Interview de Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, à France Info TV le 29 avril 2021, sur les mesures d'allègement du confinement, le refus de droit de visite de certains directeurs d'EHPAD et la vaccination des plus âgées.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

DAÏC AUDOUIT
Bonjour madame.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Bonjour.

DAÏC AUDOUIT
Merci d'être avec nous. Interview demain d'Emmanuel MACRON dans la presse quotidienne régionale qui va détailler les mesures d'allègement. Est-ce qu'on peut parler d'ailleurs de déconfinement ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Il a annoncé un déconfinement progressif, phasé, avec bien sûr toute la prudence requise de ce moment qui n'est pas encore terminé, bien sûr, de contagion mais en même temps de vaccination intense.

DAÏC AUDOUIT
Donc ce qu'il faut retenir de ce que vous nous dites, 1/ que ce ne sera pas le grand soir d'un déconfinement ; 2/ que tout ce qui peut être annoncé demain n'est pas forcément certain. C'est conditionné aux chiffres de l'épidémie ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
C'est bien sûr conditionné comme depuis le départ toutes les mesures sont conditionnées à la situation sanitaire et qu'on s'adapte au fur et à mesure de cette situation.

DAÏC AUDOUIT
Alors est-ce qu'il y aura des mesures particulières qui seront annoncées pour les EHPAD ? On sait déjà que le protocole a été allégé un précédemment avec un droit de visite. Est-ce que ça va aller plus loin ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Moi je pense que les pensionnaires, les résidents sont des personnes à part entière et que, dès lors que des mesures s'allègent même pour tout citoyen, c'est-à-dire par exemple les systèmes dérogatoires, le 10 kilomètres aussi qu'on imposait parfois pour excuser l'absence d'un droit de visite ou de sortie même des résidents, tout ça va être allégée et donc s'appliquera également dans les établissements.

DAÏC AUDOUIT
Parce qu'avant, ça ne s'appliquait pas ? Quand il n'y avait pas la dérogation ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Certains directeurs d'établissement disaient aux familles qu'ils ne pouvaient pas embarquer ou prendre en droit de visite des personnes parce qu'il y avait la jauge des 10 kilomètres que d'ailleurs on peut entendre. Parce que moi, je prône le droit des citoyens à part entière quelle que soit leur situation et même s'il est en perte d'autonomie et dans un établissement. Je crois qu'il faut rappeler dans ce sujet-là que ce sont des établissements d'hébergement et pas des établissements hospitaliers. Et je crois que ça fait vraiment la nuance qui est importante dans le droit des personnes qui y résident justement. Et donc dans ces procédures d'allégement, le droit de sortie est un droit acquis à toute personne. Il était déjà inscrit, certains veulent l'inscrire dans la loi. Moi je pense qu'on peut aller plus vite que ça parce que c'est déjà, pour moi, acquis et dans les protocoles.

DAÏC AUDOUIT
Parce qu'il y a un souci des familles qui vous ont interpellé - en tout cas une association hier - qui disent qu'en fait le droit de visite n'est pas appliqué par certains directeurs des EHPAD qui sont un peu réticents parce qu'ils ont peur d'introduire la Covid-19 dans leur établissement et qui refusent ce droit de visite qui maintenant a été rétabli.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui. J'ai reçu le collectif hier de famille. Moi je les entends. Je les entends parce qu'il y a des situations abusives, c'est vrai, par endroits, avec des droits qui sont quand même restreints, trop contraints pour des résidents qui veulent de manière légitime, parce qu'ils sont vaccinés, et de manière totale d'ailleurs, ils ont eu les deux injections. Ils sont loin d'ailleurs dans le processus. Donc maintenant ils estiment, et c'est normal et légitime, de revoir leur famille dans des conditions à peu près normales quand on est dans un établissement comme ça. Je sais qu'il y a des établissements qui, malgré le contexte sanitaire, ont repris une vie collective, ont repris une vie sociale. Je demande à ce qu'on essaie de faire cela un peu partout sur le territoire national.

