Déclaration de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, sur le contrat de relance et de transition écologique, au Sénat le 5 mai 2021.

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Intervenant(s) : 
  • Jacqueline Gourault - Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Circonstance : Débat organisé à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, sur le thème : " Contrat de relance et de transition écologique (CRTE), ne pas confondre vitesse et précipitation. "
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l'auteur de la demande dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l'issue du débat, l'auteur de la demande dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

(…)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de m'avoir invité à débattre avec vous cet après-midi des contrats de relance et de transition écologique. Je remercie tout particulièrement Ronan Dantec et le groupe Écologiste – Solidarités et Territoires de cette initiative bienvenue.

Vous le savez, les CRTE ont été annoncés dans la circulaire évoquée par Ronan Dantec à l'instant, signée le 20 novembre dernier par le Premier ministre. Ils marquent un changement d'ambition dans la relation entre l'État et les collectivités du bloc local.

Les CRTE marquent tout d'abord la volonté de l'État d'approfondir la méthode contractuelle avec les collectivités territoriales. Cette démarche est indissociable de celle que porte actuellement le Gouvernement autour du projet de loi dit 4D, que le Sénat va bientôt examiner.

En effet, si beaucoup de compétences sont décentralisées, certaines depuis quarante ans déjà, nous savons que l'État conserve des moyens d'action qui intéressent les collectivités. Le contrat est une manière de mieux articuler les interventions des uns et des autres sur le territoire. De ce point de vue, le CRTE introduit entre l'État et les collectivités une nouvelle forme de coopération, que nous voulons rendre plus étroite et plus efficace.

Ce contrat permet aussi de passer aux travaux pratiques en matière de déconcentration et de différenciation, en agissant de façon mieux coordonnée et dans la durée. Le fait de proposer aux collectivités un contrat n'est pas en soi une nouveauté. Jusqu'à présent, tout le monde contractualisait un peu à sa manière, comme l'a rappelé Ronan Dantec : beaucoup nous demandaient de simplifier et de mettre en cohérence ces multiples contrats. Le CRTE est ce qu'on appelle un contrat intégrateur, il regroupe l'ensemble des contrats qui existent sur le territoire.

Le nouveau cadre contractuel est pensé en cohérence avec les dispositifs qui existent déjà, tels que le programme Action coeur de ville, les contrats de transition écologique, ou encore les PCAET, que vous connaissez très bien. Il remplace aussi certains contrats qui existaient jusqu'à présent et étaient arrivés à terme. Je pense aux contrats de ruralité et aux pactes État-métropoles. Tous ces contrats et dispositifs sont mis au service de la stratégie définie et portée par les acteurs locaux.

En ce sens, le CRTE est bien plus qu'un contrat : c'est un cadre contractuel. On prend en compte les spécificités du territoire à l'échelle de son bassin de vie ; c'est tout l'enjeu du projet de territoire, un projet stratégique global défini par les accords locaux pour six ans et qui est au fondement de la contractualisation.

Le CRTE consacre également une nouvelle relation de travail entre l'État et les collectivités. Des réunions régulières sur la mise en oeuvre de ce projet de territoire seront organisées non pas seulement pendant les deux années de la relance, 2021 et 2022, mais bien durant les six années du mandat municipal et intercommunal.

Ensuite, le CRTE est un contrat de relance, car nous souhaitons que toutes les collectivités puissent pleinement bénéficier du plan de relance décidé par le Gouvernement. C'est le cas des régions, avec lesquelles nous avons signé des contrats de plan qui courent jusqu'en 2027 et comprennent un volet " plan de relance " pour leurs deux premières années. C'est aussi le cas de nombre de départements, qui signent actuellement des accords de relance.

Avec les CRTE, les intercommunalités et les communes pourront pleinement profiter des crédits de la relance, car ces nouveaux contrats s'intéressent non pas seulement aux projets portés par un EPCI, mais aux projets de territoire. Tous les projets, qu'ils soient portés en maîtrise d'ouvrage par une commune, par un EPCI, ou par d'autres encore, devront trouver leur place dans les CRTE.

Je note que cette nouvelle approche a rapidement suscité l'intérêt des collectivités puisque 100 % des EPCI et des communes qui les composent, à l'exception d'une seule intercommunalité, ont répondu à notre invitation à élaborer avec l'État un contrat de relance et de transition écologique.

Précisons au passage que plusieurs intercommunalités se sont parfois associées, quand un pays ou un pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) existait déjà, mais la base reste toujours l'intercommunalité. Je relève d'ailleurs, monsieur le sénateur Dantec, que c'est à Nantes, dans un territoire qui vous est particulièrement cher, que le Premier ministre a signé le 22 janvier dernier le premier protocole d'engagement d'un CRTE en France, lequel fixe les premières orientations et met en place la gouvernance de ce nouveau cadre contractuel.

Au fond, pour l'État, le CRTE est le moyen de traduire concrètement et efficacement à l'échelle locale les orientations et les moyens définis à l'échelle nationale. Je n'évoquerai qu'un seul exemple : la transition écologique est une priorité transversale des CRTE. Nous avons d'ailleurs organisé la semaine dernière, avec ma collègue Barbara Pompili, le premier comité de pilotage, en présence des associations de collectivités et des grandes fédérations d'associations environnementales.

Avec les CRTE, nous voulons créer un continuum entre les orientations et les moyens nationaux, les choix stratégiques définis par les collectivités dans leurs projets de territoire et les opérations concrètes qui en découlent.

Vous l'aurez compris, au-delà de la simplification qu'induit le CRTE, nous recherchons surtout une grande efficacité de l'action publique. À terme, nous allons y gagner, pour les élus comme pour les citoyens.

Nous avons conçu le CRTE comme une démarche partenariale et évolutive. Ce contrat, dont la transition écologique est un axe transversal, a aussi vocation à permettre d'aborder tous les thèmes qui intéressent à la fois l'État et les collectivités. En d'autres termes, nous souhaitons que le périmètre thématique de tels contrats soit le plus large possible : il couvrirait les sujets d'aménagement et de transition écologique, mais aussi l'éducation, la santé, la culture, ou encore la sécurité. Ce faisant, un maximum de ministères serait amené à y contribuer.

De même, les CRTE ont vocation à associer tous les acteurs qui participent à la réalisation du projet de territoire. De nombreux départements et régions s'y sont d'ailleurs intéressés et nous disent vouloir soutenir ces contrats.

J'ai conscience de l'effort d'explication et du temps que cette démarche nécessite ; je sais qu'elle exige une forme d'accompagnement. J'aurai l'occasion d'y revenir ultérieurement au sujet de l'ingénierie.

Je veux vous rassurer : le CRTE est une démarche évolutive, graduelle et progressive. Aussi, monsieur le sénateur, vous ai-je entendu s'agissant des délais : je peux vous l'affirmer, le 30 juin n'est pas une date couperet. Nous voulons toutefois que les discussions sur le CRTE soient partout engagées à cette date, qu'un protocole d'engagement ait été au minimum signé et qu'une méthode de gouvernance ait été mise en place.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les maires, bien sûr, mais aussi les conseils de développement et toute personne intéressée par le développement de son territoire devront être associés.


- Débat interactif -

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et que le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

Dans le cas où l'auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n'ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Jean-Paul Prince.

