Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie et des Finances, est avec nous. Bruno LE MAIRE, bonjour.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Le président de la République giflé ; quelle signification accordez-vous à cette - comment la qualifier ? Je ne sais pas – cet affront à la République ? Cet affront à la fonction de président de la République ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, c'est un affront à la nation française. C'est un geste grave contre une personne. N'importe quelle personne quand elle fait l'objet de violence, c'est un geste grave. C'est un geste grave contre la fonction de président de la République et c'est un geste grave contre la nation française dans son ensemble. Et je crois que ça traduit, je ne suis pas le premier à le dire, mais je pense que ça traduit effectivement une lente détérioration du débat public, des mots qu'on emploie. Et je pense qu'il faut en tirer la leçon pour nous tous, et en particulier pour les responsables politiques, de la nécessité de peser chaque mot. Les mots blessent et conduisent parfois à des actions qui sont de violence et qui peuvent, au bout du compte, arriver à des situations dramatiques.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Mais les mots de qui blessent, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Quand vous voyez la dégradation des propos qui sont tenus contre le président de la République, les attaques personnelles. Quand on dit que le président de la République est un destructeur, est-ce que ça avance quelque chose dans le débat public ? Est-ce que ça le fait progresser ? Est-ce que ça fait progresser notre débat sur ce que nous voulons pour la nation française ? Non. Quand j'entends un autre responsable politique nous expliquer qu'il faut se préparer à ce qu'il y ait un attentat ou un acte de violence perpétré juste avant les élections présidentielles et évidemment, voulu par des forces obscures, tout ça dégrade le débat public, alimente la violence collective.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et disqualifie les auteurs de ces propos ?
BRUNO LE MAIRE
Les Français disqualifient d'eux-mêmes tous ceux qui ne sont pas capables de faire preuve naturellement d'autorité, qui s'emportent et qui ne savent pas peser leurs mots. La politique, c'est choisir ses mots. N'oublions jamais dans l'histoire que les violences les plus graves commencent toujours, sans exception, par des mots. Toujours. C'est toujours quand on commence à expliquer que les uns doivent être chassés, que les autres ne sont pas respectables, que ceux-ci n'ont pas leur place dans la société, qu'on accepte ces discours-là qu'au bout du compte on arrive à des drames historiques.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi, Bruno LE MAIRE ? Ça veut dire que nous vivons un effondrement de l'autorité ?
BRUNO LE MAIRE
Ça veut dire, Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que l'irrespect est aujourd'hui…
BRUNO LE MAIRE
Jean-Jacques BOURDIN, si j'ai un seul message à passer ce matin c'est ressaisissons-nous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ressaisissons-nous ? Il y a un laisser-aller dans ce pays ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, il y a un laisser-aller dans le pays. Partout, sur toutes sortes de sujets, y compris dans l'expression publique. Et quand on a l'honneur de pouvoir s'exprimer à votre micro, de prendre la parole en public, de savoir qu'il y a des centaines de milliers ou des millions de personnes qui vous écoutent, c'est un honneur. Ce n'est pas un honneur qui vous est donné, il est acquis parce que le peuple français vous a fait confiance, vous êtes légitime, que vous êtes passé devant le suffrage universel, que vous avez occupé des fonctions, que vous occupez des fonctions qui justifient que vous prenez la parole en public. Mais la contrepartie de cet honneur, c'est de peser ses mots, d'élever le débat public, de présenter ses propositions pour les Français et de ne pas céder à la facilité des attaques personnelles du complotisme ou du cynisme qui rongent la vie politique française.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le président de la République dit : il faut relativiser ce geste. Pourquoi ? Est-ce qu'il faut vraiment, parce que vous n'avez pas l'air de le relativiser…
BRUNO LE MAIRE
Non, je ne le relativise pas. Je pense qu'il est parfaitement dans son rôle et c'est courageux de sa part de relativiser ce geste. Mais comme responsable politique plus que comme membre du gouvernement ou de cette majorité, comme personne qui est élue depuis maintenant près de 12 ou 13 ans et qui fait partie de la vie politique française, je pense que nous avons tous une responsabilité, quelles que soient les fonctions que nous occupions : fonction politique locale ou fonction nationale éminente, de tirer le débat vers le haut. De ne pas céder à la facilité des attaques personnelles et de refuser catégoriquement le cynisme et le complotisme, je le redis, qui rongent la société française et qui nous empêchent de poser des débats sereins sur ce que nous voulons tous collectivement pour la France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est aussi peut-être les conséquences de la politique conduite par le président de la République. Je n'hésite pas à poser la question.
