Texte intégral
Mme la présidente.
L'ordre du jour appelle la suite du débat sur l'action de l'État à l'égard des plus précaires durant la crise sanitaire. Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits, s'arrêtant dans la séquence de questions-réponses à la question de M. Alain Ramadier.
Je rappelle que la durée des questions, comme celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Alain Ramadier.
M. Alain Ramadier (LR).
Madame la présidente, madame la ministre déléguée chargée de l'autonomie, chers collègues, de nombreux professionnels ont été en première ligne face à la crise. Ils ont tenu bon malgré les risques, la peur et l'épuisement. Nous leur devons tant. Nous le savons.
Je veux évoquer ceux dont on a un peu moins parlé mais qui, pourtant, ont également beaucoup souffert de la pandémie qui désole encore notre quotidien : les familles monoparentales. Perte de revenus, garde des enfants pendant l'activité professionnelle, problèmes liés au handicap, gestion des cours pendant le télétravail, fermeture des écoles, des crèches et des cantines : pour les mères et pères isolés, la situation actuelle est aussi précaire qu'elle est source d'anxiété.
Dans notre pays, une famille sur cinq est monoparentale. Dans 82 % des cas, il s'agit de femmes seules avec enfants. Pour de très nombreuses mères isolées, la perte de revenus liée à l'instauration du chômage partiel, conséquence de la crise sanitaire, a été catastrophique, puisqu'elles n'ont perçu que 84 % de leur salaire net pour faire vivre leur famille.
Au sein de ces familles, les problèmes d'ordre financier s'ajoutent à d'autres difficultés, chômage et pauvreté notamment. Beaucoup n'ont eu d'autre choix que d'avoir recours à l'aide alimentaire ou aux associations, dont je salue le dévouement.
Les conséquences sont dramatiques : les enfants de familles monoparentales ont beaucoup souffert de troubles psychologiques et de problèmes de sommeil. La situation de « parent isolé » n'est fiscalement prise en compte que dans le calcul des parts. C'est insuffisant. En effet, beaucoup de parents seuls ne connaîtront pas demain le retour à la normale de leur activité professionnelle. C'est insuffisant car l'ouverture des classes est conditionnée à la situation sanitaire de chaque établissement. Enfin, c'est insuffisant car, dans de nombreux cas, la pension alimentaire n'est pas versée par l'autre parent. Il ne faut pas oublier les familles monoparentales. Comment comptez-vous les aider ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie.
En 2020, le Gouvernement a effectivement souhaité apporter aux familles monoparentales un soutien spécifique pour affronter l'urgence de la crise. Nous avons majoré de 100 euros par enfant à charge l'aide exceptionnelle de solidarité versée aux bénéficiaires du RSA – revenu de solidarité active – et de l'ASS – allocation spécifique de solidarité – et nous avons revalorisé de 100 euros l'allocation de rentrée scolaire.
De façon plus structurelle, depuis l'annonce de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement a eu à coeur de lutter contre les situations de privation matérielle qui concernent les familles monoparentales. Elles ont particulièrement bénéficié de l'augmentation massive de la prime d'activité à la fin de l'année 2018, avec une revalorisation de 90 euros par mois pour une rémunération au SMIC – elles perçoivent en moyenne 244 euros. La création du service public des pensions alimentaires, accessible depuis le mois de janvier 2021 à toutes les familles, victimes d'impayés ou non, constitue également une avancée majeure dans la lutte contre la précarité des familles monoparentales.
Par ailleurs, de nouveaux moyens ont été consacrés à l'accès aux modes de garde, sans avance de frais. L'accès aux crèches a été renforcé, grâce à l'instauration des bonus « mixité » et « territoire », destinés à faciliter l'accès à l'emploi de parents célibataires et de limiter les dépenses.
Un appel à projets a été lancé en avril 2020, afin d'appliquer les mesures de soutien à la parentalité. Nous avons souhaité renforcer collectivement l'aide accordée aux familles monoparentales en 2021. En décembre 2020, le ministère chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances a créé un groupe de travail sur la situation de ces familles. Ce groupe élabore un plan d'action assorti d'un ensemble de mesures. Nous avons également déployé les mesures du plan Les 1 000 premiers jours de l'enfant, dont certaines sont évidemment susceptibles de concerner les familles monoparentales, par exemple le développement des offres de répit parental.
Mme la présidente.
La parole est à M. Pierre Vatin.
M. Pierre Vatin (LR).
La situation est exceptionnelle : les effets du covid-19 sur le quotidien des Français sont palpables, notamment à cause du ralentissement de l'économie. Les conséquences financières de la perte d'un emploi sont directes. Depuis plusieurs mois, les Français ont été beaucoup plus nombreux à devoir recourir à l'aide alimentaire, qu'ils soient étudiants isolés, privés d'emploi à temps partiel, intérimaires dans des entreprises fermées ou sans emploi et sans indemnisation de Pôle emploi faute de remplir les critères habituels d'indemnisation.
Dès lors, ne serait-il pas souhaitable, tandis que la crise se poursuit, que la situation particulière de chaque demandeur d'emploi donne lieu à une prise en charge personnalisée, qui tienne compte de sa situation au regard du covid-19 ? Ainsi, une période d'essai résiliée à cause de la crise sanitaire ne devrait pas provoquer une absence d'indemnisation de plusieurs mois. Ensuite, ne faut-il pas aider davantage les associations d'aide alimentaire à répondre à l'afflux, alors que les dons ont considérablement chuté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Fabien Di Filippo.
