Texte intégral
Monsieur le Garde des Sceaux, cher Eric,
Monsieur le président de la commission des affaires économiques,
Mesdames et messieurs les présidents,
Je suis particulièrement heureux d'accueillir aujourd'hui le Garde des Sceaux au ministère de l'Economie et des Finances pour présenter un dispositif essentiel à nos yeux qui est le dispositif d'accompagnement des entreprises dans la sortie de crise.
C'est le fruit d'un travail collectif de plus de trois mois avec les parlementaires, avec les organisations patronales, avec les responsables du droit, du chiffre, de toutes les professions qui traitent de l'accompagnement des entreprises. Cela a été trois mois de travail collectif intense et efficace.
Ce travail, il s'inscrit évidemment dans la stratégie économique définie par le président de la République, le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement.
Stratégie qui a consisté à protéger massivement nos entreprises et nos salariés depuis quatorze mois, tout en commençant à mettre en oeuvre rapidement un plan de relance de 100 milliards d'euros, dont plus d'un tiers a déjà été engagé à l'heure où je vous parle : 35 milliards d'euros du plan de relance France Relance ont été engagés.
Cette stratégie économique, elle, nous permet aujourd'hui de rebondir fortement. La croissance économique est au rendez-vous, les entreprises réinvestissent, notamment dans le secteur industriel, tout simplement parce que notre outil productif n'a pas été abîmé et que nous l'avons protégé. Il a été mis sous cocon, mais nous n'avons perdu ni les compétences, ni les savoir-faire, ni les lieux de production. Nous les avons protégés.
Je vous confirme que nous maintenons notre prévision de croissance de 5 % pour 2021. Je vous confirme également que nous retrouverons au premier trimestre 2022 notre niveau d'activité d'avant-crise. Ce sont nos objectifs, ce sont nos objectifs stratégiques et ce sont ces objectifs que nous voulons tenir.
Aujourd'hui, au moment où nous avons déconfiné la nation française, nous entrons dans une phase de transition. C'est évidemment la phase la plus délicate et il faut faire du sur mesure, parce que quand vous regardez l'économie française, la situation est extraordinairement contrastée.
Vous avez beaucoup de PME aujourd'hui, notamment dans le secteur industriel ou dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, qui font face à deux difficultés majeures : pénurie de main d'oeuvre et problèmes d'approvisionnement en matières premières.
Nous avons aujourd'hui des contraintes sur les capacités à produire, tout simplement parce que cela redémarre fort en Europe, cela redémarre fort aux Etats-Unis, cela redémarre fort en Chine. Il y a donc des contraintes pour s'approvisionner en matières premières, pour régler ses factures, pour trouver les salariés dont nous avons besoin. Nous ne trouvons pas de couvreurs, nous avons du mal à recruter dans la restauration, nous avons du mal à retrouver des personnels dans l'hôtellerie. C'est cela les vraies difficultés aujourd'hui d'une grande partie de l'économie française.
Il y a une autre partie qui, elle, a du mal à redémarrer, où les choses sont plus lentes et plus difficiles. Ces entreprises-là ont besoin encore du soutien de l'Etat. C'est le sens du projet de loi de finances rectificative (PLFR) que nous présenterons en conseil des ministres demain avec Olivier Dussopt.
Nous avons maintenu 15,5 milliards d'euros de mesures d'urgence pour soutenir ces entreprises qui continuent à être confrontées à des difficultés. C'est un choix national, c'est aussi un choix européen.
Je rappelle que c'est la conclusion à laquelle sont arrivés tous les ministres des Finances européens la semaine dernière à Lisbonne. Notre stratégie économique commune est claire, nous devons maintenir un soutien à l'activité économique tant que l'économie ne redémarrera pas à 100 %. C'est un choix national, c'est aussi un choix européen.
