Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin c'est Frédérique VIDAL, bonjour.
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, on est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale représentée par Pascal JALABERT, bonjour Pascal.
PASCAL JALABERT
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Des journaux du groupe EBRA, les journaux régionaux de l'Est de la France. On commence, Frédérique VIDAL, avec ce déplacement hier à Nantes d'Emmanuel MACRON sur le thème de l'égalité des chances, il a notamment annoncé la création d'une voie « Talents », c'est une voie qui va permettre à des jeunes issus de milieux modestes ou issus de quartiers défavorisés d'accéder plus facilement aux écoles de la Haute fonction, dont l'ENA, est-ce que c'est suffisant, est-ce que c'est à la hauteur de cet ascenseur social dont on constate qu'il est cassé ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est une des briques parce que, évidemment, les choses démarrent beaucoup plus tôt, il y a déjà des choses qui ont été faites évidemment dans l'Education nationale, on s'en rappelle, avec le dédoublement des classes, le doublement des « cordées de la réussite », qui font le lien entre l'Education nationale et l'Enseignement supérieur, la loi orientation et réussite des étudiants, qui a permis d'avoir une représentation des boursiers dans l'ensemble des formations, qui a été augmentée, puisqu'il y a des quotas qui sont mis en place par les chefs d'établissement sous le contrôle des recteurs, et puis c'est la brique, supplémentaire cette fois-ci, qui permet d'accéder aux écoles de la Haute fonction publique. Donc c'est un continuum, et bien sûr d'autres actions…
ORIANE MANCINI
Ça veut dire qu'il y aura d'autres mesures ?
FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, notamment le fait qu'il faut qu'on multiplie les voies d'accès dans l'enseignement supérieur, et à l'intérieur de l'enseignement supérieur qu'on accompagne les étudiants aussi pendant leurs études, dans leur choix d'études. Il y a beaucoup d'autocensure, il y a beaucoup de jeunes qui viennent de milieux où on n'a pas fait d'études, qui estiment que déjà avoir un diplôme, 2 ou 3 ans après le baccalauréat, c'est énorme, et puis, qui lorsqu'ils démarrent leurs études, se rendent compte qu'en réalité ils ont envie d'aller plus loin, ils ont les capacités de le faire, et donc c'est toutes ces passerelles que nous avons mises en place et que nous allons continuer à prendre…
ORIANE MANCINI
Ça veut dire que ce n'est pas uniquement à l'entrée de ces grandes écoles que vous allez prendre des mesures, c'est aussi une fois qu'ils y sont, il faut prendre des mesures pour les accompagner tout au long de leur cursus.
FREDERIQUE VIDAL
Absolument, parce que, en réalité, au sein de ces écoles, il faut aussi que l'on veille à la capacité de l'insertion professionnelle de ces jeunes, qui n'ont pas forcément le même carnet d'adresses que les autres, donc c'est vraiment tout un processus qui se met en place.
ORIANE MANCINI
Et qui à diplôme égal n'ont pas les mêmes chances que les autres à la sortie ?
FREDERIQUE VIDAL
Absolument, parce que moins de connaissances, parce que moins de capacités à mobiliser des réseaux.
PASCAL JALABERT
Faut-il, pourquoi pas, carrément supprimer certaines de ces écoles, notamment l'ENA ?
FREDERIQUE VIDAL
On a besoin d'avoir des écoles qui forment à la Haute fonction publique, c'est un métier qui évidemment est très exigeant, qui nécessité d'avoir des connaissances particulières.
PASCAL JALABERT
Beaucoup partant dans le privé après.
FREDERIQUE VIDAL
Oui…
ORIANE MANCINI
Mais pourquoi avoir renoncé à cette promesse, c'était une promesse d'Emmanuel MACRON de supprimer l'ENA, pourquoi vous avez reculé là-dessus ?
FREDERIQUE VIDAL
Mais, en réalité… bon, d'abord l'ENA c'est une école de la Fonction publique, ce n'est pas sous la tutelle du ministère, mais la conclusion des études qui ont été menées c'est que nous avons besoin d'avoir, de garder ces écoles de formation des hauts fonctionnaires, il n'y a pas que l'ENA d'ailleurs, dans ce qui a été annoncé hier…
ORIANE MANCINI
Il y a quatre autres écoles de la Haute fonction publique.