Très bien ! Il a raison !
Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
La précarité alimentaire n'est pas née de cette crise. Je la connais depuis très longtemps, plus de vingt-sept ans. Il s'agit malheureusement d'une constante de notre société, que la crise sanitaire a aggravée.
M. Fabien Di Filippo.
Et depuis quatre ans, rien n'a changé !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Moi, j'ai essayé de lutter, monsieur !
On estime que plus de 7 millions de personnes sont en situation de précarité alimentaire, soit une augmentation de 15 à 20 % des files d'aide alimentaire en 2020 par rapport à 2019. Ces personnes savent qu'elles peuvent se tourner vers les nombreuses associations que vous avez citées, qui ?uvrent au quotidien dans l'ensemble du territoire. Ces associations et les bénévoles qui s'y engagent imposent le plus grand respect, et nous les remercions tous.
Dans cette période, l'État s'est engagé à venir en aide aux plus précaires. En 2020, il a alloué un budget de plus de 290 millions d'euros à la lutte contre la précarité alimentaire, soit une augmentation de 121 % par rapport à 2019. Vous le voyez, l'effort est considérable. Nous nous engageons résolument à lutter contre la précarité alimentaire qui touche les étudiants. Les CROUS – centres régionaux des ?uvres universitaires et scolaires – se sont largement lancés dans la création d'espaces de distribution alimentaire, d'épiceries solidaires et d'autres dispositifs.
Mme la présidente.
La parole est à M. Bruno Fuchs.
M. Bruno Fuchs (Dem).
Dimanche soir, j'étais à Mulhouse avec les associations De bon coeur et Communauté solidaire d'Alsace, qui apportent des paniers repas aux étudiants les plus fragiles. J'ai une nouvelle fois rencontré des jeunes en très grande détresse psychologique et matérielle, or une majorité de ces étudiants étaient des étudiantes. Il faut savoir qu'en France, 67 % des nouveaux bénéficiaires des aides alimentaires sont des femmes. À l'origine de cette situation, il y a la disparition de petits boulots, provoquée par la pandémie. En effet, les étudiantes, qui occupent très fréquemment des postes dans des secteurs particulièrement touchés comme le tourisme ou l'hôtellerie, sont les premières à perdre leur emploi. Je souligne que les dépenses d'une étudiante sont en moyenne 23 % plus élevées que celle d'un étudiant. Seriez-vous favorables à la création d'aides spécifiques aux jeunes femmes, qui s'ajouteraient bien entendu aux aides existantes ? Je pense par exemple à la prise en charge des protections périodiques.
La détresse est aussi psychologique : 30 % des étudiants ont eu des pensées suicidaires, selon une étude réalisée en novembre dernier par IPSOS. Pour y remédier, le chef de l'État a proposé en février la création d'un chèque psy. On estime que 3 000 consultations hebdomadaires sont ainsi prises en charge. C'est beaucoup, mais trop peu pour constituer une réponse adaptée à l'ampleur du phénomène. La faute en revient aux réalités de terrain : pas assez de psychologues dans les universités, un pour 30 000 étudiants ; les psychologues de ville jugent le chèque peu attractif en raison de lourdeurs administratives ; enfin, le chèque psy est nécessaire pour constater les urgences, mais ne saurait constituer la prise en charge de tout un parcours de soins. Le Gouvernement entend-il améliorer et pérenniser le dispositif pour répondre à cet immense défi de santé publique ?
Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Il faudrait bien plus de deux minutes pour répondre à cette question, dont vous admettrez qu'elle est très vaste. Nous avons beaucoup travaillé sur les dispositifs de lutte contre la précarité des femmes, notamment sur la précarité menstruelle.
Je répondrai plutôt à la question relative à la détresse psychologique dont souffre une part importante des jeunes de notre pays. Nous le savons, la crise sanitaire a provoqué une forte dégradation de leur santé mentale. En janvier dernier, près d'un jeune sur cinq de moins de 25 ans rapportait des symptômes de troubles dépressifs sévères – c'est considérable. Aussi le Gouvernement a-t-il déployé dès janvier 2021 le chèque d'accompagnement psychologique, dit chèque psy, afin de proposer à tous les étudiants qui en ressentent le besoin une consultation avec un psychologue, un psychothérapeute ou un psychiatre. Dans tout le territoire, plus de 1 500 psychologues se sont portés volontaires pour participer au dispositif, et nous les en remercions. Il s'agit d'accueillir les étudiants pour une première série de trois consultations renouvelable une fois, entièrement prises en charge par l'établissement d'enseignement supérieur avec lequel les psychologues auront signé une convention.
Ce dispositif complète le recrutement en cours de 80 psychologues supplémentaires dans les services de santé universitaire. En moyenne, 2 300 consultations sont assurées chaque semaine. Les services de l'État travaillent par ailleurs à déployer des mesures nouvelles à destination des étudiants : le lancement d'une campagne de communication et de prévention autour des enjeux de santé mentale et l'amplification du dispositif premiers secours en santé mentale dans les universités, afin de repérer précocement les situations de détresse.