Pour autant, ce PLFR, je l'ai déjà indiqué, doit marquer la sortie progressive du « quoi qu'il en coûte ». Il faut que les aides qui sont maintenues soient dégressives et adaptées pour sortir du « quoi qu'il en coûte », tout simplement parce qu'une économie qui fonctionne normalement fonctionne sans le soutien des administrations, sans le soutien public. Elle doit pouvoir fonctionner normalement et librement.
Il y a également d'autres entreprises qui, à l'inverse, ont redémarré tellement rapidement qu'elles ont un besoin radicalement inverse, elles ont besoin de fonds propres, elles ont besoin de pouvoir réinvestir très vite. Elles disposent de France Relance et elles disposent des prêts participatifs.
Nous avons déjà, grâce aux assureurs que je remercie de leur efficacité, obtenu une levée de 11 milliards d'euros pour les prêts participatifs. Je me suis entretenu hier avec eux et je vous annonce que les assureurs feront une deuxième levée de fonds avant l'été pour garantir les 20 milliards d'euros de prêts participatifs. Nous aurons donc réussi, en l'espace de quelques semaines, à lever 20 milliards d'euros de prêts participatifs qui vont financer les besoins en fonds propres des entreprises qui redémarrent le plus vite.
Vous voyez que nous voulons, avec le président de République et le Premier ministre, trouver une solution pour chacun. Ceux qui ont du mal à redémarrer, nous les accompagnons et nous continuerons à les accompagner. Ceux qui ont redémarré très vite et très fort, nous leur apportons les soutiens financiers dont ils ont besoin, les fonds propres dont ils ont besoin pour qu'ils ne soient pas entravés dans la puissance de leur redémarrage.
Enfin, il y a, et c'est l'objet de notre plan ce matin, les entreprises qui vont avoir besoin d'un accompagnement spécifique dans les prochains mois, ce sont des entreprises fragilisées par la crise mais qui reste viables économiquement. C'est vraiment cela le champ des entreprises qui est concerné.
Pour être un tout petit peu plus technique, ce sont principalement des entreprises dont la dette a augmenté et dont la trésorerie a diminué au cours des derniers mois.
Quand vous regardez la situation globale de l'économie française, beaucoup s'alarment du niveau d'endettement global des entreprises. Je pense que cette alarme est inutile.
Quand vous regardez les derniers chiffres qui viennent de nous être fournis par la Banque de France, entre décembre 2019 et mars 2021, la dette brute des entreprises a augmenté de 224 milliards d'euros. C'est vrai et certains s'alarment en disant « Mais c'est un niveau d'endettement extrêmement élevé ». Cependant, il faut mettre en regard de cela le chiffre de l'augmentation de trésorerie, notamment liée à la protection que nous avons apportée avec les prêts garantis par l'Etat. Dans le même temps, la trésorerie a augmenté de 215 milliards d'euros. Si, je calcule bien, cela donne une dette nette qui n'est que de 9 milliards d'euros et c'est bien ce chiffre de la dette nette qui compte et pas celui de la dette brute.
Je reviens à mon propos, certaines entreprises, elles, leur dette a augmenté et leur trésorerie a diminué au cours des derniers mois. Ce sont ces entreprises-là que nous voulons accompagner avec le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. Elles représentent de 5 à 8 % des entreprises françaises selon les estimations de la Banque de France. Elles concernent principalement les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, de certains domaines de l'industrie manufacturière et du commerce.
Ces entreprises-là, je veux leur dire, nous ne vous laisserons pas tomber et nous sommes là pour vous apporter une stratégie, une méthode et un accompagnement le plus efficace possible, qui va reposer sur trois piliers très clairs : la détection précoce, l'orientation de ces entreprises et l'accompagnement de ces entreprises.
S'agissant de la détection, nous allons mettre en place un dispositif totalement nouveau, utilisant les moyens techniques à notre disposition, y compris les algorithmes et l'intelligence artificielle pour repérer le plus tôt possible les difficultés de chacune de ces entreprises, de la plus petite entreprise de moins de 10 salariés jusqu'à la grande entreprise de taille intermédiaire.
