Texte intégral
Mme la présidente.
L'ordre du jour appelle le débat sur la situation des entreprises touchées par la crise de la covid-19.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement, et nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
(…)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
M. Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Depuis le début de cette crise sanitaire, deux convictions ont guidé l'action de Bruno Le Maire et la mienne. La première est que l'économie française est forte et a une formidable capacité de rebond. C'est ce qui a justifié le choix du Président de la République du " quoi qu'il en coûte ", afin de protéger nos entreprises et nos salariés, et le déploiement d'un plan de relance de 100 milliards d'euros, dont 30 milliards ont déjà été engagés.
Madame Rabault, l'objectif que nous visons avec le plan de relance est bien de relocaliser et d'accompagner les transformations. Le Président de la République l'a dit : peut-être y aura-t-il un deuxième temps de la relance et nous envisagerons, le moment venu, la façon d'aller plus loin. Nous ne céderons pas aux sirènes des alarmistes qui capitulent et qui annoncent l'effondrement de l'économie française. Celle-ci a une formidable capacité de rebond, comme elle l'a démontré au premier trimestre de cette année en enregistrant une croissance de 0,4% – à comparer avec les baisses de 1,7% en Allemagne, de 0,5% en Espagne et de 0,4% en Italie.
Notre deuxième conviction guide l'objectif que Bruno Le Maire et moi-même nous sommes fixé depuis plusieurs mois : toute entreprise saine avant la crise doit être prête pour la reprise, grâce au soutien de l'État. Nous ne sommes pas encore au bout du chemin, mais je puis vous assurer que le Gouvernement répondra présent pour accompagner les entreprises, y compris en période de reprise.
Face à la dégradation de la situation sanitaire en France depuis le début du mois d'octobre, le Gouvernement a continuellement adapté son action pour répondre à la situation des entreprises. En six mois, le plan tourisme a été élargi à plusieurs reprises, englobant aujourd'hui soixante-dix-huit secteurs d'activité en liste S1 et 122 en liste S1 bis . Grâce à une mobilisation de tous les instants, notamment des élus dans leurs territoires, nous avons pu identifier les manques – ces fameux " trous dans la raquette " – et essayer d'y remédier de façon très méthodique et précise. Avec les dispositifs d'aide que sont le fonds de solidarité – dont 94% des moyens ont été dédiés aux plus petites entreprises –, les prêts garantis par l'État, accordés à plus de 660 000 entreprises – dont 95% ont moins de vingt salariés –, les exonérations de charges sociales et le chômage partiel, nous avons su nous adapter à toutes les entreprises touchées par la crise. Je pense en particulier à celles du secteur de la montagne ou aux établissements thermaux, mais aussi aux entreprises de loisirs en salle, aux autocaristes, aux grossistes en boissons et à bien d'autres encore. La diversité de notre tissu économique est vaste et le Gouvernement a su s'accorder au mieux aux spécificités de chacun.
Notre volonté de répondre au mieux aux besoins des acteurs économiques nous a notamment conduits à apporter des réponses spécifiques, par exemple en ce qui concerne les stocks des entreprises des secteurs de l'habillement, de la chaussure, de la maroquinerie et des articles de sport. En effet, à la fin des soldes d'hiver, j'avais été saisi par de nombreux commerçants ayant accumulé des stocks plus importants que l'an passé et manquant de possibilités de les écouler en raison de la nature saisonnière des produits. Pour remédier à cette situation, nous avons annoncé une aide forfaitaire représentant 80 % du montant de l'aide perçue au titre du fonds de solidarité du mois de novembre 2020, qui bénéficiera à plus de 36 000 entreprises de moins de cinquante salariés, pour un montant moyen avoisinant 6 000 euros par commerce. L'entreprise n'aura pas besoin de renseigner un formulaire. Nous avons voulu faire rapide et simple : le versement sera automatiquement effectué par la direction générale des finances publiques (DGFIP) dès le 25 mai.
Je profite également de cette tribune pour revenir sur deux sujets sur lesquels j'avais été directement interpellé par de nombreux parlementaires. Le premier concerne les commerces multiservices. Plusieurs d'entre vous m'avaient sollicité au sujet de leur problématique, qui n'est pas facile à résoudre. Nous avons donc travaillé et abouti à un dispositif visant à aider ces entreprises durant la crise en compensant tout ou partie de la perte de chiffre d'affaires de l'activité fermée. Le second sujet, sur lequel nous avons aussi eu l'occasion de travailler depuis quelques semaines, est celui des transmissions d'entreprises. Le décret relatif au dispositif de prise en charge des coûts fixes des entreprises ayant racheté un fonds de commerce qui a été fermé administrativement sera signé dans les prochains jours. Les établissements concernés pourront déposer leur demande d'aide dès le mois de juin. (M. Christophe Blanchet applaudit.)
Mesdames et messieurs les députés, il me semble que l'État a su agir et réagir tout au long de la crise. Nos fils conducteurs ont été la rapidité et l'adaptabilité aux besoins des entreprises. À titre d'exemple, pour le mois de mars, près de 400 000 entreprises ont reçu les crédits du fonds de solidarité depuis l'ouverture du guichet le 20 avril. En résumé, l'État a mis en paiement plus de 2 milliards d'euros en moins de deux semaines. Je rappelle qu'entre le 4 et le 28 décembre 2020, plus de 500 000 entreprises avaient perçu près de 5 milliards d'euros du fonds de solidarité au titre du mois de novembre. Je tiens d'ailleurs à cette occasion à remercier les agents de la Direction générale des finances publiques, ainsi que ceux de la Direction générale des entreprises (DGE), en central comme dans les territoires, pour le travail quotidien qu'ils assurent.
Cette rapidité est, je le crois, soutenue et reconnue par de nombreux acteurs de l'économie. Le rapport intermédiaire de Benoît Coeuré a ainsi rappelé que les mesures de soutien aux entreprises ont été rapidement mobilisées ; la réactivité des autorités publiques ainsi que la facilité de recours aux dispositifs font globalement l'objet d'une appréciation très favorable. Le rapport souligne également que les dispositifs ont été adaptés et élargis pour prendre en compte les cas particuliers.
Ainsi, on observe une baisse de près de 40 des défaillances d'entreprises en 2020. Lors de la reprise de l'activité, nous devrons naturellement veiller à la solvabilité des entreprises et au remboursement de leur emprunt, car nombre d'entre elles craignent de ne pouvoir assumer leurs dettes. Nous étudierons le moyen de les accompagner dans la durée pour le remboursement de leur PGE.