BRUNO LE MAIRE
C'est un drôle de retournement. C'est l'agressé qui, d'un coup, deviendrait l'agresseur. Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je l'ai déjà entendu.
BRUNO LE MAIRE
Reprenons les choses là où nous en sommes. Il y a, chacun le voit, une dégradation du débat public, d'une incapacité à poser sereinement des débats qui pourtant vont avoir un impact sur la vie quotidienne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et parfois une incapacité à répondre aux soucis, aux préoccupations des Français, Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Nous essayons tous les jours, en tout cas dans mes fonctions de ministre de l'Economie et des Finances, tous les jours j'essaie de répondre aux préoccupations des Français. Hier j'étais en Alsace, j'entends un certain nombre de commerçants qui me disent : quand est-ce que le fonds de solidarité va être disponible…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui vous disent le quotidien, la réalité du quotidien.
BRUNO LE MAIRE
Ils me disent le quotidien. Je leur dis le fonds de solidarité du mois de mai va ouvrir être ouvert pour tous ceux qui y ont droit demain, vous pourrez vous inscrire sur le site la Direction générale des finances publiques. J'entends des inquiétudes sur le niveau d'imposition, j'essaie de leur répondre. J'entends des inquiétudes sur les matières premières en me disant : aujourd'hui, je suis entrepreneur de travaux publics, je suis couvreur, je ne trouve pas les matières dont j'ai besoin où elles sont trop chères. J'entends les problèmes sur le recrutement des personnes, les restaurateurs, les hôteliers qui ouvrent et qui me disent : la première difficulté qu'on rencontre, c'est qu'on n'arrive pas à recruter les personnes dont on a besoin. Je crois que c'est ça la responsabilité politique. Entendre chacune des critiques, chacune des inquiétudes des Français qui viennent de sortir d'une des crises économiques les plus graves du dernier siècle, et dans le même mouvement être capable de leur dire : voilà où on va aller. Et ce que je veux dire aussi aux Français ce matin, c'est que quelles que soient les difficultés, les inquiétudes, les angoisses, nous sommes une grande nation qui va se relever. Se relever vite, se relever fort et qui peut sortir meilleur de cette crise.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Le Covid, retour à une vie normale, nouvelle étape aujourd'hui importante. Couvre-feu à 23 heures, je ne vais pas répéter.
BRUNO LE MAIRE
C'est important. C'est une belle journée pour les Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr. Belle journée pour les Français. Le retour de l'activité est fort en ce moment ?
BRUNO LE MAIRE
Le retour de l'activité est très fort puisque que quand on regarde les chiffres de carte bleue que je regarde chaque jour ou chaque semaine…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais. Chaque fois, nous en parlons.
BRUNO LE MAIRE
Oui, parce que ça me permet vraiment de suivre comme un sismographe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelle est l'augmentation ?
BRUNO LE MAIRE
L'activité française en matière de consommation. Plus 15 % en moyenne par rapport à 2019 sur la même période, sur la même semaine du mois de mai et du début du mois de juin, donc ça veut dire que la consommation redémarre fort en France. C'est un très bon signal et c'est un très bon indicateur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les aides. Fonds de solidarité mais, vous l'avez dit, les formulaires à remplir à partir de demain. Pour juin-juillet-août, il y aura une adaptation ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, il y aura une adaptation. On va cibler sur les secteurs qui ont été les plus touchés et tous les indicateurs confirment que c'est les hôtels, les bars, les restaurants, tous ceux qui ont été fermés longtemps qui sont les plus touchés. Et puis nous allons sortir progressivement du ?quoi qu'il en coûte?, nous allons adapter ces aides. Nous allons pour le mois de juin prendre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le début de la fin du ?quoi qu'il en coûte?.
