Interview de M. Alain Griset, ministre chargé des petites et moyennes entreprises, à France 2 le 25 mai 2021, sur la réouverture des commerces et la reprise économique.

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Média : France 2

Texte intégral

CAROLINE ROUX
Alain GRISET, il est ministre délégué chargé des PME. Le " quoi qu'il en coûte ", vous le savez, est loin d'être fini. A partir d'aujourd'hui, l'Etat vient en aide aux commerces qui se retrouvent avec des stocks de marchandise invendue. Bonjour Alain GRISET.

ALAIN GRISET
Bonjour Caroline ROUX.

CAROLINE ROUX
Nous allons parler du " quoi qu'il en coûte ", mais d'abord : les grandes enseignes veulent les maintenir à cette date, les indépendants préfèrent les décaler, est-ce que vous allez maintenir les soldes le 23 juin ?

ALAIN GRISET
Nous sommes toujours dans la même problématique, et la semaine dernière j'ai donc reçu l'ensemble des représentants du commerce, aussi les associations de consommateurs. En gros, il y a deux parties, une partie qui demande 23 juin et une autre 15 juillet, et donc cette semaine nous déciderons la date des soldes pour cette année.

CAROLINE ROUX
Comment est-ce que vous réfléchissez sur un dossier comme celui-ci ?

ALAIN GRISET
On réfléchit en regardant ce qui s'est passé les années précédentes, pour voir si le report qui avait eu lieu l'année dernière a été efficace ou pas. Et puis aussi la situation, au regard de ce que les commerçants vivent aujourd'hui.

CAROLINE ROUX
Et il a été efficace le report ? Pas pour tout le monde.

ALAIN GRISET
Non, pas pour tout le monde, et en particulier pour les grandes villes, ça n'a pas été positif ; par contre les habitants étant partis, je dirais en vacances, là ça a été efficace pour les villes de vacances.

CAROLINE ROUX
Quel est l'objectif d'une décision comme celle-ci, en fonction de quels critères vous allez décider ? Parce que privilégier les uns ou les autres ça va être ça votre sujet ?

ALAIN GRISET
Essayer qu'au bout du compte tout le monde s'y retrouve. L'objectif c'est que cette période-là permette aux commerçants de liquider leurs stocks.

CAROLINE ROUX
Alors, les stocks, justement à partir d'aujourd'hui vous allez débloquer une aide pour les entreprises qui ont du mal à gérer la problématique des stocks saisonniers. Quelles sont les conditions d'octroi des aides ?

ALAIN GRISET
Tout d'abord, on a voulu faire simple et rapide. A partir d'aujourd'hui, la DGFiP va verser automatiquement, à tous ceux qui ont perçu le fonds de solidarité du mois de novembre, 80% de ce fonds de solidarité, c'est-à-dire au maximum 8 000 €, et ça s'adresse aux entreprises de moins de 50 salariés et de moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires.

CAROLINE ROUX
Dans l'habillement précisément ?

ALAIN GRISET
Alors, habillement, maroquinerie, chaussures, sport.

CAROLINE ROUX
Qui sont impactés par l'effet des saisons.

ALAIN GRISET
Oui, parce que c'est, je veux dire, des magasins qui travaillent sur saisonnalité, et donc on a voulu les accompagner, parce qu'il y a eu peut-être une différence d'appréciation de leurs stocks.

CAROLINE ROUX
Alain GRISET, est-ce que vous pariez sur une fièvre acheteuse des Français ? Quel bilan vous tirez des premiers jours d'activité ?

ALAIN GRISET
Eh bien d'abord, je veux dire, il y a eu vraiment un besoin, une envie du consommateur de retrouver les commerçants, et également aussi une grande envie des commerçants de reprendre leur activité.

CAROLINE ROUX
L'envie c'est une chose, mais est-ce qu'ils l'ont fait vraiment ?

ALAIN GRISET
Je pense qu'aujourd'hui, pour l'instant, on n'a pas de bilan totalement chiffré, mais tout ce qu'on a comme information, nous fait remonter qu'effectivement ça marche plutôt bien. Et les prévisions que nous avons pour les prochains 6 mois, c'est une bonne reprise économique d'ailleurs nous espérons arriver au cours du 1er trimestre 2022 à une activité économique équivalente à ce qu'on avait avant le Covid.