Alors que le Président de la République a présenté un calendrier de réouverture, j'entends la préoccupation de certains secteurs qui ne pourront reprendre une activité normale dès la levée des restrictions sanitaires : je pense au secteur de l'événementiel, aux discothèques ou encore aux restaurants et aux hôtels dépendant du tourisme international, en particulier à Paris. Je vous confirme que le Gouvernement sera aux côtés de chacun de ces secteurs.
J'aimerais aussi répondre à Mme la députée Thill : les acteurs du bâtiment – la semaine dernière la CAPEB, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, et cet après-midi la FFB, la Fédération française du bâtiment – nous ont alertés sur les sujets que vous avez évoqués. Concernant le coût des matériaux, leurs représentants nous ont fait des propositions auxquelles nous répondrons dans les prochains jours. Nous analysons la situation secteur par secteur. Cette semaine, Bruno Le Maire et moi-même recevrons les représentants d'une douzaine de branches concernées par la reprise pour étudier ce que nous pouvons faire avec chacune d'entre elles et répondre à leurs attentes. Nous prolongerons le fonds de solidarité dans sa forme actuelle pour le mois de mai, puis nous l'adapterons pour indemniser partiellement les pertes de chiffre d'affaires même lorsqu'elles n'atteignent pas 50% du chiffre d'affaires mensuel. Cette mesure d'accompagnement incitera les entreprises rouvrant avec une jauge contrainte à reprendre leur activité.
Pour les exonérations de cotisations, nous maintenons le dispositif actuel au mois de mai. Ce mécanisme sera maintenu autant que nécessaire pour les entreprises soumises à une fermeture administrative. À compter du mois de juin, il évoluera lui aussi pour s'adapter à un contexte de reprise d'activité. Quant au dispositif de l'activité partielle, qui est mieux adapté à une période de crise que de reprise, il sera adapté pour accompagner la reprise progressive de l'activité.
Tout au long de cette semaine, Bruno Le Maire, Élisabeth Borne, Jean-Baptiste Lemoyne et moi-même consulterons l'ensemble des professionnels touchés par la crise, afin d'aborder le sujet des protocoles de réouverture par étapes et des aides qui en découleront. Notre manière de fonctionner avec les élus et les entreprises a toujours consisté à écouter, analyser et réagir. À l'issue des concertations, nous préciserons dans les prochains jours les paramètres envisagés pour l'évolution des différents dispositifs. Je crois en la capacité d'adaptation non seulement de notre tissu économique, mais aussi de nos concitoyens. Nous parviendrons à la fin de la crise sanitaire grâce à notre capacité à nous réinventer quotidiennement.
L'adaptation aux problématiques des entreprises a constitué le fil conducteur de l'action économique du Gouvernement. L'État a su accompagner au mieux chaque secteur d'activité. Actuellement, près de 90 % des entreprises françaises fonctionnent normalement, en dépit des restrictions sanitaires. Notre objectif, qui est essentiel, est bien sûr d'accompagner les 10% d'entreprises qui restent, comme nous l'avons fait depuis le début de la crise.
Monsieur Forissier, vous avez souhaité que nous osions prendre des décisions. Or nous avons pris des décisions courageuses. Il faudra en prendre d'autres et c'est ce que nous ferons le moment venu, dans les prochaines semaines. Je présenterai en particulier au Premier ministre et au Président de la République un plan dédié aux indépendants, qui représentent 3 millions d'entreprises. Je proposerai des mesures relatives à la protection, notamment sociale, à la simplification, à la transmission d'entreprise – que vous avez citée –, aux conjoints collaborateurs et aux défaillances d'entreprises. Il est normal que nous permettions aux indépendants de travailler dans les meilleures conditions possibles. Il est temps qu'à l'occasion de cette crise, nous prenions des mesures qui sont attendues depuis très longtemps et qui correspondent à leur mode de fonctionnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
Mme la présidente.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes sans droit de réplique.
La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane Viry (LR).
Vous avez déjà répondu, monsieur le ministre délégué, à certaines questions posées dans le cadre de ce débat. Proposé par le groupe Les Républicains, celui-ci est important puisqu'il concerne la situation des entreprises touchées par la crise du covid-19. J'ai une pensée pour tous les commerçants, travailleurs indépendants et dirigeants de TPE que nous avons reçus les uns et les autres depuis un an, comme je l'ai fait pour ma part à Épinal. Nous avons souvent interpellé le Gouvernement, notamment vous-même, pour transmettre leurs suggestions, craintes et déolances. Or l'inquiétude reste encore vive à ce jour, en dépit d'un soutien massif de l'État, qui présente encore et toujours des lacunes.
J'aurai, pour ma part, quatre questions. La première porte sur les travailleurs indépendants, dont la situation est toujours insuffisante sur le plan social. Qu'en est-il précisément du plan que vous avez évoqué ? On sait que l'allocation des travailleurs indépendants n'a pas fonctionné et il existe manifestement une lacune dans votre dispositif.
Ma deuxième question, déjà évoquée par Nicolas Forissier, concerne les filières industrielles : il est temps de mettre le paquet en déployant une volonté politique forte pour restructurer l'industrie. Dans certains secteurs, c'est actuellement la panne sèche.
Je tiens également à vous faire part d'une préoccupation majeure portant sur le plafond européen, qui paraît déjà atteint, voire dépassé. Où en sont les négociations entre le Gouvernement et la Commission européenne ? Nous avons besoin de gages à ce sujet.
Je m'interroge aussi sur la dégressivité du fonds de solidarité pendant la période de sortie du confinement, de juin à août : l'opacité est grande à ce sujet. Qu'en est-il ? Une clause de revoyure est-elle prévue à la fin de l'été 2021 ?
Par ailleurs, les établissements de sport en salle attendent avec beaucoup d'impatience leur réouverture. Je vous avais écrit, monsieur le ministre délégué, au sujet d'un établissement à Chavelot. Les patrons de ces structures n'ont pas toujours été indemnisés car, étant salariés, ils ne pouvaient pas obtenir de rémunération. Il reste, là encore, de nombreuses interrogations et attentes.
Je vois notre collègue Blanchet : quid des discothèques, dont on sait manifestement qu'elles ne pourront pas rouvrir ? Comment seront-elles indemnisées ?
J'aurai enfin une dernière question au sujet du monde des arts et du spectacle : les jauges mises en place limiteront les chiffres d'affaires. Comment compenserez-vous l'impossibilité d'un fonctionnement normal ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Griset, ministre délégué.
