Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des affaires européennes, sur la réponse européenne à la pandémie de covid-19.
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l'auteur de la demande dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l'issue du débat, l'auteur de la demande dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
(…)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez rappelé, la pandémie de covid-19 a déclenché une crise inédite pour l'Europe et pour le monde. Cette crise, nous devons encore l'affronter.
Il est probablement temps de tirer les premières leçons de sa gestion européenne. À cet égard, je remercie votre commission d'avoir pris l'initiative de ce débat. Si nous ne savons sans doute pas tout ce que nous aurions pu mieux faire et tout ce que nous devrions mieux faire dans les prochaines années, essayons de tirer quelques leçons et de tracer quelques perspectives.
Cette crise a été d'autant plus difficile que son caractère imprévu nous a tous frappés. En outre, nous le savons, l'Europe, comme objet politique, n'était pas préparée, par ses compétences et ses financements, à affronter une crise sanitaire, surtout de cette ampleur.
Depuis le début de la crise, du chemin a été parcouru. Je veux revenir sur quelques aspects de cette crise multiforme, pour examiner le type de réponses que l'Union européenne a pu apporter.
Alors que nous allons fêter, le 9 mai prochain, la journée de l'Europe, j'ai en tête la célèbre réflexion de Jean Monnet : « L'Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises. » Je crois que cette leçon doit encore nous éclairer, au moment où nous essayons de tirer les premiers enseignements de la gestion par l'Europe de la pandémie.
Concernant la coordination européenne, il est clair que, lorsque celle-ci a surgi, puis frappé l'Europe à partir du mois de février 2020, aucun mécanisme n'existait pour affronter les différents aspects d'une crise de cette ampleur.
Je veux rappeler que c'est la France et le Président de la République en particulier qui ont pris l'initiative, le 10 mars 2020, d'une première réunion en visioconférence des chefs d'État et de gouvernement pour coordonner au maximum les différents aspects sanitaires et économiques des réponses à la crise dès les premiers jours.
Les sommets européens virtuels se sont ensuite multipliés, à une fréquence hebdomadaire, ainsi qu'un certain nombre de réunions des ministres de la santé, tout particulièrement pour essayer de partager l'information et un certain nombre de pratiques, mais aussi d'améliorer autant que nous pouvions le faire la coordination des réponses à la crise.
Je veux revenir sur les deux principaux volets qui ont appelé des réponses locales, nationales et européennes à cette pandémie.
Je commencerai par les aspects économiques, budgétaires et financiers, parce qu'ils sont éclairants. C'est dans ces domaines que l'Europe avait sans doute, au début de la crise, le plus de compétences et d'outils juridiques et financiers pour agir, et je crois pouvoir dire que, sur ce plan, elle a été au rendez-vous. Elle ne l'avait pas été – en tout cas pas suffisamment ou trop tardivement – lors de la précédente crise financière, qui avait frappé notre continent, voilà une décennie.
Elle a été cette fois plus réactive, plus ambitieuse et plus solidaire. Je ne rappellerai pas l'ensemble des étapes de cette réponse. Permettez-moi simplement de citer quelques-uns de ces jalons.
Dès le 13 mars 2020, la Banque centrale européenne, pour ce qui concerne les États de la zone euro, dont notre pays, et la Commission européenne, s'agissant des règles applicables à notre marché, ont réagi fortement.
En particulier, la présidente de la Commission – je le souligne, car on l'oublie parfois – a suspendu l'application des règles budgétaires et des règles en matière d'aide d'État, considérant, à juste titre, qu'elles n'étaient pas adaptées à la période de crise exceptionnelle que nous vivions. Cette réponse et ce pragmatisme européen ont permis le « quoi qu'il en coûte » qui s'est développé en France comme chez la plupart de nos partenaires.
Par ailleurs, si, au début, les discussions ont été difficiles sur le plan budgétaire, nous avons été au rendez-vous, ce qui démarque encore plus cette crise de la précédente.
Ainsi, il y a un an presque jour pour jour, la France, rejointe par l'Allemagne, a pris l'initiative de proposer un plan de relance solidaire, qui reposait sur une dette commune et qui était doté de 750 milliards d'euros. Nous avons acté ce plan au mois de juillet 2020, et le Parlement l'a approuvé en ratifiant la décision sur les ressources européennes au début du mois de février dernier. Nous espérons bien le mettre enfin en oeuvre à partir de cet été. Il est temps !
Nous reviendrons peut-être sur d'autres sujets économiques, en particulier sur le volet industriel, mais je veux maintenant évoquer la réponse sanitaire, puisque cette crise est évidemment d'abord une crise de la santé.
Il est vrai que, dans ce domaine, le bilan est, disons-le franchement, moins favorable. Cependant, je veux rappeler un certain nombre d'éléments très concrets que nous avons parfois tendance à oublier ou à sous-estimer.
Tout d'abord, une véritable solidarité européenne s'est manifestée dès le début de la crise. De fait, l'Europe, ce n'est pas seulement l'Union européenne et ses institutions.
Je vous rappelle ainsi que, lorsque la France a connu, en particulier dans le Grand Est, une situation sanitaire extrêmement tendue et une situation hospitalière extrêmement difficile, nous avons procédé à des transferts de patients d'une région à l'autre. Près d'un tiers de ces transferts a été mis en oeuvre depuis la France vers d'autres pays européens, qui ont offert des capacités d'accueil et, parfois, quelques lits. Je le dis, cette solidarité européenne a sauvé des vies.
Il y a aussi eu, dès la fin de la première vague, une vraie réaction européenne pour combler un certain nombre de lacunes. En effet, peu de choses existaient en matière sanitaire.
Je pense, parmi d'autres initiatives concrètes, à la mise en oeuvre – enfin ! – d'une réserve sanitaire, laquelle a permis, lorsque la deuxième et la troisième vague de la pandémie ont touché notre continent, une solidarité beaucoup plus concrète et rapide en matière d'équipements médicaux – blouses, gants, kits, tests, respirateurs… Ces derniers, on le dit trop peu, ont bénéficié à de nombreux pays européens, y compris au nôtre : la France a ainsi pu se procurer les gants dont elle avait besoin à l'automne dernier, grâce à cette réserve commune européenne.
Je veux évidemment insister, puisque nous parlons de santé, sur la question des vaccins. Sur ce sujet d'actualité, le rôle de l'Europe est souvent mis en cause.
L'impatience de nos concitoyens et, parfois, leur ras-le-bol, si vous me passez l'expression, sont parfaitement compréhensibles. Ce sentiment n'est pas spécifique à la France : il traverse, après ces longs mois difficiles, l'ensemble de notre continent.
Il faut remonter non pas au début de la campagne de vaccination, mais à des périodes antérieures, souvent d'ailleurs ancrées dans un long passé, où l'Europe n'a pas assez financé notre industrie et notre innovation, y compris probablement au tout début de la phase de développement des vaccins, alors que nos partenaires américains, ou même britanniques, ont parfois eu plus d'ambition à cet égard.
Quoi qu'il en soit, n'oublions pas que, s'il n'y avait pas eu ce cadre européen d'achat des vaccins, aucune de ces difficultés n'aurait été résolue de manière plus efficace et plus rapide.
N'oublions pas non plus que, si nous n'avions pas fait le choix de l'achat commun, pour le dire de manière technocratique, ou le choix de la solidarité, pour le dire de manière plus ambitieuse, de nombreux pays européens n'auraient sans doute pas accès aux doses de vaccin aujourd'hui. Nous le verrons de plus en plus lors des prochaines semaines.
Je ne saurais dire quelle serait la situation de la France à cet égard, mais il est certain que nous aurions à nos portes des pays dans une situation sanitaire plus difficile encore, des « usines à variants » à quelques kilomètres de nos frontières. Cela ne serait acceptable ni en termes d'image, de valeurs et de solidarité, ni même en termes d'intérêt sanitaire direct.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État. Je crois que cette ambition européenne, pour imparfaite qu'elle soit – il faut reconnaître que nous ne disposions pas de ces outils au début de la crise –, est absolument nécessaire. Nous l'amplifions par nos capacités de production et par nos capacités d'innovation, en signant le nouveau contrat pour les vaccins.
Je tenais à insister sur cet élément de solidarité. Nous continuerons à porter cette réponse européenne et à l'améliorer dans les mois qui viennent.
- Débat interactif -
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l'auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n'ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l'Inde et l'Afrique du Sud, soutenues par une centaine de pays, réclament à l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, la levée provisoire des brevets sur les vaccins contre la covid-19, le silence de la Commission européenne est assourdissant.
Au nom du secret des affaires, de la défense de l'innovation et de l'efficacité d'une production industrielle censée répondre aux besoins, les multinationales du médicament défendent la préservation des brevets.
Or le constat est accablant. Alors que l'on manque cruellement de vaccins – seulement 10 % des Françaises et des Français et moins de 3,5% de la population mondiale ont pu être vaccinés –, les profits des grands labos s'envolent.
Les trois géants Pfizer, AstraZeneca et Johnson & Johnson ont consacré, en 2020, quelque 21,4 milliards d'euros à des versements de dividendes et à des rachats d'actions. Cette somme aurait permis de vacciner 1,35 milliard de personnes dans le monde, soit l'équivalent de la population de l'Afrique.
Le Gouvernement est loin de trouver cette situation scandaleuse. Sa seule réponse, pour l'instant, consiste à dire que la levée des brevets est inutile, notamment parce que Pzifer autorise Sanofi à produire son vaccin.
