Texte intégral
Monsieur le Président, cher Eric Woerth,
Monsieur le Ministre, cher Olivier Dussopt,
Monsieur le rapporteur général, cher Laurent Saint-Martin,
Mesdames et Messieurs les Députés,
J'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui, avec Olivier Dussopt, le programme de stabilité que nous transmettrons à nos partenaires européens à la fin du mois. Je pense qu'il revêt cette année un caractère tout à fait exceptionnel puisque nous sommes dans une crise qui est la plus importante depuis 1929, qui nous a amenés à faire un certain nombre de choix, de politiques publiques majeurs et c'est l'occasion de revenir sur ces choix et sur les orientations que, avec Olivier Dussopt, nous vous proposons pour les cinq prochaines années.
L'objectif de ce programme de stabilité, c'est d'expliquer aux Français comment pouvons-nous rétablir les finances publiques, à quel rythme, suivant quel calendrier et avec quels instruments. Là-dessus, je préfère faire preuve, comme toujours je l'espère, de clarté.
Nous estimons qu'il ne faudra rétablir des finances publiques que lorsque la croissance sera revenue et que la crise sanitaire sera derrière nous. Je le dis, parce que dans les crises précédentes, quand nous avons voulu rétablir trop rapidement les finances publiques, nous avons bloqué le redémarrage de la croissance et affaibli la zone euro.
La première question est donc celle du calendrier et elle est absolument décisive. Je veux qu'il soit clair pour tous les Français que le rétablissement des finances publiques doit se faire une fois que l'économie a redémarré, sans quoi nous risquons de remettre en cause le redémarrage de cette économie.
Deuxième élément sur lequel je veux insister, c'est que ce rétablissement des finances publiques est nécessaire. D'où la proposition que nous faisons de ralentir la croissance des dépenses publiques en volume à 0,7 % en moyenne par an sur les cinq prochaines années.
Pour donner une idée de ce que cela représente, parce que c'est un effort qui est important, dans les années 2000 nous avions en moyenne une croissance des dépenses publiques en volume de l'ordre de 2%. Elle a été abaissée ensuite autour de 1%. Donc ces 0,7%, c'est le chiffre le plus ambitieux que nous pourrions nous fixer en termes de limitation de la croissance des dépenses publiques en volume depuis 20 ans. Mais c'est une tendance de fond qui je crois est une tendance saine à la meilleure maîtrise des finances publiques qu'avec Olivier Dussopt nous voulons poursuivre.
Le troisième élément sur lequel je veux insister, c'est que le choix politique essentiel, il est entre le rétablissement des finances publiques ou l'augmentation des impôts. Il est entre cette maîtrise des finances publiques que nous vous proposons avec le président de la République et le Premier ministre ou l'augmentation des impôts.
Tout n'est pas possible et nous ne pouvons pas expliquer aux Français que nous pouvons à la fois laisser filer la dépense publique dans les cinq prochaines années, renoncer au rétablissement des finances publiques, renoncer au désendettement du pays et ne pas augmenter les impôts. C'est un mensonge. Donc que chacun assume ses responsabilités.
On peut vouloir augmenter les impôts mais nous y sommes totalement opposés. On peut vouloir rétablir les finances publiques en maîtrisant la croissance des dépenses publiques et c'est ce que nous proposons. Mais on ne peut pas dire qu'on va laisser filer la dépense publique et augmenter l'endettement des Français sans augmenter les impôts.
Je crois que l'intérêt de notre débat, c'est de poser des choix extrêmement clairs devant les Français. Sur ce point des impôts d'ailleurs, je tiens à préciser au passage que je vois beaucoup d'articles fleurir ici ou là sur la France qui serait en décalage avec ses grands partenaires mondiaux, États-Unis, Grande-Bretagne, sur les impôts.
La réalité, c'est que le décalage est là depuis 30 ans. La France est en décalage avec tous les pays développés sur son montant de prélèvements obligatoires. Elle a le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de tous les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Là, elle est effectivement en décalage.
La réalité, c'est que nous avons un taux moyen d'imposition en France, un taux de prélèvements obligatoires, qui est de 44% de notre richesse nationale. Là, nous sommes en décalage.
