Interview de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, à RMC le 5 juillet 2021, sur la prise en charge des soins de Français se rendant en Belgique, l'allocation adulte handicapé en couple et la vaccination.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Sophie Cluzel - Secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
C'est aujourd'hui que Jean CASTEX ouvre le comité interministériel sur le handicap. Bonjour Sophie CLUZEL.

SOPHIE CLUZEL
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes secrétaire d'État en charge des personnes handicapées. Depuis février, vous avez sucré au fond le remboursement pour les enfants et les adultes handicapés pris en charge en Belgique ; est-ce que ce n'est pas une manière de les punir, tout simplement, d‘aller chercher refuge ailleurs ?

SOPHIE CLUZEL
Bien sûr que non, ça fait plus de 15 ans que les personnes handicapées, notamment les adultes, vont en Belgique, faute de solutions en France. C'était un scandale, nous sommes le premier gouvernement à mettre fin justement à cet exil forcé en Belgique. Avec ma collègue wallonne, nous avons travaillé à un moratoire, c'est-à-dire qu'au 28 février, les places, telles qu'elles sont, c'est figé, il n'y aura plus aucune création de places en Belgique. Et nous travaillons, pour ceux qui le souhaitent, à revenir. Je dis ceux qui le souhaitent, parce que quelquefois, ça fait vingt ans qu'ils sont en Belgique, certaines personnes…

APOLLINE DE MALHERBE
Enfin, ceux qui le souhaitent, vous leur mettez quand même un tout petit peu le couteau sous la gorge, en leur disant : de toute façon, si vous restez là-bas, on ne vous rembourse plus !

SOPHIE CLUZEL
Mais bien sûr que non, bien sûr que non, ceux qui y sont, ils sont financés, je parle de créations de places, attention, aucun problème pour ceux qui y sont et qui veulent y rester.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous continuerez donc à financer ?

SOPHIE CLUZEL
Bien sûr que nous continuons à financer. Nous travaillons à stopper cet exil, c'est-à-dire, arrêter d'envoyer des personnes, des nouvelles personnes en Belgique, nous préférons bien sûr trouver des solutions de proximité.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais les familles continuent à être craintives. Je voudrais que vous puissiez écouter cette maman, son fils est pris en charge en Belgique depuis 2011, donc faute de structures suffisantes en France.

DENIS CHAUSSENDE, RETRAITEE, MAMAN D'UN ENFANT AUTISTE
On voudrait le rapatrier au moins dans le Loiret ou dans un département limitrophe, mais enfin, bon, plus près, parce qu'on n'est pas éternel, et puis, le désir de voir notre fils quand même plus souvent, enfin, de participer un peu plus à sa vie, à ce qui l'entoure, ses activités, le suivi médical, qu'il participe un peu plus à la vie de famille, enfin, voilà.

APOLLINE DE MALHERBE
Bien sûr qu'elle préférerait qu'il soit à ses côtés, mais il n'y a pas de structures suffisamment dans le Loiret ; qu'est-ce que vous lui répondez ?

SOPHIE CLUZEL
Je lui réponds que nous allons trouver une structure pour son fils, parce que c'est notre volonté, que nous avons les budgets suffisants, 90 millions d'enveloppe budgétaire, il nous faut accélérer les solutions. Il nous faut travailler avec les associations gestionnaires, et surtout, les départements, parce qu'on est en coresponsabilité avec les départements. L'État ne peut pas tout, les départements financent aussi des structures, et c'est bien l'enjeu, d'avoir pris ce problème à bras le corps, et il suffit d'aller revoir sa Maison départementale des personnes handicapées pour étudier justement les besoins de son fils, peut-être qu'ils ont évolué depuis qu'il est en Belgique. Et nous allons trouver des solutions pour ceux qui souhaitent revenir.