FREDERIQUE VIDAL
Voilà, et c'est d'être capable de faire en sorte que les gens qui en sortent ressemblent aux gens qui sont dans notre pays aujourd'hui.
ORIANE MANCINI
On va parler d'un autre sujet, ce sont ces nombreux témoignages qui émergent sur les réseaux sociaux ces derniers jours, témoignages d'étudiants des grandes écoles qui dénoncent un harcèlement sexuel, qui dénoncent des violences sexuelles, ces témoignages ils sont regroupés sous le #SciencesPorcs. Première question d'abord, est-ce que ce déferlement de témoignages ça vous a surprise, est-ce que vous étiez au courant de l'ampleur de ce phénomène ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors évidemment non, je n'étais pas au courant de l'ampleur du phénomène, mais moi ce qui me paraît important c'est qu'effectivement la parole se libère, elle s'est libérée dans d'autres contextes. Je le dis en permanence, l'enseignement supérieur n'est pas un lieu hermétique, donc les violences sexistes et sexuelles existent dans notre société, et visiblement elles existent aussi entre étudiants dans l'enseignement supérieur, que ce soit à Sciences Po ou dans d'autres écoles, probablement, et ce qui est important c'est qu'effectivement les personnes qui subissent ces violences sexistes et sexuelles s'expriment. Il faut qu'elles s'expriment, mais il faut aller plus loin, le fait qu'elles dénoncent ce qui se passe entre étudiants, dans des soirées étudiantes, dans des voyages, dans des week-ends organisés par des associations, c'est bien, il fallait le faire, mais pour aller plus loin il faut les accompagner vers le dépôt de plainte. Je crois que c'est très important que la justice passe.
PASCAL JALABERT
Comment allez-vous les aider à aller vers la justice, ce n'est pas évident comme ça d'écrire au procureur ou de frapper à la porte du commissariat ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, en réalité, depuis 2015, il y a des cellules d'accompagnement aux violences sexistes et sexuelles dans les écoles, les directeurs de ces écoles, les présidents d'université, peuvent utiliser l'article 40, saisir le procureur, mais pour ça il faut d'abord qu'il y ait une démarche qui conduise l'étudiante, ou l'étudiant, à accepter de parler autrement que dans un réseau d'amis, autrement qu'à une personne, pour porter plainte. On a aussi des étudiants qui ne veulent pas parler aux écoles en question, voilà, qui n'ont pas envie de parler à leurs profs, qui n'ont pas envie que derrière on les regarde comme des victimes, puisque le regard porté sur elles en tant que victimes est aussi compliqué, donc il faut d'une part qu'on démultiplie les canaux pour que cette parole se libère, et ensuite qu'on ait des professionnels qui soient capables d'accompagner les jeunes vers la justice. Par exemple, très peu d'entre eux savent que l'aide juridictionnelle existe, ils pensent que ça va générer des frais, qu'ils ne seront pas capables de s'engager dans un processus judiciaire, donc il faut à la fois multiplier les canaux par lesquels on récupère la parole, et puis accompagner ces jeunes, mais vous imaginez bien que dans l'enseignement supérieur, comme partout, on a ces difficultés.
ORIANE MANCINI
Mais ça veut dire, juste si on vous suit bien, vous nous dites que les dispositifs existent, les mesures existent, il faut les mettre en place, mais est-ce que vous allez prendre des mesures supplémentaires au vu de l'ampleur de cette vague de témoignages ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui, ces mesures supplémentaires consistent justement à pouvoir équiper en personnes qui ont la capacité d'accompagner juridiquement. Pour le moment on a la capacité à récupérer la parole…
ORIANE MANCINI
Mais concrètement ça veut dire quoi ?
FREDERIQUE VIDAL
Il faut qu'on ait un réseau de juristes qui soit capable d'accompagner les jeunes, à partir du moment où ils ont parlé, pour qu'ils aillent jusqu'au dépôt de plainte, c'est ça qui va être important.
ORIANE MANCINI
Donc, réseau de juristes, qui sera dans ces grandes écoles juste ?
FREDERIQUE VIDAL
Qui sera en réseau, donc on va probablement faire une cellule de soutien au niveau du ministère, et puis on va aussi, localement, faire en sorte qu'il y ait un lien plus fort entre les recteurs, les préfets, le procureur, et aussi d'ailleurs les systèmes de santé, parce que ces jeunes ont aussi parfois besoin d'être accompagnés du point de vue de la santé.