M. Jean-Paul Prince. Nous ne pouvons que louer la démarche présidant à la création des CRTE. Elle est efficace puisque nous connaissons déjà le périmètre des 833 CRTE qui mailleront la totalité du territoire national. Elle est aussi respectueuse de la spécificité des territoires, car ces périmètres ont été déterminés en concertation avec les élus et sont différenciés en fonction des coopérations préexistantes. C'est déjà une démarche " 4D ".

De même, nous ne pouvons que saluer l'effort de simplification que concrétisent ces CRTE : parce qu'il rassemble en un contrat unique tous les dispositifs de l'État avec le territoire, le CRTE est conçu comme le complément naturel et indispensable de la création, il y a deux ans, de l'Agence nationale de la cohésion des territoires.

Localement, des questions concrètes se posent sur la mise en oeuvre du CRTE : pour mettre en place les projets éligibles au plan de relance, les communes et leurs groupements auront besoin d'importants moyens d'ingénierie.

Vue de Paris, l'ANCT était une excellente idée, mais sur les territoires, elle est souvent encore inconnue au bataillon. Les CRTE devraient aider à lui donner la visibilité qui lui manquait. Mais ses moyens ne sont pas augmentés…

Par ailleurs, je tiens à mentionner le rôle du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), l'établissement public assistant les collectivités grâce à son expertise des politiques publiques. Cet organisme a connu une diminution de ses subventions depuis la loi de finances de 2018. J'appelle votre attention, madame la ministre, sur l'importance de cet organisme pour les collectivités, en particulier pour la mise en oeuvre des CRTE.

Dans ces conditions, l'ANCT sera-t-elle en mesure d'accompagner les collectivités qui en auront besoin et d'identifier les projets d'investissement vertueux permettant de recourir rapidement aux fonds de la relance ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Oui, l'État accompagnera en ingénierie les territoires pour mettre en oeuvre les CRTE. Cet accompagnement sera réalisé par l'ANCT – c'est bien pour cela qu'elle a été créée.

L'Agence pourra ainsi cofinancer à hauteur de 20 000 euros le recours à des prestations d'ingénierie choisies localement pour l'élaboration de 300 CRTE. Par ailleurs, elle a lancé un marché d'ingénierie, qui pourra être mobilisé à hauteur de 10 millions d'euros disponibles. En outre, elle anime une plateforme internet dédiée au CRTE, sur laquelle figurent des ressources utiles pour les collectivités et les préfectures.

Nous avons ouvert la possibilité pour les collectivités de recruter un volontaire territorial en administration (VTA) afin de travailler à l'élaboration des CRTE. Une aide d'un montant de 15 000 euros est octroyée par VTA.

Bien entendu, des territoires disposent déjà d'ingénierie, mais un effort particulier est fait en faveur des territoires qui n'en ont pas.

Le Cerema, que je connais bien – il y en a un à Blois – a une très grande capacité d'expertise en matière d'infrastructures, de mobilité et d'aménagement du territoire. À cet égard, je tiens à saluer l'action de son directeur général, Pascal Berteaud, qui a fait approuver voilà quelques semaines le projet stratégique de l'établissement, lequel prévoit de consacrer une part plus importante de son activité aux collectivités. Je proposerai d'ailleurs, lors de l'examen du projet de loi 4D, un article prévoyant de faciliter l'action du Cerema en direction des collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon.

M. Rémi Cardon. Aujourd'hui, nous débattons d'un nouveau contrat, lié au plan de relance, qui regroupe un ensemble de dispositifs, dont l'ancien contrat de transition écologique.

Au premier abord, le CRTE donne l'impression d'être le résultat d'un simple changement de nom destiné à valoriser le plan de relance gouvernemental. Je m'interroge toutefois sur les effets recherchés, mais aussi sur les effets pervers de ce contrat.

En effet, ce nouveau dispositif pose d'emblée la question du lien entre les différents dispositifs regroupés – les programmes Petites villes de demain ou en faveur des villes moyennes et des villes en déclin – et les autres dispositifs de financement dédiés aux communes ordinaires, tels que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la DSIL. Ces allocations directes pour les communes ne risquent-elles pas d'être freinées par l'ajout d'un niveau de décision complémentaire ?

L'obligation de passer par des contrats territoriaux pour synchroniser une démarche peut être une bonne idée sur le principe, mais risque d'alourdir la procédure.

L'ANCT parle de « territorialisation » de la relance. Nous risquons, de nouveau, un affaiblissement de la maille communale, avec un pilotage recentralisé et regroupé à l'échelon des communautés de communes.

Dans le département de la Somme, huit CRTE sont mis en oeuvre ; ils sont de dimensions différentes et font l'objet d'un accompagnement très, voire trop différencié.

Selon les données que je me suis procurées, trois à cinq CRTE seront soutenus directement par l'ANCT dans chaque département. Mais de quel accompagnement bénéficieront les autres secteurs non financés directement, de quelle ingénierie territoriale ? Les acteurs locaux auront-ils un accès direct à un interlocuteur visible ?

Madame la ministre, la mise en oeuvre de ces contrats ne sera-t-elle pas paradoxalement un frein à l'investissement de nos communes en bridant leur agilité ? Ne risque-t-elle pas d'aggraver encore les différences d'accompagnement entre collectivités ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous êtes bien jeune ; peut-être n'étiez-vous pas né lorsqu'a été votée la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, laquelle, je vous le rappelle, a consacré les intercommunalités et a même prévu de les développer.

Je ne serai pas celle qui opposera les communes et les intercommunalités. J'ai toujours défendu le contraire et je continuerai à le faire, même si, comme l'a souligné Ronan Dantec, les intercommunalités fonctionnent de manière inégale – je suis absolument prête à le reconnaître.

Vous avez dit que les CRTE étaient liés au plan de relance : pas uniquement. Oui, ils sont liés au plan de relance les deux premières années – il serait bête d'empêcher le bloc communal de profiter de la relance. Les contrats de relance sont destinés à porter des projets des intercommunalités, mais aussi des communes, toutes pouvant être maîtres d'ouvrage. Par ailleurs, ce sont des contrats intégrateurs. Les programmes Petites villes de demain ou Action coeur de ville ont bien vocation à intégrer les CRTE, la transition écologique devant être le fil vert de toutes les politiques.

Enfin, il est hors de question de ne pas continuer à soutenir les projets des communes de façon classique, grâce à la DETR. Nous ne bouleversons pas là les relations entre l'État et les collectivités territoriales, nous simplifions simplement les choses, via des contrats intégrateurs, pour plus de lisibilité.

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.

M. Rémi Cardon. En 2015, madame la ministre, j'avais 20 ans ! (Sourires.)

Compte tenu de votre âge (Exclamations.), j'espère que vous aurez la sagesse de rendre les CRTE plus agiles, plus justes et surtout beaucoup plus simples qu'ils ne le sont aujourd'hui pour nos élus locaux.

M. le président. La parole est à M. Serge Babary.

M. Serge Babary. Pour accélérer la relance et accompagner les transitions écologique, démographique, numérique et économique sur les territoires, le Gouvernement propose aux collectivités territoriales un nouveau type de contrat : le CRTE. Signé pour six ans, il doit regrouper l'ensemble des contrats signés entre l'État et les collectivités.

Il s'agit, selon vos déclarations, madame la ministre, " de traduire concrètement l'objectif de différenciation qui doit désormais guider l'action territoriale de l'État ".

Nous ne pouvons que souscrire à cette volonté politique de différenciation territoriale. Il importe de reconnaître enfin le rôle des acteurs locaux et la nécessité de personnaliser et d'adapter les projets aux territoires.

