Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Et avec Léa SALAME nous recevons ce matin dans "Le Grand entretien du 7/9" la ministre de la Transition écologique, questions et réactions, vous êtes très nombreux au standard ce matin, 01 45 24 7000, sinon passez par les réseaux sociaux ou l'application mobile de France Inter. Barbara POMPILI, bonjour.
BARBARA POMPILI
Bonjour.
NICOLAS DEMORAND
Et merci d'être à notre micro en ce jour où le projet de loi "climat et résilience", issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, est présenté en Conseil des ministres, le texte sera examiné à l'Assemblée nationale début mars par une commission spéciale, avant d'arriver dans l'hémicycle le 29 mars, voilà pour le calendrier. On va détailler avec vous le contenu de cette loi, mais un mot pour commencer, pour vous demander si vous pouvez définir l'esprit ou la méthode de cette loi, diriez-vous que c'est un texte de compromis, qui a pour philosophie l'incitation au changement, plutôt que l'obligation et la contrainte ?
BARBARA POMPILI
Bonjour d'abord. Cette loi, en fait, c'est une loi qui va faire entrer l'écologie, et donc le bon sens, dans la vie quotidienne des Français, et l bon sens, pourquoi ? Parce que c'est deux choses. On va arrêter le grand n'importe quoi, sur un certain nombre de sujets, et on va aussi donner des solutions pratiques aux Français pour faire entrer l'écologie.
LEA SALAME
C'est quoi le grand n'importe quoi ?
BARBARA POMPILI
Le grand n'importe quoi c'est que, on continue aujourd'hui à construire des centres commerciaux au milieu d'un champ qui bétonnent les campagnes et qui bétonnent les espaces naturels, le grand n'importe qui c'est qu'aujourd'hui c'est encore rentable de louer des passoires thermiques qui font du mal à la santé des gens qui y habitent, et à l'environnement, et à leur portefeuille. Le grand n'importe quoi c'est qu'on ne peut plus imaginer prendre un avion pour aller dans une réunion, quand on est à Paris, pour aller à Bordeaux. Et ça, la loi, eh bien elle va permettre, sur ces trois exemples-là par exemple, il y en a plein d'autres, eh bien elle va interdire l'implantation des centres commerciaux dans les espaces naturels, la loi elle va dire qu'on ne peut plus louer des passoires thermiques en 2028, la loi elle va dire qu'on ne peut plus prendre un avion quand il y a une alternative en train à moins de 2 heures 30.
LEA SALAME
Alors, on va revenir sur tous ces points-là parce que vous voyez…
BARBARA POMPILI
Mais on donne aussi des solutions pratiques pour les gens…
LEA SALAME
Oui, oui, bien entendu.
BARBARA POMPILI
On n'est pas qu'en train d'embêter le monde.
LEA SALAME
Bien entendu, mais sur ces trois propositions-là, par exemple, vous voyez le verre à moitié plein, d'autres le voient à moitié vide, on va y venir proposition après proposition, mais toujours d'une manière, d'une vue d'ensemble si j'ose dire, avant de rentrer dans le détail, est-ce que vous diriez que l'épidémie de Covid-19, et la crise économique qui en découle, et qui ont ébranlé certains secteurs, comme l'automobile et l'aérien, que ce contexte-là a changé l'ambition, a réduit l'ambition écologique du texte ?
BARBARA POMPILI
Ce serait une erreur historique de ne pas avoir d'ambition maintenant, parce que, même si la crise Covid à des graves conséquences, c'est des conséquences économiques, sociales, des conséquences aussi sanitaires, et puis sur notre moral, la crise climatique elle est là, elle est toujours là, la terre ne s'arrête pas de tourner et elle ne s'arrête pas de se réchauffer.
LEA SALAME
Certes, mais est-ce que dans la manière dont vous avez écrit ce projet de loi, vous avez pris en compte le changement qui nous tombe dessus, qui n'était pas prévu, qui est ces conséquences économiques qui sont terribles pour une partie des secteurs de l'économie, oui ou non, est-ce que c'est rentré en ligne de compte ?