PASCAL JALABERT
Quand on regarde les témoignages, quand on lit ce qui se passe, ça se passe souvent dans des week-ends d'intégration, des sortes de bizutages, or en 2000 Ségolène ROYAL a interdit tout ça, ça perdure, est-ce qu'il ne faut pas être radical en disant aux écoles, d'ingénieurs, de commerce, etc., « maintenant vous arrêtez avec ces week-ends d'intégration, vous arrêtez avec ces traditions de bizutage », parce que c'est souvent là que les dérives sont constatées ?
FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, et d'ailleurs c'est ce que font les écoles, et les étudiants qui s'engagent à faire des week-ends d'intégration signent des chartes dans lesquelles il y a justement un engagement à limiter la consommation d'alcool, avoir des référents, surveiller qu'il n'y ait pas de violences sexistes et sexuelles, mais vous avez énormément d'événements qui se déroulent sans que l'école ne soit même prévenue. Les associations étudiantes parfois le font, on a vu à la rentrée 2019 des étudiants, qui parce que leur école leur avait interdit un week-end d'intégration, sont partis le faire en Belgique, vous ne pouvez pas empêcher de jeunes adultes d'aller faire un week-end d'intégration, y compris dans un autre pays, parce que l'école refuse des locaux ou parce que l'école considère que ce n'est pas assez sécurisé. Mais, ce n'est pas parce que ce sont des faits qui se produisent entre étudiants, et qui se produisent souvent à l'insu des directions, que pour autant les écoles ne doivent pas continuer à améliorer la qualité de l'écoute, parce que recueillir la parole ça doit pouvoir se faire partout, au sein d'associations, mais aussi au sein des écoles.
ORIANE MANCINI
Justement, vous avez reçu, vous, cette semaine, les directeurs de ces instituts d'études politiques, qu'est-ce qu'ils vous ont dit, est-ce qu'au-delà du réseau de juristes dont vous nous parlez, eux ils vont mettre en place des mesures dans leurs écoles, et est-ce qu'ils étaient au courant de l'ampleur du phénomène, vous, vous nous dites non, est-ce que, eux ils étaient au courant ?
FREDERIQUE VIDAL
Vous imaginez bien que les directeurs des écoles, chaque fois qu'ils ont été au courant d'un fait, et d'ailleurs on peut le vérifier, c'est très simple, ont fait une déclaration article 40 au procureur de la République, mais évidemment il faut d'abord que les jeunes parlent, et depuis 2015, dans ces écoles, il y a des cellules d'écoute, il y a des référents contre les violences sexistes et sexuelles, dans ces écoles, comme dans l'ensemble des universités, l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur, probablement pas suffisamment connus, probablement pas suffisamment utilisés, peut-être organiser…
ORIANE MANCINI
Vous leur avez demandé quoi à ces directeurs d'école, de faire plus de publicité autour de ces dispositifs ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui, de parler aux étudiants, de leur faire savoir que ces dispositifs existent, et de faire en sorte que l'accompagnement aille jusqu'au bout. Mais, vous savez, ce sont toujours des cas intimes, des cas particuliers. Il y a une enquête qui a été menée, depuis 2015, et dont les conclusions ont été rendues en novembre 2020, qui disent que dans le milieu estudiantin les violences sexistes et sexuelles existent, que contrairement à ce que l'on a sur des classes d'âge plus âgées, les jeunes en parlent entre eux, mais que par contre ils ne se tournent pas vers les institutions de manière naturelle, et c'est ce que je disais, c'est le regard, c'est compliqué d'aller parler à un prof, ou à l'administration de son école, et ensuite de se dire que cette personne sait. Vous savez, croiser le regard de quelqu'un qui sait que vous avez été victime, ce n'est pas la chose la plus simple dans la vie de tous les jours, d'où l'idée de multiplier les canaux, y compris par des conventions passées entre les écoles et des associations.
ORIANE MANCINI
On va parler de l'affaire Duhamel qui a eu un impact retentissant à Sciences Po Paris, puisque Frédéric MION, le directeur de l'école, a démissionné, accusé d'avoir su, mais de n'avoir rien fait. Est-ce qu'il a eu raison de démissionner ?