Vous appelez l'attention sur la précarisation des jeunes, que la crise est venue renforcer. Le Gouvernement n'est évidemment pas resté insensible aux difficultés financières qu'ils rencontrent. Nous avons versé des aides exceptionnelles. En complément des aides financières pour les jeunes diplômés en recherche d'emploi, des bourses supplémentaires ont été versées fin janvier. Nous travaillons évidemment à répondre à ces questions.
Mme la présidente.
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul (SOC).
Dix millions de pauvres : c'est le seuil dramatique que la France a franchi en 2020, selon les grandes associations caritatives. Des familles, des personnes isolées, des jeunes ont encore besoin de l'aide alimentaire pour vivre : 8 millions de personnes ont dû y recourir cet hiver, soit huit fois plus que dans les années 1980. Cela représente une augmentation de près de 3 millions de personnes, soit une progression de 30 % entre 2019 et 2020. Or le taux d'épargne des Français enregistré en 2020 a également progressé de 30 % ce qui a permis de constituer 160 milliards d'euros d'« épargne-covid » selon l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques. Mais, visiblement, ce ne sont pas les mêmes citoyens qui sont concernés.
L'État a pris des mesures d'urgence, mais la crise sanitaire et économique qui touche le pays est profonde. Elle n'est en réalité qu'un catalyseur, l'accélérateur d'une mauvaise spirale installée depuis des années. L'action du Gouvernement reste principalement consacrée à une politique de l'offre destinée aux entreprises. Le plan de relance annoncé en septembre dernier pour 2021 concentre 22 milliards d'euros de crédits à l'aide aux entreprises et aux baisses de charges ; en proportion, seulement 0,8 % est consacré au soutien des plus précaires, c'est très insuffisant. Esther Duflo l'a souligné : « Plus on aide les gens, plus ils sont aptes à sortir de la trappe à pauvreté. »
De son côté, le comité d'évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a examiné la stratégie du Gouvernement et a formulé des recommandations. Il a insisté sur plusieurs nécessités : mieux définir et comprendre la grande pauvreté, lutter contre les effets sur la pauvreté de la crise du covid-19, renforcer la lutte contre le non-recours, aider les jeunes de 18 à 24 ans les plus démunis, évaluer l'efficacité de l'accompagnement dans sa globalité et accélérer le déploiement du plan Logement d'abord. De son côté, le groupe Socialistes et apparentés a également fait des propositions, qui ont été énoncées cet après-midi. Contrairement à ce que disait le président Macron, le ruissellement n'existe pas. Quelles mesures d'équité sociale, économique et fiscale appliquerez-vous ?
M. Fabien Di Filippo.
Surtout avec une telle récession !
Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Vers les publics les plus précaires, nous avons fait « ruisseler » au total plus de 3,5 milliards d'euros de soutiens directs, alloués au financement d'aides exceptionnelles de solidarité versées en mai, juin et octobre.
Ainsi, 880 millions d'euros ont été destinés à une aide exceptionnelle de solidarité, versée automatiquement le 15 mai dernier, à 4,1 millions de foyers. De plus, 160 millions d'euros ont permis de verser, au mois de juin, une aide de 200 euros à 800 000 jeunes en difficulté, et 580 millions d'euros ont été consacrés à la revalorisation exceptionnelle de l'allocation rentrée scolaire.
Trois aides supplémentaires ont également été versées, fin novembre, à près de 4,7 millions de foyers, pour plus de 970 millions d'euros : une aide de 151 euros pour 2,1 millions de foyers allocataires du RSA ; une aide de 100 euros par enfant à charge, pour toutes les familles bénéficiaires des aides personnalisées au logement ; une aide de 150 euros versée à près de 600 000 jeunes de moins de 25 ans, non-étudiants, bénéficiaires des APL – aide personnalisée au logement. Par ailleurs, une aide de 150 euros a été versée aux 740 000 étudiants boursiers, à l'initiative du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Au-delà de ces chiffres et de ces aides, sont promus des dispositifs d'aide à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Ainsi, le dispositif « 1 jeune, 1 solution » permet d'apporter une aide concrète aux jeunes, de les aider à trouver un projet, de les accompagner et, surtout, de les sortir de la précarité. Je me bats depuis longtemps pour l'insertion sociale et professionnelle des jeunes, quel que soit leur profil, quel que soit leur démarrage dans la vie, car chacun d'entre eux peut avoir une solution et un avenir. Notre politique est donc double : soutenir grâce aux aides, et mettre en place des dispositifs pour aider à s'en sortir.
Mme la présidente.
La parole est à M. M'jid El Guerrab.
M. M'jid El Guerrab (Agir ens).
Un paquet de pâtes, un peu de riz, une boîte de thon, une bouteille de lait, quelques légumes et un savon : voilà, madame la ministre déléguée, ce pourquoi, en 2021, nos étudiants sont capables d'attendre pendant des heures et des heures dans le froid, à la fin d'une longue journée de travail. Ces paniers distribués par les associations d'aide ne sont plus, à ce stade, des distributions de confort, mais des distributions de nécessité, qui représentent, pour beaucoup de ces jeunes, la seule solution pour faire un repas par jour.
