Déclaration de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, sur la refonte du système de santé actuel face à la crise sanitaire du COVID 19, Paris le 24 septembre 2020.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque de la Conférence des Doyens des Facultés de Médecine, Grand Amphithéâtre de la Sorbonne le 24 septembre 2020 

Texte intégral

Monsieur le Vice-Président de la Conférence des Présidents d'Université, Cher Olivier Laboux,
Monsieur le Président de la Conférence des Nationale des Doyens de médecine, Cher Patrice
Diot,
Mesdames et Messieurs les Présidents d'Université et Doyens de facultés de médecine, pharmacie ou odontologie,
Madame la Présidente de la Conférence des enseignants en Maïeutique, Chère Véronique Lecointe,
Mesdames et Messieurs,
Chers Confrères,
Chers tous,


Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui, dans ce lieu chargé d'histoire, et si vous êtes pour beaucoup « à distance », je me réjouis de venir à votre rencontre.

Le « format » de ce colloque, mi-présentiel mi-distanciel est raisonnable, parce que je le dis et je le répète sans cesse, la vigilance est plus que jamais de rigueur.

Pour ceux qui nous regardent et nous écoutent depuis chez eux, je me contenterai de vous donner quelques éléments de décor en rappelant que dans ce grand amphithéâtre de la Sorbonne, 6 grands personnages nous surveillent et nous demandent d'être à la hauteur : Robert de Sorbon, Descartes, Lavoisier, Rollin, Pascal et Richelieu.

Nous sommes donc entre de bonnes mains pour parler du thème de votre colloque, un thème d'une actualité brûlante : « médecine, santé et sciences au coeur de la société ».

Je crois pouvoir dire sans me tromper que ce thème, vous l'avez choisi autant qu'il vous a été imposé par les circonstances. Il est quoi qu'il en soit l'occasion d'échanges passionnants.

Avant toute chose, je tiens à vous remercier, à remercier les universités, les facultés, les enseignants et les étudiants de leur contribution intense à la gestion de la crise sanitaire.

Votre appui nous a été et nous est extrêmement précieux et je vous serais reconnaissant de transmettre mon message de gratitude auprès de vos équipes et de vos étudiants. Du fond du coeur, merci !

Je sais par ailleurs que la reprise actuelle de l'épidémie concerne particulièrement vos établissements puisque de nombreux clusters ont malheureusement pu être identifiés, notamment parmi les étudiants.

Nous travaillons étroitement avec le MESRI pour vous apporter des solutions et pour permettre à chacun de travailler et d'étudier dans des conditions de sécurité optimales.

Par ailleurs, avec Frédérique Vidal, nous venons de donner aux étudiants du service sanitaire la possibilité de participer aux actions de prévention et de dépistage. C'est un choix qui se justifie amplement par les circonstances et par la stratégie que nous avons construite pour casser les chaînes de transmission.

Je sais donc pouvoir à nouveau compter sur l'aide de la communauté enseignante et étudiante, pour lutter contre l'épidémie de Covid-19 et vous en remercie par avance.

Le premier thème du colloque « Pourquoi et comment donner un nouvel élan à la Santé publique en France ? » est en complète harmonie avec les propos que j'ai tenus à la suite du « Ségur de la Santé » conclu cet été, puisque j'ai à cette occasion annoncé le lancement d'un « Ségur de la Santé Publique ».

Je ne l'ai pas fait pour le simple plaisir de décliner la réussite du Ségur à d'autres champs du ministère, mais parce que c'est là un enjeu absolument crucial.

Je vais donc dans les semaines à venir confier à un Collège, composé de personnalités incontestables, la mission de proposer les grandes priorités de Santé Publique auxquelles notre pays se doit de répondre, et dont les conclusions nourriront le débat qui s'ouvrira avec l'ensemble des acteurs au printemps 2021.

Vous avez interrogé ce matin le concept de santé globale, de santé mondiale. Ce concept est d'une importance sans doute jamais atteinte aujourd'hui, qu'il soit appliqué au champ de la médecine comme au champ de la recherche. Il s'agit d'une thématique que mon ministère soutient avec conviction, sans failles.

Le ministère des solidarités et de la santé s'engage d'ailleurs de manière ambitieuse au service de l'excellence académique sur les sujets de santé mondiale.

Je citerais volontiers à titre d'exemple la participation du ministère au financement et au pilotage du projet d'Académie de l'OMS.