Il ne faudrait pas toutefois que cette contractualisation, réalisée dans l'urgence, se résume à une compilation des contrats existants, le véritable objectif étant de faciliter l'action des services de l'État.

Ces nouveaux contrats, pour leur mise en oeuvre, doivent être pilotés par les établissements publics intercommunaux ou leurs groupements. Au 26 avril dernier, on dénombrait 837 périmètres.

Les rôles des départements en matière de transition écologique, énergétique et numérique et des régions en matière économique sont essentiels. Comment comptez-vous les associer à cette nouvelle contractualisation ?

N'y a-t-il pas un risque que certains EPCI aient plus de mal à atteindre les objectifs fixés, notamment en zone rurale, où les intercommunalités ne disposent pas forcément de compétences, de moyens et de services adaptés ?

Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que les besoins en ingénierie seront satisfaits et que cette nouvelle contractualisation ne sera pas mise en oeuvre au détriment des petites intercommunalités ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Je vous confirme, monsieur Babary, que le principe de différenciation sera respecté. Il n'existe pas de maquette préconçue : nous partons des projets des territoires. Notre préoccupation permanente est d'accompagner la transition écologique, économique et démographique – il s'agit là d'être à l'écoute de la société. Quoi qu'il en soit, nous respecterons la volonté des territoires.

Vous avez parlé d'une " contractualisation réalisée dans l'urgence ", monsieur le sénateur. Or j'ai indiqué précédemment qu'aucune date couperet n'était fixée.

Il serait dommageable que le bloc communal ne profite pas au maximum du plan de relance, qui couvre la période 2021-2022. Vous avez été élu local, monsieur le sénateur, vous savez comment les choses se passent (Sourires.) : il s'agit d'engager les financements avant la fin de l'année 2022.

C'est la raison pour laquelle nous avons demandé, lorsque les élus ne sont pas prêts à signer un CRTE complet, à ce que soit au minimum conclu un contrat d'engagement. Naturellement, tous les territoires ne sont pas dans la même situation. Dans certains d'entre eux, les élus sortants ont été réélus, dans d'autres, il n'y a que des nouveaux élus, lesquels veulent prendre le temps de réfléchir.

En outre, l'association des acteurs économiques est absolument fondamentale. C'est pourquoi nous attachons une place importante à la gouvernance, afin que les maires soient particulièrement bien associés aux décisions au sein de l'intercommunalité.

Je rappelle que la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique rend obligatoire la création d'une conférence des maires, laquelle devra naturellement être mobilisée pour les CRTE. Pour autant, les relations habituelles des élus avec les chambres de métiers et de l'artisanat, les chambres de commerce et de l'industrie et les chambres d'agriculture, avec lesquelles les maires travaillent régulièrement, ne sont pas remises en cause.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Le CRTE a plusieurs mérites : il regroupe et intègre plusieurs contrats, il est pluriannuel et couvre la quasi-totalité du territoire. Nous y sommes favorables.

Face à l'enjeu actuel de la transition écologique, domaine dans lequel la France est l'une des meilleures élèves de l'Europe, les territoires, notamment les territoires ruraux, sont la solution. Nous n'irons jamais assez vite, à condition que les CRTE s'accompagnent d'un véritable financement.

En Corrèze, sept contrats, six EPCI et un pôle d'équilibre territorial et rural avec trois communautés de communes seront mis en oeuvre. Les discussions sur le contenu se poursuivent. De nombreux territoires comme le mien ont déjà réfléchi au cours de multiples réunions.

Dans la communauté de communes où je suis élu, un travail est fait sur les ateliers relais. Alors qu'ils sont financés par les communautés de communes, des subventions, via le CRTE, seraient cruciales.

Un autre projet porte sur la rénovation des centres-bourgs, en particulier des maisons en mauvais état, véritables passoires énergétiques. Dans le cadre de la relance, des aides doivent être octroyées aux communes pour le rachat des maisons et leur rénovation énergétique afin de valoriser nos centres-bourgs et d'améliorer leur attractivité.

Le CRTE doit aussi permettre de soutenir les collectivités impliquées dans le tourisme rural, lequel requiert non seulement une montée en gamme des hébergements, mais aussi un travail avec les professionnels afin de promouvoir les activités et les produits locaux et de développer l'e-tourisme.

Madame la ministre, voilà ce que les élus locaux souhaitent pour réindustrialiser et revitaliser la ruralité. Pour cela, ils ont besoin d'une aide véritable. Or, si j'en juge par les informations dont je dispose sur le CRTE impliquant trois communautés de communes de mon département, le CRTE ne serait financé qu'à hauteur de 200 000 euros, contre 250 000 euros pour un contrat de ruralité.

Madame la ministre, pensez-vous pouvoir augmenter les dotations évoquées de façon à être à la hauteur des enjeux ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Très officiellement, je peux vous dire, monsieur le sénateur, qu'il n'existe pas d'enveloppe dédiée par CRTE. C'est clair et net. Les crédits seront mobilisés en fonction des projets inscrits dans les CRTE.

Ces projets peuvent bénéficier de financements extrêmement divers, comme la DSIL pour la transition énergétique, abondée à hauteur d'un milliard d'euros dans le plan de relance. Cette dotation permet, par exemple, de rénover des bâtiments communaux. Les particuliers, quant à eux, peuvent bénéficier de MaPrimeRenov'. Le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) est également mobilisable.

En dehors du champ de compétences de mon ministère – car il est fait appel à d'autres ministères, notamment celui de l'éducation nationale ou celui des solidarités et de la santé –, les investissements du Ségur de la santé, que les directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) sont chargés de répartir dans les territoires d'ici au mois d'octobre prochain, donneront lieu à des conventions d'application santé. Ces dernières seront intégrées dans les 837 CRTE d'ici à la fin de l'année. Ces investissements représentent tout de même 1,5 milliard d'euros !

Il n'y a pas d'enveloppes, mais des réponses en fonction des projets – je vous le dis avec force et conviction.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Je souhaite revenir ici sur la complémentarité et l'articulation des CRTE avec les plans climat-air-énergie territoriaux.

Aujourd'hui, la quasi-totalité des intercommunalités ont engagé un PCAET. Pour rappel, c'est la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui a confié aux intercommunalités une compétence exclusive en matière d'élaboration et de mise en oeuvre de ces plans.

Outil structurant des politiques publiques en matière d'énergie et de climat, le PCAET est obligatoire pour les EPCI à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants existants au 1er janvier 2017. Il doit être cohérent, dans ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec les engagements internationaux de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

La déclinaison dans le CRTE, qui est contractualisée sur le même périmètre, des objectifs et actions prévus par le PCAET est donc centrale si nous voulons que ce contrat réponde à l'ambition de transition écologique.

Comment le CRTE va-t-il s'articuler avec le PCAET ?

La circulaire du Premier ministre du 20 novembre dernier prévoit une évaluation du CRTE. Cette évaluation s'appuiera-t-elle sur la mise en oeuvre des PCAET et sur leurs résultats ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Permettez-moi tout d'abord de préciser au sénateur Chasseing que, contrairement à ce que j'ai dit, ce sont 14 milliards d'euros qui sont prévus au titre du Ségur de la santé, et non 1,5 milliard d'euros. Cela fait une petite différence… (Sourires.)

Pour vous répondre, monsieur Benarroche, le PCAET constitue la feuille de route du territoire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et s'adapter aux effets du changement climatique.