La réalité, c'est que le niveau moyen de prélèvements obligatoires en France est de 12 points supérieurs à la moyenne des pays développés de l'OCDE. Là, nous sommes en décalage.
Alors quand chacun s'ébahit en disant " regardez la Grande-Bretagne, ils augmentent leur taux d'impôt sur les sociétés et donc la France est en décalage " sont dans le faux. La réalité, c'est que le Royaume-Uni était à 19% de taux d'impôt sur les sociétés et qu'ils vont l'augmenter à 25 ; que la France, elle, était à 33, qu'elle va le ramener à 25. Donc il n'y aura pas décalage, il y aura convergence.
Les chiffres sont les chiffres et ils sont aussi têtus que les faits. Donc, de ce point de vue-là, je tiens à insister sur le fait que les choix que nous avons faits avec le président de la République, de réduction de la fiscalité, de réduction de la pression fiscale sur les Français, de suppression de la taxe d'habitation, de réduction du montant de l'impôt sur le revenu, de réduction de l'impôt sur les sociétés qui va être ramené de 33,3 à 25% ne font que nous ramener dans le haut de la fourchette des pays de l'OCDE en termes de prélèvements obligatoires.
C'est un point, je crois, très important car le sujet de l'imposition est évidemment essentiel pour nos compatriotes. Nous ne voulons pas augmenter les impôts et c'est pour cela que nous faisons le choix de la maîtrise des dépenses publiques.
La priorité, je le redis, c'est la relance de notre économie. Notre stratégie globale tient en trois étapes : protéger, relancer, puis rétablir les finances publiques. C'est dans cet ordre-là, et dans cet ordre-là seulement que nous concevons notre stratégie économique et financière.
Protéger d'abord. Nous l'avons fait massivement, je ne reviens pas là-dessus. Vous le savez, les Français le savent, nous avons protégé les emplois, protégé les compétences, protégé les entreprises et nous sommes l'un des pays européens qui a le mieux et le plus protégé son économie.
Nous continuerons à le faire tant que les règles sanitaires nous l'imposent et je veux aussi être très clair sur le fait que nous ne retirons ces aides que progressivement, il n'est pas question de retirer brutalement à un restaurateur, à un hôtelier, à un commerçant, des aides dont il a besoin pour reprendre son activité. La réduction des aides ne se fera donc que progressivement.
Le deuxième temps, c'est la relance. Sur cette relance, nous avons pris de l'avance par rapport à nos partenaires européens. Sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, nous avons déjà engagé 30 milliards d'euros.
Certaines politiques marchent particulièrement bien. Je pense à la rénovation énergétique des bâtiments. Nous avons fait au premier trimestre autant de rénovation énergétique et autant de primes Renov' que sur l'intégralité de l'année 2020.
Le soutien à l'apprentissage est aussi, je pense, une politique qui devrait réjouir tous les députés, quelle que soit leur appartenance politique et nous avons fait près de 500 000 apprentis l'année dernière grâce au soutien à l'apprentissage. Je crois que c'est une bonne chose pour le pays, quelle que soit notre affiliation politique, que l'apprentissage, enfin, commence à se développer dans notre pays.
Nous avons également sur la digitalisation des entreprises PME industrielles, des succès qui sont considérables et qui montrent d'ailleurs l'attente des PME industrielles pour la digitalisation, puisque nous avions prévu 280 millions d'euros sur cette politique et que nous aurons près d'un milliard d'euros finançant la modernisation, la digitalisation des PME qui sont déjà engagées.
La relance nationale est engagée. Elle marche vite, elle marche fort. Le seul sujet que nous avons désormais, vous le savez, c'est d'obtenir les crédits européens qui représentent 40 milliards sur les 100 milliards du plan de relance.
Le troisième temps, ce sera donc, comme je l'indiquais le rétablissement des finances publiques quand les conditions économiques le permettront et que la croissance sera revenue. Ma conviction, c'est que ce rétablissement des finances publiques suppose d'abord la meilleure maîtrise des finances publiques, la meilleure maîtrise de la dépense publique dont je viens de vous parler.