FREDERIQUE VIDAL
Il l'explique dans son courrier, la raison pour laquelle il démissionne c'est avant tout parce qu'il est extrêmement attaché à Sciences Po Paris, et qu'il s'est rendu compte qu'il était dans une situation qui faisait qu'il y avait une perte de confiance entre lui et les étudiants, entre lui et les personnels, et donc, voilà, c'est une erreur de jugement, qu'il reconnaît, et il ne faut pas oublier pour autant tout ce qu'il a fait, et notamment sur la mise en place de cellules pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles au sein de l'école, et puis ce qui était important aussi c'était de vérifier qu'il n'y avait pas eu au sein de l'école d'agissements d'Olivier DUHAMEL, ça c'était aussi.. Le recueil de la parole, de ce point de vue-là, a été évidemment extrêmement important. Pas d'omerta organisée non plus, contrairement à ce qu'on a pu entendre, il y avait des gens qui savaient, plus ou moins…
ORIANE MANCINI
Justement, est-ce que ça ne pose pas la question d'un entre soi, d'une espèce de caste dans les grandes écoles, dans les institutions académiques, qui se couvrent un peu ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, c'est toujours des situations qui sont compliquées. Lorsque vous entendez une rumeur sur quelqu'un, en France on a la présomption d'innocence, quand vous entendez une rumeur sur quelqu'un, « on me dit que, quelqu'un m'a dit que, que quelqu'un m'a dit que », vous essayez de vous renseigner, on vous confirme que c'est une rumeur, les gens n'ont pas envie d'en parler à ce moment-là, c'est extrêmement difficile. Donc moi ce que je veux dire c'est qu'il est important justement que l'on parle et il est important que l'on mène une action en justice, parce que c'est là que l'on pourra faire reconnaître la réalité des faits et qu'on pourra obtenir réparation pour ce qui a été fait, qui doit dans tous les cas être condamné, il n'y a absolument aucune excuse si les faits sont avérés, mais il faut se lancer dans un processus où effectivement la vérité éclate et où la victime est reconnue comme victime, et où le coupable est désigné comme coupable, et il ne faut pas se tromper de coupable, c'est la personne qui a commis les faits qui est le coupable et c'est la personne qui a subi les faits qui est la victime, ce n'est pas l'inverse.
PASCAL JALABERT
Enfin, ceux qui ne les dénoncent pas le sont aussi coupables.
FREDERIQUE VIDAL
Oui, mais alors, si vous prenez…
PASCAL JALABERT
C'est de la non-dénonciation de délit…
FREDERIQUE VIDAL
Si vous prenez, dans cette affaire-là, je pense que la liste des gens qui savaient, et qui savaient même de source sûre, et qui pour des raisons, qui leur sont propres, mais qui sont aussi peut-être propres à la réalité des victimes, qui ne souhaitaient pas qu'on en parle, je pense que la liste est extrêmement longue en réalité, donc voilà. Je crois que ce qui est important c'est que Frédéric MION ait pris ses responsabilités, il l'a fait, et que Sciences Po puisse continuer à accueillir ses étudiants, dans un contexte compliqué, pour que ce deuxième semestre se déroule de la meilleure façon possible et avec le plus de sérénité possible.
ORIANE MANCINI
On va parler du malaise des étudiants, Pascal.