Il contient un diagnostic territorial, une stratégie, un plan d'action et un dispositif de suivi. Lorsque les territoires les ont adaptés et quand leur périmètre correspond à celui du CRTE, les PCAET apparaissent comme la base incontournable pour élaborer ces contrats.

La transition écologique est identifiée comme un axe transversal de ces contrats dans la circulaire du Premier ministre du 20 novembre dernier.

Aujourd'hui, 87% des 757 EPCI obligés de créer un PCAET l'ont fait, ce qui représente plus de 60 millions de personnes, soit 90% de la population française : cette politique est une réussite !

Nous nous engageons à faire en sorte que les PCAET soient intégrés dans les CRTE. Nous devons bien sûr veiller à ce que les projets qui seront financés par l'État respectent bien les engagements internationaux de la France. Concrètement, cela passera par des actions de diagnostic environnemental – la circulaire en prévoit –, une évaluation de chaque projet par le ministère de la transition écologique et un bilan ex post des investissements réalisés, ainsi qu'une évaluation de leur impact environnemental.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Bien évidemment, il existe une correspondance parfaite entre notre démarche et les PCAET.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.

M. Guy Benarroche. Permettez-moi de profiter du temps de parole qu'il me reste pour indiquer à Mme la ministre, trois mois après lui en avoir parlé lors d'un précédent débat, qu'il n'y a toujours pas d'ANCT dans les Bouches-du-Rhône ! La situation n'a pas évolué.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Pour accélérer la relance et accompagner la transition écologique, démographique, numérique et économique dans les territoires, le Gouvernement a proposé aux collectivités territoriales un nouveau type de contrat : le CRTE. Ce contrat illustre la généralisation d'un nouveau mode de collaboration entre l'État et les collectivités territoriales.

Avec le renfort des crédits du plan de relance, cette nouvelle génération de contrats territoriaux vise à accompagner les collectivités dans leurs projets, avec une triple ambition : la transition écologique, le développement économique et la cohésion territoriale.

Cette nouvelle méthode permet aux acteurs locaux – collectivités, habitants et entreprises – de prendre part, aux côtés de l'État, à un véritable projet de territoire. Les CRTE permettent ainsi aux territoires de faire valoir leurs spécificités, tout en s'inscrivant dans une démarche d'ensemble cohérente.

Sur mon territoire, de nombreux présidents d'intercommunalité voient dans le CRTE une véritable opportunité de développement. Ce sont ainsi pas moins de quinze contrats qui ont été signés dans le Haut-Rhin.

Toutefois, une préoccupation revient régulièrement lors de mes rencontres avec les présidents d'EPCI. Pour mener à bien ces projets dans la durée, l'engagement de l'État est essentiel et doit se traduire par un engagement financier global, qui assure lisibilité et sécurité pour les collectivités signataires. Il semble que cette dimension n'apparaisse pas pour le moment de manière explicite.

Quelle réponse pouvez-vous apporter à mes préoccupations ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Nous ne cessons d'évoquer des problèmes d'argent… (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRCE.)

Dans notre pays, nous avons parfois été habitués à connaître lors de la signature d'un contrat, par exemple d'un contrat de ruralité, le montant à dépenser. Des négociations étaient ensuite engagées au sein des intercommunalités.

Aujourd'hui, nous avons décidé de soutenir les projets des territoires, lesquels peuvent être financés par mon ministère, mais aussi par d'autres. À titre d'exemple, mon ministère financera le programme Action coeur de ville à hauteur de 5 milliards d'euros. Cette somme est bien entendu intégrée dans les CRTE. Pour le programme Petites villes de demain, l'enveloppe s'élève à 3 milliards d'euros. Au total, 8 milliards d'euros sont mobilisables dans les CRTE – sans compter les 14 milliards d'euros du Ségur de la santé.

En outre, le ministère de la transition écologique a ses propres financements.

Actuellement, ce qui fait le moins défaut, ce sont les financements. Ils sont d'abord prévus pour deux ans dans le cadre du plan de relance. Ensuite, durant six ans, l'État continuera, via ses politiques traditionnelles, de financer les CRTE, grâce à la DSIL et aux financements d'autres ministères.

M. le président. La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Les CRTE, déclinaisons territoriales du plan de relance, sont censés répondre à une triple ambition en matière de développement économique, de transition écologique et de cohésion territoriale.

La transition écologique est une nécessité partagée ; elle commande d'évoluer vers des modèles de vie durables et raisonnés dans tous les domaines, y compris celui du numérique.

L'ANCT a lancé de nouveaux travaux pour aider les collectivités territoriales à bâtir des feuilles de route numériques dans le cadre des CRTE. En effet, la transition numérique des territoires est aussi en cours ; l'État l'a engagée avec la numérisation des services publics à marche forcée.

La transition numérique peut aller à rebours de l'objectif de transition écologique : c'est la problématique de l'empreinte environnementale du numérique. Angle mort des politiques publiques, la transition numérique représente pourtant entre 5% et 10% de l'empreinte environnementale de notre pays. Cette part ne cesse d'augmenter, du fait notamment d'une consommation croissante de données 4G, et désormais 5G. En effet, plus des trois quarts de cette empreinte sont dus à l'utilisation des terminaux numériques.

Au vu de ces intérêts contradictoires, comment concilier, au moyen des CRTE, la nécessaire transition numérique des territoires qui a été engagée avec la maîtrise de l'empreinte environnementale du numérique ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner que le Gouvernement a fortement accéléré depuis 2017 la transition numérique de notre pays, dans tous les domaines et dans tous les territoires.

Dans le domaine des infrastructures fixes et mobiles, l'année 2020 marque un record puisque plus de 5,8 millions de lignes numériques ont été déployées, soit 19% de plus qu'en 2019.

On a également observé le développement de nombreux usages du numérique : télétravail, télémédecine, téléprocédures, etc. Il s'agit là de conséquences de la crise sanitaire.

Nous avons aussi réalisé un travail d'accompagnement pour l'inclusion numérique : 4 000 conseillers numériques sont financés dans le cadre du plan de relance.

La transition numérique est un axe prioritaire des projets de territoire. Pour me déplacer beaucoup sur l'ensemble des territoires français, je peux vous assurer que cette transition est pour eux très importante. Elle est sûrement l'un des éléments qui font que la ruralité se sent de nouveau dans la modernité – cela n'était pas arrivé depuis fort longtemps.

Nous modernisons également les services au public dans les collectivités territoriales, grâce à une enveloppe de 88 millions d'euros. Nous avons élaboré une feuille de route avec les associations nationales concernées, notamment les associations Villes Internet et Les Interconnectés, pour guider les collectivités dans leurs démarches.

La conciliation de la transition numérique et de la maîtrise de l'empreinte environnementale du numérique doit faire l'objet d'une réflexion dans les territoires. Les élus ne doivent pas tout attendre de l'État ; ils doivent, sur leur territoire, prendre leurs responsabilités.

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour la réplique.

M. Éric Gold. Si la relance passe par la mise en oeuvre des CRTE, elle doit également prendre en compte l'accompagnement des publics fragiles.

L'inclusion numérique est aussi un objectif primordial : chacun doit pouvoir bénéficier d'un accompagnement dans l'accès au numérique, afin que personne ne soit laissé sur le bord du chemin. Les CRTE peuvent être cet outil d'inclusion.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Négociés à la hâte par des exécutifs locaux nouvellement élus ou venant d'être renouvelés, qui plus est en pleine gestion de crise, les contrats de relance et de transition écologique font l'objet d'une temporalité contradictoire. Les maires n'ont pas vraiment été associés aux négociations. (Mme la ministre manifeste son agacement.) Ces dernières ont en effet été captées le plus souvent par les présidents des EPCI ou des autres échelles retenues. Pour nous, cela pose un véritable problème de démocratie locale.