Cet argument ne tient pas une seconde ! Non seulement il faudra patienter jusqu'en septembre prochain, mais, en plus, sans levée du brevet, donc sans accès à la formule du vaccin, on en reste à du simple flaconnage, bien en deçà du savoir-faire des salariés de Sanofi et des besoins de la population.
Ma question est simple : quand le Gouvernement va-t-il enfin soutenir celles et ceux qui exigent la levée des brevets au niveau européen ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, soyons clairs, nous partageons l'ambition, que nous sommes les premiers à avoir portée au niveau international, de faire du vaccin un bien public mondial. La question, au-delà des polémiques, est de savoir comment nous le faisons.
La levée des brevets est-elle le meilleur outil pour atteindre cet objectif ? Si tel est le cas, nous la déciderons. Mais, je veux être très transparent, nous en discutions à l'OMC en ce moment, et il n'apparaît pas aujourd'hui que lever les brevets réglerait le problème, puisque l'enjeu est non pas l'accès à la propriété intellectuelle, mais la capacité de production mondiale, en particulier en Afrique ou en Amérique latine, où les capacités de production et l'accès au vaccin sont les moins bons au niveau mondial.
La question est celle des moyens financiers. On peut croire à la magie, mais il faut bien rémunérer l'innovation ! C'est à cela que sert un brevet. Je rappelle que, à l'origine des vaccins dont nous bénéficions aujourd'hui, on trouve de nombreuses start-up, et non des grands laboratoires comme BioNTech, le laboratoire européen que vous connaissez, madame la sénatrice.
Nous avons décidé de faire du vaccin un bien public mondial, pour permettre que l'on y ait accès. Voilà du concret !
Comment procédons-nous ? Nous examinons toutes les possibilités, y compris en matière de propriété intellectuelle et de transfert de technologies pour créer des capacités de production locale. Toutefois, soyons clairs, cela prendra du temps – au moins plusieurs mois.
En attendant, puisque l'on ne peut se permettre d'attendre un an ou deux pour vacciner le reste du monde, nous faisons des dons de doses de vaccin. Ce mécanisme, qui s'appelle Covax, dispose de plusieurs canaux.
La France alloue des moyens financiers à Covax pour cet achat de doses. Aujourd'hui, 42 millions de doses ont été fournies à travers ce mécanisme dans plus de 100 pays, et c'est l'Union européenne, dont la France fait partie, qui fournit l'essentiel des soutiens financiers.
Nous allons, en outre, offrir un certain nombre de doses d'urgence, notamment aux pays africains, conformément à l'engagement du Président de la République, pour vacciner en priorité leurs soignants, car c'est la seule façon de faire tenir leur système de santé dans un moment difficile.
Avec nos partenaires du G7 et de l'Union européenne, nous avons déjà envoyé 100 000 doses de vaccin pour garantir l'accès des soignants au vaccin et le système de santé africain. Nous en expédierons 500 000 autres d'ici au mois de juin prochain.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État. Donc, oui, nous avons décidé de faire du vaccin un bien public mondial, mais nous recherchons les modalités les plus efficaces pour atteindre cet objectif.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, vous devez répondre à dix-sept questions. Gardez donc de la force ! (Sourires.)
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d'État, vous ne m'avez pas convaincue.
Le système des brevets limite gravement les capacités de production. Il constitue donc une cause supplémentaire de décès liée à la pandémie.
Je ne sais pas qui vous écoutez. Pour ma part, je rencontre les salariés des laboratoires, comme Sanofi. Ils possèdent le savoir-faire pour produire les vaccins, mais vous ne leur en donnez pas la possibilité, parce que vous ne levez pas les brevets. Il s'agit véritablement d'un frein.
Vous n'écoutez que les grands laboratoires, qui font des profits colossaux. Cette attitude est criminelle pour l'ensemble de l'humanité ! Je vous demande de réagir, en utilisant la licence d'office, qui existe depuis 1968 et qui n'a jamais été mise en oeuvre. Nous attendons du gouvernement de la France qu'il prenne cette responsabilité.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. Claude Kern. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l'heure où les variants commencent à devenir la norme, et non plus l'exception, je salue l'annonce, par la Commission européenne, en février dernier, du lancement de l'incubateur HERA, qui, je l'espère, permettra une lutte plus rapide face à la covid-19.
À cet égard, j'attire notamment votre attention sur la volonté de la Commission d'accélérer l'autorisation de mise sur le marché des vaccins.
En effet, il a été reproché à l'Europe une certaine lourdeur dans la course aux vaccins, avec en moyenne un retard de dix jours par rapport aux États-Unis, ou encore au Royaume-Uni, dans l'approbation d'un vaccin pour sa mise sur le marché. Cela peut paraître peu, mais nous ne le savons que trop bien, dans la lutte contre la covid-19, chaque jour compte. Comment l'incubateur HERA entend-il remédier à ce problème ?
Je m'interroge également sur le mode de gouvernance de la future autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire, elle aussi dénommée « HERA ».
Il s'agit en effet d'un enjeu majeur, sur lequel il faudra être particulièrement attentif, compte tenu des compétences propres des États membres de l'Union européenne dans le domaine. Une articulation équilibrée entre l'Europe et l'échelon national sera importante, afin de ne pas perdre la main sur cette autorité, que l'on présente déjà comme l'équivalent de la Barda, la Biomedical Advanced Research and Development Authority, des États-Unis.
Les discussions autour de cette nouvelle agence me semblent l'occasion parfaite de recentrer les débats sur l'Europe de la santé et de revoir le partage des compétences entre l'Union européenne et les États membres dans le domaine de la santé.
A fortiori, il paraît peu probable que la crise de la covid-19 soit la dernière crise sanitaire d'ampleur mondiale ou paneuropéenne de notre siècle. Nous devons donc nous poser les bonnes questions et, déjà, préparer cette éventualité, afin d'être plus réactifs.
Enfin, et cela ne vous surprendra pas, monsieur le secrétaire d'État, je propose que la ville de Strasbourg devienne le futur siège de l'HERA. (Sourires.) Ne pensez-vous pas que ce serait une excellente occasion pour la France de consolider Strasbourg comme ville et capitale européennes ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Kern, vous posez en fait plusieurs questions.
Sans entrer dans le détail – M. le président me le reprocherait… (Sourires.) –, je veux dire, concernant les autorisations de mise sur le marché, qu'il existe deux procédures pour homologuer un vaccin : les procédures normales, qui durent de deux mois et demi à quatre mois – sur ce plan, l'Europe n'a pas traîné par rapport à d'autres autorités internationales – et la procédure d'urgence accélérée, que chaque État peut déclencher. C'est ce qu'a fait le Royaume-Uni avant même sa sortie de l'Union européenne – cela n'avait rien à voir avec le Brexit.
Au début, nous devions aussi créer de la confiance autour des premiers vaccins. Pour ce faire, aucun pays de l'Union européenne n'a recouru aux procédures d'urgence.
C'est ce qui explique qu'il y ait eu un décalage de quelques jours – pas davantage, mais quelques jours peuvent compter – avec d'autres pays, notamment avec le Royaume-Uni. Je crois que conserver, en temps normal comme dans les périodes difficiles, la rigueur scientifique des procédures est de nature à conforter la confiance. C'était d'autant plus vrai qu'il existait initialement dans notre pays une réticence au vaccin.
Cela ne signifie pas dire que l'on ne peut pas améliorer les choses, notamment pour les deuxièmes générations de vaccins, qui impliqueront sans doute de réaliser une simple adaptation, par exemple aux variants, et non pas de redémarrer à zéro. Nous avons mis en place, dans le cadre de la réflexion sur HERA, des procédures plus rapides, qui seront disponibles pour les nouveaux contrats que nous signons au niveau européen avec les laboratoires. Nous disons donc oui à cette accélération !
L'agence HERA permettra de financer massivement les recherches médicales et de prendre des risques. Il faut bien dire que cet outil européen a manqué.
Nous serons évidemment vigilants sur la gouvernance de cette future agence européenne. Les discussions à ce sujet viennent tout juste de commencer.
J'ai bien noté l'engouement alsacien pour l'accueil de cette future agence. Vous connaissez mon engagement pour Strasbourg. Je signale toutefois qu'il ne saurait être question que cela se fasse au détriment du Parlement européen et que d'autres villes françaises se sont déjà montrées intéressées. Nous y réfléchirons rapidement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Monsieur le secrétaire d'État, ma question concerne le certificat vert, qui pose encore beaucoup de questions. Je veux plus particulièrement vous interroger sur le sujet de la protection des données personnelles.
Le premier problème concerne la nature des données qui figureront dans le certificat.
Le texte évoque le nom, le prénom, la date de naissance et, bien sûr – c'est l'objectif –, la réalisation d'un test ou d'un vaccin et la guérison. Surtout, il prévoit dans son annexe que puissent être ajoutées des données sous forme d'acte délégué, ce qui constituerait un quasi-pouvoir d'ordonnance, compte tenu de notre pratique législative. Pour notre part, nous pensons que la possibilité de ces actes délégués doit être encadrée dans le règlement.
Le second problème tient à la conservation et à la centralisation des données et de leur traitement.
Le texte dresse la liste de ceux qui y auront accès : les autorités compétentes des États membres de destination, ce qui est logique, les prestataires de services de transport de voyageurs transfrontaliers… Des contrôles sont prévus, mais rien n'est précisé à sujet. Je pense notamment à la possibilité de faire héberger le QR code sur les applications de traçage.
Quelle est la position du Gouvernement dans les négociations qui vont s'engager ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, le certificat vert est un exemple de coordination européenne améliorée. Il est en bonne voie, et j'espère qu'il aboutira.
Je veux répondre très précisément à vos différentes questions.