Depuis le mois de mars dernier, plusieurs centaines de milliers de personnes ont basculé sous le seuil de pauvreté. Les étudiants sont particulièrement touchés par la hausse de la précarité et de la pauvreté. Avec l'augmentation du coût de la vie et la suppression de la quasi-totalité des jobs étudiants et des stages, leur niveau de vie a reculé : 33 % d'entre eux déclarent rencontrer des difficultés financières depuis le début de la crise sanitaire.
Ainsi, la pandémie de covid-19 a fait basculer certains jeunes dans la précarité, ou a dégradé des situations déjà très fragiles. Certains d'entre eux vont même jusqu'à renoncer à des repas, à des soins médicaux, ou à des achats de première nécessité, pour des raisons financières. La détresse des étudiants est terrible, madame la ministre déléguée.
À cette détresse économique, s'ajoute pour certains une détresse psychologique. Je veux parler des étudiants étrangers, mais également des étudiants français, dont les familles sont établies hors de France, qui n'ont pas vu leurs proches depuis des mois et des mois, parfois même depuis plus d'un an. Le prix exorbitant des billets d'avion et la fermeture des frontières leur font subir une solitude terrible, les faisant très souvent sombrer dans une dépression liée à l'isolement.
Ayant apporté récemment mon soutien à l'association AGORAé, qui vient en aide aux étudiants en difficulté, en leur distribuant des repas chauds, j'ai pu constater cette réalité : une majorité des jeunes dans le besoin sont des étudiants étrangers ou français dont les familles résident à l'étranger.
M. Fabien Di Filippo.
Eh oui !
M. M'jid El Guerrab.
Il est plus que nécessaire d'agir pour ces étudiants : que proposez-vous pour les aider, dans un premier temps financièrement, et peut-être, dans un second temps, psychologiquement ?
Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
L'aide alimentaire n'est malheureusement pas apparue avec la crise sanitaire : elle est récurrente et existe depuis très longtemps. Chacun essaie d'apporter sa pierre à l'édifice et d'améliorer les conditions de l'aide alimentaire en France. Les jeunes sont concernés, les personnes âgées, et d'autres : nous ne découvrons pas ce phénomène, et j'espère que vous non plus.
La précarité étudiante a effectivement fortement augmenté pendant la crise. Les images d'étudiants que vous évoquez, attendant des heures pour bénéficier d'un panier-repas, sont choquantes. Je l'ai dit, le Gouvernement a débloqué des sommes sans précédent pour lutter contre cette précarité. Nous devons faire plus. Nous devons accompagner les étudiants dans la durée.
Le dispositif « 1 jeune, 1 solution » vise à répondre aux conséquences économiques de la crise sanitaire : certains n'ont pas pu achever leur formation, tandis que d'autres arrivent sur le marché du travail durement frappé par la crise économique. Ce dispositif cherche d'abord à accélérer l'embauche des jeunes, avec une compensation de charges. Nous développons également massivement l'apprentissage en alternance, qui fait partie des solutions que nous essayons de trouver pour les accompagner, avec une aide exceptionnelle allant de 5 000 euros à 8 000 euros par contrat.
Nous visons aussi la création de 100 000 missions de service civique, qui sont très demandées, en particulier pour le soutien au grand âge. Elles s'ajoutent aux 140 000 missions initialement programmées.
M. M'jid El Guerrab.
Très bien !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Nous voulons accompagner les jeunes les plus éloignés de l'emploi, en construisant 300 000 parcours d'insertion, avec notamment la création de 50 000 places en garantie jeunes en 2021, permettant un suivi en même temps qu'un projet. Mieux qu'un RSA jeunes, nous proposons donc un parcours d'insertion vers l'emploi, avec une allocation de 500 euros par mois pour les jeunes éloignés de l'emploi.
Je n'ai pas de réponse à vous apporter pour l'instant sur la politique en direction des étrangers, qui relève d'une logique différente.
Mme la présidente.
La parole est à Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill (UDI-I).
Je me fais l'écho de certaines difficultés rencontrées dans ma circonscription, qui sont à l'image des très nombreux problèmes auxquels sont confrontés des milliers de nos concitoyens pendant cette crise. Un Beauvaisien ayant acheté un fonds de commerce, le 1er octobre 2020, s'est vu contraint d'arrêter son activité un mois plus tard, à la suite des restrictions sanitaires. Or, il n'est éligible à aucune aide, puisque celles-ci sont réservées aux commerces ayant eu une activité avant le 30 septembre 2020.
Reprendre un fonds de commerce est un acte courageux, un pari risqué, qui engage bien souvent toutes les économies de ceux qui se lancent. Or, de nombreux Français ayant pris ce risque au mauvais moment, se retrouvent privés d'aides pour n'avoir pas travaillé assez longtemps, tout en devant rembourser les sommes importantes empruntées pour l'ouverture de leur commerce.
Dans ma circonscription toujours, un autre Isarien a démissionné de son entreprise après une promesse d'embauche pour un poste plus attrayant. Lorsque la crise est arrivée, la seconde entreprise n'a pas pu l'embaucher. Puisqu'il avait démissionné, il a évidemment été privé d'indemnité chômage alors que, bien sûr, crédits, impôts, loyers et charges continuent de s'accumuler. Comme lui, beaucoup de Français se retrouvent dans ce que j'appelle des trous noirs administratifs : j'évoque ainsi tous ceux qui ne rentrent pas dans les cases, à l'instar des deux cas que je viens de citer, qui subissent de plein fouet les effets de la crise, sans être éligibles à aucune aide.