BARBARA POMPILI
On l'a pris en compte, évidemment, notamment sur certains secteurs qui ont besoin de soutien aujourd'hui, je pense par exemple à l'aérien, mais sur l'aérien, on encadre quand même dans cette loi, on encadre sur les vols, on encadre sur la compensation des vols, vous savez, c'est-à-dire qu'à chaque fois qu'il va y avoir un vol d'un avion, il va devoir compenser ses émissions de carbone, c'est-à-dire qu'il va devoir financer des forêts, dont on a besoin aujourd'hui pour le réchauffement climatique. Mais, à côté de ça, bien sûr qu'on fait attention à ce que chaque mesure, qui est proposée dans ce texte, soit une mesure qui soit accompagnée pour que chacun puisse trouver les solutions. Si on va mettre en place, par exemple les ZFE, moi j'aimerais bien qu'on parle un petit peu des ZFE.
LEA SALAME
Traduction.
BARBARA POMPILI
Les ZFE, ça s'appelle les Zones à Faibles Emissions. Qu'est-ce que c'est une Zone à Faibles Emissions ? Aujourd'hui on a des gens qui meurent dans les villes à cause de la congestion routière ? parce qu'il y a trop de circulation, eh bien là on va mettre en place dans les grandes villes, c'est-à-dire dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants, des ZFE, c'est-à-dire que les voitures qui sont Crit'Air 3, Crit'Air 4, Crit'Air 5, ne pourront plus rentrer dans ces zones, et, on peut dire que ce n'est pas ambitieux, moi je peux vous dire que c'est un tiers du parc, un tiers du parc, il va falloir évidemment qu'il y ait des accompagnements, on va donner 1 000 euros pour que les gens puissent changer de voiture, en accompagnement d'autres aides, on va mettre en place des transports en commun, on va mettre en place du covoiturage et des voies de covoiturage pour que les gens puissent accéder, on va mettre en place des parkings-relais, bref, des solutions, avec les élus, pour que cette ZFE puisse être mise en œuvre, c'est très important de bien comprendre que toutes les mesures sont des mesures qui sont accompagnées pour que ce soit pratique, pour que les gens aient des solutions.
NICOLAS DEMORAND
Alors, sur les transports Barbara POMPILI, beaucoup de choses. Vous fixez un objectif de fin de vente des véhicules thermiques les plus pollueurs en 2030, pas en 2025 comme le demandait la Convention climat, par ailleurs le début de la réduction de l'avantage fiscal sur le gasoil pour les poids lourds est décalé de 3 ans, ça démarrera en 2023. Pourquoi avoir reculé le calendrier sur ces deux points, expliquez-nous ?
BARBARA POMPILI
Alors, on n'a pas reculé du tout le calendrier sur la fin de vente des véhicules thermiques, en l'occurrence c'est un calendrier qui avait été élaboré, à l'époque de mon prédécesseur Nicolas HULOT, où on avait dit qu'il y aurait une interdiction en 2040, l'important c'est de poser des jalons, des jalons intermédiaires…
NICOLAS DEMORAND
Ce ne sont pas les mêmes que les jalons de la Convention climat.
BARBARA POMPILI
Non, effectivement…si, si, si, si, ce sont les mêmes, pardon, c'est simplement que, eux avaient mis…
NICOLAS DEMORAND
Le poids n'est pas le même.
BARBARA POMPILI
Non, non, eux avaient mis deux jalons, on en met un, point, c'est la seule différence, mais le jalon qu'on met en 2030 c'est le même que celui qui était proposé par la Convention climat, le même, si, si…
NICOLAS DEMORAND
Oui, oui, je vous écoute, je vous écoute.
BARBARA POMPILI
Allez-y, vérifiez…
NICOLAS DEMORAND
Non, non, je…
BARBARA POMPILI
On est à 95 grammes de CO2, c'est le jalon qui était proposé, à 2030, on n'en a pas mis en 2025, ça c'est un choix qui a été fait, mais on pense ce jalon. Pourquoi ? Parce que c'est important d'avoir des étapes intermédiaires, sinon on a un objectif très lointain, 2040, et puis en 2037 on se posera la question de comment on y arrive.
