Texte intégral
THÉO MANEVAL
Bonjour Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
THEO MANEVAL
Ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion. Le chef du gouvernement consulte aujourd'hui encore les associations d'élus à ce sujet : la vaccination sera-t-elle bientôt obligatoire pour les travailleurs ? Et si oui, à quelle échéance ?
ELISABETH BORNE
Alors peut-être dire qu'on est à un moment finalement où l'épidémie regagne du terrain. Toutes ces dernières semaines, le nombre de nouveaux cas avait baissé et là, on voit qu'on a à nouveau une augmentation avec un taux d'incidence qui est particulièrement en hausse chez les 20-30 ans. Donc évidemment, personne n'a envie de revivre ce qu'on a pu vivre ces derniers mois et on a une arme aujourd'hui pour y échapper : c'est le vaccin. Il y a 35 millions de Français qui ont déjà eu une première dose ; il faut accélérer cette vaccination. On le fait en allant chercher par exemple les personnes vulnérables qui pourront désormais être contactées par leur médecin traitant mais effectivement le gouvernement a souhaité ouvrir ce débat sur la vaccination obligatoire des personnels soignants. C'est des choses qui existent pour d'autres vaccins.
THEO MANEVAL
En Italie aussi chez nos voisins.
ELISABETH BORNE
Alors oui, absolument, pour la Covid-19 mais qui existe aussi en France pour d'autres vaccins. Vous l'avez dit, le Premier ministre écoutera cet après-midi les associations d'élus. Olivier VERAN a des échanges avec les ordres et fédérations professionnels.
THEO MANEVAL
Dont ils ont dit hier qu'ils étaient favorables. Vous êtes favorable, Elisabeth BORNE, à cette vaccination aujourd'hui pour les soignants ?
ELISABETH BORNE
Ça n'est pas nécessairement à moi de me prononcer. En tout cas, moi j'aurai une concertation aussi demain avec les organisations syndicales et patronales. Je pense que ce qui est important, c'est qu'on a effectivement certaines professions qui sont en contact avec des personnes vulnérables et on doit tout faire pour éviter de contaminer ces personnes vulnérables.
THEO MANEVAL
Quatre infirmiers sur dix non vaccinés, la moitié des aides-soignants et des autres paramédicaux. Dans l'hypothèse, Elisabeth BORNE, où la vaccination serait rendue obligatoire bientôt, qu'adviendrait-il d'un soignant à l'hôpital, en EHPAD public ou privé, qui refuserait cette vaccination ? Est-ce qu'il serait licencié ?
ELISABETH BORNE
Alors il y a des vaccinations obligatoires pour les personnels soignants. C'est le cas de la diphtérie, du tétanos ou de l'hépatite B. Quand on a une obligation de vaccination et qu'on ne la respecte pas, c'est une faute, donc ça peut entraîner des sanctions disciplinaires allant jusqu'au licenciement. Et donc, ça fait partie aussi des sujets qu'on doit évoquer avec les organisations patronales et syndicales demain.
THEO MANEVAL
Un nouveau Conseil de défense sanitaire aussi lundi autour du président de la République. Plusieurs groupes parlementaires, Elisabeth BORNE, à commencer par Les Républicains ont aussi plaidé ces derniers jours à l'Assemblée nationale pour une extension de cette éventuelle obligation à d'autres travailleurs du service public : les enseignants, le personnel des écoles par exemple. Est-ce que vous êtes pour ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, je crois qu'il faut aussi avoir une réponse proportionnée et c'est aussi ce que la jurisprudence nous dit : on doit être attentif évidemment à protéger les Français. On a lancé des concertations sur la question des personnels soignants et de ceux qui sont en contact avec les populations vulnérables. Chacun peut s'exprimer et à la fin il faudra effectivement qu'on définisse le champ d'une éventuelle vaccination obligatoire.