Pour ce qui concerne la conservation des données, c'est très clair : le texte européen prévoit que l'ensemble des éléments seront conformes au règlement général sur la protection des données européen. En France, nous mettrons en place une déclinaison nationale de ce pass, qui sera soumise à l'avis de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) avant toute mise en oeuvre.
Plusieurs dispositions du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, que vous examinerez bientôt, concerneront ce pass. L'ensemble des questions relatives à la conservation des données pourra alors être soulevé et précisé.
Les pays européens ont mis en place différentes applications. Ce n'est pas parce qu'il sera adossé à notre application TousAntiCovid que le pass obtenu en France ne sera pas lisible par les douaniers ou les forces de l'ordre d'un autre pays.
Que ce soit sur notre téléphone ou en format papier, l'idée est de partager le même code numérique, lisible par les forces de l'ordre ou les autorités sanitaires de l'ensemble des pays de l'Union européenne. Le règlement que l'Union est en train d'adopter vise à garantir ce standard commun.
Savoir où ce code sera stocké dans votre téléphone est une question assez secondaire. L'essentiel est que nous partagions tous le même format, ce qui permettra de garantir la libre circulation de nos frontaliers.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.
Mme Laurence Harribey. Ce qui se passe avec le certificat vert numérique s'apparente à une répétition générale avant la création de l'espace européen des données de santé, plateforme numérique qui centraliserait, à l'échelle européenne, les données de santé. Cette perspective soulève les mêmes types de questions – c'est donc un bon exercice.
Il faut être très vigilant sur la question du consentement des patients, sur celle de l'encadrement des hébergeurs privés, sur les transferts de données d'un hébergeur à un autre et sur les outils d'hébergement. Ces questions, qui se posent à l'aube de ces changements, supposent de mener un travail très important.
Je voudrais y insister, le règlement permet aux États d'ajouter des obstacles. Nous sommes donc loin de l'objectif initial de libre circulation. Il faudra également se montrer vigilant sur cet aspect.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 9 janvier 2020, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies publie sa première note au sujet du covid-19, dans laquelle il relève que trois aéroports européens ont des connexions avec Wuhan.
Le 22 janvier suivant, le Centre alerte sur un risque épidémique élevé. Les conseils de constituer des stocks de tests et de masques FFP2 et FFP3 ne sont pas suivis. Les frontières internes et externes de l'Union européenne sont laissées ouvertes.
Il a fallu implorer la Chine pour avoir des stocks. Un an plus tard, le Gouvernement a enfin entendu Marine Le Pen, en fermant les frontières.
Vous nous vendez l'Union européenne comme l'échelon efficace pour gérer les défis modernes et internationaux, mais ce sont les États – et en France, les collectivités locales –, qui se sont retroussé les manches pour pallier les carences graves de ce Moloch impuissant : une Union de faiblesses européennes qui aura mis en danger des millions de Français.
Dans notre pays, qui reste un acharné enchaîné de l'Union, quelque 14 millions de personnes, soit 27 % de la population, ont reçu une première dose de vaccin contre 34 millions au Royaume-Uni, soit 64 % de sa population, pays qui s'est libéré du carcan européen.
C'est une preuve incontestable de l'échec et du naufrage de l'Union européenne, comparé à la puissance d'un État volontaire. La vérité, c'est que nous avons deux mois de retard sur les États-Unis et le Royaume-Uni. Et chaque jour de retard, ce sont des vies perdues.
Face à la lenteur du processus de certification des vaccins, l'Allemagne a entrepris de passer commande en son nom propre, tandis que la Hongrie s'est tournée vers la Russie et la Chine avec succès et une avance déterminante sur nous.
Josep Borell, haut représentant de l'Union européenne, s'est vu moqué par Moscou et n'a pas réussi à négocier le vaccin russe. L'humiliation est désormais collective.
Enfin, l'opacité sur les négociations – contrats, montants et délais – au niveau européen a entaché durablement la transparence démocratique et la confiance des Français dans le vaccin.
Pour toutes ces raisons, n'est-il pas temps, monsieur le secrétaire d'État, d'impulser une réponse nationale, française en l'occurrence, à cette pandémie, pour enfin s'en sortir efficacement, en commençant par se pencher sur les traitements, plutôt que sur le tout-vaccin ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Ravier, je ne sais par laquelle de vos approximations commencer.
En ce qui concerne les frontières, nous avons entendu Marine Le Pen régulièrement, mais nous ne l'avons pas attendue pour fermer, dès le 17 mars 2020, les frontières de l'espace Schengen, ce qui n'était jamais arrivé. C'est donc un bon exemple de coordination européenne.
Vous me répondrez qu'il ne s'agissait pas d'une véritable fermeture : il était possible d'entrer sur notre territoire pour certains motifs, ce que nous devons d'ailleurs à nos ressortissants de par notre Constitution.
Toutefois, observez, par exemple, les chiffres du trafic aérien ; certains de vos amis s'étaient d'ailleurs plaints que nous n'ouvrions pas assez vite nos frontières au tourisme international : nous avons bien fermé les frontières Schengen et durci les dispositifs de contrôle au fur et à mesure que la situation sanitaire l'exigeait.
En ce qui concerne la Chine, nous avons suspendu les vols dès janvier 2020 – vous avez cité le bon mois.
Vous avez dit que 14 millions de Français avaient reçu une première dose de vaccin ; en fait, 17 millions de premières injections ont d'ores et déjà été réalisées.
Ce qui se passe au Royaume-Uni n'a aucun rapport avec le Brexit.
Vous citez vos amis russes, mais je n'ai pas compris s'il s'agissait d'une critique ou d'un éloge… Toujours est-il que la Russie n'a honoré que 1% de ses promesses de livraison. Ce vaccin n'est pas produit massivement. Si la Russie avait une solution miracle, elle aurait un taux de vaccination au moins équivalent au nôtre. Or il est aujourd'hui deux fois inférieur.
Pour éviter les humiliations que vous évoquez, cessons de répéter des contre-vérités sur ce vaccin russe et produisons – il me semble que vous défendez la souveraineté et l'autonomie – nos propres vaccins en Europe.
Vous voulez des solutions nationales ? Mais, avec de telles solutions, nous n'aurions pas eu la moindre dose de vaccin ni en janvier, ni en février, ni en mars. Nos doses viennent de Belgique et des Pays-Bas. Cette coopération européenne nous est utile.
Oui, l'Union européenne a exporté un certain nombre de doses, car la solidarité internationale est utile pour notre propre situation sanitaire. En effet, si le virus continue de circuler au Brésil, en Inde ou dans d'autres pays européens à nos portes, les variants se multiplieront et nous ne serons pas protégés.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État. Améliorons le cadre européen. Monsieur le sénateur, aucune de vos solutions n'est viable.
M. le président. Il faut respecter davantage votre temps de parole, monsieur le secrétaire d'État. Grâce aux compteurs disposés dans l'hémicycle, je suis sûr que vous y arriverez ! (Sourires.)
La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la progression du nombre de vaccinés en France et en Europe ne cesse de s'accélérer. Je m'en réjouis, et ce d'autant plus après les difficultés d'approvisionnement que le continent a connues.
La gestion des contrats d'achats anticipés par la Commission européenne doit être évaluée dans ses aspects positifs et négatifs. Ces derniers ont mis en évidence l'importance pour l'Union et ses États membres d'adapter les compétences liées à la santé et de se doter d'outils solides et plus efficaces de réaction rapide. Je pense notamment à la future Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire.
Le travail effectué par la task force menée par Thierry Breton sur le renforcement de la production de vaccins est loin d'être terminé. Je salue la capacité industrielle européenne déployée, qui devrait permettre une production annuelle de 3 milliards de doses. C'est crucial pour les Européens et pour le reste du monde. La solidarité sera la clé de la sortie de cette pandémie.
Nous le savons, car nous y sommes exposés, les variants sont de plus en plus nombreux à circuler. En février dernier, l'Union européenne a présenté l'incubateur HERA, pour se préparer à proposer des réponses rapides face à ces variants et pour anticiper les prochaines évolutions de la pandémie de covid-19.
À l'heure où nous amorçons un nouveau déconfinement, nous apprenons que le variant dit « indien » est arrivé sur notre territoire. L'idée qui se dessine est l'évolution du vaccin en fonction des mutations du virus, comme pour celui de la grippe.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous indiquer comment l'incubateur HERA s'implante dans la stratégie industrielle européenne consacrée aux vaccins à court et moyen terme ?
Par ailleurs, quelle est la nature de la coopération des équipes de l'incubateur avec d'autres agences dans le monde, comme l'agence biomédicale américaine, la Barda ? Enfin, quelle part prend la France dans le travail de cet incubateur européen ? (M. Franck Menonville applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, l'incubateur HERA que vous évoquez doit être la préfiguration d'une véritable agence européenne de financement de la recherche médicale.
Nous avons vu combien l'agence américaine Barda était efficace. Je crois que nous devons mettre en place un modèle similaire, doté des mêmes moyens financiers, capable de prendre des risques et de financer parfois des recherches qui n'aboutiront pas. C'est ainsi que nous serons à la pointe de l'innovation.
Les moyens financiers alloués à ce projet pilote sont aujourd'hui limités : un peu plus de 200 millions d'euros. Si nous voulons une agence européenne utile et efficace, il faudra significativement augmenter cette dotation, sans doute en utilisant le budget de santé, désormais inscrit dans le budget européen. Il faudra probablement aller au-delà et porter notre effort à plusieurs milliards d'euros dans les prochaines années pour développer la recherche vaccinale.