LEA SALAME
Quant aux avions, vous en parliez, le projet de loi prévoit d'interdire les vols intérieurs s'il y a une alternative possible en train en moins de 2 heures 30, les conventionnels vous demandaient cela pour 4 heures, s'il y avait une alternative pour 4 heures, pourquoi vous n'avez pas choisi ça ?
BARBARA POMPILI
Alors, pour deux raisons. La première c'est que, nous on assume le fait qu'on a un certain nombre de territoires enclavés, en France, des territoires enclavés dont le seul moyen d'y arriver ce sont des avions, et ces territoires-là on ne veut pas les mettre dans la difficulté, surtout actuellement. Ensuite, deuxième raison, parce que ce qu'on veut, encore une fois, c'est donner des possibilités d'alternatives. là où il y a des trains qui peuvent arriver directement dans les gares TGV qui sont dans les aéroports, là on se dit il y a moyen de mettre en place ce qu'on appelle l'intermodalité, l'intermodalité c'est-à-dire que vous pourrez aller avec votre… vous allez acheter sur Internet, ou vous allez à un guichet pour acheter votre billet, vous pourrez avoir un billet qui sera un billet de train, et d'avion, et ce sera pratique, et ça, ça demande de l'organisation, et ce n'est pas que dans la loi, parce que si vous arrivez dans votre gare TGV, et que vous devez ensuite prendre l'avion, eh bien il va falloir gérer comment on fait avec les bagages, comment on fait pour les personnes qui ont des difficultés à se déplacer, etc., tout ça ce n'est pas dans la loi, mais ce sont des choses qui vont rendre plus pratiques les déplacements et où ce sera une logique de ne plus prendre un avion quand on peut prendre un train.
LEA SALAME
Barbara POMPILI, il y a clairement une avancée sur les passoires thermiques, vous le disiez, vous l'avez annoncé dès le début, et c'est vrai, elles seront interdites à la location à partir de 2028, en revanche le texte ne reprend pas l'obligation de rénovation globale de l'ensemble des logements dès 2024, c'était une proposition très importante de la Convention, la rénovation des logements en disant "c'est très bien d'interdire les passoires thermiques, mais ce n'est absolument pas suffisant, il faut donner plus et absolument contribuer à rénover les logements en France." Est-ce que vous avez été un peu prudents sur cette question et est-ce que vous espérez qu'au Parlement, lors de la discussion parlementaire, parce que beaucoup de députés La République en marche veulent changer ça, ce point-là, la rénovation des logements, que le texte sera amélioré ?
BARBARA POMPILI
La rénovation des logements ça peut concerner potentiellement de nos émissions de gaz à effet de serre, donc c'est un point absolument essentiel, alors les logements et les bâtiments en général, c'est un point essentiel, si on veut y arriver, pareil, il faut qu'il y ait deux conditions, ce n'est pas seulement des obligations, il faut que les personnes qui veulent rénover leur logement puissent le faire, c'est bête à dire, mais il faut qu'elles aient les moyens de le faire, donc il faut qu'elles soient accompagnées financièrement. Et puis il faut que ce soit aussi facile, aujourd'hui c'est un peu le parcours du combattant même si avec MaPrimeRénov' ça s'est beaucoup amélioré, d'ailleurs il y a énormément de demandes, ça a beaucoup de succès, comme quoi…
LEA SALAME
Est-ce que le projet de loi est insuffisant sur la rénovation thermique ?
BARBARA POMPILI
La deuxième chose, Madame SALAME, c'est que si on a des gens qui ont les moyens de le faire, il faut aussi qu'en face on ait des professionnels qui soient formés, suffisamment nombreux pour pouvoir assumer tous ces travaux, ça ce sont des conditions qui sont absolument nécessaires. On peut mettre toutes les obligations du monde dans la loi, moi je crois qu'il faut mettre des choses dans la loi parce que ça permet de donner des cadres.
