Texte intégral
Q - Pour parler de cette conférence sur l'avenir de l'Europe, je suis avec Clément Beaune, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, français, évidemment. Clément Beaune bonsoir. Merci d'être avec nous. On va essayer d'être concret. C'est le lancement du projet aujourd'hui. Il a pris un an de retard, on sait pourquoi. Concrètement, dans dix mois, qu'est-ce que le citoyen européen va pouvoir découvrir de neuf ?
R - D'abord, pardon d'insister, mais comme c'est la journée de l'Europe, en quelques secondes pour le dire, on lance cet exercice et dans dix mois, on va voir le résultat. Mais pendant ces dix mois, tout le monde peut contribuer : il y a une plate-forme internet qui s'appelle "futureu", qui permet à chacun, quel que soit son opinion sur l'Europe, son âge, le pays de résidence, la langue aussi bien sûr - chacun peut contribuer dans sa propre langue, c'est très important -, peut critiquer, échanger, proposer, rêver. Et on n'a jamais fait cet exercice ensemble pendant plusieurs mois en Europe. En France d'ailleurs on lance aussi aujourd'hui une consultation pour les jeunes, spécifiquement, qui s'appelle "Parole aux jeunes", et qui va continuer jusqu'à l'été.
Et donc toutes ces contributions vont donner des idées. Et l'engagement qui est pris aujourd'hui, par le Président de la République, par les institutions européennes en général, ce sera l'an prochain la présidence française de l'Union européenne, c'est de tenir compte, évidemment, de ces propositions. Cela ne veut pas dire que chacun verra sa proposition à 100% mise en oeuvre.
Q - Mais cela veut dire quoi concrètement ?
R - L'année prochaine, au mois de mars, nous lancerons un nouvel agenda européen, des propositions sur plusieurs années, une nouvelle vision pour l'Europe, qui prendra en compte ces préoccupations, ces critiques, ces idées. Si, par exemple, les gens nous disent que la priorité absolue doit être au climat et que l'on doit faire plus, on prendra des propositions supplémentaires pour aller de l'avant. Si on nous dit qu'en matière migratoire, il faut encore accélérer, on le fera aussi. Tout ne part pas de zéro, bien sûr, mais l'idée, c'est d'accélérer.
Q - Alors quelle sera la limite que vous pouvez vous fixer ? Parce que, effectivement, il peut y avoir des choses qui peuvent vous choquer. On sait, par exemple, que sur la question de la migration, dans les sujets qui sont abordés dans la plateforme, d'ores et déjà, beaucoup disent "stop à toute migration en Europe" ?
R - Oui, mais alors j'invite chacun aussi à dire, je sais que c'est plus difficile, mais on peut avoir ce débat, mais il faut essayer d'être le plus concret possible, parce que dire "stop" ou "un peu moins stop" ou "pas du tout stop", ce sont des positions qui s'entendent, qui se comprennent, mais il faut dire qu'est-ce qu'on fait. Est-ce que l'on ferme totalement nos frontières ? Est-ce qu'on veut une migration légale ? Est-ce qu'on veut aider, moi je l'espère, j'y crois, certains qui ont besoin de l'asile et qui ont besoin de notre protection.
Cela ne veut pas dire ensuite qu'il n'y a plus de débat. On a un parlement européen, on a des institutions. Et la plate-forme numérique ne remplace pas des institutions. En revanche, cela va nourrir cette idée que l'on ouvre les portes et les fenêtres. Parce que c'est cela au fond, cet exercice, on va faire respirer l'Europe, on va donner envie, et on va avoir des idées nouvelles auxquelles peut-être vous et moi, aujourd'hui, et beaucoup d'autres gens, ne pensent pas pour faire bouger cette Europe. On a besoin de rêver aussi.
Q - Alors rapidement avant d'expliquer, on va le faire, comment ça fonctionne, exactement ? Moi, la question que je me posais : on va être dans une période électorale en France, est-ce que vous pensez que le citoyen français va avoir, en tête, l'Europe, alors qu'on sera en pleine campagne présidentielle, surtout celle de 2022 qui risque d'être compliquée et délicate ?
R - J'en suis convaincu. Et parler d'Europe, cela ne veut pas dire avoir tous la même idée. On peut critiquer, je l'ai dit, on peut avoir des opinions différentes. Ce n'est pas blanc ou noir. Moi, en tant que responsable politique français, pendant cette présidence française de l'Union européenne, le Président de la République lui-même, évidemment, on fera en sorte que l'Europe soit dans les débats. Et vous avez vu, au moment des élections européennes, quand tout le monde disait : cela ne m'intéresse pas, l'Europe c'est ennuyeux. Eh bien, la participation a augmenté en France, partout en Europe et surtout chez les jeunes. Parce qu'il y avait un enjeu clair qui était, après le Brexit, une forme de "stop ou encore". Et puis il y avait le climat, notamment, et on a vu de partout des partis écologiques, mais beaucoup d'autres partis aussi, qui ont mis le climat au centre. Et cela a parlé aux jeunes et aux gens.
Je ne suis pas du tout un défaitiste, ou un fataliste du débat européen ennuyeux et fermé. On peut faire ce débat en plein air, on peut faire ce débat citoyen dans le sens plein du terme. Et je crois, déjà, parler, après cette crise, respirer ensemble, presqu'au sens strict, cela nous fera du bien. Et on va écouter, on va entendre. Je crois que cet exercice d'ouverture, l'Europe ne l'a jamais fait. C'est un pari. Menons-le avec enthousiasme, avec énergie. Et j'espère qu'avant même la fête de l'Europe l'année prochaine, on aura ces premiers résultats et ces contributions qui permettront de réformer l'Europe.
Q - On va y revenir. On va essayer de comprendre comment cela va se dérouler justement, concrètement, cette conférence sur l'avenir de l'Europe. Quelles sont les instances européennes qui y prennent part. Et surtout, effectivement, comment les citoyens vont pouvoir participer aux différentes étapes de ce processus. Alors, Clément Beaune, on a vu une plate-forme numérique, multilingue effectivement, une conférence, un comité exécutif, un conseil exécutif, une assemblée plénière. Est-ce que ce n'est pas encore une usine à gaz à l'européenne ?
R - Non, il y a le processus. Je ne suis pas sûr que tout le monde ait besoin de savoir tout le détail. On a beaucoup discuté des règles, etc... c'est important, cela a été fait démocratiquement, notamment par les parlementaires européens. Et puis, maintenant, on commence ; au-delà de la mécanique, on rentre dans le débat. C'est cela qui est important. C'est très simple, vous allez voir, il y a une plate-forme numérique dans toutes les langues. Il y a des débats qui se tiendront en France, partout, en région, à partir du mois de septembre, et beaucoup de pays feront la même chose. Ce sera très concret, et la mécanique qui est compliquée pour mettre en place un vrai débat, va laisser la place au débat lui-même et on va le faire de manière très simple.
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 mai 2021