Madame la ministre déléguée, que prévoit votre ministère pour sortir le plus de Français possible de ces trous noirs ? Peut-on regarder quelques situations au cas par cas, et permettre aux personnes concernées d'accéder aux aides dont elles ont besoin pour survivre et pour relancer leur activité ?
Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Concernant le calcul du chiffre d'affaires de référence pour les aides aux entreprises créées récemment, vous n'êtes pas sans savoir que le fonds de solidarité a été progressivement élargi aux entreprises nouvellement créées, raison pour laquelle différentes périodes sont prises en compte pour le calcul de l'aide, qui doit obligatoirement reposer sur un chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise.
Normalement, la date de création d'entreprise à prendre en compte pour le fonds de solidarité est celle du début d'activité, mentionnée sur le formulaire de déclaration déposé au centre de formalités des entreprises. Néanmoins, par exception, lorsque l'activité a débuté postérieurement à la date indiquée, l'entreprise peut prendre en compte la date à laquelle elle a pour la première fois rempli la double condition d'avoir disposé d'immobilisations, et d'avoir versé des salaires ou réalisé des recettes.
Pour les entreprises créées entre le 1er février 2020 et le 29 février 2020, le chiffre d'affaires de référence est celui réalisé en février 2020, ramené sur un mois. Pour les entreprises créées entre le 1er mars et le 30 septembre, le chiffre d'affaires de référence est une moyenne mensuelle réalisée entre le 1er juillet 2020, ou, à défaut, entre la date de création de l'entreprise et le 31 octobre 2020. Pour les entreprises créées entre le 1er octobre 2020 et le 31 octobre 2020, le chiffre d'affaires de référence est celui réalisé durant le mois de décembre 2020.
Par dérogation, pour les entreprises ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public en décembre 2020, le chiffre d'affaires réalisé est ramené, le cas échéant, sur un mois. Pour les entreprises créées entre le 1er novembre et le 31 décembre, le chiffre d'affaires de référence est celui réalisé durant le mois de janvier 2021.
Concernant l'autre situation, si la personne a démissionné pour retrouver un emploi, et que sa promesse d'embauche a été rompue, elle peut, normalement, au bout de quatre mois, avec suffisamment de preuves de recherche d'emploi, se rendre auprès des instances régionales paritaires, lesquelles sont en mesure de requalifier le dossier. Je ne peux que vous encourager à inviter la personne concernée à effectuer cette démarche auprès des instances régionales paritaires.
Mme la présidente.
La parole est à M. Olivier Falorni.
M. Olivier Falorni (LT).
Nous déplorons, chaque jour, les conséquences désastreuses de l'épidémie de covid-19 : celles relatives à l'augmentation de la précarité et de la pauvreté arrivent en tête de nos préoccupations. Je ne m'attarderai pas sur les constats, que nous ne connaissons que trop bien : chômage partiel et chômage réel, faillites d'entreprises, réseaux de solidarité en difficulté.
Des mesures d'urgence ont été mises en place. Elles étaient nécessaires pour aider les publics les plus touchés. Mais l'ampleur de la crise nous oblige à constater que ces mesures ne suffisent malheureusement pas, et ne suffiront pas. Dès aujourd'hui, il faut anticiper la prolongation de la crise sociale au-delà de la crise sanitaire. Les filets de sécurité prévus lors de la crise disparaîtront, avec un risque d'explosion de la pauvreté au même moment, ce d'autant que cette crise sociale s'ajoute à une pauvreté contre laquelle le Gouvernement s'était pourtant engagé à lutter.
Or, le comité chargé d'évaluer la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté lancée en 2018 indique que parmi les trente-cinq mesures annoncées, seules quatre ont été intégralement mises en ?uvre – deux ont été abandonnées et les vingt-neuf autres sont dans un état d'avancement très inégal. Parmi les difficultés évoquées par France Stratégie, en charge de cette évaluation, figure le non-recours aux droits lié au manque d'information et à la complexité des démarches. Impossible de ne pas songer au report sine die des concertations sur le revenu universel d'activité qui avait été annoncé en 2018 par le Gouvernement, pour lutter contre le non-recours.
La crise sanitaire ne doit pas nous faire prendre davantage de retard, mais doit au contraire nous inciter à agir plus vite et plus fort contre la précarité et la pauvreté. Quelles mesures comptez-vous prendre pour mener à bien la stratégie que vous avez fixée, et pour élever celle-ci à la hauteur des enjeux ?
Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Merci de votre question, qui porte en particulier sur l'évaluation de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Nous ne disposons pour l'instant, de la part du comité d'évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté que vous évoquez, que de ce que j'appellerai un rapport d'étape. Ce comité fait d'ailleurs part des difficultés qu'il a rencontrées du fait notamment du « manque de données » et d'indicateurs mis à sa disposition par France Stratégie.
J'appelle aussi votre attention sur le fait que siègent à ce comité trois présidents d'associations de lutte contre la pauvreté qui ont une certaine orientation, disons-le. Nous l'avons voulu ainsi et nous devons le prendre comme tel. Le travail que vous mentionnez n'est ainsi que l'une des évaluations de la stratégie de lutte contre la pauvreté et ses effets ; il en existe d'autres. Je pense notamment à la publication de l'INSEE – Institut national de la statistique et des études économiques –, en date du mois de novembre 2020, qui souligne qu'en 2019, le taux de pauvreté a diminué de 0,3 point par rapport à 2018 et que le revenu courant des ménages a nettement augmenté, soit une progression de 3,2 %, après une hausse de 2,7 % en 2018. Il s'agit donc d'une augmentation nette, soutenue tant par la baisse des prélèvements sociaux et fiscaux, que par le dynamisme des salaires et des prestations sociales.
