Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, sur le financement des entreprises technologiques, à Paris le 7 juin 2021.

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  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la relance

Texte intégral

Bonjour à tous.

Bienvenue au ministère de l'Economie et des Finances à Bercy. Merci à tous de votre présence. Merci surtout à tous de votre engagement, en faveur du financement des entreprises technologiques.

L'enjeu est absolument majeur. Ce qui, en dépend, c'est la capacité de la France à continuer à jouer dans la cour des grands au XXIème siècle. C'est aussi essentiel que cela.

La puissance d'une nation dépendra de plus en plus de sa capacité à maîtriser de manière indépendante et souveraine les technologies de pointe et les technologies de rupture.

La France a vocation à faire partie des nations qui écrivent le XXIème siècle et qui ne se contentent pas de le lire ou de le traduire.

Vous savez que les derniers chiffres de l'attractivité du pays viennent de tomber. Nous avons réussi l'exploit de maintenir notre première place. Dans cette pandémie, cela n'était pas simple. Je rappelle qu'il y a quelques années, la Grande-Bretagne était loin devant nous. Nous avons réussi à conserver notre première place avec 985 projets d'investissements sur notre territoire.

Je veux en remercier tous les entrepreneurs qui ont décidé d'investir en France et saluer ce que cela représente en matière de politique économique et de choix que nous avons porté avec le président de la République et le Premier ministre avec beaucoup de constance depuis quatre ans.

Je sais que dans cette période agitée, beaucoup nous invitait à augmenter les impôts, à relever le niveau fiscal dans notre pays, à revenir sur un certain nombre de choix qui avaient été faits en 2017. Je pense que cela aurait tout simplement tué l'attractivité de notre pays et ruiné les espoirs de garder notre première place.

Nous avons gardé notre première place. J'y vois la validation de la politique économique et fiscale que nous avons conduite avec beaucoup de détermination et beaucoup de constance avec le président de la République depuis 2017.

985 projets d'investissement sur tous les territoires, pour la deuxième année consécutive, nous sommes, je le redis, devant le Royaume-Uni et l'Allemagne. Mais il faut aussi savoir lire intégralement et avec honnêteté un résultat.

Dans ce résultat, il y a un point noir, c'est l'installation de centres de recherche et de développement, donc la capacité à attirer ceux qui vont créer ces innovations, qui vont développer ces nouvelles technologies. Je crois vraiment que dans la décennie qui s'ouvre, cela doit être un des enjeux et un des engagements majeurs de notre pays que de nous focaliser sur les nouvelles technologies, la recherche, l'innovation, les universités. Nous sommes un pays d'intelligence et de création, et nous devons le rester. Pour cela, nous avons évidemment besoin des financements français ou étrangers, pour financer les entreprises technologiques.

Il y a un an et demi, nous avions déjà fait ce constat. Nous avions donc décidé qu'il fallait passer à autre chose en matière de financement des entreprises technologiques. Il fallait davantage de financements, et il fallait arrêter de voir un certain nombre de start-ups se développer en France, puis grandir à l'étranger.

Aucun de nos compatriotes ne peut accepter que nous dépensions de l'argent public pour faire naître, émerger, développer une startup qui ensuite va poursuivre sa vie dans un pays étranger, très souvent les États-Unis, où elle trouve des financements plus favorables.

Nous avons voulu rompre avec cette situation-là et passer à un financement autonome de nos entreprises technologiques. C'est ce que nous voulions, mais nous ne le pouvons qu'avec votre aide, avec celles des investisseurs institutionnels français.

Nous avons donc travaillé et le 13 janvier 2020, dans cette même pièce, 21 investisseurs institutionnels se sont engagés à investir 6 milliards d'euros d'ici la fin de l'année 2022, dans des fonds français de capital investissement et d'actions dotés Global tech, c'est-à-dire investis principalement dans les valeurs technologiques.

