Interview de Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, à RTL le 15 avril 2021, sur la reprise du service national universel (SNU) en 2021 avec la participation de 25 000 jeunes.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Sarah El Haïry - Secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement

Texte intégral

ALBA VENTURA
Bonjour Sarah El HAIRY et bienvenue sur RTL…

SARAH EL HAIRY
Bonjour.

ALBA VENTURA
Vous avez 31 ans. Vous êtes entrée au gouvernement en juillet dernier. Vous êtes franco-marocaine. On va revenir tout à l'heure sur votre parcours. Mais d'abord, le SNU, le Service National Universel, malgré le Covid, vous avez décidé de donner un grand coup d'accélérateur à ce service national. On va passer de... c'était 2.000 jeunes en 2019, alors 2020, ça a été un peu spécial, en raison de l'épidémie, et là, c'est 25.000 jeunes dans tous les départements, c'est pour le mois de juin. Vous êtes prêt, prête ?

SARAH EL HAIRY
Oui, Madame VENTURA. Nous sommes prêts parce qu'il y a une envie, parce que, pour les auditeurs, peut-être, rappeler c'est quoi le SNU en quelques mots, alors le SNU, on l'appelle maintenant un peu comme ça, mais c'est le service national universel. C'est un mois partagé en deux temps, 15 jours, les premiers 15 jours, on appelle ça un séjour de cohésion, on a des jeunes entre 15 et 17 ans qu'on va réunir dans un internat ou dans un centre de vacances, et qui vont faire du sport ensemble, lever le drapeau, chanter la Marseillaise, apprendre les gestes de premiers secours, ils vont vivre ensemble quelque chose de collectif. Ensuite, il y a 15 jours qui va être une mission d'intérêt général, ça veut dire qu'ils vont s'engager dans une association ou dans une collectivité, mais ils vont apporter au collectif, ils vont rejoindre la SPA, aider les banques alimentaires, ou bien rejoindre par exemple la gendarmerie ou les pompiers. Et du coup, ils vont faire, faire sur leur territoire, et ces deux 15 jours, eh bien, ils se complètent pour permettre, eh bien, de renforcer notre cohésion sociale, notre vivre ensemble, mais surtout, Madame VENTURA, créer des rencontres d'une jeunesse qui ne se voit plus, qui ne se croise plus, un jeu de Nantes, de chez moi, un jeune d'Aurillac ou un jeune de Guéret ou de Paris va avoir l'occasion, eh bien, de vivre quelque chose en commun.

ALBA VENTURA
Alors, c'est ça, c'est partout en France, juste quelques questions pratiques, et on va revenir sur le SNU, combien de jeunes sont déjà inscrits, là, pour le mois de juin, parce que je rappelle que le premier stage, c'est du 21 juin au 2 juillet.

SARAH EL HAIRY
Exactement, 21 juin au 2 juillet, les inscriptions sont ouvertes jusqu'au 30 avril, « snu.gouv.fr », et on est quasiment aux 25.000, il reste quelques jours à peine et quelques places.

ALBA VENTURA
D'accord. Et donc c'est sur la base du volontariat ?

SARAH EL HAIRY
Tout à fait, pour le moment, sur la base du volontariat, pas de règle de diplômes, pas de règle de parcours, il faut juste avoir entre 15 et 17 ans, qu'on soit en lycée pro, en décrochage, en lycée général, en apprentissage, peu importe, il faut juste avoir entre 15 et 17 ans, être Français, et aller s'inscrire.

ALBA VENTURA
Et ça deviendra obligatoire par la suite ?

SARAH EL HAIRY
C'est le projet du président de la République. Dès 2017, nous l'avons dit, la volonté qui est la nôtre, c'est obligatoire pour 800.000 jeunes, et donc là, toute une génération, toute une classe d'âges.

ALBA VENTURA
Et les familles ne paient rien, c'est gratuit ?

SARAH EL HAIRY
C'est extrêmement…

ALBA VENTURA
Enfin, c'est gratuit, c'est l'Etat qui prend en charge…

SARAH EL HAIRY
Non, mais vous avez raison, c'est extrêmement important comme question, parce qu'elle revient, vous savez, quand j'en parle à des jeunes, des fois, ils me disent : oui, mais combien ça coûte, mais avec beaucoup de jeunes, parce qu'il y a d'autres jeunes autour, non, ça ne coûte rien aux familles, c'est 63 millions d'investissement de l'Etat, et c'est l'Etat qi porte cette politique, c'est peut-être la naissance d'une politique jeunesse, structurante pour les 15 prochaines années. Mais ça ne coûte rien aux familles, depuis le déplacement de la maison, c'est-à-dire qu'on prend en charge le transport depuis la maison, jusqu'au centre, la nourriture, l'uniforme, l'hébergement…

ALBA VENTURA
Alors, ils ont l'uniforme ?