J'aurais besoin de bien plus de deux minutes pour répondre à l'ensemble de vos questions, monsieur Viry, mais je m'efforcerai de répondre rapidement à quelques unes d'entre elles. Il est normal que les entrepreneurs soient inquiets, au regard de la situation sanitaire et de l'incertitude qui pèse sur leur avenir. Néanmoins, nous sommes à leur écoute et à leur disposition. Nous avons pour principe de les consulter sur les futurs dispositifs. Pour les travailleurs indépendants, je présenterai des propositions au Premier ministre et au Président de la République au cours des toutes prochaines semaines, comme je l'indiquais il y a quelques minutes. J'espère d'ailleurs que, dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou de celui du projet de loi de finances, l'ensemble des parlementaires auront l'occasion de manifester leur soutien aux travailleurs indépendants en approuvant les propositions que nous serons amenés à faire.
En ce qui concerne les plafonds européens, je peux vous dire que nous négocions depuis plus d'un an avec la Commission sur les modalités des dispositifs mis en place par l'État français, notamment sur les coûts fixes. Nous travaillons sur les plafonds, en particulier sur celui d'1,8 million. C'est un sujet de préoccupation mais je pense que nous allons y arriver.
Quant au fonds de solidarité, il va connaître des adaptations. Le Président a indiqué qu'au mois de mai, il allait être reconduit dans les mêmes conditions qu'au mois d'avril. Pour les mois de juin, juillet et août, il connaîtra une dégressivité en fonction de la reprise d'activité. Nous prévoyons une clause de revoyure au 31 août pour déterminer s'il est encore nécessaire d'accompagner certains secteurs, je pense en particulier à l'événementiel.
Les activités en salle, notamment sportives, font partie des secteurs avec lesquels j'ai beaucoup travaillé. Comme les établissements thermaux, elles bénéficient d'un dispositif spécifique de prise en charge de leurs coûts fixes, dans une proportion de 90% pour les entreprises réalisant moins d'1 million de chiffre d'affaires. Il faut savoir que, dans ces coûts fixes, figure la rémunération qui permet aux représentants de ces entreprises d'avoir une couverture.
Vous l'aurez compris, nous avons travaillé secteur par secteur dans le détail pour répondre aux questions des entrepreneurs.
Mme la présidente.
La parole est à M. Robert Therry.
M. Robert Therry (LR).
Tout d'abord, je voudrais rendre hommage à tous ceux qui ont fait tourner la France pendant cette crise, à ceux qui se sont dépensés sans compter au service des autres, et plus particulièrement à ceux qui travaillent au sein de la plus grande entreprise française, les artisans et les commerçants – autant de TPE et PME vitales pour notre pays. Bien sûr, le Gouvernement a mis en place des aides appréciables et appréciées mais, si certains acteurs économiques sont bien soutenus, d'autres ont été laissés sur le bord du chemin.
J'ai choisi ce soir de détailler trois causes de désarroi chez certains entrepreneurs.
Il y a tout d'abord un problème avec certains codes APE. Je connais des entreprises dont l'activité est majoritairement tournée vers l'événementiel, mais dont le code APE retient la petite partie d'activités informatiques, ou d'autres qui, bien que vivant essentiellement du commerce et du tourisme, ont un code APE « élevage d'autres animaux ». Ces codes inadéquats les empêchent de bénéficier de nombreuses aides.
Autre problème fréquent : la prise en compte de la double activité, l'une essentielle, l'autre non. Prenons le cas d'une brasserie-épicerie : le côté brasserie sera fermé mais pas le côté épicerie. Alors même que leurs charges subsistent, ces entreprises sont exclues des aides, car elles n'ont pas subi une perte de 50 % ou plus de leur chiffre d'affaires par rapport à l'année précédant la crise.
Troisième écueil : les lourdeurs administratives qui pèsent davantage en ces temps de crise. Certains artisans, qui bénéficiaient de qualifications et d'autres certifications essentielles pour leur activité, se voient menacés de les perdre, faute d'avoir pu assurer suffisamment de chantiers à cause des confinements. Ces PME et TPE sont donc exposées à une double peine : empéchées de travailler, elles risquent de perdre des marchés faute de qualifications. De nombreuses entreprises craignent que 2022 ne leur soit fatale. Monsieur le ministre délégué, comment les empêcherez-vous de mourir alors que, grâce à tous ceux qui n'ont cessé de travailler durant toute cette crise, elles font vivre la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Griset, ministre délégué.
Monsieur le député, je voudrais, comme vous, rendre hommage à l'ensemble de ces entrepreneurs courageux, présents et disponibles qui, au cours de cette crise, on fait face : ils ont permis à la France de continuer à fonctionner et aux Français d'avoir accès aux services et aux prestations qu'ils attendaient et de bénéficier de la nourriture. Loin de les laisser mourir, nous nous battons tous les jours pour qu'ils puissent continuer à vivre.
J'ai été moi-même artisan pendant quarante ans et je sais qu'au moment de créer une entreprise, personne ne prête véritablement attention au code APE, qui sert à l'INSEE à établir des statistiques. Quand la crise a commencé, il a bien fallu choisir un critère et le code APE a été retenu. Or certaines entreprises ayant changé d'activité ont conservé le même code, ce qui a pu les priver des soutiens souhaités. Dans les cas très précis, pour lesquels on constate que le chiffre d'affaires prédominant correspond à une autre activité que celle ciblée par le code APE, nous cherchons une solution pour accompagner l'entreprise.
Vous évoquez le fait que certains artisans auraient perdu leur qualification. Je suppose que vous faites allusion à la certification RGE – reconnu garant de l'environnement – pour les entreprises du bâtiment. Je peux vous assurer que ma collègue ministre déléguée chargée du logement et moi-même avons beaucoup travaillé sur le sujet : nous avons mis en place un RGE chantier permettant à ceux qui n'avaient pas la qualification d'accéder au dispositif MaPrimeRenov'. Il n'est pas question de pénaliser ces entreprises qui ont besoin de travailler régulièrement. Nous sommes à leur écoute et essayons de les soutenir.
Mme la présidente.
La parole est à M. Christophe Blanchet.
M. Christophe Blanchet (Dem).
Malheureusement, de nombreuses entreprises seront bientôt fragilisées par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire à l'encontre de l'un ou de plusieurs de leurs clients. Elles pourraient être conduites à demander à leur tour à bénéficier de l'ouverture de l'une desdites procédures, voire à être l'objet d'une liquidation judiciaire. Ces enchaînements d'ouvertures de procédures collectives auront des conséquences dévastatrices sur l'emploi et notre économie.