LEA SALAME
C'est-à-dire, est-ce que vous espérez que la discussion parlementaire aboutisse sur ce point-là et améliore le projet de loi tel qu'écrit ?
BARBARA POMPILI
Le projet de loi évoluera forcément sur ce point puisque nous avons lancé une mission, qui s'appelle "la mission Sichel", qui est une mission qui réfléchit sur les aspects dont je vous ai parlé, et notamment la question du financement. On veut que les rénovations soient efficaces, ça coûte aux alentours de 50 000 euros une rénovation efficace, c'est-à-dire où vraiment l'étanchéité du bâtiment est meilleure, où l'efficacité énergétique est meilleure, environ 50 000 euros, on ne peut pas se payer ça quand on a des petits salaires.
LEA SALAME
Oui, mais il peut y avoir des aides d'État.
BARBARA POMPILI
Mais justement, la question c'est comment on fait pour cumuler un certain nombre d'aides, pour embarquer les banques, pour faire ce qu'on appelle du tiers financement, pour que le reste à charge, ce qu'on appelle le reste à charge, soit…
LEA SALAME
Soit au minimum pour les gens.
BARBARA POMPILI
Voilà, soit tenable, pour que tout monde, y compris les personnes les plus en difficulté, puisse faire face, parce que si on met des interdictions et qu'on a des gens qui ne peuvent pas, tout simplement pas, se payer la rénovation, on met des gens dans l'impasse, et on met des gens dans le désespoir. Moi, ce que je veux, c'est que cette fois ce soit une loi d'espoir, une loi où on aide tout le monde à être des acteurs concrets, dans leur vie quotidienne, de l'écologie, et c'est ça qui est intéressant.
NICOLAS DEMORAND
C'est un sujet d'une autre nature, Barbara POMPILI, la convention réclamait l'interdiction de la publicité pour les produits polluants, notamment les SUV, cette proposition n'a pas été retenue puisque seule la publicité pour les énergies fossiles est interdite, c'est-à-dire la pub pour le pétrole, le gaz, le charbon. Au sein du groupe LREM certains veulent étendre l'interdiction à tous les produits qui ont un impact lourd sur l'environnement, est-ce que vous êtes prête à avancer sur ce point, voire à l'intégrer ?
BARBARA POMPILI
D'abord, typiquement, sur ce sujet de la pub, on a entendu tout et n'importe quoi, et c'est difficile, quand il y a des espèces de rumeurs et de Fake news qui montent, d'avoir un débat serein, et donc j'espère qu'on aura un débat serein…
LEA SALAME
Alors, clairement, qu'est-ce qui est Fake news et ce qui ne l'est pas ?
BARBARA POMPILI
C'est, on a quand même entendu, sur des antennes, on a quand même lu dans des articles, que certains disaient que je voulais, que le gouvernement voulait interdire la pub, ce n'est absolument pas le sujet. Le sujet, et ce sera le cas quand cette loi sera votée, c'est qu'à terme il n'y aura plus de publicités pour des produits polluants, parce que c'est ça l'idée…
LEA SALAME
Donc les SUV.
BARBARA POMPILI
C'est, les produis polluants, je peux vous dire qu'il y en a plein, il y a deux méthodes possibles…
LEA SALAME
Vous savez bien que ça vise notamment les constructeurs automobiles, c'est là où le bât blesse, donc c'est là où est la question, parce que vous l'avez interdit pour le pétrole, le gaz et le charbon, mais est-ce qu'il y aura de la publicité pour les voitures polluantes, la question elle est simple ?
BARBARA POMPILI
A terme il n'y aura plus, évidemment, de publicité pour tous les produits polluants, donc les voitures polluantes n'y échapperont pas, la question c'est comment ça se passe. Soit on a des engagements volontaires, c'est le choix qu'on a fait, pour l'instant, on demande des engagements volontaires…
LEA SALAME
Des constructeurs, c'est ça ?
