Texte intégral
CHRISTOPHE BARBIER
Brigitte BOURGUIGNON, bonjour.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Bonjour.
CHRISTOPHE BARBIER
Bienvenue. Vous avez été accueillie en fanfare par Judith. Donc, on l'a compris, vous êtes ministre déléguée chargée de l'Autonomie. Aujourd'hui, l'enjeu c'est la vaccination. Il y a un chiffre étrange : chez les plus de 80 ans qui habitent encore chez eux, la France atteint 85 % de vaccination, c'est pas mal, mais l'Espagne, le Portugal, sont quasiment à 100 %. Pourquoi ce petit retard français ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, on a beaucoup développé de méthodes pour aller vers elles, déjà les repérer, parce que ça n'était pas simple, donc on a beaucoup travaillé sur l'aller vers, dont on parle beaucoup, ça a quand même permis depuis cet été de vacciner un million personnes supplémentaires de cette catégorie d'âge. Mais vous avez une partie de cette population qui considère que peut-être c'est inutile de se vacciner, que peut-être elle prend même les doses des autres, donc il faut les convaincre déjà que non, qu'ensuite elles sont évidemment les personnes les plus à risque, parce que c'est elles qui développeront la forme la plus aggravante. On compte aussi sur les familles, bien sûr, pour finir de les convaincre, ce n'est pas toujours évident, parce que là on tombe dans la sphère privée quelquefois, dont il faut aller jusque-là.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est des gens qu'on est allé voir…
BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, bien sûr…
CHRISTOPHE BARBIER
On leur a proposé, ils ont dit : oh non, ce n'est pas pour moi, je suis trop vieux…
BRIGITTE BOURGUIGNON
C'est ça.
CHRISTOPHE BARBIER
… je laisse une dose à un plus jeune. On a ce blocage-là.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Je l'ai entendu. On a ce blocage-là, aussi, et puis parfois encore une crainte du vaccin, ça il ne faut pas se cacher, se voiler la face. Ensuite, il a fallu développer toutes les formes d'aller vers, c'est-à-dire la vaccine mobile dans les quartiers, le Vaccino'Car dans les milieux ruraux, on a travaillé avec les associations, surtout d'aide à domicile, qui arrivent à convaincre parfois ou à faire venir dans les centres de vaccination, vraiment ouvert au maximum la possibilité, travailler avec les médecins aussi, les pharmaciens parfois aussi.
CHRISTOPHE BARBIER
Ils ont joué leur rôle, aussi, les médecins de famille, les médecins généralistes ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, il y a eu un temps retard je dirais, que quand même ils ont été associés, beaucoup par exemple en retraite sont venus dans les centres de vaccination prêter main forte, donc moi je les en remercie beaucoup. Mais il y a encore un effort à faire, et là, la Caisse d'allocations… pardon, d'Assurance maladie, a envoyé des convocations pour voir si l'effet convocation peut jouer, et donc on les accompagnera dès lors qu'ils auront reçu cette convocation. On va voir un peu comment ça peut réagir maintenant, mais il y a encore effectivement cet effort à faire sur, je dirais, 500 000 personnes à peu près en France, de plus de 80 ans.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu'on ne souffre pas d'un système de santé trop centralisé en France, trop étatique, qui empêche ce contact de proximité ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, je crois que la crise sanitaire a changé la donne. C'était peut-être vrai avant, aujourd'hui on était obligé de travailler avec des échelons beaucoup plus localisés, à la fois les départements, mais aussi par exemple dans les ARS il y a eu des appels très centralisés sur les départements et sur les intercos, il a fallu travailler avec les intercommunalités. Moi j'ai travaillé beaucoup avec les maires, avec Jacqueline GOURAULT on avait fait un vade-mecum en direction des collectivités, pour repérer les bonnes pratiques, parce qu'il y avait des bonnes pratiques aussi, et on ne peut pas travailler autrement, notamment dans cette crise ça a bien développé ces articulations nécessaires et cet échelon nécessaire.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, arrive déjà l'enjeu de la 3ème dose. 50 millions de Français, bientôt, seront vaccinés. Est-il nécessaire de donner une 3ème dose, par exemple aux personnes qui sont dans les EHPAD ? Au début de l'année, elles avaient toutes les chances de croiser des non-vaccinés, là ça va devenir rare. Quelqu'un qui est dans un EHPAD ne verra pratiquement plus que des vaccinés. On peut peut-être lui épargner la 3ème dose.