Pourquoi, alors, ne pas étudier dès maintenant des dispositifs destinés à atténuer l'inévitable ? Lors du lancement d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le passif de la société est systématiquement gelé pour une période d'observation allant de douze à dix-huit mois. Les créanciers ne bénéficiant actuellement d'aucune sûreté ou privilège de paiement, ils peuvent être poussés eux aussi à déposer. Pourquoi ne pas accorder à ces entreprises créancières le versement d'une avance d'un montant représentant 75% à 80% de la créance déclarée et certifiée ? Après l'adoption du plan de restructuration judiciaire, le montant de l'avance serait porté à 100% de celui de la créance admise, minoré du montant des remises consenties et de celui converti en titres donnant ou pouvant donner accès au capital. Les remboursements de cette avance s'effectueraient par le versement des dividendes annuels du plan à l'organisme financeur par le commissaire à l'exécution du plan. Il pourrait être demandé à l'entreprise bénéficiaire de verser à chaque échéance un intérêt calculé au taux légal en vigueur au premier jour du premier versement de l'avance. L'accès à ce dispositif serait bien évidemment fermé aux entreprises dont les dirigeants ont été condamnés pour infractions graves aux obligations comptables.
Ces propositions ont été travaillées avec le président du tribunal de commerce de Caen, M. Taillandier, que je remercie ici. Issues du terrain, elles sont le fruit de l'expérience de nombreux spécialistes. Je pourrais vous en soumettre d'autres évidemment, mais le temps m'est compté.
Monsieur le ministre délégué, une telle mesure vous paraît-elle réalisable à court terme ? Plus largement, quels sont les dispositifs mis en place pour éviter un effet domino pour notre économie ?
M. Nicolas Forissier.
Très bonne proposition !
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Griset, ministre délégué.
Vous avez raison : ce que vous appelez l'effet domino, le fait, pour une entreprise défaillante, d'entraîner dans sa chute des fournisseurs constitue bien un risque. Avec le garde des sceaux, nous avons demandé il y a quelques mois à M. Richelme, ancien président de la Conférence générale des juges consulaires de France, de nous remettre un rapport sur le traitement de entreprises en difficulté. Le plan dédié aux indépendants examinera la façon dont il est possible de prévenir le plus en amont possible les difficultés.
Pour l'instant, nous avons globalement réussi à tenir et à éviter trop de défaillances. L'enjeu que vous abordez est très important, parce qu'il importe de limiter les conséquences dramatiques que pouraient avoir les difficultés d'une entreprise sur d'autres.
Le dispositif que vous prévoyez, globalement complexe, n'est pas sans risque et n'a pas été retenu. Soyez assuré que je vais avec mes collègues, en particulier avec le garde des sceaux, regarder de quelle manière nous pouvons protéger l'entrepreneur qui subit une défaillance car, comme vous le savez, il peut avoir à supporter pendant très longtemps les dettes de l'entreprise dont il est responsable à titre personnel, ainsi que les fournisseurs pour éviter les cascades de défaillances que vous avez évoquées.
Mme la présidente.
La parole est à M. Alain David.
M. Alain David (SOC).
Mme Valérie Rabault a balayé dans son intervention cette vaste question qui nous préoccupe sur tous les bancs de cette assemblée : le tissu des entreprises dans tous nos territoires est durement affecté par la crise sanitaire. Le Gouvernement a, certes, mobilisé des ressources importantes, à travers les prêts garantis par l'État ou le fonds de solidarité, mais certaines entreprises nous sollicitent en tant qu'élus de proximité pour nous alerter sur le fait que ces dispositifs sont insuffisants ou ne permettent pas de prendre en compte leur situation particulière.
Je pense notamment à des grossistes alimentaires et, plus généralement, aux sociétés dépendantes du tourisme, de l'hôtellerie ou de la restauration, ainsi qu'à des structures plus petites qui n'ont pas été créées depuis assez longtemps pour justifier d'un chiffre d'affaires suffisant à certaines périodes de référence.
Je souhaiterais savoir quelles pistes le Gouvernement explore dans la perspective d'un nouveau plan de relance. Aux États-Unis, le président Biden a eu la lucidité de revenir sur la fameuse politique du ruissellement, laquelle, confesse-t-il, n'a jamais fonctionné. Il met en oeuvre un véritable plan de relance économique et sociale, doté de financements records. Vous et votre gouvernement, monsieur le ministre délégué, que faites-vous pour vous montrer, enfin, à la hauteur de cette grave crise ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Griset, ministre délégué.
Je pense, monsieur le député, que l'immense majorité des entrepreneurs – j'en rencontre beaucoup – considèrent que les dispositifs mis en place par l'État français sont tout à fait exceptionnels et qu'ils répondent globalement à la situation. Cela ne veut pas dire que tout est simple : je sais bien sûr les difficultés rencontrées par les entreprises. L'effort consenti par la France – prêt garanti par l'État, fonds de solidarité, indemnisation du chômage partiel, exonération de cotisations sociales – est exemplaire. Quand nous le comparerons, le moment venu, avec celui des pays équivalents, vous verrez que nous serons parmi les États qui ont fait le plus pour les entreprises.
Vous évoquez quelques cas particuliers sur lesquels je me suis penché, comme sur beaucoup d'autres. Prenons les grossistes en boissons : je me suis déplacé dans la banlieue de Reims pour visiter une entreprise de ce secteur et je puis vous dire, que depuis le mois de janvier, le fonds de solidarité – aides allant jusqu'à 10 000 euros ou 20% du chiffres d'affaires – et le dispositif spécifique de prise en charge des coûts fixes permettent de continuer à soutenir ces entreprises.
Vous insistez sur la nécessité de mettre en oeuvre un autre type de plan de relance. Notre objectif est d'abord de mettre en application le plan de relance de 100 milliards sur deux ans. Le Président de la République a évoqué la possibilité qu'il y ait un deuxième temps de la relance. Il faudra voir comment nous pourrons continuer de soutenir certains secteurs. Je vous garantis que nous accompagnerons les entreprises le temps qu'il faudra, en tout cas tant que les conditions sanitaires les empêcheront de reprendre une activité normale.
Mme la présidente.
La parole est à M. M'jid El Guerrab.