BARBARA POMPILI
Des constructeurs, des annonceurs d'une manière générale, des médias, des filières, si les engagements sont des vrais engagements, très bien, moi je crois qu'il faut quand même qu'il y ait un contrôle, qu'il y ait un contrôle de ces engagements et qu'il y ait un contrôle du non-respect de ces engagements, et ça, ça pourrait être dans la loi. Après, si les engagements ne sont pas suffisamment sérieux, eh bien il y aura des mesures d'interdiction dans la loi, l'un ou l'autre, l'important c'est que ce soit efficace.
LEA SALAME
Donc c'est une menace aux constructeurs automobiles, c'est ce que vous dites ?
BARBARA POMPILI
Ce n'est pas du tout une menace, c'est une question d'être cohérent. Aujourd'hui nous luttons contre le réchauffement climatique, aujourd'hui il y a des produits, qui sont des produits qui contribuent au réchauffement climatique, au nom de quoi, au nom de quelle cohérence on devrait faire de la pub pour ça ? Et les consommateurs, en plus, seront mieux avertis, grâce à cette loi, puisque grâce aux membres de la Convention citoyenne, dont je salue le travail, qui ont fait un travail extraordinaire, on aura le "carbone score." Le "carbone score" c'est quoi ? C'est une étiquette climat en fait. Quand vous allez faire vos courses, vous allez savoir si le produit que vous achetez est un produit qui porte atteinte au climat, oui ou non, c'est un peu comme les étiquettes sur les logements…
LEA SALAME
Ce que vous dites, pour qu'on comprenne bien, vous dites aux constructeurs automobiles vous pouvez continuer à faire de la pub pour vos 4X4 ou vos SUV, mais il faudra préciser que c'est très polluant, c'est ça ?
BARBARA POMPILI
Non, ça c'est déjà le cas aujourd'hui…
LEA SALAME
Et alors c'est quoi, qu'est-ce que vous demandez de plus ?
BARBARA POMPILI
C'est déjà le cas, dans la loi sur l'économie circulaire il y a des mesures, ou dans la loi transports, excusez-moi, parce qu'on a fait beaucoup de lois… la loi qu'on est en train de faire là, elle complète un dispositif, on ne part pas d'une feuille blanche, elle complète un dispositif.
LEA SALAME
Mais quelles vont être les obligations en plus aux constructeurs automobiles, c'est ce que je n'arrive pas à comprendre en fait ?
BARBARA POMPILI
Pour l'instant, dans la loi, on a plusieurs options possibles, soit il y a des engagements volontaires, où en fait ils arrêtent de faire de la pub pour leurs produits polluants, ils font de la pub pour d'autres produits, soit…
LEA SALAME
Ça sera interdit.
BARBARA POMPILI
Soit ce sera interdit, pour l'instant il y a les deux options, mais ce que je peux vous dire c'est que, l'important, c'est qu'à la fin il n'y aura plus de pubs pour des produits polluants grâce à cette loi.
NICOLAS DEMORAND
Sur le délit d'écocide, il sera assorti d'une notion d'intentionnalité, il faudra démontrer que le pollueur, Barbara POMPILI, avait bien l'intention de polluer. Certains spécialistes du droit de l'environnement, cités par l'AFP, voient là un recul considérable car sont évacuées, disent-ils, la négligence et l'imprudence à l'origine de la plupart des pollutions. Cette idée d'intentionnalité, qui a été défendue par Bercy, ne vide-t-elle pas le délit de sa substance ?
BARBARA POMPILI
Alors d'abord, moi je m'inscris en faux sur le fait que cette loi, d'une manière générale, soit une loi de recul, j'ai entendu ça, je suis…
LEA SALAME
Alors, on va vous les citer, comme ça vous leur répondrez directement…
BARBARA POMPILI
Ah ouais, non mais je suis…
LEA SALAME
Vous êtes en colère, on entend…
BARBARA POMPILI
Interloquée qu'on puisse dire ce genre de choses.