Des équipes de recherche françaises seront bien évidemment associées à ces travaux. Nous sommes impliqués dans la création de cette agence, qui n'a pas encore pris toute sa mesure et dont il faudra augmenter les moyens sans hésitation. Sa mise en place constituera une réelle avancée européenne. C'est l'une des leçons que nous aurons tirées de la crise.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « Le nationalisme, c'est la guerre », affirmait François Mitterrand. Face à la pandémie, monsieur Ravier, le nationalisme, c'est la défaite pour tout le monde. (M. Stéphane Ravier proteste.)
Voilà plus d'un an, le directeur général de l'OMS nous avertissait que nous étions confrontés à une menace commune, que nous ne pourrions vaincre qu'avec une approche commune.
Un an après, nous avons tous appris d'expérience que nul ne peut espérer s'en tirer durablement sans les autres et que l'arrogance de certains dirigeants peut peser plus lourdement sur des libertés et des droits que sur la circulation d'un virus et de ses variants – on pense à l'Inde, au Brésil, à Donald Trump… Notre pays lui-même n'est pas à l'abri d'une mauvaise trajectoire qui ferait de lui une fabrique de variants en Europe.
La solidarité européenne, c'est le choix d'un mécanisme commun de commande et de distribution des vaccins, ainsi que le choix de l'endettement commun pour engager la relance. On voit les difficultés d'exécution, de cohésion et les tracas – en particulier pour les bassins transfrontaliers.
La mise en place du certificat européen, cet été, en harmonisant les règles qui autrement partiraient dans tous les sens, peut contribuer à un équilibre entre santé publique et liberté de mouvement. Le Parlement européen a clairement posé les conditions nécessaires pour cela. Nous sommes particulièrement vigilants sur cette question.
La solidarité, c'est aussi et surtout notre capacité à faire toute notre part pour faire respecter les droits de chacune et de chacun dans le monde à être protégé de la pandémie.
L'effroyable évolution de la situation en Inde, l'écart vertigineux de vaccination, d'équipements d'urgence et de respirateurs entre les pays riches et les pays pauvres montre que l'élan de solidarité mondiale est à la peine.
Monsieur le secrétaire d'État, alors que l'Union européenne a bloqué toute demande relative à la levée des droits de propriété intellectuelle sur les vaccins, qui permettrait aux pays émergents de produire eux-mêmes des vaccins génériques, alors que l'accélérateur ACT et le mécanisme Covax assureront au mieux la vaccination de 20 % de la population des pays pauvres à terme, l'Union européenne a-t-elle la capacité et la détermination nécessaires pour relancer fortement l'élan solidaire, qui contribuera à donner de véritables perspectives d'espoir partagé ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je partage en tout point votre exigence de solidarité internationale, non seulement parce qu'elle répond à nos valeurs et à notre devoir d'humanité, mais aussi parce qu'il s'agit de notre intérêt le plus direct, je le répète. Nous n'en aurons jamais fini avec cette pandémie, quelle que soit notre couverture vaccinale, si nous ne vaccinons pas le reste du monde le plus vite possible.
Pour ce faire, nous passons par l'accélérateur que vous avez évoqué et par l'initiative Covax, qui commence à fonctionner et dont les pays européens sont les premiers contributeurs en doses et en financements.
Les commandes de l'Union européenne, honorées désormais à un rythme accéléré, atteignent déjà plus de 2,5 milliards, ce qui est largement suffisant pour couvrir notre population d'ici à la fin de l'été, même avec des vaccins à double dose.
Dans un second moment, dont nous souhaitons qu'il soit le plus proche possible du premier, nous vaccinerons le reste du monde, à commencer par l'Afrique, qui en a le plus grandement besoin. C'est ainsi que nous avons rendu prioritaires les doses envoyées aux soignants du continent africain.
Nous négocions déjà de nouveaux contrats. Dans nos prochains achats, nous devrons sans doute toujours prévoir des doses pour les autres pays du monde. C'est l'honneur, le devoir et l'intérêt de l'Europe, me semble-t-il. Je partage cette exigence de solidarité, qui nous est également bénéfique.
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la pandémie à laquelle nous sommes confrontés depuis plus d'un an met l'Europe à rude épreuve, érodant parfois des libertés que l'on imaginait il y a peu de temps encore inébranlables ou intouchables, comme la libre circulation.
Cette crise est un test de crédibilité et d'efficacité pour l'Europe, en ce qui concerne à la fois la gestion coordonnée entre les États membres et la réponse européenne à apporter pour la relance économique du continent. Sur ce dernier point, l'accord trouvé en juillet 2020 pour un plan de relance massif est une réussite.
Des mesures ont été prises, notamment l'assouplissement par la Commission de l'orthodoxie budgétaire européenne et l'annonce d'un plan d'investissement pour lutter contre les effets économiques de la pandémie. La Banque centrale européenne a, elle aussi, réagi rapidement, en lançant un vaste plan de rachat d'actifs pour alimenter l'économie en liquidités et aider les entreprises européennes mises en difficulté par la pandémie et les mesures de confinement.
L'Union européenne et ses États membres ont développé une approche commune et solidaire pour des vaccins sûrs et pour coordonner les stratégies de dépistage dans toute l'Europe.
Des coopérations bilatérales transfrontalières se sont également mises en place, comme celle, par exemple, qui a permis le transfert de patients français des hôpitaux du Grand Est vers des pays frontaliers.
Afin de mener à bien ces objectifs et d'améliorer les systèmes de santé nationaux, l'Union européenne doit favoriser la coordination des politiques et des systèmes sanitaires entre les États tiers et les États membres, en particulier dans les régions frontalières.
Cette pandémie a révélé l'importance de la recherche et de l'innovation dans la lutte contre la crise sanitaire et économique actuelle, ainsi que les possibilités qu'offre ce domaine pour prévenir les vulnérabilités lors de crises futures.
Monsieur le secrétaire d'État, quelles sont les actions que mène l'Union européenne en matière de recherche contre le virus et quelles sont ses ambitions pour la suite ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, nous avons besoin, comme je l'ai déjà souligné, de renforcer nos capacités de recherche et de financement de l'innovation, à l'échelle européenne, en matière de santé.
Dès le début de la crise, l'Union européenne a mobilisé un certain nombre de moyens, probablement insuffisants, faute de compétence de cette nature.
Toutefois, 176 millions d'euros ont été alloués au financement d'une quarantaine de projets de recherche sur des vaccins ou des traitements. La France participe à vingt de ces projets et en coordonne deux. Notre organisme de recherche médical, l'Inserm, est le plus impliqué dans ces projets européens.
En ce qui concerne l'avenir, nous devons amplifier cet effort. L'agence de recherche médicale HERA me semble la piste la plus prometteuse, avec 150 millions d'euros consacrés à la recherche et aux essais cliniques et 75 millions d'euros à la question essentielle du séquençage.
À plus long terme, nous devrons financer davantage cette agence par des moyens intergouvernementaux ou européens. Il s'agit d'un investissement absolument essentiel.
Nous disposons de bons programmes de recherche européens. Le vaccin dit « britannique », à savoir AstraZeneca Oxford, a largement été financé par les fonds européens, de même que celui de BioNtech. Nous devons maintenant financer à plus grande échelle notre capacité d'anticipation et d'innovation.
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour la réplique.
M. Ludovic Haye. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.
Ma voix s'ajoute à celle de mes collègues pour l'implantation à Strasbourg de l'agence HERA ! (Sourires.)
M. le président. Merci de ce lobbying efficace, mon cher collègue. (Nouveaux sourires.)
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'idée du certificat vert numérique a été validée le 29 avril dernier par le Parlement européen à une très large majorité, ouvrant ainsi les discussions avec le Conseil européen. Nous nous en réjouissons.
Au regard des difficultés de circulation que la pandémie de covid a pu créer, en particulier dans les régions transfrontalières que je connais bien et dont je suis élue, on peut souhaiter que ce pass facilite les choses, pourvu que les règles soient claires, facilement applicables, non discriminatoires et adaptées aux réalités de terrain.
Comme l'ont souligné les débats au Parlement européen, le pass doit apporter une véritable plus-value en matière de circulation.
La justification d'une vaccination contre la covid-19, d'un test PCR négatif ou encore d'une immunité à la suite d'une infection me semble offrir la souplesse nécessaire pour assurer rapidement un déploiement relativement large du dispositif, ce que le critère de la seule vaccination ne permettrait pas.
Il y a une certaine urgence à mettre en oeuvre ce certificat, non seulement parce que nos concitoyens aspirent à plus de liberté, mais aussi parce que l'économie, notamment le tourisme, en grande souffrance, en a largement le besoin.
Une question fondamentale a été posée voilà quelques instants : celle de la protection des données personnelles. Les données authentifiées doivent être compilées et protégées par chaque État membre et ne doivent pas être détenues par un pays étranger.
La liste des entités autorisées à les traiter devrait être rendue publique, afin de permettre aux citoyens d'exercer leurs droits dans le cadre du règlement général sur la protection des données. En outre, la durée de stockage devrait être limitée à douze mois.
Monsieur le secrétaire d'État, confirmez-vous toutes ces orientations ? Si la mise en place du certificat est prévue dès le mois prochain, il faut rapidement dissiper les inquiétudes pour qu'il rencontre l'adhésion de tous.
Pouvez-vous nous préciser les précautions qui seront prises afin d'assurer la protection des données personnelles des Français ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, vous avez parfaitement raison : l'objectif de ce certificat est de permettre de retrouver, dès le début de cet été, la capacité de voyager en Europe dans des conditions sanitaires sûres. Le Parlement européen et le Conseil, représentant des États membres, doivent trouver un accord d'ici au début du mois de juin prochain.