CAROLINE ROUX
Retour quasiment à la normale. Vous dites « on ne peut pas faire de bilan chiffré de l'économie », que quand je vous disais " vous pariez sur une fièvre acheteuse ", c'est-à-dire que cet été, quelles prévisions vous faites sur l'activité de ces commerces-là, même s'il n'y a pas de chiffres, vous dites " j'ai des remontées ", de qui ?

ALAIN GRISET
Oui, non, mais un vrai boom qui est prévu…

CAROLINE ROUX
Oui, voilà, c'est ça.

ALAIN GRISET
Un petit peu ce que l'on avait vécu il y a un an, mais là avec une perspective différente puisqu'avec le vaccin on peut considérer que ça va continuer.

CAROLINE ROUX
Certains restaurants ont choisi de ne pas rouvrir en raison des jauges imposées, estimant que ça n'est pas rentable. Est-ce que vous comprenez leur décision ?

ALAIN GRISET
Non, je ne suis pas d'accord avec cette décision. Je pense que les restaurateurs ont demandé la réouverture, nous avons décidé de reconduire au mois de mai le fonds de solidarité du mois d'avril, donc aujourd'hui ceux, rares, qui ne souhaitent pas ouvrir leurs terrasses, ont tort.

CAROLINE ROUX
La vraie réouverture pour eux, et comme pour certains, c'est le 9 juin. Est-ce que ça veut dire que cette date coïncide avec le début de la fin des aides ?

ALAIN GRISET
Non, puisque pour les restaurateurs nous avons indiqué, et également pour l'événementiel, qu'à partir du moment où nous allons continuer à maintenir des conditions de restrictions, parce que le 9 juin il y aura encore des restrictions, parce que c'est une jauge à 50% à l'intérieur, nous continuerons d'accompagner, donc au mois de mai c'est reconduction du fonds de solidarité, et juin, juillet, août, on continuera de façon dégressive et on fera le point fin août avec ces professionnels.

CAROLINE ROUX
À partir de quand on va penser sérieusement, je vous pose la question parce que le MEDEF a dit : " Il va falloir revenir quand même à une économie non subventionnée ", ça fait partie de des objectifs des mois qui viennent, Alain GRISET, de revenir à un fonctionnement normal de l'économie ou est-ce qu'on peut même imaginer des aides jusqu'à 2022 ?

ALAIN GRISET
En tout cas, je considère qu'on n'est pas dans la subvention. L'Etat décide de fermer les entreprises, il est normal que nous les accompagnons, et au bout du compte, dès que l'activité économique aura repris…

CAROLINE ROUX
Elle a repris.

ALAIN GRISET
Elle a repris pour 92% de l'économie, aujourd'hui on est dans une situation normale.

CAROLINE ROUX
C'est ce que vous nous dites, on peut revenir à une situation normale, donc pourquoi ne pas débrancher les aides ?

ALAIN GRISET
Parce qu'il y a encore des secteurs dans lesquels l'activité n'est pas normale. Je prends l'exemple de l'événementiel, il faudra entre 3 et 6 mois avant que l'évènementiel récupère les salons, les congrès, et donc il est normal qu'on continue à les accompagner.

CAROLINE ROUX
Combien de temps ?

ALAIN GRISET
Je dirais, j'ai dit à plusieurs reprises " le temps qu'il faut ".

CAROLINE ROUX
Oui, mais alors en fait ça ne va pas suffire, maintenant il va falloir avoir des perspectives. Est-ce que ça, par exemple, ce sont des aides qui pourraient durer jusqu'à 2022 ? Certaines mauvaises langues se disent : qui va débrancher, d'une certaine manière, ces aides avant la présidentielle ?

ALAIN GRISET
Mais nous le faisons régulièrement, puisqu'il y a beaucoup de secteurs d'activité qui aujourd'hui ne sont plus accompagnés, alors qu'on les accompagnait l'année passée. Donc là on cible vraiment les secteurs dont on regarde à la réalité économique. Quand vous dites à l'évènementiel " nous reprenons ", et que les congrès n'ont pas lieu avant octobre, novembre, il est normal qu'on les accompagne.

CAROLINE ROUX
Donc, ça veut dire que certaines aides pourraient être encore une fois, d'une certaine manière, pérennes jusqu'à 2022, en tout cas dans cette année, l'année prochaine, c'est quelque chose qui est envisageable pour vous ? Dans certains secteurs.

