Texte intégral
ALI BADDOU
Invitée de ce « Grand entretien » de ce lundi 19 avril, avec Carine BECARD nous recevons la ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion, posez vos questions, intervenez en appelant le 01 45 24 7000 ou sur l'application mobile de France Inter. Bonjour Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
ALBI BADDOU
Et merci d'être au micro de France Inter ce matin, nous avions envie de nous projeter vers un retour à la vie normale, d'y parler, l'espoir était dans ses mots du président de la République hier sur la chaîne américaine CBS et je cite Emmanuel MACRON, « nous allons progressivement lever les restrictions début mai », est-ce que l'ouverture d'une réouverture des terrasses, pour commencer, se prépare Madame la ministre ?
ELISABETH BORNE
Eh bien écoutez, ça fait effectivement plusieurs semaines qu'on a des concertations avec les professionnels concernés, que ce soit effectivement les cafés, les restaurants, les salles de sport, tous ceux qui sont dans la culture, l'événementiel, pour préparer ces réouvertures dans de bonnes conditions.
ALBI BADDOU
Est-ce que la réouverture se fera par étapes et est-ce que vous avez une idée du calendrier, d'abord pour les restaurateurs puisque c'est important, pouvoir accueillir des clients en terrasse, c'est pour quand ?
ELISABETH BORNE
Je ne vais pas vous donner le calendrier aujourd'hui, puisque le travail se poursuit avec eux, et puis qu'on va évidemment tenir compte de l'évolution de l'épidémie, mais vous avez entendu, on souhaite pouvoir commencer à rouvrir les terrasses vers la mi-mai et ensuite d'avoir effectivement différentes étapes…
ALBI BADDOU
Donc dans 15 jours.
ELISABETH BORNE
Dans un mois, mi-mai c'est dans un moi, et donc d'ici là on pense bien que l'épidémie aura pu reculer, et ensuite avoir différentes étapes de retour progressif à la normale. Et puis c'est pareil aussi en entreprise, vous savez que depuis le début de la crise on a un protocole sanitaire en entreprise qui définit des règles très strictes, par exemple avec le télétravail systématique dès que c'est possible, moi je suis bien consciente que c'est quelque chose qui peut devenir pesant pour les salariés, et je souhaite, dès que ce sera possible, pouvoir redonner la main aux directions des entreprises et aux salariés pour trouver les bonnes règles en matière de télétravail.
CARINE BECARD
Est-ce que vous entendez malgré tout la petite musique d'une partie des restaurateurs, des cafetiers, qui disent « pas question de rouvrir maintenant, pas question de rouvrir pour refermer », comment ça va se passer pour eux, est-ce que vous allez continuer à les aider, il y en a une partie qui disent « nous on va rouvrir mais probablement en septembre, pas avant » ?
ELISABETH BORNE
Alors, il y a effectivement deux sujets, d'abord quel est le rythme de cette réouverture, et puis il faut…
CARINE BECARD
La question a été posée par Ali.
ELISABETH BORNE
Voilà, et donc du coup, moi je vous dis à partir de la mi-mai on souhaite pouvoir rouvrir les terrasses…
ALBI BADDOU
Début mai disait le président de la République sur CBS.
ELISABETH BORNE
Donc, à partir…
CARINE BECARD
« 17 juin on ouvre les salles », dit-il.
ELISABETH BORNE
On souhaite pouvoir faire cette ouverture progressive, donc je vous dis notamment les terrasses, à partir de la mi-mai, mais aussi on est très attentif à avoir un bon accompagnement de cette reprise, à ne pas retirer des aides trop tôt, on aura une réunion justement de concertation avec les organisations patronales et syndicales, Bruno LE MAIRE et moi, jeudi prochain, pour discuter de la façon dont on va accompagner cette reprise. Moi j'ai annoncé la semaine dernière que les règles de l'activité partielle seraient maintenues, tout au long du mois de mai, eh bien il faut qu'on discute maintenant, avec les partenaires sociaux, de la façon dont ces aides vont pouvoir évoluer, en étant évidemment très prudent, parce que quand on a des salariés qui sont, quelque part, payés par l'Etat depuis des mois, on ne va pas qui prendre le risque…
ALBI BADDOU
Qui bénéficient du chômage partiel.