Comment les citoyens ont-ils été avertis de cet afflux de crédits au moment de voter ? La plupart des élus municipaux n'ont pas été concertés. Je le répète, les délais de signature sont contraignants et risquent de pénaliser les territoires les moins dotés en ingénierie, ce que vous savez, madame la ministre.

Cet empressement s'explique par la confusion entretenue par le Gouvernement sur les investissements relevant du plan de relance, avec le risque suivant : la relance partout, la relance à tout va. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer les étapes d'une planification stratégique et opérationnelle ? Il faut du concret !

Bruno Le Maire a déclaré : " L'exécution sera un point capital. Nous devons dépenser vite et bien pour avoir des effets concrets sur l'activité. " Or la rapidité semble l'avoir emporté sur la qualité des investissements. Le ministre reconnaît lui-même l'impérieuse nécessité de redéployer " des crédits de projets qui n'avancent pas suffisamment vite vers des projets qui avancent plus rapidement ".

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Oui !

M. Pascal Savoldelli. Conclus pour six années, les CRTE se trouvent pris dans une contradiction manifeste entre les objectifs assignés à la relance et la nécessité de concevoir un plan à long terme pour poursuivre les transitions écologiques et industrielles.

Madame la ministre, quels sont les critères communs retenus au titre de la relance et de la transition écologique ? Comment pouvez-vous nous garantir, au nom de l'équité territoriale, que les grandes métropoles ne vont pas accaparer l'écrasante majorité des financements de cette nouvelle contractualisation ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. On en revient toujours à la traditionnelle opposition entre ville et campagne !

Monsieur le sénateur, je suis là pour parer à ces risques. Si 837 CRTE sont programmés, c'est bien parce que, dans les territoires, les élus sont extrêmement volontaires.

Vous avez évoqué la temporalité. Je rappelle que les contrats de plan État-région, les contrats de ruralité, les fonds de cohésion européens arrivent à échéance. C'était donc le bon moment pour imaginer une politique au plus près des territoires, qui combine à la fois le court terme et le long terme, d'autant qu'a été mis en place le plan de relance. Tous les territoires doivent pouvoir bénéficier des fonds de relance, qui représentent tout de même 100 milliards d'euros, dont 40 % sont financés par l'Europe.

Bruno Le Maire a évoqué d'éventuels transferts. Je prendrai un exemple concret. Le fonds pour le recyclage des friches, dit fonds Friches, intéresse à la fois les territoires industriels, les centres-bourgs et les centres-villes et rencontre un succès formidable, au point que l'enveloppe qui lui était dévolue est épuisée. Je me bats d'ailleurs avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher pour que ce fonds soit réalimenté.

Le fonds Friches concerne aussi bien le petit village d'Indre-et-Loire, situé au bord de la Loire et traversé par une friche urbaine, comme celui dans lequel je me suis rendue récemment, que des territoires d'industrie à Chalon-sur-Saône, où des industries sont prêtes à s'implanter.

Avec ces contrats, on fait donc bien preuve de pragmatisme et d'inclusion !

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, j'aime bien faire le tour de France et je ne doute pas de la sincérité de vos exemples. Pour autant, on ne va pas faire le tour de la France pour vérifier le bien-fondé de la stratégie retenue par le Gouvernement !

Je vous ai demandé quels étaient les critères communs entre la relance et la transition écologique. Je n'ai pas eu de réponse. Ma question ne portait pas sur l'Indre-et-Loire !

Je vous ai demandé si les métropoles allaient capter la majorité des financements. Vous n'avez pas répondu non plus.

Cela fait deux questions sans réponse.

Pour le reste, j'en conviens, on peut se promener ensemble en France. (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot.

Mme Évelyne Perrot. Globalement, comme l'a dit Jean-Paul Prince, nous soutenons fermement les contrats de relance et de transition écologique. Ils seront l'outil qui nous manquait pour décliner territorialement la relance et les politiques nationales d'aménagement du territoire, en harmonie avec les projets de territoire.

Cependant, le concept même de CRTE pose un problème de temporalité, problème exposé de manière un peu caricaturale par l'intitulé du présent débat : « ne pas confondre vitesse et précipitation ». Pourtant, la situation actuelle est une situation d'urgence, qui réclame une réaction rapide.

Néanmoins, nous remercions nos collègues du groupe GEST d'avoir inscrit ce débat à l'ordre du jour des travaux de la Haute Assemblée, parce qu'il soulève la question bien réelle de l'articulation dans le temps des politiques qui seront regroupées au sein des CRTE, à savoir une politique de très court terme correspondant au plan de relance, d'une part, une politique de long terme correspond aux projets de territoire, d'autre part.

Dans les délais très courts qui leur sont impartis, les collectivités et leurs regroupements pourront-ils identifier les projets de relance les plus pertinents ? Le calendrier de signature des CRTE sera-t-il adapté à l'agenda électoral ? En d'autres termes, madame la ministre, attendrez-vous les élections départementales et régionales pour signer avec les territoires, sachant que, avant cette échéance, tout risque d'être ralenti ? À plus long terme, une fois les crédits du plan de relance consommés, comment les collectivités seront-elles accompagnées pour pérenniser les projets lancés ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Je centrerai ma réponse sur la question des délais, d'autant que j'ai déjà répondu aux autres points évoqués.

Je le réaffirme : le 30 juin prochain n'est pas une date couperet. Toutefois, nous voulons qu'à cette date, les discussions sur le CRTE soient engagées partout et que soient prévues la mise en place et la signature d'un protocole d'engagement et d'une gouvernance de ce contrat.

Les CRTE qui seront prêts d'ici au 30 juin prochain et qui seront fondés sur un projet de territoire à spectre large – il n'est pas question que ce soit l'addition de petits projets, comme l'a souligné Ronan Dantec – pourront être signés.

Si ce n'est pas le cas, nous voulons que soient signés avant l'été les contrats d'engagement, qui décriront la gouvernance locale du CRTE et préciseront les projets pouvant faire immédiatement l'objet de subventions dans le cadre du plan de relance. C'est possible, mais il faut avoir la certitude qu'ils s'insèrent dans une vision globale.

Il n'est en tout cas pas question de passer à côté des financements proposés.

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. La période bien particulière que nous traversons met en évidence l'investissement des élus locaux et de leurs équipes dans le projet de territoire.

Les contrats de relance et de transition écologique permettront de concrétiser des projets locaux et de donner de l'impulsion à nos ambitions énergétiques et écologiques.

Toutefois, je tiens à rappeler notre attachement au dialogue direct avec les élus locaux, qui a été longtemps négligé. Dans mon département, je tiens à saluer la décision de la préfecture d'associer les élus locaux à la construction et à la mise en oeuvre des CRTE.

Le calendrier du dispositif me préoccupe. Je m'inquiète d'une juxtaposition de la relance rapide, nécessaire face à la crise économique, et de la relance structurelle, vitale aux ambitions écologiques.

Le dépôt des dossiers s'est déroulé dans un temps court, peu efficace pour leur constitution. À cela s'ajoutent la difficulté de s'y retrouver face à l'empilement des nombreux dispositifs et l'impression que les dossiers ne trouvent pas de concrétisation. Pourtant, il me semblait que ce contrat unique était l'occasion d'apporter de la cohérence et de la simplification.