Pour la première fois, toutes les données les plus sensibles dont disposent la direction générale des entreprises (DGE), la direction générale des Finances publiques (DGFiP), les URSSAF, la Banque de France, seront collectées ensemble, fusionnées et croisées pour nous permettre de repérer le plus tôt possible, comme aucun autre pays ne le fait au monde, la situation des entreprises en difficulté.
Une fois cette alerte précoce déclenchée, nous prendrons contact avec ces entreprises et je veux leur dire que ce sera fait de manière totalement confidentielle. Il n'est évidemment pas question de mettre sur la place publique ces données qui sont très sensibles. Il s'agit simplement de disposer de moyens pour alerter l'entreprise, prendre contact avec le chef d'entreprise pour qu'il ne s'enferme pas soit dans la dénégation, soit dans une stratégie qui serait mauvaise. Il sera prévenu de manière totalement confidentielle.
Tous les autres partenaires des entreprises se sont engagés à participer à cette démarche experts-comptables, commissaires aux comptes, banques, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce proposeront eux aussi soit un diagnostic gratuit, soit un rendez-vous de sortie de crise.
Nous avons discuté avec le président de la Fédération bancaire française, Philippe Brassac, il y a quelques jours. Cette mobilisation de tous les acteurs publics et privés pour détecter le plus tôt possible les difficultés des entreprises, c'est le premier pilier de notre stratégie et c'est sans doute le pilier qui est le plus essentiel pour réussir à aider les entreprises qui en ont besoin.
Le deuxième pilier, c'est l'orientation. Un maître mot et un seul « Simplicité ». Interlocuteur unique, numéro unique, guichet unique. Le numéro national unique, que toutes les entreprises qui rencontrent des difficultés peuvent désormais composer est le 0 806 000 245. Ce numéro unique sera assuré par la DGFiP ainsi que par les URSSAF. Il a vocation à répondre à toutes les questions de tous les entrepreneurs sur les choix qu'ils peuvent avoir à faire en sortie de crise.
Vous êtes entrepreneur, vous avez une difficulté. Vous êtes dans un territoire reculé, dans une grande métropole. Vous composez ce numéro. Nous devons vous apporter une orientation et nous nous assurons de la bonne exécution de ce dispositif dans les prochaines semaines. Ensuite, vous prenez rendez-vous, un guichet unique, un conseiller unique, le conseiller départemental de sortie de crise. Il conseillera l'entreprise dans un cadre parfaitement confidentiel et totalement gratuit. C'est lui qui orientera le chef d'entreprise vers les solutions financières ou judiciaires que je vais maintenant vous présenter notamment sur le volet financier.
Ces solutions, elles sont, pour beaucoup, très variées, parce que la diversité des situations des entreprises justifie qu'il y ait une diversité de réponses. Mais l'orientation et la détection se font de manière unique.
Troisième pilier l'accompagnement financier ou judiciaire, avec des procédures adaptées. S'agissant des instruments financiers, je veux d'abord rappeler ce qui existe déjà pour vous montrer la multiplicité des dispositifs qui sont aujourd'hui à disposition des entreprises, qu'elles soient petites ou grandes.
Les prêts garantis par l'État ont été prolongés jusqu'au 31 décembre 2021.
Nous proposons des plans d'apurement long de 12 à 24 mois, pouvant parfois aller jusqu'à 36 mois, à toutes les entreprises dont les dettes fiscales et sociales sont importantes en sortie de crise. C'est un point absolument clé pour les chefs d'entreprise. Ils redémarrent. Ils ont une dette sociale, ils ont une dette fiscale. Il faut qu'ils puissent l'étaler dans des durées qui sont des durées longues et nous assumons que ces durées peuvent être longues. Je préfère que nous étalions la durée de remboursement d'une dette sociale plutôt que de condamner une entreprise. Si elle a besoin de 36 mois pour rembourser, elle aura 36 mois pour rembourser. Nous étalerons.