SARAH EL HAIRY
Oui, l'uniforme, un outil qui va permettre de créer, vous savez, ce sentiment d'unité et d'appartenance à un collectif, mais surtout, qui va gommer les inégalités sociales de ces jeunes pour qu'ils puissent vivre intensément cette aventure.

ALBA VENTURA
Si je dis qu'on est entre le service militaire édulcoré, une colo et une mission d'intérêt général, j'ai juste ou pas tout à fait ?

SARAH EL HAIRY
Moi, ça me faire sourire, parce qu'en fait, moi, j'aime bien dire : ce n'est ni la colo, ni l'armée, ni l'école, mais c'est le meilleur des trois. Alors pourquoi je dis ça, parce que, oui, il y a des corps en uniforme, donc il y a des militaires, et on garde le meilleur du service militaire de l'époque. C'est quoi, c'est le fait de rencontrer des gens qu'on ne connaît pas, c'est aussi accompagner des jeunes qui ont besoin par exemple, vous savez, pendant le service militaire, il y avait des tests de santé, eh bien, il se trouve qu'en 2019, il y avait une jeune fille qui était venue, et qui ne voyait pas de loin, mais, en fait, personne ne s'en était presque rendu compte. Et grâce au SNU…

ALBA VENTURA
Donc vous leur faites passer des tests comme ça de la vision…

SARAH EL HAIRY
Tout à fait…

ALBA VENTURA
Ou pour l'illettrisme…

SARAH EL HAIRY
Exactement, et après, on les guide et on les accompagne, parce que beaucoup de nos jeunes ont des difficultés et ne savent pas qu'ils peuvent bénéficier du soutien de notre pays. Et c'est comme ça qu'on l'a juste équipée de lunettes, et ça allait mieux après. C'est juste un exemple. Ça, c'est pour la partie service militaire. Alors, sur la partie colo, c'est le temps collectif, c'est l'apprentissage du débat, de la liberté d'expression, c'est tous ces temps-là, et après, sur l'école, on apprend plein de choses, dont par exemple les gestes de premiers secours.

ALBA VENTURA
Simplement, le président était hier en déplacement dans une unité psychiatrique pour enfants et adolescents, au CHU de Reims, éventuellement, détecter des états légèrement dépressifs, c'est aussi un des objectifs ?

SARAH EL HAIRY
Toutes les difficultés, toutes les fêlures, oui, elles seront accompagnées par ce SNU. Et juste peut-être sur un seul point, tous les centres ont une infirmière et des personnels formés. C'est vraiment des professionnels qui vont encadrer ces enfants, parce que ce sont des enfants, même si ce sont des adolescents bouillonnants, ce sont des enfants, dans une année où ils ont beaucoup besoin de lien social, d'échanges, et peut-être de refaire des choses ensemble.

ALBA VENTURA
Sur le plan sanitaire, est-ce qu'ils vont devoir faire un test PCR avant d'y aller…

SARAH EL HAIRY
Alors, vous savez, la question du test PCR va arriver au dernier moment, c'est-à-dire, en juin, l'année dernière, on a pu faire toute les colonies de vacances sans les questions de tests PCR, mais pour rassurer vraiment les parents, et je pense que c'est extrêmement important, on a des protocoles extrêmement renforcés, puisqu'on a construit cette édition, cette promotion en ayant conscience de la Covid, et donc on a des centres hyper grands, avec beaucoup d'espace, on a pris des centres avec beaucoup de lits, et mis beaucoup moins de jeunes dedans ; enfin, on a pris des précautions.

ALBA VENTURA
Est-ce que vous allez pouvoir tester leur adhésion au vaccin, parce qu'on voit bien qu'à cet âge-là, ils croient en toutes les fake news qui circulent sur les réseaux sociaux ?