Le pari que nous avions fait à l'époque, c'était de lever cette somme là pour atteindre au bout du compte une levée totale avec un effet de levier de 20 milliards d'euros. Je me souviens très bien qu'en janvier 2020, cela paraissait un objectif très ambitieux, voire un objectif irréaliste.

Pourtant, cette initiative a donné plus que les résultats attendus. Nous avons 3,5 milliards d'euros qui ont été engagés par les investisseurs partenaires de l'initiative notamment sur le segment du capital investissement et je veux remercier tous les acteurs qui sont présents ici et que je vois dans cette salle.

Évidemment, ces investissements en ont attiré d'autres, et si nous prenons en compte les souscriptions de tous les investisseurs dans les fonds labélisés « Tibi », puisqu'ils portent votre nom, l'ensemble des ressources mobilisées représente plus de 18 milliards d'euros. Je dis à Philippe Tibi que c'est le début de la gloire quand des fonds commencent à porter votre nom. C'est comme en politique, quand une loi porte votre nom, c'est le début de la gloire. En matière financière, quand un fonds porte votre nom, cela arrive rarement, c'est le début de la gloire et c'est surtout le début de la reconnaissance des acteurs publics pour le travail que vous avez fait.

Je veux profiter de cette réunion, ce matin, pour adresser mes plus profonds remerciements à Philippe Tibi pour ce résultat. Je connais votre engagement, je connais votre détermination, je sais la manière dont vous avez animé le comité des investisseurs, je sais comment vous avez animé le processus pour sélectionner les fonds bénéficiaires. Je veux donc, vous remercier pour votre expérience, pour votre persévérance, pour votre professionnalisme. J'aimerais que vous applaudissiez tous Philippe Tibi pour son engagement.

Je voudrais que nous mesurions aussi quels sont les enjeux qui sont derrière. Les enjeux, je le redis, c'est notre capacité à rester une grande nation innovante. Les enjeux, c'est d'avoir des start-ups qui grandissent et nous sommes en train de réussir ce pari. Nous étions une nation start-up. Nous allons devenir prochainement une nation de grandes entreprises technologiques, parce que ces start-ups vont grandir, vont devenir des entreprises plus importantes, vont dégager des bénéfices et vont devenir ces fameuses licornes qui étaient une poignée il y a seulement quelques années, qui sont désormais 14 et qui doivent être 25 d'ici 2025.

2025, c'est très proche et 25 pour moi, c'est le chiffre bas de la fourchette. Je suis persuadé que nous pouvons faire mieux en matière de licornes. J'aurai l'occasion de vous expliquer pourquoi. En tout cas, nous devons être plus ambitieux.

A partir du moment où les résultats sont là et qu'ils ont dépassé nos espérances, le message que je voulais vous faire passer ce matin, c'est que nous devons être plus ambitieux.

Nous nous étions fixés 20 milliards d'euros investis dans les fonds technologiques français d'ici la fin 2022. Je vous propose comme nouvel objectif 30 milliards d'euros, et non plus 20 milliards, investis dans les fonds technologiques français, d'ici la fin 2022. Cela veut dire nous mobiliser tous, mais cela veut dire aussi mobiliser de nouveaux investisseurs. Je pense en particulier aux investisseurs étrangers, grâce à la participation, et je remercie là encore Philippe Tibi, de 11 nouveaux partenaires, banques d'investissement, intermédiaires en levée de fonds, qui vont aller mobiliser ces investisseurs partout dans le monde.

Ce nouvel objectif, il va également nous permettre d'augmenter le nombre d'investisseurs partenaires, d'augmenter le fonds de capital engagé au profit des fonds établis en France et de favoriser aussi, c'est bien un de nos objectifs, une implantation durable des meilleurs fonds étrangers dans notre pays.

Vous me permettrez de terminer avec des réflexions peut-être plus générales sur ce que peut la nation française.