Pour les plus petites entreprises, moins de 50 salariés, qui n'ont pas eu ou pas assez de prêts garantis par l'État, je rappelle que vous avez des prêts exceptionnels, directs pour les plus petites entreprises qui peuvent être sollicités pour couvrir jusqu'à 100 000 euros les besoins en investissements et en fonds de roulement. Ces prêts devaient s'arrêter cet été. Ce sont des prêts directs. Ils seront maintenus jusqu'au 31 décembre 2021.
Pour les PME et les ETI qui n'ont pas eu ou qui n'ont pas reçu de prêts garantis par l'État ou qui n'en ont pas eu suffisamment et dont le positionnement économique ou industriel est significatif, les avances remboursables et prêts bonifiés peuvent couvrir jusqu'à 800 000 euros ou 25 % du chiffre d'affaires. Ce dispositif devait s'interrompre à l'été. Il sera prolongé jusqu'au 31 décembre 2021.
Enfin, pour les grosses PME et pour les entreprises de taille intermédiaire. Je vous annonce que nous créons aujourd'hui, à la demande du président de la République et du Premier ministre, un fonds de transition doté de 3 milliards d'euros.
Ce fonds sera abondé dans le projet de loi de finances rectificative et il va accorder deux types de financements, soit des prêts très subordonnés qui sont équivalents à des fonds propres dont la maturité est indéterminée. Évidemment, le taux augmentera en fonction de la durée de la maturité, mais la maturité est indéterminée. Ce sont quasiment des fonds propres soit des prêts plus classiques avec un différé d'amortissement du type prêt du Fonds de développement économique et social. Je vais être très clair sur ce fonds de transition et ces types de financement.
L'objectif n'est pas de diluer les actionnaires et l'État n'a pas vocation à devenir actionnaire universel des entreprises françaises. Notre objectif est d'assurer une transition dans la sortie de crise pour que ces entreprises puissent rebondir. Ces 3 milliards d'euros visent donc à assurer la transition entre des difficultés conjoncturelles d'une entreprise et le retour à l'activité normale. Elle ne vise pas à faire en sorte que l'État prenne des participations dans toutes les entreprises de France et de Navarre. Cela n'aurait absolument aucun sens et cela exposerait l'État à des activités qui ne sont pas de sa compétence.
Ces demandes de financement doivent être évidemment instruites pour nous assurer qu'elles rentrent bien dans le cadre que j'ai indiqué, des difficultés conjoncturelles que rencontrent certaines entreprises alors même que leur activité reste viable.
Ces demandes de financement seront instruites par un comité consultatif présidé par le conseiller national à la sortie de crise, Gérard Pfauwadel, qui est ici présent et que je remercie pour avoir accepté de piloter l'intégralité de ce dispositif.
Les demandes remonteront chez ce conseil national à la sortie de crise qui animera un comité consultatif et qui émettra une recommandation sur chacun des dossiers. La décision finale appartiendra au ministre de l'Économie et des Finances.
Enfin, pour les entreprises qui ont besoin de plus qu'un soutien financier, c'est-à-dire d'une procédure préventive et collective. Ces procédures vont être simplifiées et accélérées et je laisserai le garde des Sceaux les présenter.
Je veux juste indiquer que s'agissant du mandat ad hoc de sortie de crise, je veux remercier les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires qui ont accepté de limiter leurs honoraires à 1 500 euros pour les entreprises de moins de 5 salariés, 3 000 euros pour les entreprises de moins de 10 000 salariés et pour leur engagement de traiter le dossier en trois mois.
Nous aurons ensuite une procédure accélérée qui est l'un des objets tout à fait nouveau aussi de ce traitement de sortie de crise que je laisserais au garde des Sceaux le soin de présenter.
Merci à tous
source https://www.economie.gouv.fr, le 7 juin 2021