M. M'jid El Guerrab (Agir ens).
Je rentre d'une tournée effectuée dans ma circonscription du Maghreb et d'Afrique de l'Ouest où nous n'avons jamais connu un tel niveau de crise sociale et économique depuis l'après-guerre : 691 000 emplois ont été supprimés, le taux de chômage a augmenté de plus de 7%. Nous nous trouvons aujourd'hui face à un défi et je vous rejoins, monsieur le ministre délégué, sur le fait que la France s'est montrée à la hauteur en instaurant un dispositif puissant de soutien aux entreprises situées en France.
Cependant, vous le savez, ce dispositif comporte une lacune : les entreprises détenues par des Français à l'étranger ne sont malheureusement pas aidées. Ce sont ainsi 3,5 millions d'entrepreneurs français, pour la plupart exerçant dans le secteur de la restauration ou de l'hôtellerie, qui travaillent, créent, mettent leurs tripes dans leur outil de travail et qui exportent le savoir-faire à la française. Ils sont nos ambassadeurs à l'étranger, comme on ne cesse de le leur répéter dans les ambassades.
Toutefois, lorsqu'ils se tournent vers nos institutions, nos ambassades, vers l'Agence française de développement (AFD) ou vers Proparco – Promotion et participation pour la coopération économique –, ils reçoivent une réponse négative, faisant valoir qu'on ne peut rien leur accorder ou que c'est compliqué. Si vous êtes un entrepreneur et que vous avez besoin de 100 000 euros de prêts aujourd'hui, et que vous exercez au Maroc, en Algérie, en Tunisie ou en Afrique, vous ne pourrez pas les obtenir, à moins de vous tourner vers les marchés et d'accepter des taux exorbitants. Les entrepreneurs français à l'étranger sont au bout du rouleau et nous devons les aider.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Griset, ministre délégué.
Je me souviens parfaitement de notre échange dans cet hémicycle en janvier dernier, lorsque vous m'aviez interrogé sur la situation des entrepreneurs français à l'étranger : j'ai bien reçu vos propositions et je vous en remercie très chaleureusement.
Je connais bien ces entrepreneurs, pour en avoir rencontré un certain nombre. Tout d'abord, ils bénéficient des programmes d'aides mis en place dans leur pays de résidence, lorsqu'ils existent, mais il est vrai qu'il n'y en a pas partout et vous avez eu la gentillesse de dire que la France avait été exemplaire sur ce point, ce dont je vous remercie.
Je rappelle à cet égard que les services économiques de la Direction générale du trésor, qui sont présents dans plus de 105 pays, sont pleinement mobilisés et assurent une veille active pour accompagner les entrepreneurs français installés à l'étranger.
Pour ce qui concerne leur accompagnement financier, il existe des dispositifs instaurés avec l'aide de l'Agence française de développement, au travers de sa filiale Proparco, dédiée au secteur privé, que vous avez citée : je pense notamment à la garantie ARIZ – accompagnement du risque de financement de l'investissement privé en zone d'intervention –, qui est une garantie en perte finale proposée par Proparco aux institutions financières pour couvrir 50% à 75% d'un prêt individuel.
Je souhaite également rappeler que les entrepreneurs français à l'étranger peuvent compter sur le soutien des acteurs locaux d'influence de la France, notamment les chambres de commerce françaises à l'étranger.
Enfin, j'ajoute à ces dispositifs les aides à l'exportation, en particulier dans le cadre du plan d'urgence et du plan de relance, dont le volet export est doté de 247 millions d'euros. Voilà les quelques éléments que je peux vous apporter. Je suis naturellement à votre disposition pour examiner le moyen d'améliorer encore, d'une façon ou d'une autre, ces mesures.
Mme la présidente.
La parole est à M. Guy Bricout.
M. Guy Bricout (UDI-I).
Les entreprises sont globalement satisfaites des aides qui leur ont été octroyées pour traverser la crise et que vous avez su adapter au fil des mois. Je tiens d'ailleurs à saluer la réactivité et l'écoute de votre cabinet, ainsi que de celui de Bruno Le Maire, qui ont toujours répondu à nos sollicitations, notamment concernant le secteur des dentelles et broderies, très implanté dans ma circonscription.
Ces entreprises, emblématiques du savoir-faire français et déjà ébranlées par la concurrence asiatique, subissent de plein fouet la crise sanitaire, puisqu'elles dépendent fortement du secteur de l'événementiel et de l'export, qui représente la majeure partie de leurs ventes : je pense aux maisons Jean Bracq, Guéguin, Sophie Hallette, Solstiss et autres. Il est primordial de les aider à garder le cap et à conserver leur image auprès de leurs clients, tant en France qu'à l'international. À travers elles, c'est tout le savoir-faire de leurs employés que nous devons reconnaître et protéger.
Vous avez su répondre à certaines de leurs attentes. Néanmoins, des lacunes, particulièrement pénalisantes pour certains secteurs, subsistent encore : ainsi, la Manufacture française de textile me signale qu'alors qu'elle travaille pour des secteurs considérés comme fortement affectés par la crise sanitaire – commerces de gros de textiles notamment –, elle n'est pas concernée par les aides qui leur sont attribuées, notamment celles portant sur les charges sociales ou le taux de prise en charge de l'activité partielle. Cette entreprise n'est en effet pas considérée par l'URSSAF comme faisant partie de la liste S1 bis , parce que son code APE 1310Z correspond à l'activité « préparation de fibres textiles et filature ». Son secteur d'activité est pourtant très concurrentiel et le chef d'entreprise se trouve au bord de l'épuisement.
Envisagez-vous de remédier à ces lacunes ? J'ajoute que cette entreprise se trouve également confrontée, comme cela a été rappelé tout à l'heure, à l'instar de ses confrères français et européens, à de forts problèmes d'approvisionnement en matières premières, conjugués au triplement des frais de transport en mer de 2020 à 2021. Comment analysez-vous la situation et quels moyens prévoyez-vous pour y remédier ?
Plusieurs membres du Gouvernement se sont déplacés au début de la crise pour visiter ces entreprises : nous serions ravis que ces rencontres perdurent afin de préparer au mieux l'après-crise pour ces fleurons de l'industrie française.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Griset, ministre délégué.
Je connais bien, monsieur le député, votre circonscription et la ville dans laquelle vous avez longtemps exercé les fonctions de maire. Je connais également le secteur de la broderie et son importance au sein de votre territoire. Je suis particulièrement sensible à la préservation de cette filière remarquable, éprouvée par la crise. C'est pourquoi j'ai veillé, dès le mois de novembre, à ce que ce secteur d'activité soit inclus dans la liste S1 bis du fonds de solidarité instauré par le Gouvernement pour soutenir les entreprises les plus touchées.