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, déjà c'est une idée un peu fausse, dans la mesure où ce sont des personnes qui sortent encore des EHPAD, ça c'est une vision un peu… bien sûr, pour les grandes dépendances non, mais il y a encore des personnes dans ces établissements, et c'est heureux, qui sortent et qui se rendent à domicile. Donc oui, il faut les protéger encore. Il faut les protéger aussi des visiteurs, parce que maintenant il y a le Pass sanitaire, certes, mais il y a encore des personnes non vaccinées, le personnel aussi, vous l'avez vu, il a fallu travailler sur le personnel de ces établissements et d'ailleurs aussi, et on est passé de 57 % à peu près de personnel soignant vacciné avant le 12 juillet, après l'appel de du président de la République, nous sommes maintenant à plus de 80 %. Vous voyez bien, l'effet a été là, et puis l'obligation vaccinale qui va intervenir (microcoupure son)… a joué. Donc maintenant la 3ème dose, c'est la Haute autorité de santé qui le dit, oui elle est nécessaire, elle sera nécessaire d'ailleurs peut-être même à l'ensemble des Français par la suite, c'est un rappel de vaccin…
CHRISTOPHE BARBIER
On le voit ailleurs, en Israël notamment, on vaccine, une 3ème dose, même les adolescents.
BRIGITTE BOURGUIGNON
C'est un rappel, bien sûr. C'est un rappel, au bout de 6 mois. La première campagne dans les EHPAD démarre en janvier, ça a été un succès, je crois qu'il faut le signaler aussi. Ça a pris 2 mois avec un flux qui a très bien fonctionné, et des personnes qui ont vraiment adhéré à la vaccination, avec bien sûr un consentement éclairé, donc il a fallu demander, parce que ça a été toute une affaire aussi ça, que de demander l'avis à des personnes qui ont des droits, et on le fait bien, on laisse réfléchir tout le monde, je ne vois pas pourquoi on n'aurait pas demandé le consentement éclairé de ces personnes en établissements. Donc tout ça a bien fonctionné, aujourd'hui on est arrivé à la 3ème dose, que j'appellerais plutôt rappel de vaccination, et qui va commencer dès le 13 septembre dans les établissements.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, cette épidémie a compliqué les relations entre les générations. Est-ce que vous diriez, vous qui vous occupez des plus âgés, qu'on a peut-être demandé trop de sacrifices à la jeunesse, pour protéger les plus âgés ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors, moi je m'inscris en faux là-dedans, parce que c'est une idée qu'on a, une petite musique d'ailleurs que j'avais entendue, qui ne m'avait pas plu, sur la vaccination. Par exemple pour ne parler que de ça, où on disait : oui, on va sacrifier les jeunes, on va plutôt vacciner les personnes âgées. Or, maintenant on comprend pourquoi c'est elles qui ont désengorgé les urgences, puisque c'est elles qui développaient la maladie la plus aggravante. Donc aujourd'hui, opposer les uns aux autres n'a pas de sens. On a mis en place, par exemple, pendant la crise sanitaire, des services civiques séniors, 10 000. On a lancé cette idée avec Sarah El HAÏRY, on s'aperçoit aujourd'hui que ça fonctionne très bien, on est loin d'être dans la montée en charge complète, bien sûr, on encore beaucoup d'espace, et j'en appelle d'ailleurs aux collectivités et établissements qui ont envie de recourir à ce service, d'y faire appel, parce que c'est très intéressant de voir vous êtes des jeunes aident dans les établissements au numérique, aident à l'animation, aident à l'accueil, et sont, pour avoir vu des résidents et des jeunes en action, c'est extraordinaire, il y a vraiment quelque chose qui se crée. Il y a des jeunes qui ont créé par exemple des cartes postales ou du courrier ou qui ont créé une association qui permet aussi de donner le sourire aux citoyens, aux plus âgés. Et puis vous avez beaucoup de choses qui se sont faites presque spontanément, dans des quartiers, de gamins qui faisaient des courses, qui n'ont pas eu finalement d'appel à le faire, qui l'ont fait spontanément. Donc je crois qu'il y a des choses intéressantes.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu'il ne faudrait pas une grande campagne de communication pour transformer l'essai ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui, d'ailleurs, sur la réforme que je dois conduire, de l'autonomie, qui n'est pas toujours claire…
CHRISTOPHE BARBIER
On va en parler.