Je suis toujours très surpris quand je regarde les sondages d'opinion de voir à quel point les Français ont confiance en eux personnellement, mais ont peu confiance dans la nation française. Dans le fond, les Français croient encore dans leurs vies familiales, dans leurs vies personnelles, dans leurs succès personnels, dans leurs entreprises, dans leur artisanat, dans leurs PME, dans leurs TPE, mais ils ne croient plus dans la nation française.

Il y a une espèce de défiance à l'égard de ce que peut faire, ce que peut réaliser, ce que peut devenir la nation française que nous devons combattre.

Les résultats que vous obtenez aujourd'hui, tous ceux que j'ai cités aujourd'hui, montrent que la France peut encore beaucoup plus que ce qu'elle croit. Beaucoup plus. Le tout c'est d'ouvrir un horizon, de montrer à quel point l'innovation doit être effectivement la ligne d'horizon de notre pays, à quel point nous sommes une grande nation de recherche, de savoir, de sciences, que personne ne peut se résigner à voir, par exemple, l'école de mathématique française, qui est une des plus excellentes au monde, être menacée de déclassement parce que le niveau de mathématiques au primaire baisserait ; à quel point nous sommes capables de changer la donne aussi au niveau international.

La presse s'est fait largement l'écho de l'accord que nous avons obtenu à Londres ce week-end avec mes partenaires du G7. Le président des États-Unis d'Amérique a fait pivoter la négociation. Je tiens quand même à rappeler que la France l'a portée depuis le premier jour. Si la France n'avait pas eu cette idée, ne l'avait pas portée depuis 2017, à l'initiative du président de la République en disant « Les géants du digital font des profits absolument considérables. Ils ne peuvent pas échapper à l'impôt ».

Le dumping fiscal dans laquelle se sont engagés un certain nombre d'États européens, l'Irlande en tête, le Luxembourg et d'autres, c'est une impasse pour l'Europe, parce qu'il faut bien financer les services publics, il faut bien financer les écoles, les crèches, les hôpitaux et que nous ne pouvons pas augmenter les impôts de nos concitoyens. Il faut donc aller taxer ceux qui font de l'évasion fiscale ou l'optimisation fiscale. À l'époque, ce discours, je tiens à le rappeler, était irrecevable.

Nous avons pendant quatre ans labouré, essayé de convaincre, ramené à nous un certain nombre de partenaires européens. Si les choses ont basculé à Londres, cela doit beaucoup au président des États-Unis d'Amérique, Joe Biden, cela doit beaucoup aussi à l'engagement sans faille de la nation française et du président de la République depuis quatre ans sur ce sujet à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), au G7, au G20, à l'Union européenne, en Eurogroupe, en Ecofin, nous n'avons cessé de porter ce projet.

Le fait que nous restions la nation la plus attractive pour les investissements étrangers, le fait que nous ayons des perspectives de croissance devant nous fortes pour 2021 et 2022, tout cela doit nous permettre de retrouver foi dans notre pays et la nation française.

Le rôle que vous avez à jouer est un rôle absolument décisif. Il est très loin le temps où la République pouvait dire « La finance, c'est l'ennemi ». Cela fait plus de quatre ans que j'occupe les fonctions de ministre des Finances, j'ai toujours considéré que la finance faisait la puissance d'un État, la force d'une nation. Il faut vraiment avoir un mépris complet de notre histoire nationale pour ne pas savoir que dans les heures les plus glorieuses de l'histoire de France, la France avait des finances bien tenues et des soutiens financiers forts et que dans les heures plus difficiles de notre histoire, c'était exactement l'inverse.

Je crois donc au partenariat entre la finance et l'entrepreneuriat. Je crois au rôle fondamental que vous jouez pour le développement de la nation. Je crois au rôle fondamental que vous jouez pour l'attractivité de la nation française. Je remercie Philippe Tibi de porter haut et fort ce projet et je compte bien sur vous pour que nous atteignions notre objectif des 30 milliards d'euros.


Merci à tous, et très bons travaux ici au ministère de l'Économie et des Finances.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 8 juin 2021