Vous évoquez la situation d'entreprises et, comme vous avez eu la gentillesse de le dire, nous nous efforçons, avec mon cabinet et celui de Bruno Le Maire, de déterminer, dès lors que notre attention est appelée sur un cas particulier, la meilleure manière de l'accompagner. Mon cabinet a contacté cette semaine les entreprises concernées : nous continuerons de chercher le moyen de les aider, au-delà des dispositifs généraux en vigueur, compte tenu de leurs spécificités et de leurs modes de fonctionnement un peu particuliers.
Enfin, pour répondre à votre invitation, je vous propose de venir rapidement dans votre circonscription pour accompagner ces entrepreneurs et apporter le soutien de l'ensemble du Gouvernement à leur filière.
Mme la présidente.
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani (LT).
Depuis le 24 avril, environ 400 000 travailleurs de plus de 55 ans ont pu se faire vacciner prioritairement contre le covid-19. Le fait de travailler en milieu clos, de se trouver dans l'impossibilité de respecter les gestes barrières, de ne pas pouvoir télétravailler ou encore d'être particulièrement à risque figurent parmi les critères de sélection retenus par le Gouvernement. Selon une liste publiée par le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, une vingtaine de métiers ont ainsi été définis selon cette méthodologie.
Depuis, le Gouvernement a annoncé un nouveau calendrier de déconfinement : il entend lever les restrictions et permettre aux commerces dits non essentiels, aux restaurants, aux bars, ainsi qu'aux lieux culturels, d'ouvrir de nouveau progressivement. Ce sont ces établissements qui ont le plus souffert des conséquences de la crise : les fermetures imposées ou les couvre-feux auxquels ils ont dû faire face ont gravement porté préjudice à leurs activités.
Si les aides de l'État ont, jusqu'à présent, fort heureusement maintenu à flot une grande partie d'entre eux, une reprise rapide de l'activité est essentielle pour garantir leur pérennité. Aussi ceux qui travaillent dans ces secteurs sont-ils nombreux à souhaiter accéder prioritairement à la vaccination : chauffeurs de taxi, caissiers, serveurs, vendeurs ou professionnels de la culture sont particulièrement exposés à l'épidémie.
Entendez-vous, monsieur le ministre délégué, répondre favorablement à leur demande et élargir la liste des métiers permettant d'accéder prioritairement à la vaccination contre le covid-19 ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Griset, ministre délégué.
La crise sanitaire est en effet terrible pour tous les Français, pour les chefs d'entreprise et l'ensemble des travailleurs. Nous bénéficions néanmoins d'une chance particulière, celle de disposer de vaccins. Il y a un an, peu d'entre nous auraient pu imaginer cette situation. La production actuelle des vaccins nous donne l'espoir d'atteindre les objectifs fixés par le Premier ministre de 20 millions de personnes vaccinées au 15 mai et de 30 millions au mois de juin.
Néanmoins, il reste un certain nombre de publics prioritaires, puisque le choix a été fait en France de vacciner d'abord les plus fragiles et les personnes les plus âgées ou résidant en EHPAD. Il y a quelques jours, la vaccination a été ouverte à une nouvelle catégorie de Français prioritaires, en particulier les personnes qui souffrent de pathologies telles que le diabète ou l'obésité.
Par ailleurs, certaines professions sont particulièrement exposées. Le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ont évoqué les personnels de l'enseignement ; certains métiers ont commencé à être cités et la vaccination s'appliquera, dans un premier temps, à ceux qui ont plus de 55 ans. Nous continuerons dans cette direction et j'ai bon espoir que, dans les prochains mois, voire les prochaines semaines, nous pourrons accompagner tous ceux qui sont en contact direct du public et qui ont besoin d'être protégés. J'espère, comme l'a dit le Président de la République, qu'à la fin de l'été, tous ceux qui, en France, auront voulu se faire vacciner, auront pu le faire.
Mme la présidente.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.
M. Jean-Hugues Ratenon (FI).
La crise sanitaire produit des effets terribles sur les TPE, les PME et les indépendants, partout en France, mais particulièrement dans les outre-mer qui subissent déjà un taux de chômage et de pauvreté sans comparaison avec l'hexagone.
Les chiffres récemment obtenus par la chambre de commerce et d'industrie de La Réunion auprès de ses membres sont en effet inquiétants : 26% des entreprises déclarent envisager l'arrêt de leur activité ; parmi elles, 55 % le redoutent dans moins de trois mois et 5 % sont déjà en cours de fermeture ; 85% déclarent une baisse de chiffre d'affaires de 30% et plus et 42% ne peuvent pas rémunérer leurs salariés ; 27% des entreprises locataires ne sont pas en mesure de payer leur loyer et 67% des chefs d'entreprise ne parviennent plus à s'accorder une rémunération.
La France insoumise ne cesse depuis plus d'un an de proposer l'instauration d'un barème progressif par tranche, concernant l'accès au fonds de solidarité. En effet, conditionner l'octroi de l'aide à la perte de 50% de chiffre d'affaires, sans tenir compte du niveau de revenus, expose particulièrement les indépendants et les petites entreprises les plus précaires. Certes, vous avez annoncé qu'à compter du mois de juin, les cafés, restaurants et lieux de culture bénéficieraient du fonds de solidarité, même si leur perte de chiffre d'affaires est inférieure à 50%. Mais pourquoi ne l'avez-vous pas décidé auparavant ? Pourquoi n'avez-vous pas adopté nos amendements déposés en ce sens depuis un an ?
Les indépendants et les petites entreprises de La Réunion demandent à être indemnisés dès 30% de perte de chiffre d'affaires et souhaitent que tous les secteurs soient désormais inclus dans cette mesure. Entendrez-vous leur appel et adapterez-vous le dispositif d'aide aux entreprises au contexte difficile des outre-mer ? Je le souhaite vivement.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Griset, ministre délégué.
Je connais le poids très important des petites entreprises dans l'ensemble des territoires d'outre-mer, en particulier sur l'île de La Réunion. Je rappelle qu'un accès dérogatoire au fonds de solidarité renforcé a été autorisé pour l'ensemble des commerces de détail dans les territoires ultramarins les plus fortement dépendants de l'activité touristique.