Cette académie est conçue pour offrir une formation innovante, personnalisée et multilingue, destinée à intégrer la révolution de l'apprentissage tout au long de la vie au secteur de la santé et à atteindre chaque année 10 millions d'apprenants en milieu de carrière dans le monde entier d'ici 2025.

L'Académie, qui sera située à Lyon dans un campus moderne, verra ses premiers cours disponibles en ligne en mai 2021.

Ça n'est qu'un exemple, mais il traduit notre volonté d'aller plus loin dans le multilatéralisme en santé. Il le faut, c'est indispensable. J'en parlais cette semaine devant l'assemblée parlementaire franco-allemande : le virus nous prouve qu'une Europe de la santé est nécessaire, pour mettre en oeuvre des réponses globales, des réponses efficaces, des réponses coordonnées.

Par ailleurs, je travaille activement avec Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à porter des réformes d'envergure sur le plan international, parce que si la crise ne devait avoir qu'une seule vertu, ce serait bien celle de faire bouger les lignes.

Je ne dis pas qu'en temps normal c'est le triomphe de l'immobilisme et de l'inertie, je dis que dans le contexte que nous traversons, les voeux pieux d'hier prennent désormais la forme d'aspirations légitimes.

Qu'il s'agisse de la réforme de l'OMS et de sa gouvernance ou des positions que nous avons prises en G7 ou en G20 des ministres de la santé, il y a dans l'air des changements profonds et nous n'aurions pas tout à fait tort si nous pensions que des murs sont peu à peu en train de tomber.

Vous avez échangé en début d'après-midi sur « la médecine dans la Société : des Université à l'offre de soins dans les territoires ».

Je ne vais pas revenir sur les réalisations du ministère dans ce domaine, mais simplement rappeler que l'offre de soins dans les territoires était en quelque sorte la pierre angulaire de Ma santé 2022 et de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.

Par ailleurs, avec le Ségur de la santé, nous n'avons pas seulement acté des revalorisations historiques, nous avons aussi franchi une étape supplémentaire dans le changement des pratiques, qu'il faut maintenant traduire pleinement.

Je pense en particulier aux dispositions relatives au développement de la télésanté, qui naturellement peut favoriser les soins de recours et la réalisation d'enseignements à distance, et notamment ceux réalisés par des acteurs hospitalo-universitaires.

Je pourrais aussi vous parler, mais Frédérique Vidal l'a probablement fait avant moi, de la création dès l'année universitaire en cours, et après avis du CNU, d'une cinquantaine de postes d'enseignants universitaires supplémentaires, en fonction des besoins des territoires et des projets définis par les universités et UFR, pour des praticiens exerçant en ville comme à l'hôpital, et recrutés après avis du CNU.

Au total il s'agira donc de 250 postes sur cinq ans qui viendront renforcer l'encadrement des étudiants en santé et les projets universitaires dans les territoires.

J'attacherai une attention toute particulière à ce que les disciplines ayant récemment intégré le Conseil National des Universités, à savoir la maïeutique, les sciences infirmières et les sciences de la rééducation et de la réadaptation fassent partie des disciplines bénéficiaires de ces dispositions.

Cet investissement considérable, auquel s'associeront les Régions, est à la mesure de l'intérêt porté par le gouvernement au renforcement des réseaux d'enseignement et de recherche dans les territoires.

Le gouvernement a par ailleurs souhaité que soit inscrit dans la loi LPPR actuellement en discussion à l'Assemblée nationale un meilleur ancrage territorial de la recherche, en confiant aux CHU et aux Universités la responsabilité conjointe de la politique de recherche en Santé d'un territoire.

J'attends également de cette nouvelle organisation une aide au déploiement de la recherche en soins primaires et en soins paramédicaux.

Je ne pourrai être présent quand vous aborderez les « enjeux de progrès et de développement de la Recherche médicale ».

La recherche en santé est un enjeu immense et la crise n'a fait que renforcer le sentiment d'urgence qu'il y a à soutenir cette recherche.

A ce jour la dotation globale annuelle allouée par le Ministère des solidarités et de la santé au service de la recherche et de l'innovation avoisine 2,3 milliards, si je tiens compte de la dotation socle, des programmes de recherches, des appels à projets, et de l'appui à l'innovation concernant les médicaments et les dispositifs médicaux.

Malgré un contexte économique et budgétaire que vous savez extrêmement tendu, j'ai décidé d'augmenter les crédits MERRI alloués aux hôpitaux de 400 millions d'euros sur huit ans, alors que cette enveloppe n'avait pas été augmentée ces 10 dernières années et avait même vu son montant diminuer jusqu'à 2018. Un soutien financier de 50 millions d'euros supplémentaire sera inscrit dans le PLFSS 2021 afin d'initier au plus tôt le processus.