ELISABETH BORNE
Absolument, on ne va pas prendre le risque de retirer ces aides trop vite, et, voilà, de mettre en difficulté les entreprises et du coup d'avoir des licenciements, donc on sera très attentif au rythme de cette sortie de crise.
ALBI BADDOU
Problème, des restaurateurs ont peur de ne pas retrouver tous leurs salariés pour cette sortie de crise, 100.000 employés auraient disparu de la circulation ces derniers mois, est-ce que vous le confirmez ce chiffre ?
ELISABETH BORNE
Alors, je vous confirme que dans les discussions qu'on a avec eux ils nous font part effectivement du fait qu'il y a eu une sorte d'évaporation naturelle, vous savez, c'est une profession dans laquelle il y a un turn-over important des salariés, et on est très mobilisés, pour deux choses, d'abord les aider à trouver des salariés pour la reprise, et puis aussi, et c'est quelque chose qui peut aller au-delà des restaurateurs, quand on a des salariés qui ont été pendant des mois en activité partielle, eh bien il faut aussi donner une formation, une remise en route si je peux dire, avant la reprise, et c'est ce qu'on va proposer à ces salariés.
CARINE BECARD
Alors on parle effectivement beaucoup des restaurateurs depuis cette crise, 14 mois de crise, beaucoup d'aides aux entreprises, des aides massives, la question qu'on se pose quand même aujourd'hui c'est, quel est réellement l'état économique de la France aujourd'hui, combien d'entreprises, Elisabeth BORNE, ne survivront pas, ou probablement pas, à la reprise de l'activité ?
ELISABETH BORNE
Vous savez, les indications qu'on peut avoir, que ce soit de la BANQUE DE FRANCE, ou de ceux qui travaillent vraiment en proximité avec les entreprises, c'est que grâce, par exemple, aux prêts garantis par l'Etat, grâce au fonds de solidarité, grâce à l'activité partielle, on a pu maintenir la situation de beaucoup d'entreprises, et évidemment…
ALBI BADDOU
Artificiellement, parce que certains parlent d'entreprises zombies, d'entreprises qui auraient fait faillite si elles n'étaient pas soutenues par l'Etat, et de jobs zombis, d'emplois zombis, des emplois qui n'existeraient plus s'il n'y avait pas tous les dispositifs de soutien, et notamment le chômage partiel.
ELISABETH BORNE
Alors, il y a des entreprises qui étaient en difficulté avant la crise et forcément la crise n'a rien arrangé, mais il y a aussi beaucoup d'entreprises qui allaient bien, et je pense que c'était très important de leur permettre de traverser cette période en mobilisant des aides massives, avec un mot d'ordre, protéger les salariés, protéger les Français, protéger les entreprises, et c'est ce qu'on a fait en mobilisant ces aides de façon massive.
CARINE BECARD
Mais vous ne répondez pas exactement à ma question, la question que je voudrais savoir c'est quels sont les secteurs qui risquent d'être le plus touchés et quel est le nombre d'emplois qui risquent de disparaître ? On imagine que vous travaillez quand même déjà sur des prévisions assez claires.
ELISABETH BORNE
Alors, on travaille naturellement à anticiper ce qui va se passer dans les prochains mois, moi je vous dis les aides qu'on a mis en place elles ont été très efficaces, on l'a vu, vous savez, au troisième trimestre 2020, quand on a levé les contraintes sanitaires, l'activité économique a rebondi de façon très importante. Evidemment il y aura un certain nombre d'entreprises qui peuvent être plus en difficulté…
CARINE BECARD
Quels secteurs ?