Il est évident que nous devrons continuer à accompagner ces entreprises : citant des chiffres, vous avez évoqué leurs difficultés tant en matière de remboursement que de paiement des rémunérations ou des cotisations sociales. Nous avons demandé à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) et aux URSSAF de faire preuve de la plus grande écoute pour accompagner ceux qui sont le plus en difficulté, en les exonérant de cotisations sociales ou en leur apportant un soutien financier. Nous continuerons de regarder de façon très précise, avec l'appui des chambres consulaires ultramarines, comment nous pouvons les aider.
Vous avez souhaité que le fonds de solidarité accompagne ceux qui accusent une perte de chiffre d'affaires moins importante que ce qui était prévu à l'origine du dispositif : votre v?u est exaucé et nous nous efforcerons de continuer dans cette direction, avec une reprise d'activités que j'espère très rapide, en particulier sur l'île de La Réunion et dans l'ensemble des territoires ultramarins.
Mme la présidente.
La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert Wulfranc (GDR).
Je souhaite évoquer la situation de certaines entreprises de mon territoire, pour contribuer à identifier les carences du dispositif de soutien et à faire du sur-mesure. Je citerai tout d'abord l'exemple de la société LM communication – je vous en ai déjà saisi –, qui fabrique des objets promotionnels, et qui s'est vu refuser l'accès au fonds de solidarité en 2021. Cette PME, qui emploie une vingtaine de salariés, a réussi à maintenir son activité à flot en 2020, en se diversifiant dans la réalisation de protections en plexiglas et la fourniture de masques. Malheureusement, ces activités de substitution d'urgence sont désormais obsolètes, car la demande s'est tarie. La société, qui a réussi à traverser l'année 2020 en sollicitant brièvement le chômage partiel, mais sans recourir au fonds de solidarité, ne peut y prétendre cette année, au motif qu'elle ne répond pas aux conditions d'écart de chiffre d'affaires entre 2019 et 2020.
Mon second exemple est la société Neochrysallis, créée en mars 2020 – juste avant le déclenchement de la crise – grâce au dispositif d'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE). Elle prodigue du conseil aux PME de l'industrie. Son activité ayant été stoppée par la crise sanitaire, elle a été contrainte de se réorienter, sans générer de chiffre d'affaires pendant plusieurs mois, le temps de se constituer un nouveau réseau de clients et d'obtenir les agréments indispensables. Elle ne peut donc pas prétendre aux dispositifs d'aide, et sera vraisemblablement obligée de cesser son activité en septembre, d'autant qu'elle est confrontée à l'extinction des droits, auprès de Pôle emploi, permettant de financer les salaires.
Pourriez-vous examiner ces deux cas, monsieur le ministre délégué, en espérant qu'ils permettront de déverrouiller la situation d'autres entreprises comparables ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Griset, ministre délégué.
Vous mettez le doigt sur des situations très difficiles. Je rappelle que nous comptons 3 millions d'indépendants. Dans les premiers temps de la crise, nous devions élaborer des dispositifs que la Direction générale des finances publique puisse traiter à l'échelle industrielle, avec des mesures transversales – vous partagerez cet objectif. En effet, nous ne pouvions traiter individuellement le cas de chaque entreprise. C'est donc ce que nous avons fait dans un premier temps. Depuis quelques mois, nous essayons de répondre aux cas particuliers.
Vous avez évoqué un exemple très spécifique dans l'événementiel et la communication : en 2020, presque aucune entreprise de ce secteur n'a augmenté son chiffre d'affaires. La société à laquelle vous faites référence a décidé de changer de modèle, pour s'adapter et dégager des revenus : de fait, elle a réussi à obtenir, en 2020, un chiffre d'affaires équivalent à celui de 2019. Elle ne remplissait donc pas les conditions d'éligibilité, qui réservaient le dispositif – protecteur, à l'époque – aux entreprises ayant perdu au moins 10% de leur chiffre d'affaires en 2020 par rapport à 2019. En conséquence, elle n'a pas bénéficié du fonds de solidarité en 2021, même si sa nouvelle activité a disparu. Vous mettez l'accent sur un effet pervers, pour cette entreprise, d'un dispositif qui était initialement positif.
La deuxième entreprise que vous évoquez, de création très récente, n'a pas pu réaliser de chiffre d'affaires en raison de la crise. Je l'invite à se rapprocher des URSSAF car, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, il existe des dispositifs adéquats de soutien financier aux entrepreneurs qui n'ont pas pu bénéficier du fonds de solidarité. Quant à la première entreprise, je demanderai à mon cabinet de la contacter afin que son cas particulier soit étudié. Je comprends la difficulté qu'elle rencontre du fait de l'évolution de son activité, malgré sa volonté de trouver des solutions adaptées.
Mme la présidente.
La parole est à M. Bertrand Bouyx.
M. Bertrand Bouyx (LaREM).
En préambule, je souhaite rendre hommage à toutes les entreprises qui font face à la crise, qu'elles soient petites ou grandes, et quel que soit leur domaine d'activité. Je rends également hommage aux salariés qui sont au chômage partiel ou qui sont encore actifs.
À l'occasion de mes déplacements sur le territoire, à la rencontre des entreprises, j'ai été alerté de plusieurs situations, dont trois ont tout particulièrement appelé mon attention. Ainsi, la crise de la covid-19 provoque, au niveau international, une forte augmentation du prix des matières premières, notamment dans les secteurs de la métallurgie, du bois et des semi-conducteurs, alors que les carnets de commande n'ont jamais été aussi pleins. Cette situation tient à l'arrêt de certains sites industriels, à la compétition sur les matières et à l'augmentation des coûts d'exploitation. Quels dispositifs de soutien pourraient être apportés aux entreprises concernées, afin d'éviter que les hausses de prix ou l'augmentation des délais d'approvisionnement ne se répercutent trop dangereusement sur elles, puis sur leur clientèle ?
Par ailleurs, dans les secteurs de la restauration et de l'hôtellerie, la reconversion d'un bon nombre de salariés provoque un défaut de main-d'oeuvre qualifiée, préjudiciable à la réouverture de ces structures. Des inquiétudes se font aussi sentir quant à l'embauche des jeunes apprentis, car certains n'ont pas reçu de formation pratique en entreprises – ces dernières ayant été frappées par des fermetures administratives. Ces deux facteurs – les reconversions et le défaut de formation – peuvent compromettre la reprise économique. Qu'est-il envisagé pour faire face à cette situation inquiétante ?