SARAH EL HAIRY
Je crois que ce SNU, il va permettre de beaucoup parler aussi, parce qu'il y a un temps qui s'appelle vraiment temps d'expression et démocratie interne, donc c'est des temps d'échanges. Et vous savez, cette génération-là, elle vit toutes les transitions, mais elle vit aussi tous les dangers, les dangers d'Internet, les dangers des réseaux sociaux, et on va les outiller, donc évidemment, sur les questions de vaccin, ça arrivera, je pense, dans le débat, c'est normal, puisque les jeunes, des fois, ils me disent : je me souviens d'échanges où ils me disent : mais Madame, comment ça va se passer avec le Covid, est-ce qu'on doit garder nos masques, est-ce qu'on pourra aller faire du sport, et ça veut dire que les touche, ça impacte leur construction. Et donc oui, je crois qu'il faudra les lever, et peut-être aussi répondre à comment on construit une fake news ou une deepfake. Alors, c'est quoi une deepfake, vous savez, c'est des vidéos qui font des montages et après, vous ne savez plus trop ce que c'est. Et peut-être lever cette défiance, parce qu'on est au temps du complotisme pour une partie des infos, et donc leur donner les moyens de déconstruire peut-être les informations qu'ils ont, en tout cas, de prendre de la distance.

ALBA VENTURA
Alors, je le disais tout à l'heure, vous êtes passé de 2.000 jeunes, au tout début, là, vous allez en accueillir 25.000, parmi les 2.000 jeunes, ils étaient plutôt issus de familles engagées, on sait qu'un tiers étaient issus de familles de militaires. 25.000, c'est tout autre chose. Vous vous attendez à être challengé, défié, je ne sais pas, refus de chanter la Marseillaise, demande de menus confessionnels ou des jeunes qui peuvent reparler des caricatures et dire pourquoi ils y sont opposés. Vous vous attendez à ça ?

SARAH EL HAIRY
Oui, Madame VENTURA…

ALBA VENTURA
Vous avez prévu ça ?

SARAH EL HAIRY
Bien sûr, mais pour plusieurs raisons, quand vous avez entre 15 et 17 ans, vous êtes adolescent, vous êtes au moment où vous bousculez peut-être l'autre, vous avez des convictions extrêmement fermées ou extrêmement fermes, vous venez chercher des fois où frotter, vous savez, l'éducation de vos parents, nous, on a une jeunesse qui a besoin de repères, on a une jeunesse qui a besoin de cadre, et c'est pour ça qu'on a des corps en uniforme, des éducateurs, des animateurs, des médiateurs, et des enseignants. Et finalement, l'idée du SNU, c'est de reposer un cadre, reposer des règles, faire ensemble. Et donc, si on est demain challengé par exemple sur nos symboles, la Marseillaise, sur le drapeau, sur les questions de religions, eh bien, ils seront accompagnés, il ne faudra pas fermer la porte, au contraire, mais 25.000 jeunes, c'est quoi, c'est une photographie de notre pays. C'est une photographie d'une génération. Et c'est pour ça que je suis partie aussi chercher des jeunes qui n'étaient peut-être pas présents au premier, vous avez raison, au premier CNU, on est parti dans les quartiers populaires, aller chercher des jeunes, je suis partie dans des maisons, des MFR, des Maisons Familiales Rurales…

ALBA VENTURA
Vous faites un tour de France…

SARAH EL HAIRY
Volontairement, pour aller chercher des jeunesses différentes pour qu'elles vivent et qu'elles apprennent à casser, vous savez, les stéréotypes qu'elles ont les unes des autres.

ALBA VENTURA
Je sais que ce ne sont pas des questions qui vous font peur, la laïcité, la religion, vous avez été confrontée à plus d'une centaine de jeunes à Poitiers, c'était peu après la mort de Samuel PATY, dans le cadre d'une rencontre organisée par la fédération des centres sociaux. Vous avez été prise à partie sur le sujet des discriminations, 130 jeunes. Vous avez dit : mon devoir, ce jour-là, en tant que ministre de la République, c'est de leur expliquer en quoi leurs propos et leurs demandes n'étaient pas adaptés à notre pacte républicain. La République, ce n'est pas à la carte. Qu'est-ce que vous vous êtes dit au moment où vous étiez prise à partie ?

SARAH EL HAIRY
Que la France est une chance, que j'en ai conscience, mais que pour une partie de notre jeunesse, elle ne le sait plus. Et qu'il fallait lui refaire vivre la France, la République, se rendre compte que, mais bon sang, on a un des plus beaux pays au monde, et que cette colère, elle doit être apaisée, et comment on apaise de la colère, eh bien, en regardant l'autre, en étant confronté à l'autre. C'est pour ça que le SNU, ça va être ce temps de rencontres, où on va sortir de chez soi, où on va voir des jeunes qui... pourquoi, un jeune va chanter cette Marseillaise au point d'avoir, vous savez, de l'émotion, et un autre, eh bien, va la siffler…

ALBA VENTURA
Ce jour-là, vous vous êtes mise debout et vous avez chanté la Marseillaise, tout le monde ne vous a pas suivie.