ELISABETH BORNE
Alors, ça peut être, vous savez, dans les secteurs, notamment qui seront affectés par le télétravail, qui va certainement se poursuivre, dans d'autres conditions, après la crise, on peut penser à la restauration collective, et notamment, pour ces secteurs-là, on a aussi travaillé avec les partenaires sociaux, avec les organisations patronales et syndicales, pour accompagner la reconversion de ces salariés vers d'autres secteurs, c'est un dispositif qui s'appelle « Transition collective », qui permet, quand votre emploi est menacé, que votre rémunération et votre formation soient prises en charge, tout ou partie selon la taille de l'entreprise, par l'Etat, pour vous permettre de vous former vers des métiers qui recrutent, par exemple les métiers du soin, ou la transition écologique, ou le numérique, et donc je pense que c'est très important de dire aux salariés, dont l'emploi est menacé, qu'on va s'occuper de leur formation pour leur permettre de rebondir vers des secteurs qui recrutent.
ALBI BADDOU
Mais vous avez forcément des projections, est-ce que vous estimez le nombre de ces salariés concernés justement, Madame la Ministre ?
ELISABETH BORNE
Moi je n'ai pas de chiffres précis aujourd'hui, on a lancé un appel à tous les territoires qui avaient des situations de ce type-là, parce que l'objectif c'est bien de permettre aux salariés de rester là où ils habitent et, du coup, d'identifier à la fois les entreprises qui ont des emplois menacés, mais aussi celles qui ont des besoins de recrutement, et on accompagnera, vous savez qu'on va mobiliser 500 millions d'euros pour accompagner ce dispositif de reconversion des salariés, je pense que c'est très important, que tout le monde sache qu'on ne va pas laisser tomber les salariés dont les emplois sont menacés, on les accompagnera pour rebondir dans d'autres secteurs.
ALBI BADDOU
La course à la vaccination se poursuit, au-delà de l'impératif sanitaire c'est la condition sine qua non d'une reprise de l'activité économique, Xavier BERTRAND disait hier sur notre antenne qu'il fallait changer les priorités vaccinales, notamment avec ceux qui ne télétravaillent pas. Qui faut-il vacciner de toute urgence et en priorité, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Alors, peut-être que Xavier BERTRAND n'a pas suivi ce qui a été annoncé la semaine dernière, mais vous avez vu que dès le week-end, enfin dès le week-end dernier, on a permis aux enseignants et notamment, enfin par ailleurs aux forces de l'ordre, de plus de 55 ans, de pouvoir avoir un accès prioritaire à la vaccination. Moi je souhaite aussi que…
ALBI BADDOU
Mais pourquoi cette limite d'âge à 55 ans ?
ELISABETH BORNE
Effectivement, on s'occupe des salariés qui ont le plus de risques, et des Français en général, qui ont le plus de risques d'avoir des formes graves de Covid.
CARINE BECARD
Je rappelle juste que la vaccination est déjà autorisée pour tous les gens qui ont plus de 55 ans, donc on n'a pas besoin de faire des listes de salariés prioritaires, puisque de toute façon, dès lors qu'on a plus de 55 ans…
ELISABETH BORNE
Vous savez, les Français de plus de 55 ans, ça fait beaucoup de Français, et donc c'est important pour les professions qui sont les plus exposées, de leur donner un accès prioritaire à cette vaccination. Donc, je vous dis, le week-end dernier ça a été les forces de l'ordre et les enseignants, et on aura, moi j'aurai une concertation, demain matin, avec les organisations syndicales et patronales, pour regarder, parmi les salariés des entreprises…
ALBI BADDOU
Les professions concernées.
ELISABETH BORNE
Les professions qui peuvent être concernées. On travaille, depuis des mois, avec les organisations patronales et syndicales, sur ce qu'on appelle les travailleurs de la deuxième ligne, donc précisément…
ALBI BADDOU
Les caissières et les caissiers ?
ELISABETH BORNE
Donc, du coup, il y a effectivement beaucoup de professions qui sont concernées, et on discutera demain de ceux qui seront prioritaires dès…
ALBI BADDOU
Mais pour que tout le monde comprenne, les caissières, les caissiers, sont concernés ?
ELISABETH BORNE
Ça peut être, vous savez, les éboueurs, les conducteurs de bus…
ALBI BADDOU
Les agents d'entretien.
ELISABETH BORNE
Les agents d'entretien, ça peut être les assistantes maternelles…
ALBI BADDOU
Les chauffeurs.