Enfin, un risque pèse sur les sociétés : le défaut de paiement inter-entreprises – vous l'avez déjà évoqué, monsieur le ministre délégué, mais je souhaiterais obtenir plus de précisions. Comment faire face à ce risque, qui pourrait avoir un effet domino sur le tissu économique ? Le défaut de paiement de certaines factures peut compromettre des entreprises qui étaient en bonne santé ; or ce risque est important, compte tenu des dettes qui ont été accumulées.
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Griset, ministre délégué.
Je m'associe à l'hommage que vous rendez aux entrepreneurs et aux salariés de France, qui ont fait face à une crise sanitaire terrible.
Vous m'interrogez tout d'abord sur la hausse du prix des matières premières. Comme je l'ai indiqué à Mme Thill, j'ai rencontré les représentants du bâtiment, qui sont les plus affectés par ce phénomène, notamment pour le bois et l'acier. Nous sommes, en quelque sorte, pris en tenaille : d'un côté, l'activité reprend très fortement aux États-Unis et en Chine ; de l'autre, la productivité des entreprises diminue. Bruno Le Maire et moi-même étudierons les dispositions pouvant être prises – en particulier dans les marchés publics –, pour éviter que les entreprises qui ont signé des marchés depuis longtemps ne subissent des conséquences douloureuses. Nous pouvons aussi espérer que ces prochaines semaines et ces prochains mois, l'industrie reprendra et le marché se stabilisera.
Vous avez ensuite évoqué la situation des restaurants – sujet que nous avons étudié la semaine dernière, quand nous avons reçu leurs représentants. Ces derniers estiment que 100 000 personnels risquent de leur manquer, car ils ont changé de métier. Avec Élisabeth Borne et le Pôle emploi, nous avons travaillé à l'élaboration de formations spécifiques destinées aux demandeurs d'emplois dans les métiers sous tension, dont l'hôtellerie et la restauration. Concernant les apprentis, dont certains n'ont pas pu effectuer de stage en entreprise, nous créons des stages d'observation et de perfectionnement, afin qu'ils puissent exercer une activité assez rapidement.
Enfin, s'agissant des difficultés de paiement, nous devons mener un travail de prévention et d'accompagnement : le médiateur du crédit est à la disposition des entreprises pour étudier la possibilité d'intervenir le plus rapidement possible.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Typhanie Degois.
Mme Typhanie Degois (LaREM).
Les quatre-vingt-dix stations thermales que compte le territoire se trouvent toutes, sans exception, en grande difficulté. L'année dernière, les établissements thermaux n'ont pu ouvrir que quatre mois, cumulant une perte de plus de 110 millions d'euros. Au-delà, la fermeture de ces établissements a touché les stations thermales dans l'ensemble de leur économie, car de nombreux professionnels en dépendent – artisans, commerçants, coiffeurs ou hôteliers –, soit 100 000 emplois directs et indirects.
Les thermes sont aux stations thermales ce que les remontées mécaniques sont aux stations de ski. Pourtant, alors que seule une infime partie de la saison 2020 a pu se tenir, et que la saison 2021 ne débutera vraisemblablement que le 24 mai, les entreprises des stations thermales ne bénéficient d'aucun dispositif de soutien renforcé. Ayant une situation égale à celle des stations de ski, les stations thermales demandent un traitement égal à celles-ci.
Afin d'assurer la pérennité de l'économie des stations thermales, deux dispositifs mériteraient d'être appliqués dans les meilleurs délais. Le premier concerne l'élargissement du fonds de compensation des frais fixes aux hôtels, cafés et restaurants implantés dans les stations thermales, sans condition de chiffre d'affaires minimum. En effet, le fonds de solidarité renforcé n'est pas suffisant, vu l'importance des charges fixes qui pèsent sur les structures hôtelières. Toutefois, celles-ci ne sont pas capables de justifier de plus d'1 million d'euros de chiffre d'affaires par mois. Le second dispositif viserait à étendre aux catégories socio-professionnelles des stations thermales le fonds de solidarité renforcé, comme c'est déjà possible pour les stations de ski. Les entreprises des secteurs non protégés, c'est-à-dire n'appartenant pas aux secteurs S1 et S1 bis , selon le décret du 30 mars 2020, ne peuvent être compensées de leurs pertes de chiffre d'affaires qu'à raison de 1 500 euros par mois : or, en réalité, leurs pertes peuvent être beaucoup plus importantes.
Monsieur le ministre délégué, vous connaissez le particularisme fort qui habite les stations thermales : une grande partie de l'activité économique des territoires thermaux vit et dépend du thermalisme. Êtes-vous favorable à l'élargissement du fonds de compensation des frais fixes et à l'extension du fonds de solidarité aux entreprises implantées dans les stations thermales ?
Par ailleurs, quand les casinos, qui sont le deuxième pilier des villes thermales, pourront-ils de nouveau ouvrir ?
Mme la présidente.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Griset, ministre délégué.
À travers quelques questions, le débat de ce soir révèle une petite partie de l'activité économique française ; or, Dieu sait que les secteurs sont nombreux ! Dans le ministère où j'occupe des fonctions depuis le mois de juillet, j'ai la chance d'être quotidiennement à l'écoute de tous ces secteurs. Le hasard du calendrier fait que, ce matin même, j'ai reçu M. Jean-Yves Gouttebel, président du conseil départemental du Puy-de-Dôme, qui m'a remis un rapport commandé par le Premier ministre sur les stations thermales.
Il y a déjà quelques semaines, nous avons décidé d'inclure les stations thermales au fonds de compensation des frais fixes, au même titre que les activités en salle et les salles de sport : ce dispositif offre une aide et un soutien considérables. Nous travaillerons sur les propositions du rapport Gouttebel, afin de donner une perspective aux stations thermales, aux thermes et aux activités économiques qui en dépendent, qui sont très affectées par la fermeture des stations thermales – j'ai pu le constater quand je me suis rendu à Challes-les-Eaux il y a quelques semaines. Comme nous l'avons fait pour les stations de montagne, nous étudierons les façons d'accompagner ces activités.
Concernant les casinos – dont nous avons également reçu les représentants cette semaine –, la partie machines à sous reprendra assez rapidement, le 19 mai, suivie par la partie des jeux de table le 9 juin. Ces réouvertures se feront dans le respect des règles de sécurité sanitaire et des gestes barrières, afin de garantir à l'ensemble des clients une sécurité suffisante, permettant la reprise d'une activité normale. Nous accompagnons donc les casinos, comme nous accompagnons les thermes et de nombreux autres secteurs d'activité.
Mme la présidente.
Le débat sur la situation des entreprises touchées par la crise de la covid-19 est clos.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 6 mai 2021