En rencontrant des élus sur le terrain, je m'aperçois qu'à ce stade le montant des enveloppes disponibles pour les EPCI et les intercommunalités reste inconnu. Aucun élément chiffré sur les projets déposés n'est disponible.

Je m'interroge donc sur la tenue du calendrier et sur le risque que ces contrats de relance n'entraînent une logique de compétition entre les territoires.

Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur la présentation des budgets, ainsi que sur les indicateurs utilisés pour évaluer les contrats de relance et leur efficacité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Il est bien normal que les questions se recoupent. J'ai déjà répondu sur certains points. Je répète qu'en effet il n'y a pas d'enveloppe – vous avez raison, monsieur le sénateur –, mais qu'il y a de nombreux financements.

Dans les territoires, les inquiétudes des élus ne portent pas sur le fait de savoir si les projets sont prêts ou non. Ce que veulent les élus, c'est pouvoir présenter un projet global de territoire sur un temps long. Les financements viendront d'abord du plan de relance et seront pérennes ensuite.

J'en viens aux indicateurs d'évaluation des CRTE. L'évaluation des actions constitue un élément clé du pilotage du CRTE pour la collectivité et l'État. La circulaire du 20 novembre dernier contient une annexe permettant aux territoires de s'évaluer, en amont du CRTE, au regard des enjeux de transition écologique qui ont été soulevés.

De même, dans le cadre de l'accompagnement de la démarche, nous proposerons aux territoires un guide d'évaluation sur le volet environnemental. Ce document sera par la suite étendu à d'autres thématiques, à l'instar du PCAET.

Votre question renvoie plus généralement au baromètre de l'action publique mis en place par Amélie de Montchalin, qui nous permet d'évaluer les politiques publiques que nous menons. Régulièrement, en conseil des ministres, le Président de la République nous demande des données, par exemple le nombre de logements rénovés dans le cadre du programme Action coeur de ville. Nous pouvons lui répondre, car nous disposons de cet outil d'évaluation.

M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la ministre, vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question. Évaluer le nombre de logements concernés par un dispositif n'est pas évaluer des projets ! Je vous demandais, pour ma part, si des indicateurs existaient.

Vous avez répondu à mon collègue que vous étiez pragmatique. Le pragmatisme suffit-il pour évaluer les contrats locaux ?

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin.

Mme Béatrice Gosselin. Contribuer à la réussite du plan de relance dans les territoires en impliquant toutes les collectivités est une évidence pour le Sénat. L'un des grands intérêts du CRTE est de permettre aux collectivités de disposer d'une porte d'entrée unique pour solliciter des aides de l'État et d'offrir une meilleure visibilité aux élus.

Dès le 15 janvier dernier, dans mon département de la Manche, le préfet a entériné les contours des CRTE avec une élaboration en coconstruction associant l'État et les EPCI. Le CRTE suscite un réel intérêt auprès des élus.

Cependant, madame la ministre, plusieurs interrogations demeurent.

La question du calendrier et de l'échéance affichée au 30 juin 2021 continue d'inquiéter, même si vous y avez déjà répondu en précisant que seuls les contours devaient être dessinés à cette date. L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) a proposé de repousser ce délai au 30 novembre prochain : si elle était acceptée, cette proposition rassurerait les collectivités.

Il existe également un décalage entre le rythme imposé par les services de l'État pour atteindre les objectifs en matière de transition écologique et la concertation auprès des acteurs locaux. Dans certains cas, on constate un véritable manque de transparence dans les discussions entre les EPCI et l'État : elles mettent de côté les maires et il est difficile pour ces derniers de connaître le contenu et la portée des contrats.

J'insisterai également sur les besoins d'appui en ingénierie. Avec des délais contraints, les territoires ruraux ayant peu d'ingénierie auront des difficultés à s'organiser pour monter les dossiers, ce qui risque d'accroître les inégalités entre les territoires, cela a déjà été souligné.

Je conclurai sur le problème de la répartition des compétences. Plusieurs actions du CRTE sont engagées par l'EPCI, alors que les compétences concernées sont souvent d'ordre communal : actions en direction des commerces, maîtrise du foncier, réhabilitation de l'habitat des centres-villes ou de la voirie… Cependant, les maires ne sont pas toujours associés à l'élaboration des futurs CRTE.

Madame la ministre, bien que je considère l'aide territorialisée que constituent les CRTE comme essentielle pour l'économie de nos territoires, je souhaite connaître vos réponses à ces quelques interrogations.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. D'une manière générale, les CRTE sont en train d'être mis en place, on ne peut donc pas encore tirer de bilan.

J'en viens au fonctionnement des intercommunalités. Vous comprenez bien que je ne peux pas me mettre à la place des élus ; pour autant, j'ai présidé une intercommunalité, j'ai été maire : je connais ces problématiques par coeur !

Il revient aux maires de réclamer, au sein des intercommunalités, la réunion de la conférence des maires, qui est obligatoire. L'État ne peut pas le faire : on lui reprocherait de s'immiscer dans l'action des collectivités territoriales.

J'ai déjà répondu aux questions relatives à l'ingénierie générale. Je précise que le préfet est le délégué de l'ANCT : il a souvent nommé un numéro 2 qui est un sous-préfet ou, selon les départements, le directeur départemental des territoires ou le directeur départemental des territoires et de la mer.

Je rappelle enfin que le projet peut contenir aussi bien des maîtrises d'ouvrage intercommunales que des maîtrises d'ouvrage communales. En effet, je suis absolument d'accord avec vous, madame la sénatrice, les compétences sont communales ou intercommunales.

M. le président. La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Je remercie le groupe GEST d'avoir permis la tenue de ce débat, qui est d'une actualité brûlante pour nos territoires.

Les contrats de relance et de transition écologique pourraient à moyen terme représenter un outil d'articulation de la transition, entre les stratégies territoriales et le financement des actions. Ce cadre organisationnel renouvelé détient un réel potentiel en matière de lisibilité des contrats territoriaux.

Néanmoins, des interrogations importantes demeurent concernant le financement, l'articulation, notamment avec les schémas régionaux et l'ensemble des échelons de collectivités, et le soutien en ingénierie.

Sur ce dernier point, madame la ministre, il faudrait cesser de supprimer des postes d'emploi public au Cerema et dans les agences concernées afin de préserver les compétences de l'État en matière d'ingénierie. En effet, depuis 2018 et l'exécution du premier budget voté par la majorité actuelle, le ministère de la transition écologique a perdu plus de 4 000 équivalents temps plein travaillé. Tout CRTE devrait faire l'objet d'un suivi de bout en bout par un chef de projet.

J'appelle enfin votre attention sur l'adéquation nécessaire entre relance et transition écologique. Pour que les CRTE impulsent une véritable relance écologique, il faudrait renforcer l'évaluation de la compatibilité des projets de territoire avec nos objectifs climatiques.

Aussi, madame la ministre, quels indicateurs prévoyez-vous en matière de suivi écologique des projets de territoire retenus, par exemple en matière de diminution d'émissions de gaz à effet de serre, d'économie circulaire ou encore d'innovation sociale avec des partenaires issus de la société civile et de l'économie sociale et solidaire ? Par ailleurs, une hausse progressive des ambitions en matière environnementale est-elle envisagée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Je ne pense pas que l'on puisse douter de la volonté du Gouvernement en matière d'environnement et de transition écologique.