J'évoquerai également l'étude de la DREES – direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé –, qui met en évidence l'impact positif des transferts publics, notamment celui des prestations sociales et des allocations familiales, sur les variations annuelles de niveau de vie des plus précaires. Les transferts publics ont amorti en moyenne 70 % des variations annuelles de niveau de vie des personnes d'âge actif entre 2011 et 2016.
Par ailleurs, la survenue de la crise sanitaire a fortement ralenti le déploiement de certaines mesures, comme le petit-déjeuner à l'école ou la tarification sociale dans les cantines. Elles vont retrouver, le Gouvernement s'y engage, leur trajectoire antérieure. D'autres mesures s'appliquent déjà : la complémentaire santé solidaire, la réforme « 100 % santé ».
Enfin, vous conviendrez qu'il est difficile de lutter contre la pauvreté en un an ! Il faudra des années pour que notre action produise tous ses effets, d'autant que nous agissons à la racine, dès le plus jeune âge.
Mme la présidente.
La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel (FI).
Nous débattons ce soir de l'action de l'État à l'égard des plus précaires durant la crise sanitaire. Je ne suis pas très satisfait de la réponse que vous venez d'apporter à M. Falorni, et je vous demande à mon tour : qu'avez-vous fait, et qu'allez-vous faire, qui soit enfin à la hauteur de la crise sociale dramatique que nous vivons, à la hauteur des 300 000 emplois détruits en un an ?
Tout au long de l'année, on a fermé les bars, les restaurants, les boîtes de nuit, les lieux de culture ; cela peut s'entendre, même si je crois que l'on aurait pu faire autrement. C'était là une question sanitaire. Mais qu'avez-vous fait pour protéger tous ceux qui font vivre ces lieux pour nous toutes et tous ?
Qu'avez-vous fait pour les étudiants en galère qui y trouvaient souvent leurs petits boulots ? Vous n'avez pas même consenti la pauvre petite ouverture en faveur du RSA jeunes que nous avons proposée. Et ne me parlez pas des aides cosmétiques que vous avez imaginées, aides alimentaires ou aides au retour à l'emploi, alors qu'il n'y a plus d'emploi !
Qu'avez-vous fait pour les centaines de milliers d'intérimaires et d'extras dont les revenus dépendent de ces établissements ? Laissés sur le carreau, ils n'ont même pas eu d'année blanche, comme les intermittents, alors que la mesure serait si simple à mettre en place.
Pire encore, vous vous obstinez à maintenir la réforme des allocations chômage, mettant ainsi en place une pure et simple trappe à précarité.
Au moment où tout le pays est à l'arrêt sous vos claquements de doigts, où le Secours populaire enregistre une augmentation de 45 % de ses files d'attente, vous expliquez aux plus précaires et aux chômeurs qu'ils sont coupables de leur chômage, de leur misère et de leur crise ; et 800 000 d'entre eux vont perdre de l'argent, parfois des sommes considérables.
Vous ne semblez même pas décidés à prolonger la trêve hivernale, alors que les plus fragiles d'entre nous ont vu cette année cauchemardesque les pousser vers le précipice. Vous venez de citer des taux de pauvreté pour 2018 et 2019 dont vous êtes apparemment fière ; je crains que les chiffres pour 2020 et 2021 ne soient vraiment pas les mêmes.
Au moment où les plus riches ont vu leur fortune augmenter de 439 % en dix ans – c'est un record du monde, soit deux fois plus que les autres pays –, vous refusez de les taxer. Qu'allez-vous faire pour éviter d'ajouter de nouveaux drames sociaux, donc humains, à la catastrophe que nous vivons ?
Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Je ne me sens pas concernée par le ton que vous employez pour me parler ; dans la vie, voyez-vous, il y a ce que l'on dit et ce que l'on fait. Pour ma part, j'ai toujours fait. Je ne me sens donc pas visée du tout par votre discours vraiment caricatural, permettez-moi de vous le dire.
M. Éric Coquerel.
Ce n'est pas caricatural !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Oh si.
M. Éric Coquerel.
Pas du tout !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Le principe de solidarité a guidé l'action de ce Gouvernement, ne vous en déplaise, tout au long de la crise sanitaire. Solidarité entre les générations, d'abord : en confinant la population à deux reprises, en prenant des mesures sanitaires parfois très restrictives, vous l'avez rappelé, le Gouvernement a fait le choix de protéger les plus vulnérables des Français, c'est-à-dire les plus âgés et ceux qui présentent des comorbidités, ceux dont le risque de développer la maladie était très important.
Nous protégeons également les plus jeunes, que la crise a parfois fait basculer dans la précarité. Le Gouvernement a mobilisé des moyens inédits, même si vous dites le contraire : des aides exceptionnelles ont été versées aux jeunes en difficulté. Tous les étudiants, boursiers ou non boursiers, ont eu accès à deux repas par jour au tarif de 1 euro dans les restaurants universitaires – vous dites que c'est faux, je vous affirme, moi, que cela existe.