ALAIN GRISET
Oui, c'est envisageable, puisque ce qu'a dit le président de la République au mois de mars 2020, c'est : nous allons accompagner l'économie pour éviter l'effondrement de l'économie. C'est ce qu'on a réussi à faire pour l'instant et donc nous allons continuer dans cette direction.

CAROLINE ROUX
Le mur des licenciements, qu'on a évoqué à un moment donné, c'est un risque écarté.

ALAIN GRISET
Ecoutez, on nous a évoqué le mur des licenciements, on nous a évoqué également les faillites des entreprises. Il y a eu ni l'un, ni l'autre. Il y a eu des licenciements, c'est toujours trop, mais beaucoup moins que prévu, autour de 300 000, ce qui était prévu c'est 900 000. Et donc l'objectif du gouvernement c'est de maintenir l'activité économique, éviter les faillites, et quand on évite les faillites, on évite les licenciements.

CAROLINE ROUX
Vous considérez que ce risque est derrière nous ? Ce n'est pas la mauvaise surprise de la rentrée ?

ALAIN GRISET
Je ne crois pas, parce qu'aujourd'hui, ce que nous envisageons c'est une reprise économique très forte, et quand il y a une reprise économique il n'y a naturellement pas de licenciement. D'ailleurs, un des sujets qui me préoccupe le plus, c'est la possibilité pour tous les secteurs de trouver la main d'oeuvre dont ils ont besoin.

CAROLINE ROUX
C'est-à-dire ?

ALAIN GRISET
On a, dans l'événementiel, dans la restauration, dans le bâtiment, de plus en plus de demandes d'entreprises qui nous disent : on ne trouve pas, on a besoin et on ne trouve pas. Et donc avec Elisabeth BORNE nous avons travaillé avec Pôle emploi pour essayer d'orienter les demandeurs d'emploi vers les secteurs dans lesquels il y a des besoins.

CAROLINE ROUX
Est-ce que ça a du sens de continuer à aider des entreprises qui étaient faibles avant le Covid et qui seront encore faibles après le Covid ?

ALAIN GRISET
Oui, ça a du sens, parce qu'elles ont beau être faibles avant, le fait de les avoir aidées font qu'elles sont toujours là. Une entreprise faible ça ne veut pas dire qu'elle va disparaître, ça veut dire qu'elle peut avoir à un moment des difficultés, nous on pèse sur le fait que demain ça ira mieux.

CAROLINE ROUX
Les boîtes de nuit, comment on va faire cet été pour danser monsieur GRISET ? On va danser sur les plages, on va danser dans les bars, on va avancer sur les terrasses, on va danser où ?

ALAIN GRISET
On va essayer de trouver une solution pour vous permettre de danser dans de bonnes conditions sanitaires, dans les boîtes de nuit.

CAROLINE ROUX
Ah bon ?

ALAIN GRISET
Donc j'ai indiqué qu'avant le 15 juin on donnera une perspective d'ouverture, et à ce moment-là vous allez pouvoir regarder de quelle manière vous distraire en dansant.

CAROLINE ROUX
Est-ce que vous avez programmé des boîtes de nuit test ? C'est ça ?

ALAIN GRISET
On a programmé d'envisager de faire des tests…

CAROLINE ROUX
Alors, ça veut dire quoi " programmé d'envisager ", ça veut dire « ça va se faire » ou pas ?

ALAIN GRISET
On va faire des tests…

CAROLINE ROUX
Ah…

ALAIN GRISET
… clairement, dans quelques boîtes de nuit, pour regarder quelles sont les conditions en termes de jauge, pour qu'il y ait une sécurité sanitaire pour tout le monde.

CAROLINE ROUX
Mais vous y croyez à la réouverture des boîtes de nuit, fermées ? Il y a différents types de boites de nuit, je ne sais pas si vous êtes un spécialiste monsieur GRISET, mais il y a aussi à l'été des boîtes de nuit en plein air.

ALAIN GRISET
Oui, globalement les représentants que nous voyons très régulièrement, souhaitent une ouverture en dehors du plein air, parce que la plupart des boîtes de nuit ne travaillent pas avec le plein air. Donc, si on ouvre, on essaie d'ouvrir la totalité, avec des jauges qui permettent de garantir la sécurité sanitaire. Mais il faut leur donner de la perspective, c'est ce qu'on va faire avant le 15 juin.

CAROLINE ROUX
Merci beaucoup d'avoir été mon invité ce matin.

ALAIN GRISET
Merci à vous.

CAROLINE ROUX
Vous êtes rassuré pour cet été.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 mai 2021