Texte intégral
PATRICK ROGER
Bonjour Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
PATRICK ROGER
Pour éviter le reconfinement et maintenir les activités, vous avez incité, vous incitez encore les entreprises à davantage de télétravail, mais vous déplorez, j'ai vu, des manquements dans certains secteurs, comme les banques, les assurances. Qu'en est-il aujourd'hui ?
ELISABETH BORNE
Eh bien écoutez, on sait que, globalement, il y a eu une érosion du télétravail depuis la fin du mois de novembre, on a reculé d'à peu près 6 points parmi les salariés qui peuvent facilement télétravailler, et de 15 points parmi ceux qui télétravaillent à 100 % ; et il y a quelques secteurs, que j'ai reçus hier, dans lesquels le recul est plus marqué. Donc il faut que chacun se remobilise…
PATRICK ROGER
Quels secteurs, c'est ceux que j'ai cités, banques, assurances ?
ELISABETH BORNE
Donc c'est effectivement, banques, assurances, tous les secteurs aussi du conseil et de l'ingénierie ; donc dans ces secteurs, la situation, elle est différente selon les entreprises, on en a certaines qui continuent à être très mobilisées, c'est le cas notamment dans les banques, et puis, il y en a d'autres, eh bien, qui, finalement, ont un peu baissé la garde, on va dire. Donc c'était bien l'objet de la réunion que j'ai eue hier avec elles, de leur dire : tout le monde se remobilise, et que l'Inspection du travail sera très vigilante…
PATRICK ROGER
Est-ce que vous pouvez les obliger ? Alors, c'est ça, l'Inspection du travail, mais quelles sont les règles précisément pour ça, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
La règle, elle est très claire, depuis fin octobre, toutes les entreprises doivent appliquer cette même règle, quand on peut faire une tâche à distance, alors, on doit être en télétravail, si vous pouvez toutes vos activités à distance, vous devez être 5 jours sur 5 en télétravail, ça, c'est la règle qui s'impose à toutes les entreprises. Donc voilà, l'idée, c'est vraiment maintenant de se remobiliser pour revenir au niveau de télétravail qu'on a eu au mois de novembre, il ne s'agit pas de revenir à ce qu'on a eu au mois de mars et d'avril, où beaucoup d'entreprises étaient finalement… enfin, on avait dit aux salariés : restez chez vous, et puis, vous faites ce que vous pouvez en télétravail. Donc ce n'est pas ça qu'on veut, on veut aussi la continuité de l'activité économique, c'est important pour notre pays, c'est important pour sauver des emplois, mais de revenir au niveau de novembre, c'est ce que j'ai demandé hier aux branches professionnelles, que j'avais en face de moi.
PATRICK ROGER
Mais est-ce que vous pouvez véritablement les contraindre d'un point de vue légal avec des visites de l'Inspection du travail, parce que c'est parfois difficile à déterminer ce qui peut être fait à distance ou ce qui doit être fait au bureau dans certaines entreprises…
ELISABETH BORNE
Eh bien écoutez, moi, j'ai eu le retour…
PATRICK ROGER
Je pense dans les banques, notamment…
ELISABETH BORNE
Oui, moi, j'ai eu le retour de mes services qui, depuis une semaine, sont sur le pont, pour aller dans les entreprises, d'abord, pour conseiller, pour accompagner, et puis, éventuellement, pour contrôler et sanctionner, je peux vous dire qu'il y a des cas qui sont évidents, quand on a des entreprises qui ne font aucun télétravail, là, il n'y a pas de doute, et ça a pu conduire, notamment, j'ai en tête un cas où on n'avait finalement aucun salarié en télétravail, à la fin, on en avait 200, voilà, donc je pense qu'on a des marges de progrès dans certaines entreprises. C'est une obligation de l'employeur d'assurer, de préserver la santé de ses salariés. Le protocole en entreprise dit ce qu'il faut faire, quelles sont les bonnes règles à appliquer, en application des consignes sanitaires qui nous sont données. Et donc, un chef d'entreprise doit se conformer à ce protocole sanitaire.
PATRICK ROGER
Un peu comme les PV pour les couvre-feux, vous annoncez, Elisabeth BORNE, que vous allez un peu plus sévir face à ces entreprises qui ne respecteront pas les règles, quoi.