THEO MANEVAL
Il y a un autre enjeu qui vous concerne, en tout cas votre ministère, c'est celui de la vaccination en entreprise. On a peu de chiffres. Début mai, à peine 500 000 personnes de plus de 55 ans s'étaient faites vacciner sur leur lieu de travail. Ça n'a pas vraiment décollé, comment est-ce que vous l'expliquez ?
ELISABETH BORNE
Alors d'abord, il y a beaucoup de salariés qui se font vacciner…
THEO MANEVAL
Par ailleurs.
ELISABETH BORNE
Comme tout le monde dans des centres de vaccination. La médecine du travail est aussi mobilisée. Moi j'avais souhaité qu'elle le soit très tôt, y compris à un moment où on ne vaccinait que les personnes au-dessus d'un certain âge. On continue à pousser cette vaccination en entreprise. Moi je pense que c'est une bonne chose. On a lancé des expérimentations avec la possibilité de donner des doses notamment de vaccin Moderna à des services de santé au travail. Il y a maintenant un portail qui est ouvert pour permettre à ces services de médecine du travail de commander des doses. On va continuer à travailler à la fois avec les organisations patronales et syndicales et avec le ministère de la Santé pour fluidifier cet approvisionnement en doses des services de médecine du travail. Moi je suis convaincue que c'est un très bon levier. Généralement les salariés ont confiance dans leur service de médecine du travail. En plus on peut leur faciliter la vie aussi s'ils peuvent être vaccinés dans leur entreprise ou à proximité de l'entreprise. Donc on va continuer, moi je vais continuer à pousser cette solution aussi d'une vaccination en entreprise.
THEO MANEVAL
Et à tenter d'accélérer. Concernant les effets de la crise sur l'emploi, sur les entreprises justement, cette alerte à lire dans le journal Les Echos ce matin sur les défaillances d'entreprises qui repartent à la hausse. Daniel FORTIN nous en parlait à 7 heures et quart sur Europe 1 : plus 14 % au deuxième trimestre. C'est un signal d'alarme à l'heure où les aides vont commencer à diminuer ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, je pense que tout le monde est confiant. Le président du MEDEF a eu l'occasion de dire qu'il ne croit pas à une vague de faillites. La Banque de France n'y croit pas non plus.
THEO MANEVAL
Il y a des économistes qui commencent à dire que c'est le potentiel le début d'un rebond qui interviendrait pour l'après-2022.
ELISABETH BORNE
Moi ce que je peux vous dire, c'est qu'on est très attentif dans l'évolution des aides à faire évoluer ces aides de façon progressive. C'est ce qu'on a fait par exemple sur l'activité partielle, vous savez, où on a maintenu une prise en charge à 100 % tout au long du mois de juin. Là, on vient de passer depuis le début du mois de juillet à un reste à charge pour l'entreprise de 15 % et on fait évoluer ces aides de façon très progressive. Et puis on est aussi attentif à continuer à protéger les secteurs de notre économie qui ont du mal à redémarrer, par exemple à maintenir une prise en charge à 100 % pour les entreprises qui auraient perdu plus de 80 % de leur chiffre d'affaires. Donc on fait ça très progressivement et on a aussi des très bons chiffres, des très bons indicateurs sur la reprise de l'activité économique, sur les embauches. Vous avez vu qu'au mois de mai, on a eu 785 000 embauches qui est un record depuis quinze ans.
THEO MANEVAL
Depuis quinze ans.
ELISABETH BORNE
Donc je crois qu'on a aussi beaucoup de signaux positifs, qu'il y a de la confiance, que les Français ont envie de consommer. Ça tombe bien, ils avaient de l'épargne. Et on a une dynamique très positive sur l'emploi.
THEO MANEVAL
Pour soutenir l'emploi, pour soutenir la reprise économique, vous discutez avec les partenaires sociaux, le patronat les syndicats. Est-ce que votre gouvernement, Elisabeth BORNE, est un gouvernement qui écoute ?