M. Éric Coquerel.
Heureusement qu'il y a les associations !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Le plan de relance, ainsi que le plan « 1 jeune, 1 solution » doté de quelque 7 milliards d'euros, devront permettre d'améliorer l'accès à l'emploi des jeunes qui rencontrent des difficultés pour s'insérer. L'emploi demeure le moyen le plus efficace de prévenir le basculement dans la pauvreté.
Nous soutenons également les plus précaires, la précarité augmentant sensiblement les risques de développer des formes graves de la maladie. Des soutiens directs pour près de 3,5 milliards d'euros ont été versés sous des formes diverses : aides financières, aides alimentaires, hébergements d'urgence, soutien aux associations qui oeuvrent contre la précarité. Il ne s'agit pas d'être fier, monsieur le député, mais de faire ! Je souligne aussi que des millions de masques ont été fournis aux plus précaires et aux associations qui les accompagnent.
Enfin, nous soutenons les entreprises, les commerçants, les indépendants, qui ont fortement pâti de la crise sanitaire. Un plan massif de sauvegarde de l'emploi, pour près de 40 milliards d'euros, a été mis en place, ainsi que des mesures d'activité partielle et des mesures de protection pour les entreprises, et pour des millions de travailleurs.
Mme la présidente.
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu (GDR).
La crise du covid a agi comme un catalyseur des inégalités : les plus fragiles sont devenus encore plus fragiles, et les territoires qui étaient déjà en difficulté le sont un peu plus encore. Ainsi, mon département, la Seine-Saint-Denis, est celui qui paie le plus lourd tribut social et sanitaire à la crise.
Cette fragilisation des familles ne fait malheureusement que commencer. Mais à peine entrevoit-on la fin du tunnel – je le dis avec d'infinies précautions –, à peine reprend-on un peu espoir, que vous remettez le cap sur des mesures d'affaiblissement, sinon d'amputation, des amortisseurs sociaux dont nous avons pourtant mesuré combien ils étaient indispensables.
Nous souhaitons très vivement que vous ne cédiez pas à ces vieux réflexes. Changez de logiciel, réinventez-vous comme d'autres le font jusqu'aux États-Unis !
Ainsi, vous auriez pu répondre à notre demande d'abandonner définitivement la réforme de l'assurance chômage ; vous auriez pu accepter la proposition, formulée sur différents bancs, d'instaurer un RSA pour les moins de 25 ans, qui souffrent particulièrement de cette crise ; vous auriez pu accepter notre proposition d'annulation des frais bancaires pour les ménages les plus défavorisés – je pense notamment aux découverts, qui rapportent chaque année 6,5 milliards d'euros aux banques.
Nous espérons tous que la crise du covid sera enfin surmontée dans les prochains mois ; mais la quatrième vague déferle déjà : c'est celle de la misère.
Au moment où nous allons examiner un projet de loi tendant à prolonger l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 31 octobre prochain, entendez-vous prolonger jusqu'à cette même date la trêve hivernale des expulsions locatives, afin que les ménages les plus en difficulté ne subissent pas une double peine et qu'ils puissent bénéficier de toutes les aides qui pourront les soutenir, au lieu d'être mis à la rue ?
Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Vous avez posé beaucoup de questions : vous avez parlé de votre département, du RSA jeunes, de la réforme de l'assurance chômage, puis de la trêve hivernale. C'est sur cette dernière que je vous répondrai, puisqu'elle concluait votre propos.
Nous avons prolongé la trêve hivernale l'an dernier, vous le savez, jusqu'au 31 juillet 2020, afin de protéger les plus vulnérables. Nous avons également demandé aux préfets de privilégier la prévention et de limiter les concours de la force publique pour les opérations d'exécution. Au mois de février dernier, nous avons étendu la période de protection pour les occupants menacés d'expulsion jusqu'au 31 mai.
Toutefois, vous en conviendrez, ces dispositifs dérogatoires ne peuvent se substituer de manière pérenne au cadre législatif et constitutionnel des rapports locatifs et du droit de propriété. C'est pourquoi le Gouvernement a défini les étapes d'une transition progressive de l'état d'urgence vers une reprise de l'application des procédures d'expulsion locative durant l'année 2021.
Si une expulsion devait avoir lieu, elle devra impérativement être assortie d'une proposition de relogement. L'État s'engage par ailleurs à indemniser rapidement tous les propriétaires affectés pour les sommes légalement éligibles, grâce au fonds d'indemnisation des bailleurs, qui sera abondé de 20 millions d'euros.
Concernant les minima sociaux, le Gouvernement a conduit tout au long du quinquennat des politiques visant à soutenir les ménages les plus exposés à la précarité. Certaines prestations sociales ont été massivement revalorisées ; je pense à l'allocation aux adultes handicapés (AAH), au minimum vieillesse, à la prime d'activité surtout. Le Gouvernement a déployé des moyens inédits pour soutenir les plus précaires. Une nouvelle revalorisation des minima sociaux n'est donc pas souhaitable pour l'instant.
Mme la présidente.
La parole est à M. Aurélien Taché.