SARAH EL HAIRY
Oui, non. Mais je l'ai chantée, parce que c'est notre dénominateur commun, parce que je crois que nous avons le devoir, dans une période où notre pays, il est très bousculé, où il y a des puissances étrangères qui essaient de nous fragiliser, entre autre, de fragiliser notre pacte social, qui bousculent notre laïcité, eh bien, de rappeler que chez nous, dans notre pays, la laïcité, ce n'est pas contre les religions, ce n'est pas quelque chose de violent, c'est quelque chose qui nous permet, eh bien, finalement, que chacun trouve sa place, et chacun de nos jeunes a sa place dans notre pays, par contre, il doit respecter le pacte collectif.

ALBA VENTURA
Pour vous, l'attitude de ces jeunes, j'imagine, est à mille lieux de votre rapport à la France. Je rappelle, vous êtes franco-marocaine, vous êtes née à Romorantin, dans le Loir-et-Cher, mais vous avez aussi vécu au Maroc, vos parents sont marocains, et vous avez vécu un drame aussi à l'adolescence, à Casablanca, Sarah El HAIRY.

SARAH EL HAIRY
C'est juste, il se trouve que mes deux parents sont nés au Maroc, que je suis née dans le Loir-et-Cher, et c'est vrai que c'est un département que du coup, je partage avec Marc FESNEAU et Jacqueline GOURAULT, qui sont également au gouvernement, mais c'est une anecdote du mouvement démocrate, du MoDem, c'était une anecdote interne. Mais il se trouve que, oui, quand je vivais au Maroc, il y a eu des attentats qui ont bousculé Casablanca, et un des lieux qui a subi un attentat était le restaurant de mes parents, et c'était un jeune, c'était un jeune qui est venu perdre la vie en voulant prendre la vie d'autres. Et j'ai compris, ça nous a bousculés, enfin, on est revenus, on est rentrés, parce que, du coup, quand tu ne te sens plus en sécurité, tu as besoin de rentrer à la maison, et la maison, c'est la France. Eh bien, j'ai compris que ce combat-là était nécessaire, qu'il ne fallait absolument jamais laisser l'espace à la haine ou à la colère. Par contre, pour ne pas laisser d'espace, il faut des repères, il faut un cadre, il faut du commun, et il faut se lever, chanter une Marseillaise, quand elle est bousculée, et c'est pour ça que ce service national universel, d'une certaine manière, c'est recréer de la rencontre, accompagner, mais de la rencontre.

ALBA VENTURA
Sarah El HAIRY, la marque EVIAN, l'eau d'EVIAN, qui appartient à DANONE, a publié un tweet mardi. Retweetez si vous avez déjà bu un litre d'EVIAN aujourd'hui, tous les médecins le recommandent, il faut boire un litre à un litre et demi par jour. Ça paraît assez banal dit comme ça, sauf que mardi, c'était le début du ramadan, synonyme de jeûne, pas de boisson, pas de nourriture. Et EVIAN s'est fait accuser de racisme sur les réseaux sociaux. Et le pire, c'est que, EVIAN s'est excusé. On marche sur la tête ?

SARAH EL HAIRY
Non, mais c'est totalement scandaleux, enfin, je veux dire, il faut juste revenir un peu et reprendre un peu de hauteur, une entreprise qui vend de l'eau, qui fait de la pu pour de l'eau, s'excuse, mais c'est absolument dingue, c'est dingue, et en même temps, ça dit quelque chose de notre pays, Twitter n'est pas la vraie vie, Twitter n'est pas la vraie pensée des Français. Il se trouve que sur Twitter, il y a une sorte de sphère d'islamo-gauchistes, qui, volontairement, poussent à la repentance, à la victimisation, et ont réussi à faire douter EVIAN, c'est ça qui est dingue ! Et moi, franchement, j'en suis triste, en fait, de ces excuses, parce que, oui, dans notre pays, on fait de la publicité, et quand on est une entreprise d'eau, eh bien, oui, on vend de l'eau, et personne n'a besoin de se sentir offensé. C'est bien ça le sujet, sauf qu'ils se sont excusés, et c'est bien dommage.

ALBA VENTURA
Merci pour vos propos, Sarah El HAIRY. Bonne continuation avec le SNU.

YVES CALVI
La France est une chance, j'en ai conscience. Toute notre jeunesse ne le sait pas, voilà pourquoi la ministre, chargée de la Jeunesse et de l'engagement, relance le service national universel. Vous avez entre 15 et 17 ans, ça se passe sur le SNU, le site « snu.gouv.fr », et ils seront 25.000 cette année. Merci beaucoup. Vous m'avez presque donné envie de refaire mon service.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 avril 2021