ELISABETH BORNE
Dans un premier temps, moi, je compte sur la responsabilité de chacun, vous savez, je pense que chaque chef d'entreprise, chaque salarié peut mesurer ce que ça veut dire un confinement, on sait que ça a un impact très important sur notre économie, sur nos emplois, sur la vie du pays, sur l'éducation de nos enfants, donc je pense que chacun peut aussi se dire qu'on essaie de trouver un chemin pour éviter un nouveau confinement. D'abord, chacun doit être responsable. Mais effectivement, si les entreprises, si une entreprise ne joue pas le jeu, elle peut d'abord être mise en demeure, moi, ce que je constate, c'est qu'en général, quand on a une mise en demeure, dans 90 % des cas, l'entreprise se remet en ordre de marche, et puis effectivement, il peut y avoir des sanctions.
PATRICK ROGER
Oui Elisabeth BORNE, est-ce que le travail à domicile a vraiment un coût pour les salariés, parce que, là, il y a une étude de DRH dévoilée ce matin dans le journal Le Parisien, électricité, chauffage, fournitures, ça représenterait dans certains cas entre 150, 170 euros, est-ce qu'il faut engager des négociations avec les employeurs sur ces frais, c'est une négo entreprise par entreprise ou pas ?
ELISABETH BORNE
Alors, effectivement, le principe, il est simple, c'est que passer en télétravail, ça ne doit pas être un coût pour le salarié, ça, c'est le principe constant, dans l'accord, vous savez qu'il y a un accord qui a été trouvé entre les organisations patronales et syndicales, il y a quelques semaines, ce principe est réaffirmé, ensuite, forcément, ça passe par une discussion au sein de chaque entreprise, il ne va pas y avoir une règle unique qui s'applique à tout le monde, mais le principe, il est très simple, et c'est important que les entreprises le respectent, parce que sinon, ça peut aussi décourager des salariés qui se mettent en télétravail…
PATRICK ROGER
Ce chiffre, vous ne le contestez pas…
ELISABETH BORNE
Non, non, je ne le conteste pas, enfin, moi, je n'ai pas les éléments pour vous dire dans telle ou telle situation, combien ça peut coûter aux salariés, je vous dis que le principe est clair, c'est qu'il appartient à l'employeur de couvrir les frais générés par le télétravail.
PATRICK ROGER
La prise en charge aussi avec le chômage partiel, est-ce qu'il y a encore des trous dans la raquette, il y a beaucoup les permittents, là, qui s'expriment, les intermittents dans le tourisme, comme les guides, l'événementiel, etc, ils affirment qu'ils ne sont pas suffisamment pris en charge, quelle réponse vous pouvez leur apporter ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi, je peux leur dire qu'on est vraiment très attentif à la situation de tous ceux qui, avant la crise, enchaînaient des contrats saisonniers, des contrats courts, ces contrats, pour beaucoup, soit, la saison a été plus courte, soit, elle n'a carrément pas eu lieu, et puis, il y a beaucoup de secteurs où il n'y a plus du tout de contrats courts, c'est pour ça qu'on a mis en place une aide exceptionnelle qui doit permettre de garantir à ces salariés précaires…, enfin, qui doit permettre de leur garantir 900 euros par mois, sur les mois de novembre à février, et donc on a versé les montants correspondants au mois de novembre et de décembre en fin de semaine dernière. 900 euros, on peut me dire : ça n'est pas beaucoup…
PATRICK ROGER
Oui, si ce n'est pas beaucoup, et pour vivre, c'est difficile, bien sûr…
ELISABETH BORNE
Vous savez, moi, je rappelle que l'allocation chômage moyenne, c'est 1.000 euros, donc c'est aussi une aide exceptionnelle qui doit permettre effectivement de donner un coup de pouce à ces salariés…
PATRICK ROGER
Il n'y avait pas d'autre possibilité, une année blanche, un petit peu comme pour les intermittents du spectacle classiques…
ELISABETH BORNE
Eh bien écoutez, vous savez, je pense qu'il faut aussi être conscient que l'assurance-chômage, c'est la solidarité de tous les employeurs et de tous les salariés, il y a une question de justice aussi, moi, je vous dis, quand vous avez des gens qui ont travaillé toute leur vie, qui ont cotisé toute leur vie, pour lesquels l'allocation médiane est de 1.000 euros, moi, je pense qu'une allocation de 900 euros, c'est aussi un sujet d'équité.
PATRICK ROGER
Oui, Elisabeth BORNE, est-ce que le taux d'indemnisation du chômage partiel va baisser aussi dans les prochaines semaines ?