Je rappelle que les CRTE dépendent à la fois de mon ministère et du ministère de la transition écologique. D'ailleurs, les PCAET font partie des CRTE. Tout cela s'imbrique.

Vous avez évoqué les suppressions de postes au ministère de la transition écologique. C'est peut-être vrai. Pour ma part, je veille à ce qu'aucun poste ne soit supprimé dans les territoires, notamment dans les directions départementales des territoires (DDT) qui, ces dernières années, ont connu une très forte diminution de postes, ce qui a entraîné une baisse de l'action des départements dans les territoires et de l'accompagnement des collectivités territoriales.

L'accompagnement en ingénierie des DDT perdure, mais, vous le voyez bien, nous sommes obligés de nous appuyer sur d'autres ressources comme le Cerema ou l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), qui sont des partenaires de l'ANCT. Ainsi, sur les 410 CRTE qui seront accompagnés, 300 le seront par l'ANCT, 60 par le Cerema et 50 par l'Ademe. Nous développons beaucoup l'ingénierie sur les territoires, car c'est fondamental.

Je n'oublie pas que l'on peut s'appuyer sur l'ingénierie des intercommunalités et des départements – cette question a été très largement soulevée lors de la création de l'ANCT. Tout le monde connaît les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) et les agences d'urbanisme. Il faut savoir utiliser toute l'ingénierie des territoires !

M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour la réplique.

M. Joël Bigot. L'ingénierie des intercommunalités de taille importante est indiscutable et elle est utilisée. La question se pose pour les petites intercommunalités et les communes rurales.

Madame la ministre, avec un contrat de dix-huit mois, les volontaires dont vous avez parlé ne sont pas en mesure de conduire le projet de bout en bout. C'est sur ce point que l'inquiétude se fait jour et que je vous interrogeais.

M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. La crise sanitaire actuelle et la transition écologique l'exigent : il faut agir vite pour rationaliser l'offre et le foisonnement des contrats existants qui obscurcissent l'efficacité des mesures d'accompagnement de l'État en direction des territoires.

Certes, il faut agir vite, mais il faut également agir bien ! En ce sens, plusieurs points méritent réflexion.

Les délais sont très courts, mais vous en avez tout à fait conscience, madame la ministre.

Par ailleurs, nous ne pouvons que vous alerter sur le tropisme de verticalité souvent trop largement prégnant. Le dialogue vertueux entre l'État et les collectivités territoriales doit s'inscrire dans une approche ascendante, tenant compte de la réalité de l'existant et non l'inverse.

L'innovation publique locale ne doit pas être découragée par un plan national au périmètre préétabli par l'État. Or, comme nous ne cessons de le marteler au Sénat, seule une réelle concertation avec les élus locaux, principalement les maires, véritable échelon de proximité, mais aussi les parlementaires, est un gage d'efficacité.

Je me fais aussi l'avocat de la prise en compte de l'Association nationale des pôles d'équilibres territoriaux et ruraux et des pays, l'ANPP, dans les accords de partenariat, au même titre que l'Association des régions de France, l'Assemblée des départements de France et France Urbaine.

Permettez-moi d'insister sur le pilotage de cette territorialisation, qui doit fidèlement traduire la déclinaison opérationnelle des orientations portées par France Relance.

Les territoires ont besoin de " sur mesure " et les plus fragiles ne doivent pas se voir souffler les financements par ceux qui seraient mieux outillés. Or la logique d'appels à projets ou d'appels à manifestation d'intérêt est mal adaptée pour éviter cela. De même, une approche en péréquation doit pouvoir être envisagée.

L'ANCT est un formidable acteur pour opérer cette territorialisation fine, seule garantie d'équité, dont les territoires ont impérieusement besoin. Encore faudrait-il que la mise en place des comités départementaux, pourtant prévue par la loi, mais trop souvent retardée, soit effective afin que ces structures soient efficaces et opérationnelles.

Madame la ministre, comment comptez-vous oeuvrer encore plus efficacement au déploiement des capacités d'accompagnement de l'ANCT dans l'élaboration des CRTE et la mise en place des comités locaux ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous sais attaché à l'ANCT et, comme vous, je pense qu'il faut des comités locaux dans tous les départements. Je compte d'ailleurs bien le rappeler aux préfets qui ont la charge de mettre en place les organisations locales.

Monsieur le sénateur, le CRTE est l'outil de la déconcentration et de la différenciation. En ce sens, il répond exactement à la question que vous m'avez posée. Le CRTE part naturellement du projet des territoires : les préfets ne reçoivent en aucune manière de directives pour orienter ces projets dans un sens ou dans un autre. Les projets examinés seront ceux qui auront été présentés par les élus locaux sur le périmètre d'une ou de plusieurs intercommunalités, puisqu'une telle configuration est possible, ainsi que je l'ai rappelé tout à l'heure.

Tout le monde l'a souligné, l'accompagnement en ingénierie est fondamental. Je le répète pour ceux qui m'ont interrogée sur ce sujet : l'aide de l'ANCT, du Cerema, de l'Ademe notamment est coordonnée et destinée aux territoires en ayant le plus besoin. Il ne s'agit pas d'apporter de l'aide à la métropole de Nantes, qui n'en a nul besoin, car elle dispose en son sein de tous les services d'ingénierie nécessaires. En revanche, vous imaginez bien que ce n'est pas le cas de la Corrèze ou de la Creuse !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel.

M. Stéphane Sautarel. Nous voici maintenant dans le Cantal… (Sourires.)

Bâtir une politique contractuelle territoriale pour donner de la lisibilité et du sens à l'action territoriale de nos collectivités et garantir l'engagement de l'État dans la durée en leur direction : qui s'en plaindrait ?

Disposer d'une approche différenciée ? Oui, bien sûr !

En revanche, répondre de manière conforme aux orientations gouvernementales suscite plus d'interrogations. Attention au syndrome des contrats de Cahors qui n'avaient de contrat que le nom !

Disposer d'une vision territoriale des politiques publiques à conduire et des équipements à réaliser ? Oui, bien sûr !

Écarter ou presque les communes de la négociation, c'est nier qu'elles constituent le socle de nos territoires et de notre République.

Créer un guichet unique, faciliter l'accès aux financements ? Oui, encore oui !

Ne créer aucun fonds nouveau, ne s'engager dans la durée – hors dotations de soutien à l'investissement local exceptionnelles pour 2020 et 2021 – sur aucun accroissement de la DETR ni des autres fonds, c'est proposer un contrat de dupes ou c'est écarter tout financement possible hors CRTE demain.

Vouloir engager de manière volontariste une politique concertée ? Oui, bien sûr. En revanche, vouloir la conduire dans un délai aussi court, avant le 30 juin prochain, qui plus est dans un contexte sanitaire et électoral qui n'y est pas propice, c'est empêcher une réelle concertation et l'émergence d'une vision partagée, alors qu'il s'agit de s'engager pour une durée de six ans.

Retenir du CRTE le " R " de la relance et le " TE " de la transition écologique, pourquoi pas ? Reste que c'est un recul par rapport au " R " précédent du contrat de ruralité et un enfermement, car les transitions dans nos territoires sont bien plus nombreuses.

Je passe sur les lourdeurs administratives constatées sur le terrain.