M. Aurélien Taché.
« Chaque fois que l'on refuse 1 milliard d'euros pour la pauvreté, c'est 10 milliards que l'on prépare pour les tribunaux, les prisons, les asiles de fous. » Cette phrase de l'abbé Pierre, vous la connaissez certainement, et elle résonne d'autant plus intensément après plus d'un an de crise sanitaire, économique et sociale.
La pauvreté explose dans nos quartiers, dans nos territoires. Elle frappe de plein fouet et en priorité les plus fragiles ; les plus vulnérables rencontrent des difficultés spécifiques.
Des dispositifs d'insertion et de sauvegarde de l'emploi ont été instaurés, et ils sont nécessaires, mais ils sont très largement insuffisants. Contrairement à l'idée dépassée que le Gouvernement s'entête à véhiculer, et que vous venez d'énoncer à nouveau, l'activité ne saurait être l'unique remède à la pauvreté. Arrêtons de nous voiler la face : il n'y aura pas de travail pour chacun dans les mois qui viennent.
M. Pierre Cordier.
N'étiez-vous pas dans la majorité, avant ?
M. Aurélien Taché.
Selon les chiffres les plus récents, 35 % des 18-24 ans sont aujourd'hui en recherche d'emploi – une hausse de cinq points par rapport à l'an dernier ; c'est aussi le cas de 15 % des 25-29 ans – une hausse de huit points.
La priorité est donc de protéger. Un changement radical de paradigme est indispensable : le problème est profond, et d'ordre idéologique, quand un gouvernement persiste à refuser le principe même d'une hausse du RSA comme son ouverture aux jeunes et perpétue le fantasme de l'assistanat alors que plus de 8 millions de Français vivent dans la précarité alimentaire.
Oui, les aides sociales coûtent un « pognon de dingue », mais on trouve bien des milliards pour les grandes entreprises, qui nous en récompensent bien souvent, trop souvent, par l'évasion fiscale et le dumping social. C'est la cohésion de notre société qui est en jeu ; la misère est le terreau de la violence et de l'exclusion, et les difficultés se concentrent dans les ghettos que nous avons laissés se créer et se refermer sur eux-mêmes.
Le premier séparatisme en France est bien social. C'est donc en priorité par un plan de relance que nous pouvons le combattre, en dégageant des moyens pour le logement, la mixité sociale, la jeunesse.
Mais vous qui connaissez bien le travail social, madame la ministre déléguée, vous qui savez la détresse de ces travailleurs sociaux qui cherchent des solutions alors qu'ils n'ont pas de logements à proposer, vous qui savez que ces jeunes qui ne peuvent même plus rendre visite à leurs grands-parents en EHPAD ont la boule au ventre quand ils pensent à leur avenir, quelle proposition structurante allez-vous faire ? Allez-vous enfin vous décider à augmenter le RSA et à l'ouvrir aux jeunes dès 18 ans ? Cette solution permettrait de résoudre l'essentiel des problèmes que je viens d'évoquer.
Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Je suis membre d'un Gouvernement qui sait ce que la solidarité veut dire, contrairement à ce que vous avez l'air d'affirmer.
M. Fabien Di Filippo.
C'était la blague du soir !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Notre ligne de conduite, c'est de protéger tous les Français dans la crise, quoi qu'il en coûte. Fidèles à nos promesses, nous avons augmenté les minima sociaux, comme l'AAH et le minimum vieillesse ; je l'ai rappelé à plusieurs reprises.
M. Fabien Di Filippo.
Et qui va payer ? Les PME !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Lutter contre la pauvreté, c'est définir une stratégie structurelle de réduction des inégalités dès l'enfance ; il ne s'agit pas de mettre chaque année un pansement sur une plaie. Nous déployons cette stratégie depuis 2018. Nous l'avons dotée de 8,5 milliards d'euros. Ses résultats devront évidemment être évalués à l'échelle d'une génération. La lutte contre la pauvreté est un effort de longue haleine.
Le Gouvernement s'est également mobilisé, dans l'urgence de la crise, pour répondre aux besoins des plus précaires : des soutiens directs, pour 3,5 milliards d'euros, leur ont été alloués. Nous continuerons de répondre aux besoins des Françaises et des Français.
Vous appelez de vos voeux un RSA jeunes. À notre sens, ce n'est pas en permettant aux jeunes de 18 à 25 ans d'avoir accès au RSA que vous lutterez efficacement contre la pauvreté des jeunes, mais en créant les conditions d'une meilleure insertion sociale et professionnelle. Vous partagiez cette philosophie, autrefois.
Le Gouvernement a donc engagé une réforme profonde des politiques d'insertion ; nous nous sommes fixé pour objectif la création d'un véritable service public d'insertion, dont l'État sera le garant.
Nous lutterons aussi contre la pauvreté des jeunes en favorisant un meilleur accès à la garantie jeunes, qui assure ce même niveau de revenus mais en l'assortissant d'un accompagnement social.
Le plan de relance et le plan « 1 jeune, 1 solution » ont permis le renforcement de l'accès à l'emploi des jeunes qui rencontrent des difficultés pour s'insérer, autour de trois axes : favoriser l'entrée dans la vie professionnelle ; orienter et former 200 000 jeunes ; accompagner les jeunes éloignés de l'emploi en construisant 300 000 parcours d'insertion sur mesure.
Vous le voyez, nous luttons, à notre façon.
Mme la présidente.
Le débat est clos.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 6 mai 2021