DAÏC AUDOUIT
Vous demandez mais est-ce que vous pouvez contraindre les directeurs d'établissement à appliquer ce protocole avec un droit de visite ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors je demande… Les Protocoles sont toujours des mesures, des recommandations qu'on donne aux directeurs d'établissements dans lesquels ils peuvent agir. Ils ont une liberté d'appréciation en fonction de la crise. Mais moi, je demande à ce qu'on trouve toujours la réponse appropriée, qu'il y ait toujours du dialogue avec les familles aussi parce que trop souvent il n'y a pas de dialogue avec les familles. Il y a des conseils de vie sociale, il faut les respecter, et toute l'information doit être donnée aux familles et pas une pancarte sur une porte au dernier moment.

DAÏC AUDOUIT
Là vous êtes modérée mais est-ce que c'est un scandale si aujourd'hui des gens ne peuvent pas voir leur famille dans les EHPAD ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Moi j'ai demandé et j'ai eu de nouveau les fédérations devant moi hier en visio. Je leur ai demandé de bien rappeler le fait que ces protocoles devaient s'appliquer, et je demanderai à des directions d'ARS la semaine prochaine aussi les mêmes mesures de contrôle, en gros de l'application de ces mesures d'allégement qui sont des droits légitimes des personnes revendiquées. Donc j'ai entendu les collectifs. Pour votre information, ils participeront d'ailleurs et seront entendus par mon groupe de travail éthique vendredi matin et donc, vous voyez, nous avançons et nous continuerons à alléger le protocole en fonction des annonces du président de la République aussi.

DAÏC AUDOUIT
Même si, on le rappelle, il y a quand même des cas de Covid qui se déclarent dans des EHPAD malgré la vaccination.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Bien sûr.

DAÏC AUDOUIT
Et on peut comprendre que les directeurs puissent aussi se protège.

BRIGITTE BOURGUIGNON
C'est pour ça que l'équilibre n'est pas si simple à trouver entre protection sanitaire et liberté des uns et des autres.

DAÏC AUDOUIT
Justement, vous dites que ces visites sont possibles grâce à la vaccination. Pourquoi le gouvernement répugne à élargir la vaccination à tout le monde ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Parce qu'il y a encore une catégorie de personnes vulnérables âgées qui n'est pas vacciné. Qui n'est pas vaccinée parce que plus diffuse à trouver, parce que sur les territoires, parce qu'à domicile, parce que peut être moins bien informée.

DAÏC AUDOUIT
Ça, c'est des plus de 70 ans et vous le chiffrez à combien ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Plus de 80 ans.

DAÏC AUDOUIT
Plus de 80 ans et même plus de 70 aussi. Vous chiffrez à combien ces personnes qui ne sont pas un établissement et qui n'ont pas encore été vaccinées ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors d'après le ministre de la Santé hier qui le rappelait, on a à peu près 4,5 millions de personnes qu'il nous reste à toucher, qui sont dans les personnes les plus vulnérables et qu'il faut atteindre maintenant. On fait beaucoup de choses sur les territoires en ce moment où ça marche. C'est quand il y a une bonne circulation entre les services à domicile, les centres de vaccination, les médecins, les infirmiers - tout ça se coordonne - et les élus territoriaux qui nous aident beaucoup.

DAÏC AUDOUIT
Mais chez les plus de 55 ans et puis les plus de 70 ans dont vous avez la charge, il y a quand même une méfiance par rapport à AstraZeneca.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui.

DAÏC AUDOUIT
On va peut-être voir les images. Vous vous êtes faite vacciner avec AstraZeneca parce que vous avez plus de 55 ans. Là aussi, ça n'aide pas la vaccination…

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, c'est sûr. Il y a eu une défiance par rapport à cette vaccination avec des mauvais bruits qui ont couru autour de ce vaccin en particulier. Le professeur FISCHER l'a rappelé hier : tous les vaccins sont bons.