ELISABETH BORNE
On a énormément de concertations depuis le début de la crise avec les partenaires sociaux. Moi je voudrais leur rendre hommage parce qu'ils font preuve aussi de beaucoup de responsabilités.
THEO MANEVAL
Toutes les organisations patronales à une exception près, tous les syndicats sont opposés à une réforme des retraites à marche forcée avant la fin du quinquennat. Vous allez donc l'abandonner.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi ce que je peux vous dire, c'est que je suis convaincue qu'on a besoin d'une réforme des retraites pour avoir un système plus lisible. L'éclatement en 42 régimes n'est plus du tout adapté à des parcours professionnels dans lesquels on change souvent de métier tout au long de sa vie professionnelle. On a aussi besoin d'avoir un système plus juste. Vous savez que le système actuel pénalise les temps partiels, les carrières hachées, donc les femmes.
THEO MANEVAL
Puisque vous parlez du système actuel, on parle de repousser l'âge légal de départ à 64 ans. Vous connaissez, Elisabeth BORNE, la part des personnes de 60 à 64 ans qui sont en emploi en France.
ELISABETH BORNE
Mais je vous confirme que ce sujet…
THEO MANEVAL
Vous la connaissez ?
ELISABETH BORNE
C'est de l'ordre de 50 %...
THEO MANEVAL
33 %, ce sont des chiffres publiés par votre ministère il y a quelques semaines. 33 %.
ELISABETH BORNE
De 50 % de ceux qui arrivent à la retraite qui sont en activité.
THEO MANEVAL
Pour le dire clairement, il n'y a qu'un Français sur trois qui travaille entre 60 et 64 ans. Quel est le sens d'une mesure qui ne concerne déjà pas les deux tiers du public visé ?
ELISABETH BORNE
Alors c'est bien pour ça que quand on ouvre ces sujets, il y a un autre sujet qui doit être ouvert en même temps : c'est la question du maintien dans l'emploi des seniors et ç'a été dit dans les échanges autour du président de la République en début de semaine. On doit effectivement se préoccuper du fait qu'un certain nombre d'entreprises vous disent par exemple que les seniors, leurs compétences ne sont plus adaptées. On sait qu'il y a aussi des métiers qui peuvent être pénibles, qui provoquent de l'usure professionnelle, et donc tous ces sujets-là ils font aussi partie du champ de la réflexion. Donc on a à la fois besoin d'un système plus lisible, plus juste. On sait qu'on devra travailler un peu plus longtemps, c'est un enjeu d'équilibre et donc de pérennité de notre système de retraite, et on doit aussi s'occuper du maintien dans l'emploi des seniors.
THEO MANEVAL
Donc dans la période habituelle, malgré les craintes formulées y compris par le patronat, votre priorité c'est de mener cette réforme avant la présidentielle quoi qu'il en coûte pour reprendre une formule présidentielle.
ELISABETH BORNE
La priorité absolue, c'est la sortie qui de la crise sanitaire. C'est de répondre à la situation qu'on voit avec le variant Delta. C'est de faire repartir notre économie.
THEO MANEVAL
Est-ce que ce sera avant la présidentielle cette réforme, Elisabeth BORNE ?
ELISABETH BORNE
Pour autant, les problèmes qui existaient sur le système de retraite existent toujours et le président de la République a eu l'occasion aussi de le dire aux partenaires sociaux mardi : il faut que ces mois qui viennent soient des mois utiles. Donc il aura l'occasion de s'exprimer sur le sujet. En tout cas, une réforme des retraites est nécessaire. Il faut qu'on trouve le chemin pour la mener avec les partenaires sociaux et avec les Français.
THEO MANEVAL
Une réforme nécessaire et dix mois utiles. Merci beaucoup Elisabeth BORNE, ministre du Travail, de l'Emploi et de l'insertion. Merci d'avoir été notre invitée sur Europe 1. Bonne journée.
ELISABETH BORNE
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 juillet 2021