ELISABETH BORNE
Vous avez vu qu'on l'a prolongé à l'identique jusqu'à fin février, bien évidemment, on protégera par le chômage partiel aussi longtemps que nécessaire les secteurs qui sont impactés par la crise, ceux qui sont fermés totalement, ceux qui sont fermés partiellement, et aussi ceux dont l'activité ne peut pas redémarrer, qui ne sont pas fermés administrativement, mais…
PATRICK ROGER
Vous tablez sur la fin du printemps, début de l'été, probablement ?
ELISABETH BORNE
Moi, je vous dis, on espère tous…
PATRICK ROGER
Ou, c'est mois par mois…
ELISABETH BORNE
Non, mais, on espère tous que cette crise sanitaire, on va en sortir, mais tant qu'il y aura des restrictions sur un certain nombre d'activités, on les accompagnera avec une prise en charge à 100 %, comme on le fait aujourd'hui.
PATRICK ROGER
Oui, la semaine dernière, vous avez, pendant, d'ailleurs, plusieurs jours, essayé d'inciter aussi les stations de sports d'hiver et des remontées mécaniques à engager les saisonniers directement au chômage partiel pour qu'ils bénéficient justement d'un chômage partiel…
ELISABETH BORNE
Absolument.
PATRICK ROGER
Où en est-on aujourd'hui, est-ce qu'elles ont joué le jeu, alors qu'on est en pleine saison ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, on a les chiffres sur ce qui s'est passé pendant les vacances de Noël, on a habituellement 60.000 saisonniers, 30.000 ont pu être embauchés, on sait qu'on a souvent un pic, on n'a pas souvent, on a toujours un pic pendant les vacances de février, où on monte à 120.000 saisonniers, donc c'est pour ça que moi, j'ai lancé cet appel aux employeurs en leur disant : embauchez ces saisonniers, pour eux, c'est très important, souvent, c'est 4 à 5 mois de l'année où ils peuvent avoir une rémunération, s'ils sont placés en activité partielle, ça ne coûte rien à l'employeur, puisque, là encore, c'est pris en charge à 100 %, et ça permet aussi…
PATRICK ROGER
Est-ce qu'elles jouent le jeu alors les stations de ski ou les remontées mécaniques ?
ELISABETH BORNE
Alors, ça dépend vraiment des secteurs, ça dépend des secteurs, 95 % des saisonniers des remontées mécaniques ont pu être embauchés, 95 %, donc voilà, moi, je suis satisfaite que ces saisonniers soient protégés par l'activité partielle, ne se retrouvent pas effectivement à épuiser leurs droits au chômage. Et j'invite vraiment les autres secteurs qui ont moins joué le jeu à le faire.
PATRICK ROGER
Oui, alors malgré la crise du Covid, vous insistez beaucoup, là, je l'ai lu, sur la reprise du dialogue social, est-ce qu'il va y avoir une nouvelle conférence du dialogue social dans les prochains jours ?
ELISABETH BORNE
Alors, il y aura une nouvelle conférence du dialogue social autour du Premier ministre dans le courant du mois de mars, vous savez, le dialogue social, il est permanent, je trouve que la crise a vraiment redynamisé le dialogue social, on a eu beaucoup d'accords qui ont été signés, notamment sur la reprise d'activité après le premier confinement, il y a beaucoup d'accords qui sont signés sur l'activité partielle de longue durée, c'est le dispositif qui permet de protéger des emplois dans les entreprises qui ont une baisse durable d'activité, c'est des accords majoritaires au sein des entreprises, vous savez qu'on a plus de 7.000 accords de ce type qui ont été trouvés ; ça protège plus de 500.000 salariés grâce à ces accords. Donc il est très dynamique dans les entreprises, il est dynamique au plan national, puisqu'il y a eu un accord national sur le télétravail, sur la santé au travail, on travaille aussi au quotidien avec les partenaires sociaux, y compris pour inventer des solutions pour les salariés dont les emplois sont menacés, pour pouvoir les former, pour qu'ils puissent rebondir vers d'autres secteurs ; donc ce dialogue social, il est très dynamique. Et moi, je trouve qu'il y a une très grande responsabilité de la part des organisations patronales et syndicales qui sont bien conscientes qu'on doit faire le maximum pour sauver des entreprises, et pour sauver des emplois, c'est un sens des responsabilités qui tranche, pour parler franchement, par rapport à beaucoup de forces politiques qui ne font que critiquer.