ELISABETH BORNE
Donc c'est toutes ces professions…
CARINE BECARD
Mais vous, vous le souhaitez ou pas, est-ce que ce sont typiquement des professions que vous allez mettre en avant demain en discutant avec les syndicats et le patronat ?
ELISABETH BORNE
On va partager ces listes, moi je vous dis, je pense par exemple que les éboueurs, ou les conducteurs de bus, on ne fait pas ça au hasard, on a des études qui nous montrent comment ils ont été exposés, qu'ils ont été présents à leur poste de travail depuis le début de la crise, et donc ce sont effectivement des professions pour lesquelles je souhaite qu'il puisse y avoir un accès prioritaire à la vaccination.
ALBI BADDOU
Sans limite d'âge ?
ELISABETH BORNE
La règle elle reste la même pour les enseignants et les forces de l'ordre, donc c'est les plus de 55 ans, ceux qui ont les risques d'avoir une forme grave de Covid.
ALBI BADDOU
Question aussi qui est importante quand on pense à la réouverture, c'est penser à la fin des aides en cours, est-ce que vous avez un calendrier, là aussi, des dispositifs qui devront avoir un terme, chômage partiel par exemple ?
ELISABETH BORNE
Sur le chômage partiel, mais je vous ai dit, j'ai annoncé la semaine dernière qu'on prolongeait les règles actuelles jusqu'à fin mai, et la concertation de jeudi, avec les organisations patronales et syndicales, doit nous permettre de donner le calendrier d'évolution des taux de prise en charge, mais vous savez, on a aussi un dispositif qui s'appelle l'activité partielle de longue durée, qui permet, par accord majoritaire au sein d'une entreprise, de bénéficier d'une activité partielle avec un reste à charge pour l'entreprise réduit, donc de 15 %, pendant 2 ans. Beaucoup d'entreprises…
ALBI BADDOU
Mais il y a une fin prévue au quoi qu'il en coûte, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Vraiment, l'objectif c'est d'accompagner aussi longtemps que nécessaire les secteurs économiques, et moi je le redis, quand on a pris en charge, vous savez depuis des mois, les salaires d'un certain nombre de salariés, pour évidemment éviter les licenciements, on ne va pas retirer ces aides trop vite, et cette activité partielle de longue durée elle permet d'être accompagné pendant 2 ans, pour les entreprises dont l'activité ne reviendra pas à la normale dans les tout prochains mois.
CARINE BECARD
Alors, dans le contexte dans lequel on est aujourd'hui, il faut s'attendre à ce qu'une partie des salariés, qui ont connu une période de chômage partiel, basculent dans le chômage tout court, sauf qu'au 1er juillet prochain les règles de calcul des allocations chômage vont changer, réforme du gouvernement, les allocations vont baisser de 17 % en moyenne et d'environ 30 % pour les personnes ayant été au chômage partiel, en congé maternité ou en congé maladie. Vous avez promis de rectifier le tir la semaine dernière, mais ça fait des mois que les syndicats vous alertaient sur ce problème, alors je vous pose la question très simplement Elisabeth BORNE, est-ce que c'était vraiment une erreur de votre part ?
ELISABETH BORNE
Attendez, ça ne fait pas des mois que les syndicats m'alertaient, je vais être claire, dès que j'ai été alertée, sur cette situation, j'ai demandé à mes services de prendre contact avec l'UNEDIC, donc les partenaires sociaux, pour trouver une réponse, et on va modifier le décret. Je pense que personne ne peut imaginer que l'intention du gouvernement c'est de pénaliser ceux qui sont en arrêt maladie, en congé maternité ou en activité partielle, donc ça sera corrigé.
CARINE BECARD
Les syndicats disent que depuis la première version époque Muriel PENICAUD, en 2019, ils avaient déjà alerté….
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi je n'étais pas là à cette époque-là, je pense que tous les responsables syndicales ont mon portable, s'ils ont une alerte à faire, ils peuvent m'appeler, dès que j'ai eu connaissance de ce problème, j'ai demandé qu'on rectifie, et donc c'est ce qu'on fera et on modifiera le décret.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 avril 2021