En ce qui concerne la question sensible des données, je rappelle que le règlement est conforme au règlement général sur la protection des données.
Par ailleurs, nous avons choisi d'adosser le code français du certificat vert européen à l'application TousAntiCovid, qui est conforme – cela qui nous a parfois été reproché – aux exigences les plus strictes de protection des données, pour éviter que les grands acteurs du numérique n'y aient accès. Nous nous inscrivons dans le même type de dispositif, avec le même contrôle des données. La CNIL sera saisie pour vérifier la conformité de ce dispositif aux règles énoncées.
Enfin, votre assemblée aura à connaître du projet de loi qui comporte des dispositions sur le certificat sanitaire mis en place en France, dans ce cadre européen. Vous pourrez donc vous assurer que le processus de vérification et de contrôle des données sera le plus strict possible, comme nous y avons toujours veillé.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.
Mme Véronique Guillotin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.
Ce pass vert est essentiel dans les territoires transfrontaliers, surtout après les difficultés rencontrées entre la France et l'Allemagne. Nous devons obtenir l'adhésion des Français !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour renforcer l'adhésion de nos concitoyens, on parle souvent d'une Europe qui protège, avec cette idée que l'Union européenne serait un cadre préservé dans une mondialisation qui inquiète.
L'Union européenne n'a pas compétence en matière de santé. Toutefois, dans le cadre du marché, elle a pu mettre en place une coordination de la politique vaccinale. Si les débuts ont été un peu difficiles, les choses semblent aller mieux.
Il est un domaine où l'Europe doit être audacieuse, doit parier et faire des choix, celui de la recherche et du soutien à l'innovation – cette dernière est d'ailleurs une réelle compétence européenne.
La recherche, c'est un pari. Pour réussir, il faut faire des choix et accepter aussi des échecs. L'élan avait été prometteur, car la force de frappe européenne est indéniable. Toutefois, les choses sont vite retombées. Nous avons assisté à une multiplication désordonnée des entreprises de recherche, que ce soit à l'échelle nationale, européenne ou internationale, avec une concurrence dommageable entre États membres dont les effets ont compromis jusqu'à l'éthique même des travaux.
Toutes ces initiatives sont potentiellement financées au même niveau, avec un maximum de 70 % – dans certains cas, c'est beaucoup trop ; dans d'autres, cela peut être insuffisant pour marquer un intérêt véritable.
Dans ce domaine, la comparaison avec les Britanniques n'est pas flatteuse. À traités inchangés, comment pouvons-nous construire une force de frappe européenne pour conjuguer nos politiques de recherche ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. La recherche est d'ores et déjà une réussite européenne, en raison non seulement du tissu de recherche des différents États, mais aussi du financement de l'Union européenne. Nous avons ainsi augmenté de plus de 50% le budget du programme de recherche et développement pour la période allant de 2021 à 2027.
Le parent pauvre de notre recherche commune était le soutien à l'innovation en matière de santé. Or, vous avez raison, nous devons accepter de prendre des risques. Financer l'innovation, c'est accepter que des financements publics soutiennent des recherches qui n'aboutiront pas, ou pas tout de suite. Si nous ne l'avions pas fait en matière vaccinale, nous n'aurions pas aujourd'hui des vaccins efficaces à ARN messager.
Je le signale, des quatre vaccins aujourd'hui homologués par l'Agence européenne des médicaments – BioNtech, Moderna, AstraZeneca et Johnson & Johnson –, trois sont européens et ont reçu des financements, soit par leurs chercheurs, soit lors de la phase d'essais cliniques, de l'Union européenne.
C'est bien sur la création de l'agence HERA, qui nous a fait défaut au début de la crise, que nous devons porter nos efforts, pour faire de la science européenne une source d'innovations d'excellence, reconnue partout dans le monde.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué les vaccins, mais la question des traitements se pose aussi.
Nous parlons aujourd'hui du covid, du traitement de la maladie et de la prévention vaccinale, mais, une fois la pandémie disparue, il faudra continuer de soutenir l'innovation en santé – je pense notamment à l'oncologie, où les besoins sont énormes.
Il ne faudrait pas tout oublier à l'issue de la crise. La recherche française, il faut bien l'avouer, n'est pas en excellent état ; la chercheuse française prix Nobel de chimie de 2020 avait été obligée de quitter notre pays pour pouvoir poursuivre ses travaux…
Je compte sur cet élan pour mettre en place une recherche de qualité à l'échelle européenne, au bénéfice des citoyens.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous avez d'abord orienté votre présentation, monsieur le secrétaire d'État, sur les aspects économiques de la réponse européenne face à la pandémie, en donnant acte de la présence de l'Union européenne sur ce premier volet.
En ce qui concerne le volet consacré à la vaccination, votre propos a été plus nuancé, et vous avez admis comprendre l'insatisfaction de certains de nos concitoyens.
Vous mesurez, comme chacun de nous, le mécontentement et les réserves des citoyens européens à l'égard de l'action de l'Union.
Les deux plus grandes démocraties européennes tiendront bientôt leur principal rendez-vous électoral, au second semestre 2021 et au premier semestre 2022. L'état d'esprit des citoyens européens n'est donc pas une question mineure.
J'aimerais connaître votre priorité en matière de lutte contre la pandémie, à l'échelle européenne, pour ce second semestre 2021. Par ailleurs, quelle pourrait être la priorité de la présidence française de l'Union européenne au premier semestre 2022 ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. En ce qui concerne le court terme, et avant même le second semestre 2021, je n'aurai que trois mots : produire, produire et produire. Nous avons besoin, aujourd'hui encore, de produire davantage de vaccins en Europe.
Nous sommes passés d'une quinzaine à cinquante-trois sites européens de production du vaccin. Nous serons, d'ici au début de l'été prochain, la première zone de production de vaccins au monde et nous atteindrons, d'ici à la fin de l'année, une capacité annuelle de production de 3 milliards de doses.
Il s'agit de l'objectif central de la campagne de vaccination actuelle, qui nous permettra également à la fois d'anticiper tout éventuel complément de vaccination ou tout besoin d'adaptation des vaccins et de financer nos innovations.
Au-delà de la question de la Covid, permettez-moi d'insister également sur le financement de la recherche médicale, que nous avons plusieurs fois évoqué cette après-midi, pour les traitements et pour d'autres menaces sanitaires. Il paraît absolument essentiel de développer ce financement dès le deuxième semestre. Cette très concrète Europe de la santé sera l'une des priorités de la présidence française de l'Union.
Pour finir, j'évoquerai la souveraineté industrielle. Nous l'avons vu durant cette crise, au-delà de la question vaccinale et de la question sanitaire, les Européens sont parfois trop dépendants en matière de technologie de pointe, mais aussi pour ce qui concerne les masques ou certains principes médicaux très simples.
Pour être souverains, nous devrons accroître notre capacité de production dans de nombreux domaines. J'en suis certain, cette notion de souveraineté européenne sera au coeur de l'actualité des prochains mois.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.
M. Philippe Bonnecarrère. Je vous donne acte de vos indications, monsieur le secrétaire d'État.
Je voudrais cependant terminer, pour ce qui concerne la souveraineté, par un volet franco-français.
Je suis élu du département du Tarn, où se trouve le siège de l'un des plus importants laboratoires français indépendants, à savoir le groupe Pierre Fabre, qui nous a plusieurs fois réunis, avec l'institut Mérieux et le laboratoire Servier, sous les quinquennats de M. Sarkozy, de M. Hollande et de M. Macron, pour nous dire que la logique budgétaire française de réduction du déficit de la sécurité sociale conduisait à rechercher, pour les médicaments, le prix le plus bas, ce qui ne permettait pas aux industriels d'investir.
Je me permets de transmettre de nouveau ici leur message, qui pointe l'une des causes de nos difficultés actuelles.
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la pandémie de covid-19 a contraint la Commission européenne, comme la plupart des États membres, à changer de paradigme, en acceptant d'abandonner pour un temps les politiques libérales et d'austérité et les règles budgétaires de l'Union européenne.
De plus, après l'accord entre la France et l'Allemagne, elle a préparé et présenté un plan de 750 milliards d'euros, dont une partie est financée par la dette. Cette nouvelle approche face à un défi commun ouvre une nouvelle étape d'approfondissement de l'Union. Cette dette européenne est en fait l'affirmation d'une autonomie stratégique européenne.
On ne peut nier les résistances internes face à cette évolution. Dans les États membres, plusieurs parlements tardent à ratifier la décision relative aux ressources de l'Union européenne. À l'échelon européen, la lenteur de la mise en oeuvre du plan européen et son caractère très bureaucratique laissent perplexes nombre d'observateurs.
La pandémie contraint de surcroît l'Union européenne à repenser ses priorités et les bases de cette autonomie stratégique. Cela a été souligné pour l'ensemble de l'industrie pharmaceutique et de la santé, mais il ne faut pas oublier des secteurs industriels plus traditionnels, gros employeurs durement affectés par la pandémie, notamment les industries liées au transport.
Comment seront soutenues et accompagnées, dans leur mutation, ces industries, et dans quelle direction ?
Pour nos pays, l'autonomie stratégique de moyen terme, c'est aussi le soutien de la rénovation énergétique. Mais pourquoi la France destine-t-elle si peu de moyens à la rénovation énergétique du logement social ?
Enfin, comment justifier, dans le plan France Relance, des mesures structurelles frappant les plus faibles ? Je pense en particulier à la réforme du calcul de l'assurance chômage et des retraites, dont les bénéficiaires ont pourtant été durement touchés par la pandémie.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, s'agissant du plan de relance – vous avez souligné le caractère essentiel de cette initiative franco-allemande –, je partage votre impatience.