LEA SALAME
Interloquée. Alors, le réalisateur Cyril DION, qui fut à l'origine de la Convention citoyenne, dit que les propositions, regrette que les propositions des conventionnels aient été détricotées, c'est son terme, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, dit dans un avis que les mesures sont en général pertinentes, mais limitées ou différées. Enfin, Nicolas HULOT, que vous avez dû entendre ces derniers jours, lui estime que ce projet de loi n'est pas, en l'état, à la hauteur des enjeux.
BARBARA POMPILI
Oui, que j'ai même vu très récemment, avec qui on a eu l'occasion de discuter, c'est toujours un plaisir de discuter avec Nicolas HULOT. En l'occurrence, comme je le disais tout à l'heure…
LEA SALAME
Ils sont injustes ?
BARBARA POMPILI
Non, mais, comme je vous le disais tout à l'heure, on ne part pas d'une feuille blanche, dire que cette loi, à elle seule, est une loi qui doit porter toutes les ambitions de la France sur la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, c'est absolument absurde. On a un ensemble de mesures, qui sont portées depuis le début de ce quinquennat, qui poussent vers cette orientation. On a fait une loi sur les mobilités, sur les transports en commun, vous ne croyez pas que ça va jouer sur les émissions de gaz à effet de serre ? bien sûr que si. On a fait une loi sur l'économie circulaire, sur le fait d'arrêter de jeter ses déchets, mais de pouvoir les faire rentrer dans le recyclage, ça aussi ça va avoir une influence sur les émissions de gaz de serre…
LEA SALAME
Donc vous dites arrêtez d'être injustes avec le gouvernement ? si je traduis en fait toutes ces critiques qui viennent… vous venez des écologistes, vous êtes une écologiste convaincue Barbara POMPILI, vous avez l'impression que votre famille d'origine vous critique trop, est trop injuste avec ce projet de loi, vous dites, vous ne voyez pas toutes les avancées qu'on fait, pour qu'on comprenne bien, parce que c'est vrai qu'en écoutant les opposants et les écologistes, ils disent tous "elle n'est pas à la hauteur la loi", et certains dans votre majorité, très nombreux !
BARBARA POMPILI
Mais, que les écologistes, d'une manière générale, je suis aussi une écologiste, disent "mais il faut toujours porter l'ambition et rehausser l'ambition", bien évidemment, simplement, nous on a fait aussi des études, qui nous montrent que quand on regarde l'ensemble des mesures, parce que le coup de pouce vélo par exemple, 1 million de personnes qui prennent le vélo, ce n'est pas dans la loi, ce n'est pas dans la loi, sauf qu'il y a un vrai changement de comportement. Les mesures, aussi, qui sont dans la loi, il y en a certaines qui sont chiffrables, d'autres qui ne le sont pas. Quand vous vous interdisez la location des passoires thermiques c'est 2 millions de tonnes de CO2 qui sont évitées, les ZFE c'est 4,5 millions de tonnes de CO2, mais l'éducation à l'environnement, le développement des repas végétariens, la question des pubs justement, moi j'aimerais bien qu'on me chiffre ce que ça veut dire que l'interdiction des pubs sur les produits polluants en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Les études qu'on a faites montrent que si on met en œuvre toutes les mesures, pas seulement de cette loi, mais toutes les mesures qu'on a prévues depuis le début du quinquennat et qu'on a déjà commencé à mettre en œuvre, on peut arriver à nos objectifs.
NICOLAS DEMORAND
Vous ne m'avez pas répondu sur l'intentionnalité, avant qu'on file au standard, est-ce que l'idée d'intentionnalité vide le délit d'écocide de sa substance ?
BARBARA POMPILI
Evidemment, non. Sur ce qui concerne la justice environnementale, tous les principes que j'avais portés sont là, des peines plus sévères, des juges, des juges dédiés à l'environnement, la création du délit de pollution générale, la mise en danger de l'environnement, tout y est, après, oui, il y a eu des précisions, mais la réforme rendra notre justice environnementale plus efficace, je vous le garantis, et on se donne rendez-vous pour le vérifier.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 février 2021