APOLLINE DE MALHERBE
Voilà pour ce qui est des enfants, qui sont parfois contraints à être envoyés en Belgique. Il y a aussi cette question de l'indépendance de la personne handicapée lorsqu'elle est en couple. Aujourd'hui, en effet, c'est en fonction du foyer qu'ils reçoivent ou non cette allocation adulte handicapé. Et vous nous annoncez que cette allocation adulte handicapé, eh bien, elle restera à taux plein si le conjoint touche leSmic. Mais qu'en est-il si le conjoint touche davantage ?

SOPHIE CLUZEL
Eh bien, petit à petit, c'est dégressif, c'est ainsi, ce n'est pas nouveau, depuis la loi de 75, les allocations adultes handicapés en France sont calculées sous conditions de ressources, que vous soyez seul ou en couple, c'est comme ça que toutes nos allocations…

APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire que si votre mari ou votre femme gagne bien sa vie, et que vous-même, vous êtes handicapé, en fait, vous êtes assigné à une forme de double dépendance…

SOPHIE CLUZEL
Non, pourquoi double dépendance... ?

APOLLINE DE MALHERBE
C'est-à-dire que non seulement, vous êtes dépendant, parce que vous êtes handicapé, mais en plus vous ne pouvez pas avoir une forme de dépendance vis-à-vis de votre conjoint ?

SOPHIE CLUZEL
Mais si vous avez des besoins très particuliers, il y a la prestation de compensation en situation de handicap qui est là justement pour travailler sur cette indépendance dans ces gestes de la vie quotidienne, dans ces besoins quotidiens. Mais vous croyez que... une personne au RSA, c'est la même chose ! Aujourd'hui, nos allocations, et ce n'est pas nouveau, c'est depuis toujours, ça existe, sont sous conditions de ressources. Et moi, ce qui m'importe, c'est aller donner justement ces ressources à ceux qui en ont le plus besoin. C'est pour ça que nous avons remonté le plafond, c'est pour ça que nous avons augmenté l'allocation adulte handicapé de 100 euros par mois, c'est deux milliards d'investissement…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais sur la question de l'adulte handicapé, ça veut dire quand même qu'on est dépendant encore plus, non seulement de la société, mais aussi de son conjoint. Mettons-nous aussi à la place du conjoint qui peut-être crée aussi une forme de culpabilité, comment quitter quelqu'un qui est handicapé si ses revenus dépendent aussi des vôtres, bref, vous créez quand même une situation de dépendance au sein du couple qui s'ajoute à la situation même du handicap !

SOPHIE CLUZEL
Mais nous ne créons rien du tout, elle est comme cela, de toute façon…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous auriez pu en sortir ?

SOPHIE CLUZEL
Eh bien, justement, justement, nous en sortons avec une augmentation du plafond, 122 000 couples qui vont pouvoir toucher 100 euros de plus. Nous avons corrigé ce dysfonctionnement, si vous voulez, d'en dessous du Smic, ce qui était une réalité, mais surtout, moi, ce qui m'importe, c'est que chaque personne ait sa situation étudiée individuellement. Et ça, c'est la prestation de compensation du handicap, c'est très important, de l'aide humaine, de l'aide technique, nous ouvrons tous les jours presque des nouveaux droits pour les personnes en situation de handicap. Et ce qui m'importe, c'est de leur simplifier la vie. Vous imaginez que cette allocation adulte handicapé, maintenant, il la touche à vie, sans plus avoir besoin de refaire son dossier, alors qu'avant, tous les trois ans, il fallait aller tamponner son certificat médical, je suis toujours trisomique, amputé, doublement amputé, aveugle ; c'est fini. On est le premier gouvernement à mettre fin à cette indignité. Maintenant, les Maisons du handicap délivrent des droits à vie. Eh bien, ça aussi, c'est une façon digne de pouvoir…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous avez vu ces situations de couples qui se retrouvent à divorcer pour pouvoir toucher davantage ?