BRUNO LE MAIRE
Oui, on peut le dire comme ça. C'est le début de la fin ?quoi qu'il en coûte? avec une clause de rendez-vous fin août pour s'assurer que personne ne rencontre de difficultés majeures. Mais au mois de juin, au moment où les restaurants redémarrent à la normale, s'il y a une perte de chiffre d'affaires par rapport à 2019 - sur le même mois de juin 2019 par rapport à juin 2021 - nous compenserons à hauteur de 40 % de la perte. Août, ce sera 30 %. Juillet, pardon, ce sera 30 %. Août ce sera 20 %, et ensuite une clause de rendez-vous à la fin du mois d'août. Donc nous sortirons progressivement du ?quoi qu'il en coûte?.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et le chômage partiel maintenu jusqu'à quand ?
BRUNO LE MAIRE
Le chômage partiel va être maintenu, là aussi, avec une dégressivité dans la prise en charge. Intégrale pour le mois de juin, 25 % ensuite, 15 % à la fin du mois d'août avec un objectif d'accompagner le retour à l'activité. Et troisième dispositif que nous allons maintenir, c'est la prise en charge d'une partie des salaires à hauteur de 15 % des charges salariales de façon à ce que les restaurateurs, tous ceux qui rouvrent soient encouragés à embaucher le plus possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il n'y a pas que les restaurateurs, il y a les commerçants.
BRUNO LE MAIRE
Il n'y a pas que les restaurateurs mais, attention, les chiffres des secteurs qui avaient été les plus touchés et ceux qui ont été les plus touchés ce sont nos amis restaurateurs, hôteliers, travailleurs du tourisme et c'est eux par conséquent qu'il faut aider le plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Les PGE, jusqu'au 31 décembre 2021, c'est ça ?
BRUNO LE MAIRE
Si certaines entreprises ont des difficultés, elles peuvent souscrire des PGE, des prêts garantis par l'Etat jusqu'à fin décembre alors que normalement ça s'arrêtait à la fin du mois de juin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De nombreuses entreprises ne pourront pas rembourser leur PGE dans quelques mois. Que faire ?
BRUNO LE MAIRE
Nous ne laisserons tomber, Jean-Jacques BOURDIN, personne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire je suis chef d'entreprise…
BRUNO LE MAIRE
Il y a des solutions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je dois commencer à rembourser en avril prochain, je ne peux pas.
BRUNO LE MAIRE
Nous aurons des solutions pour chacun. D'abord je rappelle qu'on a reporté le remboursement. Normalement, il aurait dû avoir lieu au printemps, au mois de mai, au mois de juin. On peut reporter jusqu'à 2022 le premier remboursement. S'il y a des difficultés conjoncturelles, ponctuelles pour des petites entreprises, nous avons mis en place des dispositifs de soutien avec les banques, avec de l'argent public pour aider à faire le trait d'union entre la période actuelle et la période de redémarrage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il faudra le rembourser ce PGE ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, il faut rembourser les prêts.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faudra le rembourser. Ce PGE ne sera pas effacé.
BRUNO LE MAIRE
Mais non. On ne peut pas effacer une dette comme ça d'un trait de plume et je ne peux pas dire aux Français qu'il faudra rembourser la dette publique mais que pour les dettes privées, en revanche, on pourrait les annuler. Mais il peut y avoir des cas exceptionnels où une entreprise est en redressement et on s'aperçoit, mais uniquement dans ce cas-là, que dans le cadre de ce redressement pour qu'elle se relève, il faut effectivement allonger la maturité du prêt garanti par l'Etat qui normalement est de 6 ans. On se dit : il faut peut-être allonger à 7 ans, à 8 ans, à 9 ans. Dans ce cadre-là ce sera possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc aménager les remboursements.
BRUNO LE MAIRE
Aménager les remboursements mais, je le redis, dans le cadre d'une procédure collective, pas dans le cadre normal.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Croissance pour 2021, 5 %. Plus même ? L'OCDE pense plus 5,8 %.
