais en tout cas, nous serons sans faiblesse dans cette affaire.

Q - Si vous êtes sans faiblesse, donc Vladimir Poutine n'aura pas sa place à Paris ?

R - C'est le président qui en décidera en fonction du contexte.

Q - Mais c'est assez logique. Je voudrais vous faire écouter Bruno Le Maire qui parlait de Carrefour, il y a quelques jours de cela, une dizaine de jours, l'entreprise Carrefour, les Canadiens Couche-Tard voulaient l'acheter, voilà ce qu'il disait sur LCI avec Elizabeth Martichoux.

[M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance :

Quand je dis que Couche-Tard ne rachètera pas Carrefour, le premier employeur privé de France, dont dépend en partie notre sécurité alimentaire, je pense faire preuve d'esprit de décision.]

Q - Donc Carrefour ne peut pas être vendue, c'est une entreprise stratégique qui participe à la sécurité alimentaire des Français, c'est une position qui vous convient ?

R - Parfaitement, et je pense que, non seulement, c'est vrai que c'est une entreprise stratégique, mais c'est encore plus vrai dans la crise. Nous avons un moment qui est économiquement difficile, où les Français ressentent un besoin accru de protection...

Q - Mais cela dépasse la crise, c'est une position de principe...

R - C'est une position de principe, mais je crois que cette décision est encore plus nécessaire, c'est ce qu'a dit Bruno Le Maire, dans la crise où la sécurité alimentaire, les chaînes d'approvisionnement et le besoin de protection sont forts...

Q - Cette position de principe, puisque vous êtes secrétaire d'Etat aux affaires européennes, s'applique aussi aux entreprises, par exemple, allemandes ou hollandaises ou espagnoles, qui voudraient racheter Carrefour ?

R - Non, nous avons...

Q - Ah ?

R - Non, mais il n'y a pas de cas particulier, nous le verrons pour Carrefour. Mais je ne veux pas faire des plans sur la comète...

Q - Si c'est une entreprise stratégique... Moi, ce qui m'a frappé dans l'affaire de Carrefour, Carrefour ne peut pas être vendue à des étrangers, donc, pas non plus à des Européens...

R - D'abord, nous différencions...

Q - On est d'accord sur la lecture ?

R - Non, non, pardon, parce que nous avons un système de vérification au cas par cas des investissements étrangers en France, et nous avons toujours un examen différencié entre entreprises européennes et entreprises non-européennes. Notre priorité, c'est la souveraineté nationale et européenne : ce n'est pas pareil d'avoir une offre européenne et une offre non-européenne...

Q - Ah, ce n'est pas pareil... ?

R - Mais je ne veux pas spéculer...

Q - On peut vendre à des Allemands ?

R - Non, non, non. Pour Carrefour, je pense, d'abord, il n'y a pas d'offre, donc...

Q - Non, mais s'il y en a une un jour, on parle de question de principe...

R - Eh bien, je serai toujours sur la ligne de Bruno Le Maire qui est qu'aujourd'hui, cela ne serait pas une bonne option quoi qu'il arrive. Mais je tiens à le souligner, l'important, c'est que ce soit, pour les entreprises stratégiques, parce qu'il y a d'autres cas, que l'on regarde avec plus de faveur les investissements européens que les investissements non-européens.

(...)

Q - Merci Clément Beaune d'avoir accepté l'invitation de LCI.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 février 2021