Tout d'abord, un temps démocratique était nécessaire pour trouver un accord au niveau européen entre le Conseil et le Parlement européen. Cela a été fait au mois de décembre dernier. Ensuite, le financement de ce plan de relance doit être ratifié par les vingt-sept États membres. Aujourd'hui, presque vingt États ont autorisé cette ratification, puisque la Pologne doit achever bientôt une procédure d'autorisation de ratification.
J'espère que, d'ici au mois de juin prochain, les sept États restants auront procédé à cette ratification. Quoi qu'il en soit, nous devons articuler l'urgence et ce temps démocratique.
S'agissant du soutien aux différentes industries que vous avez citées, je prendrai simplement quelques exemples.
Dans tous les plans de relance nationaux éligibles aux financements européens, y compris celui que la France a soumis la semaine dernière, figure l'obligation de cibler la transition énergétique et la transition numérique, avec les industries qui y sont associées.
Vous avez pris l'exemple de la rénovation énergétique des logements. Dans le plan de relance français, 7 milliards d'euros y sont consacrés. Quelque 7 autres milliards d'euros sont consacrés à des énergies et à des industries de transition comme l'hydrogène.
Au total, pour chacun de ces plans, un tiers du financement devra soutenir la transition écologique. La France a même proposé, dans le plan qu'elle a soumis à ses partenaires européens, d'affecter 50 % du financement à la transition écologique et 20% aux questions de transition numérique.
Voilà quelques exemples du soutien concret apporté, par la relance, à ces industries d'avenir.
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour la réplique.
Mme Florence Blatrix Contat. L'urgence sociale ne doit pas être, une fois de plus, ignorée.
Je vous alerte sur les risques d'un plan de relance conditionné à des réformes structurelles, qui auraient encore pour conséquence la destruction de l'État social. Ce serait alors un échec !
M. le président. La parole est à M. Alain Cadec. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Cadec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise du covid a en effet été le révélateur des forces et des faiblesses de l'Union européenne.
La force, c'est celle de la solidarité envers les pays défavorisés et, surtout, entre les pays membres, qui ont négocié unis pour éviter une concurrence mortifère concernant l'approvisionnement en équipements de protection personnelle et en vaccins.
Toutefois, cette crise a surtout souligné la naïveté des gouvernements, qui ont laissé à l'Europe les clés de la gestion de la pandémie, oubliant que l'Union n'était pas seule au monde et que la concurrence internationale s'exercerait sans pitié pour obtenir les vaccins au plus vite.
Bien sûr, il s'agit ici non pas de se perdre en conjectures, mais de regarder les chiffres en face. Comment expliquer que les pays de l'Union, avec un poids de négociation de près de 450 millions d'habitants, n'aient pas fait mieux, ou du moins pas aussi bien, que les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore Israël ?
Négocier à vingt-sept avec les grands laboratoires aurait dû être une force pour se procurer les produits au meilleur prix et dans les meilleurs délais. Or nous sommes définitivement à la traîne, monsieur le secrétaire d'État, avec un pourcentage de personnes vaccinées deux à trois fois plus faible que dans les pays que je viens de citer.
Personne ne peut dire que l'Europe est restée les bras croisés pendant cette période. C'est une réalité, dont nous devons nous réjouir. Mais les gouvernements des pays européens, notamment le gouvernement français, qui devrait pourtant être moteur de l'Union, avec l'Allemagne, n'ont pas su lui donner la souplesse et la réactivité que justifiait pourtant cette pandémie exceptionnelle.
Nous devons donc tirer les enseignements de cette situation, pour nous préparer aux futures crises sanitaires qui se produiront immanquablement et nécessairement.
Si, pour ce qui concerne la santé, l'Union européenne ne dispose que des compétences réduites que les traités lui donnent et que les États membres veulent bien lui laisser exercer, ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d'État, qu'il est crucial de repenser cette politique, en dotant les organes décisionnels européens d'une capacité de réponse audacieuse, rapide et, au besoin, innovante en cas d'événement sanitaire majeur ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous avez comparé la situation de la France avec celle des trois grands pays démocratiques qui vont plus vite que nous.
Ces données sont exactes, mais, selon moi, nous rattraperons une large partie de notre retard d'ici à l'été. Les objectifs de vaccination de la population adulte affichés par le gouvernement britannique et ceux qui concernent la population européenne sont aujourd'hui très similaires. Le fait que nous ayons agi ensemble nous a apporté un certain nombre d'avantages ; je ne reviendrai pas sur la question des prix.
Pour ce qui concerne la quantité de doses, y compris au regard de la solidarité internationale, qui est, à terme, dans notre intérêt, nous avons commandé plus de 2,5 milliards de doses. Alors que l'Union européenne représente environ 5% de la population mondiale, elle a commandé 25% des doses du monde. Même si celles-ci ont tardé, elles arrivent désormais le plus vite possible.
Je le redis, je ne crois pas que des commandes nationales auraient permis d'accélérer les choses.
Nous devrons d'ailleurs faire encore mieux pour anticiper les futurs contrats. C'est la raison pour laquelle la Commission négocie un contrat de près de 2 milliards de doses en vue d'éventuels rappels vaccinaux dans les mois qui viennent.
Nous devrons réfléchir collectivement aux questions suivantes, qui relèvent de la culture européenne : pourquoi les Britanniques ont-ils gagné un certain nombre de jours et de semaines sur nous ? Pourquoi les Américains ont-ils également pris de l'avance ? Parce qu'ils ont pris plus de risques au départ pour financer l'innovation, les essais cliniques et les dernières phases de développement des vaccins.
Il s'agit non pas d'une question de compétences européennes, françaises ou allemandes, mais d'un choix collectif que nous avons fait. Peut-être devrons-nous avoir un débat ouvert sur ce sujet et accepter de prendre plus de risques.
Par ailleurs, pour ce qui concerne les autorisations données à certains vaccins en urgence, des pays comme la Grande-Bretagne ont accepté de prendre plus de risques. Pour l'instant, ce pari s'est révélé gagnant. Il ne correspondait pas au consensus français et européen au début de la pandémie.
Nous devrons discuter de cet aspect des choses. Pour le reste, le cadre européen nous a protégés et nous protège encore.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'Union européenne a fermé officiellement ses frontières depuis le 17 mars 2020. Depuis lors, chaque État membre a fait comme il a voulu, sans coordination excessive avec ses partenaires, même si aucun pays, sauf la France à la fin du mois de janvier, n'a fermé ses frontières à ses propres ressortissants.
Depuis maintenant plus d'une année, la liberté de circulation dans l'Union européenne et, singulièrement, dans l'espace Schengen n'existe plus. Chaque pays impose contrôles et conditions d'entrée à ses frontières, parfois même avec des quarantaines pour des déplacements intracommunautaires, parfois même entre voisins.
Pour sortir de cette situation, un règlement européen est en cours de négociation. Il créera de fortes discriminations entre ceux qui vivent dans des pays européens où les tests sont gratuits et ceux pour qui les coûts de ces tests dépassent les 120 euros, ou bien entre ceux qui auront des vaccins homologués en Europe et ceux qui recevront Spoutnik ou Sinovac, parfois en Hongrie, mais parfois aussi hors de l'Union européenne. Je pense aux ressortissants européens à l'étranger.
Il y aura également une discrimination entre ceux qui auront pu être vaccinés et les autres.
Le pass sanitaire a vocation à refaire vivre l'espace Schengen. Mais s'il est discriminatoire et qu'il est systématiquement demandé aux frontières intérieures de l'Union européenne, ne sera-t-il pas une négation de la liberté de circulation ?
Monsieur le secrétaire d'État, nous le savons, cela fait des années que l'espace Schengen doit être renforcé, avec une gouvernance plus mutualisée pour être efficace. Au cours de l'année dernière, tout a démontré de nouveau ce besoin. Pourtant, c'est exactement le contraire qui se produit.
Ma question est simple : Schengen et le symbole qu'il représente seront-ils des victimes de la covid-19 ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je ne le crois pas et je ne le souhaite pas !
Je veux répondre au premier point que vous avez formulé, pour ne pas laisser penser que nous avons abandonné nos ressortissants.
Pendant quelques jours, des motifs impérieux ont pu être exigés pour certains d'entre eux – jamais pour les résidents permanents – qui regagnaient le territoire. Ce dispositif a été annulé par le Conseil d'État. Nous avons désormais un dispositif plus souple, qui permet de garantir les contrôles sanitaires.
Nous avons toujours été au rendez-vous pour nos ressortissants, y compris quand il a fallu, au tout début de la crise, en rapatrier plus de 300 000. Nous avons également aidé nombre de pays européens à organiser le rapatriement de leurs propres ressortissants. Je sais que nous avons été le pays le plus organisé et le plus ambitieux pour assurer le retour et la protection de nos ressortissants.
Je ne puis donc laisser penser que nous aurions, à un quelconque moment de cette crise, laissé tomber les ressortissants français, où qu'ils se trouvent dans le monde.
S'agissant de la libre circulation, je partage votre avis, ne considérons pas qu'il s'agissait d'un luxe dont nous pourrions faire l'économie à l'avenir. Je sais notamment à quel point ce sujet est important dans les régions frontalières et pour nos ressortissants.
Le certificat sanitaire signifie non pas une plus grande fermeture, mais une plus grande ouverture. Aujourd'hui, pour des raisons sanitaires, la situation est telle que vous la décrivez. J'espère que cela durera le moins longtemps possible.