BRUNO LE MAIRE
Vous voyez que nous sommes prudents et que la prudence est mère de toutes les vertus. Je crois et je le redis au passage que le seul obstacle qu'il y a sur le retour de la croissance et sur ces deux objectifs stratégiques pour le gouvernement qui sont 5 % de croissance en 2021 et le retour au même niveau d'activité d'avant-crise au premier trimestre 2022 - ça c'est mes deux objectifs stratégiques - nos deux objectifs stratégiques collectifs, le seul obstacle c'est une nouvelle vague de la pandémie. Donc j'appelle vraiment chacun à faire preuve de responsabilité, à se vacciner le plus tôt possible, à respecter les gestes barrières parce que la seule chose qui pourrait nous empêcher de redémarrer vite et fort, de créer des emplois, d'avoir une économie qui se redresse, c'est l'épidémie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez vu le match hier soir ? A propos d'épidémie et de gestes barrières ? Vous avez vu le match de foot hier soir ? Non, vous ne l'avez pas vu ?
BRUNO LE MAIRE
Non, parce que j'étais dans le train de retour d'Alsace.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous le dis parce que ça m'a un peu surpris. Dans la logique sanitaire actuelle, j'ai vu 5 000 personnes au Stade de France dans un stade de 80 000 places. 5 000 personnes agglutinées les unes à côté des autres, tout ça pour faire de belles images à la télévision, ce qui est un peu surprenant.
BRUNO LE MAIRE
Je n'ai pas vu les images. Je rappelle que nous mettrons en place grâce sanitaire qui permet justement les rassemblements de plus de 1 000 personnes dans des conditions de sécurité sanitaire maximale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Il va falloir réformer si j'ai bien compris. Les réformes vont se poursuivre. On est bien d'accord, c'est ce qu'a dit le président de la République, c'est ce que vous dites. Je voudrais vous parler de la mère des réformes, de toutes les réformes.
BRUNO LE MAIRE
Je vous voyais venir, Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si je suis encore une fois Emmanuel MACRON, la mère de toutes les réformes, la réforme des retraites, les choix sont à faire et les Français veulent savoir. Est-ce que la réforme des retraites sera reprise avant la fin du quinquennat.
BRUNO LE MAIRE
Je ne le sais pas et ce n'est pas à moi de le décider.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne le savez pas. Aujourd'hui vous ne le savez pas.
BRUNO LE MAIRE
Non, je ne le sais pas et ce n'est pas à moi de le décider. Je pense que dans un Etat bien tenu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est au président de la République de la décider.
BRUNO LE MAIRE
C'est au président de la République et à lui seul de le décider. Par ailleurs, je ne parlerai pas de mot de réforme. Je pense que ce mot de réformer, il inquiète les gens. On a l'impression qu'il faut des mouvements perpétuels. C'est simplement savoir collectivement ce que nous voulons pour la nation française. Est-ce que nous voulons que la nation française, par rapport aux grandes autres nations : l'Allemagne, les Etats-Unis, continue comme c'est le cas depuis des années à s'appauvrir relativement ? Qu'elle gagne un peu moins de richesses, un peu moins de niveau de vie que l'Allemagne, les Etats-Unis ou d'autres grandes nations. Ou est-ce que nous voulons au contraire que vos enfants, mes enfants, nos enfants pour ceux qui nous écoutent, nos petits-enfants aient un meilleur niveau de vie que nous ? C'est ça l'enjeu. Moi je me bats en politique pour que mes enfants, mes petits-enfants aient un meilleur niveau de vie que le mien. Aient de meilleures études, une meilleure scolarité, une meilleure prise en charge de leurs soins. Et pour ça, il y a une seule réponse : c'est que nous augmentions notre volume global de travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous ne travaillons pas assez en France.
BRUNO LE MAIRE
Mais chaque Français travaille beaucoup. J'étais encore hier, je le redis en Alsace, j'ai vu des entrepreneurs, j'ai vu des entreprises industrielles comme les CUISINES SCHMIDT, j'ai vu des salariés qui travaillent beaucoup.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est paradoxal. Chaque Français travaille beaucoup mais nous ne travaillons pas assez collectivement.
BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas paradoxal du tout. C'est que les salariés que j'ai vus hier, qui construisent des CUISINES SCHMIDT à Sélestat, chacun travaille beaucoup, dur, avec un niveau de formation et de productivité exceptionnel. Mais nous sommes un pays dans lequel le taux de chômage n'a jamais baissé en dessous des 7 ou 6 %. Où il n'y a pas de plein emploi. Nous sommes un pays, et ça me révolte, où les gens de plus de 55 ans sont renvoyés parce qu'on les considère comme trop coûteux. On dit : attendez, il y a la retraite qui arrive donc vous, vous dégagez le plancher. 20 points d'activité de moins pour les 55 à 60 ans en France par rapport à l'Allemagne. C'est du gâchis. Du gâchis d'expérience, de talent, de volonté, d'envie de transmettre son savoir et ses qualifications à plus jeune que soi. Donc ce n'est pas une réforme des retraites, c'est ce que nous voulons pour la nation française en termes d'équité, en termes de solidarité, en termes de modèle social. Nous savons tous que notre système de répartition auquel nous sommes attachés ne peut marcher que s'il n'y a pas de déficit. Enfin c'est formidable, on nous dit : il n'y a plus de problème, il y a plus que moins 18 milliards de déficit. On est quand même le seul pays au monde où lorsqu'on passe à 18 milliards de déficit site on vous dit : attendez, il n'y a plus de souci. Avant 2030…
JEAN-JACQUES BOURDIN
13 milliards en 2020 et…
BRUNO LE MAIRE
C'est 13 + 5 puisqu'en fait on va récupérer 5 milliards dans une poche. Et tout d'un coup, le problème a disparu. Ça n'est plus que 18 milliards de déficit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire pas de réforme…
BRUNO LE MAIRE
Je suis désolé, le problème reste entier, le problème financier reste entier et ce que nous voulons comme nation, comme niveau de vie pour nos enfants et pour nos petits-enfants, est une vraie question politique de grande importance qui doit être traitée sereinement mais avec lucidité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pas de réforme des retraites mais une réforme tout de même avant la fin du quinquennat. Est-ce que vous pourriez, je ne sais pas, décider de relever l'âge légal de départ à la retraite ?
BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est pas moi qui décide.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non. Mais est-ce que vous y êtes favorable ?
BRUNO LE MAIRE
Il y a beaucoup de choses sur lesquelles je décide et j'assume mes responsabilités dans les décisions que j'ai prises mais sur le calendrier et sur les modalités des retraites que nous proposons à nos compatriotes seuls le Premier ministre et le président de la République décident.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous y êtes favorable ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je suis en faveur d'une réforme qui soit simple, efficace, juste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Rien à voir avec la précédente.
BRUNO LE MAIRE
Simple, ça veut dire que les Français doivent comprendre ce que nous leur offrons comme horizon en termes de durée de travail et de date de départ à la retraite. Une réforme juste, ça veut dire que nous devons tenir compte du fait que ce n'est pas la même chose de rentrer sur le marché du travail, de commencer à bosser à 18 ou 20 ans sur un chantier du bâtiment ou des travaux publics où forcément l'activité est plus dure ou démarrer à 26 ans à bac + 6 ou 7 dans un bureau. Qu'il faut tenir compte de l'espérance de vie. Qu'il faut tenir compte aussi, comme le font par exemple les Portugais, du niveau de croissance. Si le niveau de croissance ralentit, il faut peut-être ralentir la mise en oeuvre de la réforme des retraites. S'il accélère, on peut-être accélérer la mise en oeuvre parce que ça va mieux pour le pays. Et enfin simple, efficace, ça veut dire qu'effectivement l'efficacité va se mesurer aussi au rétablissement des comptes d'un régime par répartition auquel nous sommes tous attachés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Avec une mesure d'âge.
BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est pas à moi de le décider, Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous y êtes favorable ? Je vous pose la question.
BRUNO LE MAIRE
Je préfère fixer des principes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai entendu Geoffroy ROUX de BEZIEUX sur RMC ce matin nous parler de 64 ans.
BRUNO LE MAIRE
Je préfère fixer des principes, Jean-Jacques BOURDIN, que de rentrer dans le détail d'une réforme dont la définition et le calendrier appartiennent au Premier ministre et au président de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors je vous pose la question autrement, Bruno LE MAIRE : est-il indispensable de relever l'âge légal de départ à la retraite ?
BRUNO LE MAIRE
Il est indispensable d'avoir un régime de retraite qui soit simple, juste, efficace, où les Français puissent se dire : c'est juste pour moi, c'est efficace en termes de restauration des comptes et c'est simple, c'est-à-dire que je comprends ce qui va m'arriver. Voilà. Autour de ces principes-là, le Premier ministre et le président de la République décideront.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pour financer notre régime, est-il indispensable de relever l'âge légal ?
BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est pas à moi de le décider.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais vous êtes le patron de Bercy ! Vous tenez les comptes. Est-ce que pour assurer la stabilité de notre régime, il faut travailler plus longtemps ? Relever l'âge légal de la retraite ?
BRUNO LE MAIRE
Si nous décidons d'ouvrir le débat, je mettrai toutes les hypothèses sur la table.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes favorable à l'ouverture de ce débat sur l'âge légal ?
BRUNO LE MAIRE
Mais bien sûr que je souhaite qu'il y ait un débat sur les modalités de retour à l'équilibre du système de retraite par répartition.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc sur l'âge légal. Le débat.
BRUNO LE MAIRE
Si nous décidons de mettre ce débat sur la table, il faudra mettre les hypothèses sur la table. Il faudra débattre de ces hypothèses-là. Il faut mettre toutes les hypothèses sur la table et ensuite, le Premier ministre et le président de la République trancheront. Je crois Jean-Jacques BOURDIN, sans trop rentrer dans le détail de cette question des retraites, je crois à un débat public et politique – ça renvoie à notre discussion du début de l'émission - où les Français qui sont lucides et qui sont les seuls à trancher en dernière instance, savent quelles sont les conséquences de telle décision politique ou de telle autre. Si on touche au curseur de la réforme Touraine, voilà ce que ça donne en termes de résultats financiers, voilà ce que ça donne en termes d'équilibre. Si on prend l'âge légal, voilà ce que ça donne en termes d'équilibre financier, voilà ce que ça représente en termes de solidité du régime par répartition. Voilà la situation des uns, voilà la situation des autres en fonction de leur entrée sur le marché du travail. C'est ça qui fait un débat serein. Et ensuite, des responsables politiques tranchent et prennent leurs responsabilités.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'impôt mondial sur les sociétés, est-ce qu'AMAZON en France sera concerné ?
BRUNO LE MAIRE
Mais AMAZON doit être dedans. On ne pas un impôt minimal sur les sociétés de 15 % au moins pour que les plus grands géants du digital comme AMAZON y échappent. Soyons clairs. Et voilà aussi un débat qui est parfaitement légitime et important pour savoir ce que nous voulons comme type de fiscalité. AMAZON doit être dans le champ de la taxation minimale que nous avons adoptée avec les autres ministres des Finances du G7 à Londres la semaine dernière, et la France va se battre pour qu'elles y soient. Quel est le problème avec AMAZON ? C'est qu'il y a une partie de ses activités qui ne dégagent pas ce qu'on appelle des surprofits, plus de 10 %. C'est toutes les activités de livraison sur lesquelles les marges sont plus faibles. Et puis il y a une autre activité, le Cloud, sur lesquelles AMAZON fait des surprofits très importants. La solution tient en une seule chose : la segmentation des activités d'AMAZON. Je souhaite que nous segmentions les activités d'AMAZON pour que tout ce qui est très profitable soit bien l'objet de cette taxation digitale et ce qui, à l'inverse est moins profitable, ne fasse pas l'objet de la taxation digitale…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc AMAZON paiera cet impôt.
BRUNO LE MAIRE
AMAZON doit payer cet impôt mais nous n'avons jamais caché devant nous trois enjeux très difficiles sur le chemin de cette fiscalité internationale plus juste et plus efficace. Le premier, c'est que la Chine donne son feu vert au G20. Croyez-moi, ça va être une sacrée paire de manches. Deuxième enjeu, il faut que ce taux de 15 % soit un taux minimal. Nous nous essaierons, avec d'autres partenaires européens, d'aller plus loin que ces 15 %. Et troisième enjeu, il faut que tous les gens du digital sans exception soient dans le champ de cette taxe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un mot. Ça rapportera à la France ?
BRUNO LE MAIRE
Ça rapportera sur tout ce qu'on appelle le premier pilier, la taxation digitale, entre 500 millions et un milliard. Aujourd'hui c'est 400 millions environ pour la taxe nationale. Et sur l'imposition minimale, c'est encore un peu dur à évaluer mais c'est plusieurs milliards d'euros par an.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Bruno LE MAIRE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 juin 2021