Madame la ministre, ma question est simple : en matière de CRTE, comptez-vous laisser une place plus importante aux communes, au " C " de contrat et accorder des délais plus longs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur du Cantal, j'ai déjà répondu à beaucoup de vos questions. Je veux bien me répéter, mais le président va faire remarquer que je suis trop bavarde…

Le CRTE, je l'ai dit, donne de la place aux communes. D'ailleurs, les intercommunalités sont composées de communes… Il n'y a jamais eu autant d'argent pour financer les projets locaux, donc je ne vois pas où est le contrat de dupes. Par ailleurs, la circulaire du Premier ministre précise, à la page 5 : " Dans les territoires ruraux, les contrats porteront l'appellation de contrats de ruralité, de relance et de transition écologique. "

Ne faisons pas de faux procès ! Nous sommes là pour favoriser le développement des territoires : la ruralité comme les quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui ont aussi besoin de transition écologique, économique et démographique. Nous nous efforçons d'être les plus transparents, intégrateurs et efficaces possible dans les territoires.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.

M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, je n'ignore pas que les communes sont constitutives du bloc communal et des intercommunalités. Simplement, force est de constater sur le terrain que les contraintes, les délais et les conditions de mise en oeuvre ne leur permettent pas une expression suffisante et ne leur donnent pas l'assurance de voir leurs propositions prises en compte dans un projet de territoire dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui.

Pour en revenir aux questions de financement, je ne disconviens pas que des crédits figurent dans le plan de relance. Cependant, vous l'avez dit vous-même, ces crédits portent sur cette année et l'année prochaine ; ils ne vont pas au-delà. Des financements, notamment au titre de la DETR, doivent être maintenus. Si les CRTE ne sont financés que sur les fonds existants, je m'interroge sur la pérennité des financements des collectivités.

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.

M. Didier Mandelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines, nous débattions ensemble de la politique d'aménagement du territoire de notre pays, en rappelant que la multiplication et l'accumulation des mesures et des programmes ne traduisaient pas pour autant systématiquement une réelle vision politique.

Nous débattons aujourd'hui d'une nouvelle mesure, d'un nouveau contrat qui, en réalité, ne contient rien de nouveau. En effet, les contrats territoriaux de relance et de transition écologique ont pour vocation, selon le Gouvernement, de simplifier la mise en place du plan de relance dans les territoires en regroupant les différents programmes lancés par le Gouvernement comme Action coeur de ville, Petites villes de demain ou France Services. Ce n'est donc pas une nouvelle mesure, mais un regroupement de mesures existantes.

Lancés dans la précipitation, ces contrats ajoutent encore un peu plus à la confusion des élus, notamment au regard du calendrier extrêmement serré proposé par le Gouvernement. En effet, les élus ont jusqu'au 30 juin 2021 pour s'accorder sur le contenu de ces contrats, alors que les périmètres viennent juste d'être définis par le Gouvernement en mars dernier. Quelle place sera donc donnée à la concertation entre les élus dans ce calendrier, qui intègre par ailleurs, cela ne nous aura pas échappé, des échéances électorales mobilisant ces derniers sur bien d'autres sujets ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Si l'on devait s'arrêter lorsqu'il y a des élections, on ne ferait pas souvent grand-chose : il faut bien avancer !

Monsieur le sénateur, nous avons proposé aux élus des CRTE. J'entends toutes vos remarques : ce ne serait pas le bon outil, il n'est pas adapté, mais 837 d'entre eux ont tout de même été acceptés, à une seule exception, celui de la communauté de communes d'Issoudun, dans l'Indre. Ces contrats rencontrent donc un certain succès.

Je comprends votre attachement à la présence des municipalités. Je l'ai dit et répété à la conférence des maires : j'ai été maire, j'ai été, dans la majorité comme dans l'opposition, membre d'une intercommunalité, et je me faisais entendre en demandant une réunion des maires. Je rappelle d'ailleurs que la conférence des maires est devenue obligatoire.

S'agissant du financement, monsieur le sénateur, et je répondrai ainsi également à l'orateur précédent, avant la relance, nous avions déjà accordé des dotations supplémentaires, notamment en conservant la DSIL créée par le Gouvernement précédent pour compenser la baisse de la DGF, et ce alors que nous ne la baissions plus. Il n'y a pas de raison de ne pas continuer ainsi.

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.

M. Didier Mandelli. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. J'ai également été maire et président d'une intercommunalité, et je sais par expérience, alors que nos concitoyens nous demandent de les écouter, que nous avons besoin de temps d'échanges et de concertation sur un certain nombre de projets. Je disais simplement que le temps est limité pour favoriser les échanges entre les élus.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J'ai déjà répondu !

M. Didier Mandelli. Évidemment, les responsables d'exécutif ont saisi l'opportunité, mais le calendrier n'offre pas le temps d'échanges et de concertation au sein des conseils municipaux permettant le partage des décisions avec chacun des élus. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde.

Mme Christine Lavarde. Madame le ministre, si j'ai bien compris, la politique contractuelle de l'État se décline à deux niveaux : un niveau régional avec les CPER ou leur pendant dans les départements et régions d'outre-mer, et un niveau infrarégional avec les CRTE, appelés à remplacer les contrats précédents.

Ma première question porte sur l'articulation des CPER avec les contrats existants. J'ai lu en effet dans la circulaire du Premier ministre aux préfets de novembre 2020 que « lorsqu'un axe stratégique du projet de territoire correspond à un contrat préexistant au CRTE, ce contrat a vocation à être inclus dans le CRTE. » Dois-je en conclure que les financements qui étaient associés au contrat existant sont automatiquement fléchés dans le nouveau CRTE sans qu'il soit besoin de déposer un nouveau dossier ? (Mme la ministre acquiesce.)

Ma seconde question porte sur l'articulation entre les CPER et les CRTE. Sur le site de votre ministère, on lit que l'État et les collectivités s'engageront réciproquement dans le cadre d'accords régionaux de relance et, au niveau infrarégional, dans le cadre de CRTE, qui pourront être la déclinaison du volet territorial du CPER.

Les préfets, dans l'instruction qui leur a été transmise en février 2021 sur l'emploi des crédits de la DSIL, sont expressément invités à veiller à l'intégration des crédits de la DSIL à la démarche d'élaboration des CRTE, de manière à assurer une bonne articulation des moyens de l'État avec les CPER et la cohérence de l'ensemble de ces financements. Or j'ai aussi lu que le financement des CPER doit passer par le volet territorial, désormais nommé cohésion des territoires, qui est facultatif. Que va-t-il se passer pour les régions qui n'auraient pas de volet territorial dans leur CPER ?

M. Jean-François Husson. C'est le grand bazar !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. J'ai répondu par l'affirmative à votre première question, madame le sénateur.

Onze engagements de CPER, qui seront finalisés à l'automne, ont été signés et tous comportent un volet territorial. Nous avons demandé aux régions de s'engager sur un volet territorial. Cependant, tout n'est pas décidé verticalement, contrairement à ce que l'on dit souvent ! Le volet territorial découle aussi de l'horizontalité des négociations entre les présidents de région, de département et les intercommunalités. L'État est généralement présent, mais il s'agit plutôt d'une négociation horizontale.

Bien évidemment, nous recherchons en permanence la cohérence. Cela me permet de préciser au sénateur de la Vendée que nous avons prévu une clause de revoyure dans les CPER, ce qui est nouveau. Les CRTE sont également évolutifs : nous ferons régulièrement le point sur leur évolution, les souhaits de réorientation vers d'autres projets. Nous avons la volonté de créer un cadre contractuel offrant une souplesse dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales.


Source http://www.senat.fr, le 20 mai 2021