Puisque l'on parle du « nerf de la guerre », je rappelle que le plan de relance du gouvernement inclut un volet recherche dont 2,4 milliards d'euros sont destinés au Plan d'investissements d'avenir numéro 4, qui donne les moyens à la France de financer massivement des technologies et des filières émergentes basées sur l'excellence scientifique des laboratoires.

Cet investissement massif profitera naturellement, pour partie, à des thématiques de recherche et innovation en santé, et j'évoquerai ici particulièrement la bio-production de thérapies innovantes.

J'ai en effet demandé à mon ministère de participer à l'effort de structuration indispensable pour développer l'enseignement par simulation, conformément aux nouvelles directives pédagogiques des études de santé.

Le MSS va ainsi ajouter sa contribution à celle du MESRI, qu'a sans doute évoquée Frédérique Vidal tout à l'heure, en débloquant 3 millions d'euros pour permettre dès l'année universitaire en cours d'entreprendre des investissements matériels et en ressources humaines indispensables.

La répartition et la prolongation éventuelle de cette dotation se feront selon les résultats d'une évaluation, auprès de chaque ville universitaire, des ressources existantes à l'université, mais aussi dans les hôpitaux, les écoles et les instituts de formation, parce que des mutualisations de moyens seront certainement à entreprendre.

Par ailleurs, et comme je m'y suis engagé en juillet dernier, Frédérique Vidal et moi-même allons lancer dans les prochaines semaines un groupe de travail, auquel vos conférences seront naturellement associées, visant à revisiter le parcours des enseignants-chercheurs hospitalo-universitaires et dont nous attendons des conclusions précises dans les prochains mois.

Le fruit de cette réflexion, par l'amélioration statutaire attendue, devrait contribuer à restaurer l'attractivité, aujourd'hui moindre, des statuts des enseignants-chercheurs hospitalo-universitaires, qui sont des acteurs essentiels de la qualité et de la renommée de nos CHU et Universités.

Vous ne serez pas étonnés de m'entendre conclure sur des propos liés à la crise sanitaire mondiale qui nous touche.

Au cours de l'épisode épidémique que nous venons de traverser, le ministère des solidarités et de la santé a été à sa place :

• aux côtés des équipes médicales et scientifiques, en finançant de façon rapide, en 2 vagues, près de 80 projets de recherche en lien avec la Covid-19, pour une autorisation de crédits de près de 40 millions d'euros au total ;
• en réduisant les circuits décisionnels et les délais d'autorisation ;
• en contribuant à la mise en place d'une coordination nationale ;
• et plus récemment, en mettant rapidement en oeuvre les modes de financement de l'innovation notamment pour le dépistage.

Cet effort de recherche a contribué à l'amélioration des pratiques de prescription en un temps record.

Au-delà de l'excellente réactivité et de l'investissement très important des acteurs, le retour d'expérience montre néanmoins un certain nombre de défauts organisationnels qu'il convient de corriger pour que la recherche et l'innovation nous permettent d'affronter efficacement la résurgence épidémique que nous constatons.

Le rapport du Professeur Patrick Rossignol, que Frédérique Vidal et moi-même avions missionné le 25 mai présente des pistes afin, notamment, d'améliorer la coordination de la recherche clinique en cas de crise sanitaire et favoriser les études à fort niveau de preuve, qui elles-seules nous mèneront à la découverte de nouveaux traitements ou de nouveaux vaccins.

L'une des principales pistes est sans doute celle qui recommande la formation d'un comité ad hoc, incluant les représentants institutionnels de la recherche clinique, structuré autour du consortium REACTing et de son Conseil scientifique, qui déterminerait les priorités de recherche à soutenir pour démarrer au plus vite les études correspondant à ces priorités.

Les propositions du rapport sont actuellement instruites pour une prise de décision ces prochains jours et une mise en oeuvre rapide.

Voici donc les principales dispositions que je souhaitais partager avec vous ce jour.

Avant de vous quitter je vous redis toute ma gratitude pour les actions menées et toute l'attention que je porte aux thématiques dans lesquelles vous intervenez.

Je serai toujours à vos côtés pour les défendre au bénéfice de nos concitoyens.

Je vous souhaite une bonne fin de Colloque. Je vous remercie.


Source https://conferencedesdoyensdemedecine.org, le 23 février 2021