Pouvons-nous le faire à règle constante ? Ma conviction est que non. Pouvons-nous le faire en adoptant chaque année une règle contraignante, mais qui est une règle annuelle, tout en ayant une règle sur plusieurs années qui ne soient qu'indicatives ? Ma conviction est que non.
Si nous voulons vraiment maîtriser notre dépense publique, c'est-à-dire nous donner la possibilité de faire des choix, des vrais choix politiques, telle politique publique, nous allons la soutenir. Telle politique publique nous paraît moins pertinente. Donc, nous allons réduire les crédits. Nous estimons que l'hôpital est prioritaire, avec le Ségur de la santé, nous rajoutons des crédits pour l'hôpital. En revanche, telle autre politique, nous estimons que les moins prioritaires et nous allons réduire des crédits.
Si nous voulons tenir ces engagements politiques devant les Français, il ne faut pas chaque année prendre les décisions. Il faut qu'une décision soit prise pour les cinq années qui viennent et que cette décision soit un cadre contraignant pour les élus que nous sommes. Je suis donc favorable à une règle pluriannuelle pour définir un objectif de dépenses publiques en cinq ans.
Je me félicite de la prochaine proposition de loi organique qui va être préparée par le président Eric Woerth et par le rapporteur général Laurent Saint-Martin, qui, je pense, va nous permettre précisément de moderniser et de renforcer la gouvernance de nos finances publiques. Je pense que c'est une étape majeure dans la direction de la meilleure maîtrise de nos dépenses publiques.
La deuxième chose qui permet précisément cette meilleure maîtrise de la dépense publique, c'est les réformes de structure. Je reste favorable à la poursuite de transformations de notre pays qui doivent nous permettre de financer notre modèle social.
Je suis évidemment favorable à la modification de l'assurance chômage telle qu'elle a été proposée par Elisabeth Borne et qui permet de mettre un terme à l'incitation aux contrats courts et je reste favorable également à une réforme des retraites qui doit permettre collectivement à la nation française d'avoir un nombre d'heures de travail plus important pour financer notre modèle de protection sociale et garantir la pérennité de notre système de retraite par répartition auquel je suis fondamentalement attaché.
Enfin, la troisième condition pour réussir cette maîtrise de la dépense c'est d'avoir des règles communes pour assurer la cohésion de la zone euro. Mais ces règles doivent être pertinentes et s'il y a une règle qui à mon sens, mérite d'être révisée, c'est principalement l'objectif d'endettement de 60 % du PIB qui est aujourd'hui la règle pour l'ensemble des 19 États membres de la zone euro.
Cette règle pouvait avoir une pertinence avant les crises successives que nous avons connues, la crise financière de 2008, puis la crise séculaire que nous venons de connaître avec la Covid-19. Mais quand, dans une même zone monétaire, vous avez des États qui vont avoir 60 ou 65% d'endettement public, l'Allemagne et d'autres qui vont avoir 160 % d'endettement public, l'Italie 100 points d'écart. Je pense que la pertinence de cette règle de 60 % d'endettement par rapport à la richesse nationale mérite d'être reconsidérée.
Cela fera l'objet de débats entre ministres des Finances de la zone euro le moment venu. Nous avons déjà des discussions entre nous. Les débats formels viendront plus tard et je pense qu'il est important que nous profitions de ce débat sur les règles du Pacte de stabilité pour nous interroger aussi sur la stratégie économique et la coordination des politiques économiques qui doit être au coeur de la zone euro.
Ma conviction, c'est que la zone euro, au-delà de ces sujets de règles d'endettement ou de dépense publique, doit surtout être capable de définir une nouvelle stratégie économique en visant d'abord plus de croissance.
Avant le respect des règles, il y a d'abord la nécessité d'apporter plus de croissance à l'ensemble de la zone euro. Je ne vois pas pourquoi le continent chinois ou le continent américain se fixerait des ambitions en termes de prospérité et de création de richesse, d'innovation, de financement des technologies et que nous, notre seule ambition serait le respect de pourcentage ou de règles.
Je pense que la première des ambitions européennes doit être de retrouver la prospérité pour tous nos concitoyens.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 21 avril 2021