SOPHIE CLUZEL
Non, je leur dis tout simplement que la vie de couple, c'est une vie que l'on choisit. Nous travaillons sur leur indépendance, puisque nous relevons le plafond, mais surtout, ce qui m'importe, c'est de pouvoir leur dire que 122 000 couples vont toucher encore 100 euros de plus du fait de ce relèvement. Donc cette allocation, elle est soumise à conditions de ressources pour tous les Français, tous les Français…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais pardon, vous dites : cette situation de couple, une vie de couple, on la choisit, bien sûr qu'on la choisit, mais au fond, s'ils en viennent à cela, c'est bien que leur situation est trop complexe, est trop lourde…

SOPHIE CLUZEL
Je pense qu'il y a aussi une méconnaissance de tous les droits qui leur sont ouverts, et ça, c'est un vrai sujet, partout en France, on crée des droits, et souvent, les conditions sont trop complexes, c'est pour ça que je leur simplifie la vie, et que leur allocation, ils n'auront plus besoin de la redemander, parce qu'elle sera à vie. Et ça, c'est très important…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais le couple qui vient de divorcer, en divorçant, ils ont calculé qu'ils gagnaient 6 000 euros de plus par an. C'est très concret.

SOPHIE CLUZEL
Alors, ce couple, je leur dis tout simplement que ne divorcez pas, ça ne sert à rien de divorcer pour ça, puisque justement le plafonnement augmente. Et puis, je leur dis aussi que peut-être que ce monsieur qui est handicapé, dont vous parlez, que je connais, n'a pas ouvert tous ses droits, et c'est là-dessus qu'on doit travailler, simplifier la vie des personnes, et puis les personnes handicapées, ce sont des citoyens comme tout un chacun. Et si nous travaillons, je veux, bien, moi, ouvrir toutes les situations d'allocations, que ça soit pour le RSA, que ça soit pour l'APL, mais ils sont des citoyens à part entière, et c'est ce que nous nous efforçons de faire, et moi, je leur dis aussi : travaillons à la reprise du travail ; 80% des handicaps s'acquièrent au cours de la vie, c'est donc une situation professionnelle qui est dégradée, qui, parfois, s'arrête. Et 30% des couples, dans les 30% des couples, 30% travaillent, et ceux-là, il faut justement protéger leurs revenus, et c'est pour ça que le plafond, pour ceux qui travaillent, est beaucoup plus élevé. Donc toute ma politique, c'est de pouvoir les accompagner sur leur choix de vie, reprendre du travail, en prendre si c'est de naissance, travailler sur le relogement, je rappelle aussi qu'on ouvre une aide à la vie partagée pour pouvoir vivre en colocation, très important l'habitat inclusif. Donc toute notre politique, elle est justement à accompagner le quotidien des personnes en situation de handicap.

APOLLINE DE MALHERBE
Sophie CLUZEL, la vaccination obligatoire pour les soignants, on y va ?

SOPHIE CLUZEL
Alors, le gouvernement y travaille, je pense qu'aujourd'hui, et je le vois bien dans les établissements médico-sociaux, on n'a encore que 50 parfois 60% des soignants qui sont vaccinés. Et donc cela empêche tout simplement les allers, retours, la sortie, la reprise à une vie normale pour les personnes les plus fragiles. Donc moi, je fais un appel solennel, allez-y, faites-vous vacciner, c'est très important de pouvoir reprendre sa vie quotidienne, surtout pour les personnes les plus vulnérables.

APOLLINE DE MALHERBE
Et si l'augmentation du nombre de vaccinés parmi les soignants n'était pas satisfaisant dans une quinzaine de jours, cette question de la vaccination obligatoire pour les soignants, elle n'est plus taboue ?