BRIGITTE BOURGUIGNON
… pour les gens, je préfère l'appeler Générations solidaires, parce que je crois que c'est d'abord et avant tout, le problème du grand âge, un problème de familles, un problème de générations, un problème de société tout court. Ce n'est pas le grand âge un côté, la jeunesse de l'autre. La jeunesse pense déjà à ses parents, à ses grands-parents, et je ne rencontre personne, et aucun jeune qui me dit « moi je n'ai pas envie qu'on protège ma grand-mère au mon grand-père ». Jamais.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que cette loi qu'on appelait dépendance, qu'on peut appeler autonomie, cette grande loi sera votée avant la fin du quinquennat ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Moi je mettrais un bémol tout de suite parce qu'on me ramène toujours à la loi en elle-même, je dirais que la loi c'est le dernier étage de la fusée, mais la fusée des déjà partie. Cette réforme que je mène depuis un an est déjà commencée. C'était quoi les piliers de cette réforme de l'autonomie, c'était se dire qu'est-ce qui aujourd'hui ne fonctionne pas dans ce chantier du grand âge ? C'est d'abord l'établissement, ensuite c'est le domicile et nous voulons faire dans ce pays une approche vraiment sur le domicile parce que c'est ce que souhaitent les citoyens.
CHRISTOPHE BARBIER
Rester à domicile malgré le grand âge.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Rester à domicile bien sûr et il y a une possibilité de le faire aujourd'hui par l'habitat, par les métiers du domicile et les métiers du domicile j'y suis extrêmement attachée et ça a été une de mes premières actions en arrivant l'année dernière au ministère, de dire attention faisons très attention à ce personnel précaire féminin bien sûr à 90 %, très précaire depuis des années, que n'a-t-on laissé ce personnel d'ailleurs en déshérence depuis des années, alors qu'il rend un service considérable et qu'il permet le maintien à domicile des personnes âgées. Ces métiers sont à revaloriser, nous avions eu des rapports là-dessus, El-KHOMRI etc, nous avons fait la plupart des préconisations de ces rapports. Donc vous voyez on n'est pas resté avec des rapports sous les bibliothèques qui servent de cale, mais ces rapports-là on s'en est inspiré et on travaille partant de ces constats là sur ces pistes-là, rénovation des établissements, on met 2,1 milliards sur la table pour rénover les établissements.
CHRISTOPHE BARBIER
On a plus envie d'entendre le mot Ehpad.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Voilà et pas n'importe comment, moi la rénovation d'Ehpad, ça m'intéresse moyennement, c'est pas là pour mettre une belle peinture sur des établissements dont on veut qu'ils changent de culture, on veut des établissements ouverts, on veut des établissements où une vie sociale demeure, on veut qu'il y ait des lieux voire des tiers lieu dans ces établissements, qu'il y ait de l'activité sportive, qu'il y ait de l'activité culturelle, je veux dire que le jour où ont franchi cette porte-là, la vie ne s'arrête pas, la vie peut durer encore longtemps.