DAÏC AUDOUIT
Oui, mais cette défiance est là, donc à un moment il faut faire avec.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, il faut…

DAÏC AUDOUIT
Il faut peut-être faire le deuil d'Astrazeneca, non ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Je ne crois pas, non. Il faut continuer à sensibiliser. Vous voyez, moi je me porte bien et il y a des millions de personnes comme moi qui ont été vaccinées à l'Astra et qui se portent très bien donc je crois qu'il faut… Pour toute médication, il y a toujours des contre-indications. Elles sont bien appréhendées, elles sont anticipées donc je crois qu'il faut maintenant se dire qu'on a la chance dans ce pays et ailleurs et en Europe, de disposer de cette couverture vaccinale et qu'il faut en profiter et y aller. D'autres pays nous envient.

DAÏC AUDOUIT
Dernier sujet. Vous êtes entrée au gouvernement donc il y a presqu'un an pour mettre en place une grande loi sur l'autonomie et la dépendance. Est-ce qu'elle pourra se mettre en place dans le temps qui reste du quinquennat où il y a plein de projets de loi qui se bousculent ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors je modère : je suis entrée pour une réforme autour de l'autonomie et du grand âge. Et cette réforme est largement engagée donc je voudrais le rappeler quand même parce qu'évidemment…

DAÏC AUDOUIT
Ce que vous nous dites, c'est que ça ne passe pas forcément par une grande loi, ce qui veut sans doute dire que la grande loi n'aura pas lieu.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Non, ce serait un raccourci. Non, non. Nous travaillons sur une loi mais qui est plus large que celle du grand âge parce que vous savez bien que c'est quelque chose de sociétal - vous venez de le rappeler - pour tout ce que vous venez de dire : les droits des visites…

DAÏC AUDOUIT
Non mais la loi, c'est large.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, et donc nous travaillons sur un projet qui est plus sociétal, qui est autour du grand âge parce que la crise l'a révélé : les personnes disent « plus jamais ça » ; ce qu'on ne veut plus, c'est seulement une seule solution qui soit celle de l'établissement, nous voulons vieillir à domicile. Donc tout doit être réuni pour permettre cela aux Français, c'est-à-dire le logement, les métiers du domicile et c'est pourquoi on a commencé par les métiers parce que c'est là-dessus.

DAÏC AUDOUIT
La revalorisation salariale pour susciter les vocations.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Revalorisation, meilleure formation, plein de vecteurs différents et ça parle aux jeunes parce qu'on parle en ce moment des difficultés des jeunes. Nous avons travaillé aussi sur l'intergénérationnel avec les services civiques seniors, avec les jobs étudiants et donc tout ça se met en place, et les formations qui vont les intéresser aussi bien sûr.

DAÏC AUDOUIT
Là vous parlez beaucoup des jeunes par rapport à une loi qui concerne aussi les séniors. Est-ce que c'est parce que vous aviez peur qu'on dise : on va faire encore une loi pour les seniors alors que c'est les jeunes qui ont beaucoup souffert de l'épidémie ? C'est aussi pour ça qu'il y a cet intergénérationnel que vous dites ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Non, parce que je trouve qu'on ne la revendique pas suffisamment cette approche intergénérationnelle et le fait qu'il n'y a pas d'opposition de générations. Vous pouvez parler à n'importe quel jeune - ce que je fais très régulièrement - personne ne vous dira : moi je n'en ai rien à faire de mon grand-père ou de ma grand-mère voire de mes parents parce qu'ils transposent déjà. Et donc non, je crois au contraire que ça les concerne et qu'ils sont très concernés. Aujourd'hui il y a des colocations, il y a des résidences partagées.

DAÏC AUDOUIT
Ça existe, ce n'est pas non plus passif.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Non, mais ça marche très, très bien et je crois qu'on devrait s'en inspirer. D'autres pays l'ont fait avant nous.

DAÏC AUDOUIT
Et juste très rapidement sur le logement : pour permettre aux gens de rester chez eux, c'est quoi la mesure qui sera prise ?

BRIGITTE BOURGUIGNON
Les mesures, c'est qu'il faut adapter les logements maintenant. Il y a plein de possibilités d'adapter les logements et on y travaille sérieusement avec Emmanuelle WARGON aussi.

DAÏC AUDOUIT
Merci beaucoup madame. Bonne journée à vous.

BRIGITTE BOURGUIGNON
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 avril 2021