Il ne s'agit pas d'un pass vaccinal. Il y aura toujours la possibilité de produire un test pour les personnes qui n'auraient pas accès à la vaccination ou à des vaccins homologués.
J'insiste sur ce point, d'un point de vue sanitaire, il serait impossible de reconnaître comme protecteurs des vaccins qui n'auraient pas été homologués par l'Agence européenne des médicaments. Ce n'est pas une discrimination, mais une nécessité sanitaire.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous incitons nos partenaires européens à rester dans ce cadre et à n'accepter – la Hongrie constitue une exception – que des vaccins homologués par l'Agence européenne des médicaments. Il y va de notre sécurité sanitaire collective.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour la réplique.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse m'inquiète un peu ! Quelles perspectives ouvrez-vous s'agissant de la réouverture ? Quelles propositions allez-vous formuler pour refaire vivre la liberté de circulation dans l'Union européenne ?
Vous l'avez dit, le Conseil d'État a annulé une décision du Gouvernement. Les touristes étaient rapatriés, mais on a prié les Français de l'étranger qui avaient besoin de revenir en France de rester sur place. On leur a dit : « Vous êtes mieux chez vous ; le rapatriement, c'est pour plus tard. »
Je veux bien que le Président de la République écrive à tous les Français de l'étranger pour dire que l'on s'est occupé d'eux, mais ils ont tout de même eu, pendant un an, l'impression d'être largement abandonnés et bloqués à l'étranger.
Néanmoins, tel n'était pas le sujet de ma question. Je souhaitais connaître les perspectives concernant l'espace Schengen, et vous ne nous avez pas vraiment répondu.
Nous le savons désormais, si des gens n'ont pas reçu un vaccin homologué, ils ne pourront pas rentrer. Des ressortissants français ou des touristes vaccinés à l'étranger pourront encore rencontrer des difficultés de libre circulation au sein de l'Union européenne. (M. Damien Regnard applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les Européens ont confié il y a quelques mois à la Commission européenne le soin de négocier des contrats d'achats anticipés de vaccins. Cette stratégie a permis d'éviter une concurrence néfaste entre États membres pour l'acquisition de vaccins ; elle a aussi révélé les faiblesses de notre continent.
Alors que les États-Unis investissaient dès le début de la pandémie dix milliards de dollars dans la recherche et le développement de vaccins, l'Union européenne ne mobilisait qu'un tiers de cette somme. L'Europe a aussi été plus lente, en concluant ses contrats d'achats anticipés en juin 2020, alors que les Américains les avaient déjà signés en février.
Par ailleurs, la Commission a fait le choix d'opter en priorité pour des vaccins qui seraient produits sur le territoire de l'Union, comme AstraZeneca ou Sanofi-GSK, au détriment de vaccins plus prometteurs sur le plan scientifique, comme Moderna.
À trop vouloir obtenir les prix les plus bas possible, la Commission n'a sans doute pas suffisamment encadré les délais de livraison, en s'assurant que les entreprises seraient en mesure d'honorer les commandes.
À ce propos, la Commission européenne a annoncé le 26 avril dernier qu'elle allait saisir la justice à la suite des retards de livraison de la société AstraZeneca. Le groupe pharmaceutique promet déjà de se défendre fermement, estimant avoir respecté le contrat noué avec Bruxelles et faisant valoir qu'il avait d'autres contrats à honorer avec le Royaume-Uni, où le vaccin a été autorisé un mois plus tôt que dans l'Union européenne.
Quoi qu'il en soit, cette société ne livrera vraisemblablement pas les 200 millions de doses manquantes pour atteindre les 300 millions de doses promises.
Dans ce contexte, monsieur le secrétaire d'État, comment atteindre l'objectif affiché par la Commission de vacciner d'ici à cet été 70 % des plus de 18 ans, sans compter les contre-indications médicales du vaccin d'AstraZeneca ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Concernant les vaccins que vous venez d'évoquer, les capacités sont limitées pour ce qui concerne Moderna.
Toutefois, nous avons augmenté les capacités de livraison, y compris par rapport au contrat initial que nous avions conclu au nom de l'Union européenne avec ce laboratoire. Si l'on examine le bilan du premier trimestre, on s'aperçoit que Moderna fait partie des laboratoires qui ont respecté, parfois avec quelques décalages, sur les trois premiers mois de l'année, leurs engagements de livraison.
Je tiens également à tordre le cou à l'idée selon laquelle les décalages de livraison que nous avons subis seraient dus à une négociation trop dure des prix par l'Europe. En effet, nous avons signé un contrat avec AstraZeneca vingt-quatre heures avant le Royaume-Uni. La vraie différence, c'est le financement de l'innovation et la prise de risques.
En ce qui concerne l'action en justice qui a été engagée contre l'entreprise AstraZeneca, la Commission européenne, que nous avons soutenue, s'est engagée dans une procédure contentieuse, même si les discussions se poursuivent. En effet, ce laboratoire n'a pas respecté ses engagements de livraison au premier trimestre 2021 et il a annoncé des livraisons moindres que celles qui étaient initialement prévues pour le deuxième trimestre. Cette situation a été prise en compte dans les calendriers de vaccination.
Malgré tout, l'ensemble des livraisons sur le périmètre de l'Union européenne représente plus de 400 millions de doses au deuxième trimestre, soit trois fois plus que ce que nous avons reçu au premier trimestre, ce qui nous permet de continuer à fixer les objectifs que vous connaissez en France et en Europe.
Nous avons en effet compensé un certain nombre de mauvaises nouvelles par de bonnes nouvelles, que nous avons obtenues grâce à la négociation collective. Je pense notamment au contrat supplémentaire avec le laboratoire Pfizer-BioNTech, qui nous permet de bénéficier, au sein de l'Union européenne, de 50 millions de doses supplémentaires par rapport aux prévisions que nous avions affichées pour le deuxième trimestre. Cela représente près de 8 millions de doses supplémentaires pour notre seul pays.
Grâce à la mobilisation et au choix européen d'une diversification, nous sommes capables de compenser certaines difficultés.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de ces informations. Toutefois, vous le savez, avec ma collègue Laurence Harribey, j'ai participé à des auditions sur ce sujet. Sans doute conviendrait-il de recevoir des réponses identiques de la part de la Commission européenne…
Quoi qu'il en soit, je souhaite également insister sur le domaine de la recherche, pour lequel nous nourrissons des inquiétudes à la suite des auditions que nous avons menées.
En effet, même si les financements sont présents, les délais qui sont imposés sont sans doute trop courts. Comme vous l'avez dit à ma collègue Catherine Deroche, la recherche s'inscrit dans le temps long. Or, au sein de l'Union européenne, après trois, quatre ou cinq ans de recherche, les financements cessent.
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne.
M. Bernard Bonne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les eurodéputés ont validé à la fin du mois d'avril la mise en place d'un certificat vert numérique proposé par la Commission européenne et ayant pour objectif de faciliter les déplacements au sein de l'Union européenne.
Ce passeport sanitaire ou certificat vert permettra de justifier d'une vaccination contre le covid-19 ou d'un test PCR négatif, mais également d'une immunité à la suite d'une infection.
Si le but affiché est d'obtenir un cadre européen harmonisé permettant de circuler librement au sein de l'Union européenne, certaines ambiguïtés et questions demeurent.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez répondu à Mme Laurence Harribey concernant le maintien du secret des données personnelles, et je ne reposerai donc pas la question.
Ce certificat ne serait pas obligatoire pour voyager, afin de ne pas créer de discrimination entre les citoyens. Par ailleurs, les États membres auront toujours le droit d'ouvrir leurs frontières aux personnes non vaccinées ou de ne pas exiger de test négatif.
Le certificat ne devrait pas empêcher les pays d'imposer les restrictions qu'ils souhaitent, en particulier des quarantaines.
Enfin, si ce passeport est présenté comme n'étant destiné qu'aux voyages, les organismes chargés de la protection des données alertent sur son utilisation pour accéder à certains lieux tels que les musées ou les restaurants.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, préciser la position de la France sur ces différents points et vous avancer sur le calendrier de sa mise en place ?
Enfin, pourriez-vous nous donner le coût unitaire moyen, pour la France, des vaccins nécessitant une double dose ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. S'agissant du certificat vert, notre objectif, c'est que le cadre juridique européen soit complètement mis en place d'ici au début de l'été. Ce point ayant également été évoqué par M. Leconte, je veux y insister.
Il s'agit de faciliter la réouverture. Contrairement à ce qui se passe dans l'Union européenne, des mesures de quarantaine sont exigées par un certain nombre de pays. Un test PCR récent négatif est exigé par l'ensemble des États.
Avec ce certificat, il s'agit de donner une liberté supplémentaire, tout en conservant une protection sanitaire, dans la mesure où nous serons encore, pendant quelque temps, dans une phase difficile.
Ce document simple et harmonisé apportera la preuve soit d'une sérologie négative, soit d'un test récent négatif, soit d'une vaccination.
S'agissant de la protection des données personnelles, notamment médicales, les autorités sanitaires ou les forces de l'ordre qui vérifieront le certificat n'auront évidemment pas accès aux données. Elles sauront simplement que vous remplissez, ou non, les conditions d'accès.
Si des États veulent assouplir les mesures – j'espère que nous irons progressivement dans cette direction – pour les voyages internes en l'Europe, ils feront comme ils l'entendent. Toutefois, je crois qu'il faut regarder la réalité pratique. Aujourd'hui, tout le monde exige au moins un test PCR pour voyager au sein de l'Europe. Cet été, nous aurons la possibilité de voyager plus facilement, grâce à ce cadre harmonisé, en ayant la possibilité de prouver notre vaccination.