CHRISTOPHE BARBIER
Pour financer tout cela, on va créer une cotisation supplémentaire, un impôt, ponctionné sur les recettes fiscales ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Non ce n'est pas du tout dans la projection puisque la projection elle est déjà là, on a déjà prévu la 5e branche première étage de la fusée. 2e étage, c'est s'attaquer au domicile sous toutes ses formes, métiers, revalorisation, ce que nous avons fait. Nous avons déjà revalorisé une partie de cette branche de l'aide à domicile, nous allons continuer avec le secteur privé parce qu'il faut que ça s'harmonise tout ça et puis nous allons continuer aussi sur la valorisation des métiers et les formations, les formations sont importantes. Donc voilà où on en est. Le troisième étage, c'est également cette dépendance qu'il faut améliorer parce que ça c'est après l'autonomie vient la dépendance, le challenge que nous avons à relever dans ce pays, c'est de maintenir l'autonomie le plus longtemps possible. C'est ça le challenge.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous aurez besoin quand même d'un texte de loi pour ramasser certains de ces aspects ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Alors certains aspects peuvent relever d'un vecteur législatif, tout ce que nous pouvons faire d'ici là et ce que nous avons commencé à faire est fait et il n'a pas besoin forcément d'un véhicule législatif. Ce que je vous disais c'était vraiment la finalisation ensuite d'un projet que j'appellerais plutôt solidaire.
CHRISTOPHE BARBIER
Le débat sur la fin de vie, est-ce qu'il aura sa place dans la campagne présidentielle ? On l'a vu au Parlement au printemps surgir de manière véhémente ?
BRIGITTE BOURGUIGNON
Oui je pense que ça, ça relève effectivement d'un débat qui demande aux citoyens son avis, je pense que les citoyens sont prêts, on l'entend dans les sondages, on entend aussi dans les avis formulés souvent, mais je crois que ça relève quand même à un moment dans une campagne présidentielle de l'affirmation même des candidats de leur position sur ce sujet pour que les citoyens soient éclairés sur ce qu'ils mèneront ou pas. Et ce n'est pas un débat que nous avions eu d'ailleurs lors de la présidentielle de 2017, donc ça tombe mal qu'on l'amène parfois au détour d'un amendement, au détour… ça nécessite vraiment un débat de fond.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors cette campagne présidentielle, vous qui venez de l'aile gauche dans ma chronique, comment allez-vous peser sur les choix du président ? On a l'impression que cette partie gauche de la macronie, elle est muette.
BRIGITTE BOURGUIGNON
Ecoutez, elle n'est pas muette mais elle agit. Elle est dans le Gouvernement, elle a des ministères importants, les comptes publics, la santé, le logement, l'emploi, donc je crois que franchement elle n'est pas muette, elle travaille, elle est au travail. Par contre ce que les citoyens nous demandent, c'est du pragmatisme, moi enfin en tout cas dans ma façon de faire c'est que je fais toujours le pragmatisme et la proximité. Elles nous demandent des réponses, elles nous demandent des réponses à des problèmes. Elles ne nous demandent pas des incantations. Vous voyez, moi, je regardais les primaires, je regardais un peu ce qui se profilait ces campus divers et variés ce week-end, j'aurais aimé que les candidats qui sont putatifs à la présidentielle s'expriment par exemple et nous aident à appeler à vacciner, à faire ce que nous essayons tous de faire en responsabilité parce que c'est ça être responsable politique, c'est parfois assumer des choix qui ne sont pas simples. Et je crois qu'on n'a pas à rougir quand on est de gauche et qu'on est dans un Gouvernement comme celui-là, moi j'assume par exemple la PMA pour toutes, voilà nous l'avons fait. J'assume le reste à charge zéro pour les prothèses, pour tout ce qu'on voudra, on en parlait tout à l'heure, eh bien c'était un coût énorme et quand on travaille dans le social, on le sait et donc j'assume beaucoup de choses que nous avons fait et je crois que le quoi qu'il en coûte a démontré aussi que nous avons su tenir l'économie hors de l'eau et puis le système de santé a tenu, bref les Français ont été protégés.
CHRISTOPHE BARBIER
Brigitte BOURGUIGNON, merci bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 septembre 2021