PATRICK ROGER
Oui, est-ce qu'il ne faut pas mettre entre parenthèses aussi quand même les réformes en ce moment, sur l'assurance-chômage comme sur les retraites, parce que vous avez cette urgence, comme vous venez de le dire…
ELISABETH BORNE
Sur l'assurance-chômage, moi, j'ai repris les discussions à la fin du mois de janvier, et j'en avais eu évidemment à la fin de l'année dernière avec tous les partenaires sociaux, on sait que certains ne sont pas demandeurs d'une réforme de l'assurance-chômage, mais je note qu'ils sont tous venus discuter. Cette réforme, je souhaite la mener en allant au bout des discussions avec ces organisations patronales et syndicales, c'est une réforme qui a deux objectifs : lutter contre la précarité avec notamment le recours excessif aux contrats courts, et on voit à quel point c'est pénalisant pour ceux qui vivaient de ces contrats courts, et puis, assurer…, donc c'est un système de bonus-malus qui doit se mettre en place, pour les entreprises, et puis, c'est aussi plus d'équité, parce qu'aujourd'hui, le système n'est pas satisfaisant, vous n'avez pas du tout la même allocation si vous travaillez tous les jours à mi-temps ou un jour sur deux à temps plein, à la fin, vous avez travaillé le même nombre d'heures et vous avez une allocation qui est deux fois moindre quand vous êtes à mi-temps tous les jours. Donc moi, je pense que cette réforme, elle est nécessaire, ensuite, je vous dis…
PATRICK ROGER
C'est ce que vous répondez à l'opposition, il y en a certains qui disent : non, qui vous critiquent en disant : non, non, il faut arrêter, mettre ça entre parenthèses, il y a d'autres urgences…
ELISABETH BORNE
Ecoutez, ceux qui pensent que le système est idéal, ils n'ont pas dû bien le regarder, vous voyez, moi, je pense que notre système, il faut l'améliorer, et c'est l'objectif de cette réforme.
PATRICK ROGER
D'une façon générale, d'ailleurs, pour l'opposition qui vous critique, c'est-ce que vous leur dites, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Je leur dis qu'il y a souvent beaucoup de critiques de gens qui n'ont pas bien regardé ce qu'on fait, et donc en l'occurrence, sur l'assurance-chômage, je vous dis, il y a ces deux objectifs, moins de précarité, plus d'équité, et évidemment, il faut tenir compte du contexte du marché de l'emploi, c'est ce que j'ai proposé aux organisations patronales et syndicales, que les paramètres tiennent compte de la situation du marché de l'emploi.
PATRICK ROGER
Question avec Cécile de MENIBUS, Elisabeth BORNE.
CECILE DE MENIBUS
On voit bien que les variants sont très contagieux, tout le monde le dit, qu'est-ce qu'on attend pour isoler les gens dans des hôtels qui aujourd'hui, eh bien, n'ont pas de fermeture administrative, et qui se meurent faute de clients ?
ELISABETH BORNE
Eh bien, vous savez que les règles sont encore plus strictes quand on a des patients qui sont atteints de l'un des variants, où on a une mobilisation très forte de l'Assurance-maladie pour identifier les personnes qui ont été en contact avec ceux qui sont atteints de variant, et effectivement, la stratégie, elle est bien d'isoler au maximum les personnes qui sont, de façon générale, contaminées par le virus, a fortiori avec le variant. Je crois que les gens préfèrent en général s'isoler chez eux, mais ça peut être aussi une solution.
PATRICK ROGER
Oui, mais ça n'a pas marché ça, c'est un échec, ça, ce système…
ELISABETH BORNE
Eh bien écoutez, je pense que le point qui est important, c'est déjà de convaincre chacun de s'isoler au plus tôt, s'il peut le faire chez lui, je pense que vous et moi, on préférerait être à l'isolement chez nous plutôt que forcément loin de chez nous.
PATRICK ROGER
Vous êtes inquiète par ce qui se passe avec ce variant justement qui arrive aussi dans les écoles, là où on commence à fermer beaucoup d'écoles en ce moment, il est temps que les vacances arrivent ?
ELISABETH BORNE
On est évidemment très vigilant, c'est pour ça que le Premier ministre a annoncé, il y a une dizaine de jours maintenant, qu'on allait renforcer un certain nombre de mesures pour être encore plus vigilant, pour éviter la circulation du virus, ensuite, on regarde jour après jour comment l'épidémie évolue, le nombre de nouveaux cas, les patients en réanimation, il faut être très vigilant, on voit que chez certains de nos voisins, ça a donné lieu à une flambée de l'épidémie. Pour l'instant, ça n'est pas le cas chez nous, mais on est très vigilant.
PATRICK ROGER
Merci Elisabeth BORNE, ministre du Travail de l'Emploi, et de l'insertion, qui était l'invitée ce matin de Sud Radio.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 février 2021