En ce qui concerne le coût des vaccins, je resterai prudent, tout n'étant pas encore public, même si certains contrats ont été mis à la disposition des parlementaires.
Il n'existe pas de coût moyen. Par exemple, le vaccin Oxford-AstraZeneca, le moins cher, est à prix coûtant. Il s'agit d'une condition exigée par l'université d'Oxford dans le cadre de son partenariat avec AstraZeneca.
Le vaccin Pfizer-BioNTech est plus coûteux, en raison d'un investissement supplémentaire, notamment par une start-up qui n'avait pas encore amorti ses investissements. Le prix unitaire, d'une dizaine d'euros par dose, est donc plus élevé.
Ces deux vaccins ne sont donc pas tout à fait comparables en termes de coût.
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour la réplique.
M. Bernard Bonne. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Les vaccins ne peuvent avoir un prix définitif, dans la mesure où d'autres commandes seront effectuées.
Néanmoins, d'autres questions se posent encore. Comment pourrons-nous vérifier la durabilité de l'immunité apportée par la vaccination ?
Non seulement certaines personnes vaccinées ne possèdent pas une immunité suffisante, mais on ne sait pas combien de temps durera cette immunité. Aujourd'hui, seul le test PCR permet de valider une éventuelle contagiosité. Les vaccins n'offriront peut-être pas une durée de protection aussi longue que ce l'on pouvait espérer.
M. le président. Merci de nous rassurer, mon cher collègue ! (Sourires.)
La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question portera également sur le futur « passeport sanitaire » européen, destiné à faciliter les voyages.
Nous le savons tous, depuis le début de la vaccination dans les États membres, la question d'un passeport sanitaire permettant aux Européens de circuler sur le territoire de l'Union se fait très pressante. La Commission a donc proposé de créer un document unifié, baptisé " certificat vert numérique ".
L'élaboration de ce certificat pose néanmoins des questions juridiques en matière de protection des données et de non-discrimination entre citoyens européens.
Malgré des problèmes d'approvisionnement, les campagnes de vaccination suscitent l'espoir d'une possible immunité collective dans les mois à venir. En attendant, la question de la création d'un passeport sanitaire européen par la Commission européenne se pose donc.
C'est un sujet qui divise au sein des Vingt-Sept. En janvier dernier, la France avançait ainsi plusieurs arguments pour repousser la mise en place d'un passeport sanitaire. Alors qu'une faible part de la population avait reçu au moins une première dose de vaccin, l'heure était encore à la vaccination et non à la réflexion sur ses conséquences en termes de circulation des personnes.
L'Association internationale du transport aérien – l'IATA, selon son sigle anglais –, a, de son côté, élaboré un travel pass, plateforme centralisant les informations de santé des voyageurs. Air France a ensuite lancé son propre pass sanitaire le 11 mars dernier.
Devoir attester de son état immunitaire est déjà exigé par de nombreux États. Je pense notamment aux certificats de vaccination contre la fièvre jaune.
En France, le Gouvernement a lancé le 19 avril un pass sanitaire, système de certification électronique des preuves de dépistage. L'initiative, pour l'instant limitée aux vols vers la Corse ou l'outremer, est adossée à l'application TousAntiCovid.
Il me paraît essentiel que la France, au regard de sa situation géographique en Europe, mais aussi de l'importance du tourisme dans notre économie, soit motrice sur ce sujet.
J'aimerais, monsieur le secrétaire d'État, connaître la position de votre gouvernement quant au futur certificat vert numérique et aux modalités de sa déclinaison sur notre territoire.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Pour le redire très clairement, au cas où cela n'aurait pas transparu dans mes réponses précédentes, nous sommes favorables au certificat vert européen.
J'avais déclaré au mois de janvier, avec quelques autres membres du Gouvernement – j'assume ces propos, qui sont publics –, que nous jugions ce débat prématuré. Il s'agissait non pas d'exclure tout certificat ou pass sanitaire, mais d'en définir les bonnes conditions, au bon moment. Nous étions alors et nous sommes encore dans une phase où la priorité absolue est la vaccination et l'accélération de la campagne de vaccination. Nous devrons ensuite répondre à un certain nombre de questions, notamment sur la durée de la protection qu'offre le vaccin, ou sur l'harmonisation à l'échelle européenne des conditions du certificat vert afin de ne pas créer de barrières supplémentaires. Nous sommes favorables à un certificat commun.
Le bon moment pour le mettre en oeuvre sera sans doute le début de l'été, quand la campagne de vaccination aura accéléré et que chacun aura légitimement envie de pouvoir circuler de nouveau en Europe.
Il est aussi dans l'intérêt de notre pays – vous avez raison de le rappeler, madame la sénatrice – de pouvoir accueillir des touristes, dans des conditions sanitaires parfaitement sûres. D'ailleurs, tous ceux qui nous répètent que la fermeture complète des frontières serait la panacée nous diront sans doute dans quelques semaines que la France a besoin du tourisme !
Nous essayons d'articuler ces deux impératifs ; le certificat sanitaire européen commun est l'un des outils pour ce faire. Comme je l'ai expliqué précédemment, il devrait être définitivement adopté par les législateurs européens au début du mois de juin ; il serait donc disponible à partir de l'été.
Quant à l'accueil de touristes internationaux, je pense qu'il se fera dans un second temps, en fonction de la situation sanitaire des pays concernés et de leurs progrès en matière de vaccination. C'est un débat que nous avons déjà engagé avec la Commission européenne, de manière à être prêts dans les semaines qui viennent.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, en remplacement de M. Cédric Perrin.
Mme Pascale Gruny. Mon collègue Cédric Perrin vous prie de bien vouloir l'excuser de ne pouvoir être présent dans l'hémicycle : il est retenu par l'audition de Mme la ministre des armées par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
L'Union européenne a les yeux rivés sur le déploiement de la vaccination. Elle met aussi toutes ses forces à réparer ses errements en attendant que les parlements nationaux autorisent la souscription de l'emprunt commun.
L'urgence et la gravité de la situation nous ont peut-être fait oublier une question qui n'est pas si anecdotique : à quoi attribuer l'origine du virus ?
Aucune preuve n'a été apportée qui vienne confirmer l'hypothèse d'une transmission du virus entre l'homme et l'animal, et le pangolin semble avoir été innocenté !
Le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a pour sa part lancé un pavé dans la mare en reconnaissant, il y a quelques semaines, qu'une piste n'avait pas été « suffisamment approfondie » : celle d'un incident de laboratoire.
Cette remarque n'est évidemment pas passée inaperçue ; la communauté scientifique mondiale ne cesse de se mobiliser pour en savoir davantage. Une trentaine de scientifiques internationaux demandaient encore vendredi dernier une enquête indépendante afin d'éclaircir les zones d'ombre du rapport produit conjointement par l'OMS et la Chine.
Quatorze gouvernements, dont ceux des États-Unis, du Japon et du Canada, ont déploré, eux aussi, dans une déclaration commune, l'impossibilité pour l'équipe mandatée par l'OMS d'accéder " de manière exhaustive aux données et échantillons originaux ".
Si les experts ont pu accéder au marché de Wuhan et au laboratoire, ils n'ont pas eu accès à ses bases de données, qui contiennent pourtant des milliers de séquences de virus collectées sur la faune sauvage ; surtout, ils n'ont jamais pu mener leurs propres investigations.
L'objectif est non pas de dire qu'un incident de laboratoire s'est produit, mais de démontrer rigoureusement que cela n'a pas été le cas et de balayer scientifiquement, le cas échéant, une thèse appréciée des complotistes.
Alors que l'Assemblée mondiale de la santé doit se réunir prochainement, M. Perrin souhaiterait savoir, monsieur le secrétaire d'État, quel message sera porté par l'Union européenne auprès de l'OMS pour imposer à la Chine des investigations sans entrave.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, je tiens à vous dire, ainsi qu'à M. le sénateur Perrin, que nous partageons cette exigence de transparence.
Je reviendrai vers vous pour vous préciser la position de l'Union européenne.
Pour l'heure, certains pays, vous l'avez dit, ont publié une déclaration commune. Pour notre part, nous avons réagi à l'échelle européenne et adressé un message à l'OMS. Nous partageons évidemment votre exigence de transparence et souhaitons la poursuite des investigations.
Je préfère d'ailleurs que l'OMS se préoccupe d'approfondir les investigations en Chine sur l'origine du virus plutôt qu'elle rappelle à l'Union européenne qu'elle doit accélérer sa campagne de vaccination, ce qui ne lui avait pas totalement échappé…
Il faudra donc poursuivre cet effort de transparence et d'investigation. Pas plus que vous ou que M. le sénateur Perrin, je ne suis en mesure de dire s'il convient d'innocenter le pangolin ou de privilégier telle ou telle autre hypothèse ; j'estime en revanche que cet effort de transparence accrue est absolument nécessaire, au vu des conséquences de cette pandémie. Cela est nécessaire pour en tirer les leçons le cas échéant en matière de gouvernance mondiale de la santé et pour établir les responsabilités des uns et des autres. C'est surtout crucial pour éviter, dans la mesure du possible, d'être confronté à ces mêmes menaces dans les années à venir.
Je ferai connaître à M. le sénateur Perrin la position collective définitive de l'Union européenne sur ce sujet, mais, je le redis : nous partageons son exigence.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. M. Perrin sera content de savoir que l'Union européenne et, bien entendu, la France ne restent pas passives sur ce sujet important, sur lequel on lit un peu tout et n'importe quoi et qui relève de la recherche. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d'État, pour pousser les investigations.
Source http://www.senat.fr, le 20 mai 2021