SOPHIE CLUZEL
Je pense qu'elle n'est plus taboue, puisque nous travaillons justement sur ce projet de loi. Olivier VERAN l'a redit, mais par contre, nous avons encore tout l'été pour se faire vacciner massivement, où que vous soyez, sur votre lieu de vacances, et ça, c'est très important, et puis, rappeler aussi que les conditions tout simplement de protection, elles sont très importantes, le masque encore très important, le lavage des mains, ça, je pense qu'il faut aussi le rappeler en permanence.

APOLLINE DE MALHERBE
Et cette question plus largement de la vaccination obligatoire pour tous, est-ce que ça pourrait être l'étape suivante ?

SOPHIE CLUZEL
Je pense que tout simplement, il faut d'abord travailler sur la vaccination de ceux qui sont les plus proches des plus vulnérables, que ça soit en hôpital, en établissements médicosociaux, il faut faire un appel massif à la responsabilité de vaccination, choisir son lieu de vaccins, c'est possible maintenant partout en France, donc je pense qu'on ouvre toute la facilité, faire de la pédagogie, bien sûr, expliquer que quand on se protège soi-même, on protège les autres... 

APOLLINE DE MALHERBE
Mais il y a un certain nombre de soignants qui nous ont appelés depuis ce matin…

SOPHIE CLUZEL
Notamment les plus vulnérables.

APOLLINE DE MALHERBE
Certains soignants nous ont appelés depuis ce matin, et se sentent stigmatisés, pointés du doigt, ils ont l'impression qu'on leur faire quand même beaucoup porter le chapeau.

SOPHIE CLUZEL
Non, on ne stigmatise personne, on ne stigmatise personne, les soignants ont fait un boulot extraordinaire, ils continuent à le faire. Moi, je les soutiens à fond, parce que c‘est grâce à eux que dans les établissements pour adultes et enfants handicapés, eh bien, ils ont été extrêmement bien protégés, ce sont des personnes responsables, je fais juste appel maintenant à la facilité de vaccination, il faut y aller à fond, tout simplement.

APOLLINE DE MALHERBE
Sophie CLUZEL, vous serez encore secrétaire d'État à la fin de la semaine ?

SOPHIE CLUZEL
Je suis surtout secrétaire d'État extrêmement mobilisée pour le comité interministériel du handicap, avec le Premier ministre, cet après-midi, et l'ensemble du gouvernement, en présentiel ou en visio, avec les associations, avec un bilan que l'on veut pouvoir justement porter, et des ambitions encore de changer la vie quotidienne des personnes handicapées…

APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne lâcherez donc pas le handicap, même si vous êtes promue au sein du gouvernement, ce qui circule comme rumeur ?

SOPHIE CLUZEL
Alors, écoutez, je remercie beaucoup tout le monde de s'occuper de moi. Moi, je veux surtout remercier l'ensemble du gouvernement d'être mobilisé, mobilisé cet après-midi, le handicap, c'est l'affaire de tous, nous allons travailler sur tous les sujets de l'école à la formation, à l'emploi, la culture, le sport, l'ensemble du gouvernement est mobilisé. Et je pense que nous n'avons pas à rougir de notre bilan depuis quatre ans, et nous avons encore de grandes ambitions pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous n'avez pas le sentiment d'avoir un peu mangé votre chapeau sur les régionales, vous n'avez pas de regrets de ne pas avoir été candidate... ?

SOPHIE CLUZEL
Si j'étais candidate, candidate de la majorité présidentielle, non, je suis fière par exemple de pouvoir voir que sur les 104 conseillers régionaux de la majorité présidentielle, 18 sont issus de la Provence Alpes-Côte d'Azur, donc je pense que c'est un bon résultat d'une mobilisation générale, et nous avons fait tomber le Front national beaucoup plus bas que ce qu'il n'était ; donc ça, oui, j'en suis fière. 

APOLLINE DE MALHERBE
Sophie CLUZEL, vous êtes secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Merci d'être venue ce matin, alors que, eh bien, dans la journée, le grand séminaire interministériel du handicap sera lancé. 

SOPHIE CLUZEL
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 juillet 2021