PASCAL JALABERT
Oui. Dans cette crise sanitaire l'impact est considérable sur les étudiants, que ce soit sur la scolarité, que ce soit sur la vie sociale et également psychologique, il y a quelques semaines ils ont repris les cours, faut-il aller plus loin pour qu'ils reviennent encore plus à l'université, c'est en tout cas ce qu'ils demandent ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, vous savez que nous sommes dans une situation sanitaire qui est, pour le moins qu'on puisse dire, instable et évolutive. Au moment où nous avons décidé d'instaurer le couvre-feu partout en France à 18h, dans le même temps nous avons validé des protocoles sanitaires suffisamment robustes pour que les étudiants puissent retourner à l'université et dans les écoles, et puissent retrouver leurs professeurs, et puissent se retrouver entre eux. On commence à voir un premier bilan de ce qui se passe, on voit que, évidemment c'était sur la base du volontariat, et on voit qu'en réalité 40 % des étudiants ne reviennent pas en présentiel, alors qu'ils pourraient le faire, parce que finalement le mode d'enseignement à distance est un mode d'enseignement qui leur convient et que, en tout cas pour une partie d'entre eux, ils ne souhaitent pas revenir en présentiel. Donc, les choses là aussi sont complexes. On a des jeunes qui sont seuls, je pense notamment aux étudiants internationaux, qui sont loin de chez eux, aux étudiants ultramarins, qui sont loin de chez eux, ils sont seuls, ils sont arrivés, pour certains, pour leur première année d'études dans l'enseignement supérieur, ils n'ont pas eu le temps de se faire des copains, tout de suite il y a eu le confinement, et puis derrière ça a enchaîné les enseignements à distance, les examens, etc. Ce qui est important c'est que pour le second semestre tous ceux qui ont besoin de renouer du lien social, entre eux, et avec leurs professeurs, puissent le faire, et donc, avec cette jauge, et les établissements qui, en toute responsabilité, avec toute ma confiance, organisent les choses, en fonction aussi des attentes des étudiants, et des attentes des professeurs, on a aussi certains professeurs qui pour des raisons de santé sont très inquiets à l'idée de revenir en présentiel, et donc ça, ça s'organise localement, et ça se passe bien puisqu'on a eu les premières remontées hier et les choses se sont mises en place partout.
PASCAL JALABERT
Justement, avez-vous des données, des infos, sur les contaminations et d'éventuels clusters dans les universités ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, évidemment, pour le moment il n'y a pas encore de clusters dans les universités, ce qui est fait en parallèle, et j'ai déjà eu l'occasion de le voir à Bordeaux, je vais aller le voit à Poitiers aujourd'hui, c'est justement la mise en place de cette capacité à tester, dans l'établissement-même, au premier soupçon, parce que vous savez que la difficulté, en réalité, c'est que pour un jeune qui présente des symptômes, il faut tester très largement, parce qu'on peut en avoir plusieurs dizaines qui autour de lui sont porteurs mais sans symptômes, d'où l'idée de pouvoir organiser au sein des établissements, selon un protocole qui a été bien sûr validé avec le ministère de la Santé, la capacité à tester sur place, dans les établissements, les étudiants.
ORIANE MANCINI
On va faire un nouveau protocole là-dessus.
FREDERIQUE VIDAL
Absolument, le protocole est en train d'être mis en place.
ORIANE MANCINI
Un mot sur ce qu'on entendait à l'instant avec le sénateur qui vous précédait, c'était Vincent CAPO-CANELLAS, qui nous parlait de la situation particulière de Seine-Saint-Denis où le président du département alerte, « pourquoi n'existe-t-il aucun Bureau d'Aide Psychologique Universitaire en Seine-Saint-Denis ? » Qu'est-ce que vous pouvez répondre à ça ?
FREDERIQUE VIDAL
Je réponds à ça que c'est une question d'organisation. Il y a quatre Bureaux d'Aide Psychologique Universitaire en Ile-de-France, qui se répartissent les étudiants, et les jeunes d'ailleurs, les BAPU, même s'il y a le Universitaire à la fin, ne concernent pas que les étudiants dans les universités, mais évidemment les universités, en Seine-Saint-Denis, comme ailleurs, ont des services de santé universitaire, ont des psychologues affectés, et vous savez qu'on est en train de mettre en place le fameux chèque-psy, qui est en fait un parcours de soins gratuit pour les étudiants qui en ont besoin, et en Seine-Saint-Denis, comme ailleurs, les psychologues de villes sont en train de s'inscrire sur les plateformes pour pouvoir être sollicités facilement, à la fois par les professionnels, et par les étudiants eux-mêmes, donc les choses se mettent en place, et bien sûr je suis très attentive à ce que ça fonctionne aussi en Seine-Saint-Denis.
ORIANE MANCINI
Il y a beaucoup de questions qui vous ont été adressées sur Twitter quand on a annoncé votre venue, sur une réforme qui inquiète, vous avez dû les voir, c'est la réforme des études de médecine. Il n'y a plus de numerus clausus à proprement parler, l'objectif de cette réforme c'était d'abaisser le taux d'échecs, sauf que cette réforme elle inquiète, elle inquiète les élèves, elle inquiète les parents d'élèves. Qu'est-ce que vous pouvez faire pour répondre à leur inquiétude ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors d'abord je peux leur dire que je comprends cette inquiétude, chaque fois que l'on change un système, évidemment ça génère du stress, je rappelle quand même que ce système il était décrié par tout le monde, donc il faut penser…
ORIANE MANCINI
Le système du numerus clausus.
FREDERIQUE VIDAL
Du numerus clausus, donc il faut penser que c'est un système qui a été évidemment fait, qui est fait pour accompagner les choses et que pour ça aille mieux. Maintenant, c'est la première année que ça se met en place, et ça se met en place dans un contexte sanitaire compliqué, et dans un contexte d'études compliqué. Ce que je peux dire, factuellement, c'est que, évidemment nous avons fait en sorte, vu que nous sommes maintenant au numerus apertus, que les étudiants qui sont en train de redoubler, dans la formule classique de la PACES, vont avoir…
ORIANE MANCINI
Qui était l'ancienne réforme…
FREDERIQUE VIDAL
Vont avoir un taux de succès au concours, au moins équivalent à celui des trois dernières années, que la même chose a été faite pour les étudiants qui rentrent dans les nouvelles filières. Et puis j'ai confié au doyen d'Angers la mission de pouvoir animer une plateforme sur laquelle on peut avoir la réponse à toutes ses questions, et de faire en sorte qu'il y ait une cartographie, et que les étudiants, comme les familles, partout, puissent avoir réponses à leurs questions, c'est la première année que ça se met en place, c'est normal que…
ORIANE MANCINI
D'où leur sentiment d'être un peu des cobayes, ils ont raison ?
FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, c'est normal que ça génère du stress, mais ce ne sont pas des cobayes. Tout a été fait, cette année particulièrement, pour que pour la première fois il y ait plus de réussites, et donc plus de passages en deuxième année des études de santé, c'est ça que je veux leur dire.
ORIANE MANCINI
Est-ce que par exemple les étudiants, qui sont dans un contexte difficile aujourd'hui, qui échouent au concours de médecine cette année, ils pourront le repasser l'année prochaine ?
FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, il y a toujours le principe de la deuxième chance, et puis pour ceux qui n'ont pas pu aller au concours cette année, pour des raisons de santé, eh bien cette année ne comptera pas et ils auront à nouveau deux chances, donc voilà, toutes les réponses à ces questions elles sont disponibles et accessibles via des plateformes mises en place par les facultés de santé.
ORIANE MANCINI
Une dernière question sur la recherche.
PASCAL JALABERT
Oui, sur la recherche, nos concitoyens ont été étonné de voir que la France n'était pas arrivée à sortir un vaccin, et de voir que même des chercheurs français s'étaient mis au service de grands laboratoires étrangers, qui eux ont réussi, MODERNA pour ne pas le citer. Donc, est-ce que ça illustre un peu un déclassement de notre recherche, et pourquoi on n'est pas à la hauteur ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, je crois que c'est une analyse qui est un petit peu facile de dire qu'on n'est pas à la hauteur. Je rappellerais simplement un fait, c'est que la première fois qu'on a séquencé ce virus, en Europe, c'était à l'Institut Pasteur, que, évidemment, les laboratoires de recherche, en France, ont proposé des solutions jusqu'à la preuve de concept, ensuite ces solutions elles passent dans le domaine de l'essai clinique, il y a pour le moment plus de 200 solutions de vaccination possible, internationalement, qui sont mises en place, il y en a 60 qui sont en phase d'essai clinique, il y en a 4 ou 5 qui sont issues de la recherche française, ça ne signifie pas pour autant qu'il ne fallait rien faire, et c'est d'ailleurs pour ça que nous avons réinvesti massivement dans la recherche, parce que, effectivement, nous sommes à la limite du décrochage. Mais je crois que, factuellement, sur ce sujet du coronavirus, parmi les articles scientifiques qui ont été estimés par la communauté comme les plus utiles à la compréhension du virus, il y en a 2 qui émanent de laboratoires français, donc je crois que nous pouvons rester fiers de notre recherche.
ORIANE MANCINI
Et ce sera le mot de la fin, merci beaucoup.
FREDERIQUE VIDAL
Merci à vous.
ORIANE MANCINI
Merci Madame la ministre d'être venue nous voir.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 février 2021