Interview de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, à France 2 le 9 septembre 2021, sur la réforme des retraites, la gratuité de la contraception pour les femmes jusqu'à 25 ans, la vaccination obligatoire des soignants et les sanctions en cas de refus.

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Texte intégral

CAROLINE ROUX
Bonjour Olivier VERAN.

OLIVIER VERAN
Bonjour Caroline ROUX.

CAROLINE ROUX
Merci d'être notre invité ce matin. Vous étiez hier au séminaire gouvernemental et j'espère que vous avez compris, cette fois-ci la réforme des retraites est définitivement enterrée ?

OLIVIER VERAN
Ah, ce n'est pas ce qui a été dit au cours du séminaire gouvernemental. Vous savez, une réforme des retraites est nécessaire, ça a été dit, le président de la République l'a rappelé le 12 juillet, elle est nécessaire parce que le système est aujourd'hui déséquilibré, c'est-à-dire qu'il coûte de l'argent à l'Etat, qu'il n'est pas juste, qu'il n'est pas compréhensible, qu'il n'est pas lisible, et l'engagement qui a été pris de toucher à ce système de retraite, pour le rendre plus juste, équilibré et lisible, il n'a pas été, loin s'en faut, abandonné. La question c'est quelle est la nature de cette réforme des retraites, est-ce qu'on la fait en bloc ou est-ce qu'on la fait par fragments, de façon à avoir quelque chose qui soit cohérent. Et, quand est-ce qu'on la fait ? Chacun peut comprendre que pendant une vague épidémique c'est très compliqué d'aller poser un dossier aussi important sur la table, néanmoins j'en reste à la déclaration du président de la République du 12 juillet dernier, qui est nous la ferons dès que nous le pourrons.

CAROLINE ROUX
Mais parce qu'on entend le Premier ministre nous dire « les conditions ne sont pas réunies », « la croissance est formidable, les voyants sont au vert, l'épidémie ça va mieux, mais les conditions ne sont pas réunies pour une réforme des retraites », avouez que c'est compliqué à saisir.

OLIVIER VERAN
Ce n'est pas incompatible que de dire qu'il faut la faire, que d'un point de vue économique ça peut faire sens, et que d'un point de vue épidémique, aujourd'hui, c'est compliqué d'aller mettre ce dossier sur la table, donc il n'est pas, loin s'en faut encore une fois, enterré, d'ailleurs il y a des concertations qui ont été conduites par le Premier ministre lui-même encore la semaine dernière, et nous verrons dans les prochaines semaines s'il y a lieu d'amorcer, ou de réaliser cette réforme, avant la fin du quinquennat.

CAROLINE ROUX
C'est encore possible dans le temps qu'il vous reste, dans les 200 jours d'actions, puisque c'est ce qu'a dit le Premier ministre, c'est encore possible ?

OLIVIER VERAN
Mais il y a encore 200 jours pour agir, donc 200 jours pour réformer et transformer, il ne me revient pas de donner un arbitrage, surtout que, encore une fois, je vous dis, les choses sont à l'examen…

CAROLINE ROUX
Non, mais parfois on a besoin d'explication de texte, vous venez de nous en donner une. Une autre explication peut être nécessaire sur la loi sur la dépendance, c'est un engagement majeur du président de la République, il l'a défendue à plusieurs reprises, on n'en n'entend plus parler.

OLIVIER VERAN
Eh bien je vais vous en parler ce matin si vous voulez.

CAROLINE ROUX
Eh bien on y va !

OLIVIER VERAN
D'abord vous rappeler que nous avons créé la cinquième branche dans la Sécurité sociale, qui est une branche autonomie dépendance, qui permet d'entériner… la première décision, qui était fondamentale, le risque autonomie dépendance il relève de la solidarité nationale et pas de l'assurance individuelle privée, c'est-à-dire que c'est l'Etat qui vient couvrir les dépenses. Nous avons également identifié et voté le financement, 2,5 milliards de plus par an à partir de 2024, donc nous avons comment dépenser, nous avons décidé quel est le grand système, il reste maintenant à organiser les choses, nous y travaillons avec la ministre déléguée Brigitte BOURGUIGNON, et il y aura des éléments dans la loi, puisqu'il y aura un budget de la Sécurité sociale qui sera présenté au mois d'octobre, j'aurai même à le présenter dans quelques semaines, qui comportera des éléments fondateurs pour cette politique de l'autonomie. Je le dis, ce sera une promesse tenue. Nous voulons de toute façon utiliser cette période pour réformer tout ce qui touche au coeur les Français, tout ce qui renforce leur quotidien.

CAROLINE ROUX
Vous, vous pouvez le faire, vous avez les moyens de le faire à la place qui est la vôtre, malgré l'épidémie, il paraît que vous deviez arriver hier avec une feuille de route, quelle est votre feuille de route et qu'est-ce que vous pouvez réformer, là, dans les 200 jours ?

OLIVIER VERAN
Je suis ministre en charge des Solidarités et de la Santé, les solidarités ce sont les 3 ans du plan pauvreté, avec des milliards d'euros qui ont été mis sur la table pour lutter contre le chômage, insérer les jeunes, travailler davantage avec les collectivités, et je continue de travailler au quotidien avec les associations de lutte contre la pauvreté. Le volet santé, évidemment chacun peut comprendre le Covid…

CAROLINE ROUX
On va y venir.

OLIVIER VERAN
Mais c'est aussi tenir compte de ce que la crise nous a donné comme enseignements. Les jeunes ont fait moins de sport, l'alimentation s'est dégradée, les addictions ont augmenté, il y a un véritable problème de santé mentale, avec un mal-être et une filière de psychiatrie à structurer. Vous allez voir qu'au fil des semaines qui vont s'égrainer je ferai des annonces, une, deux annonces fortes par semaine, qui encore une fois vont concerner les Français dans leur quotidien.

CAROLINE ROUX
Vous pouvez nous en faire une ce matin

OLIVIER VERAN
D'abord vous dire, vous confirmer qu'il y aura des Assises de la psychiatrie et de la santé mentale la dernière semaine du mois de septembre, sous parrainage du président de la République, il y aura des annonces très fortes, vous allez voir, qui concernent les Français. Ensuite…

CAROLINE ROUX
Et des moyens.

OLIVIER VERAN
Et des moyens évidemment. Je suis aussi le ministre des nouveaux droits dans la Sécurité sociale, par exemple je vais annoncer, je peux vous annoncer d'ailleurs, que la contraception sera désormais gratuite pour toutes les femmes âgées jusqu'à l'âge de 25 ans, c'est-à-dire qu'il y aura une prise en charge de la contraception hormonale, du bilan biologique qui peut aller avec, de la consultation de prescription, et de tous les soins qui sont liés à cette contraception, jusqu'à 25 ans, à compter du 1er janvier.

CAROLINE ROUX
C'était le cas jusqu'à présent pour les mineures de 15 à 18 ans.

OLIVIER VERAN
Oui, et j'ai fait plusieurs constats, en lien avec les autorités scientifiques, plusieurs constats, d'abord il y a un recul de la contraception chez un certain nombre de jeunes femmes et le premier motif c'est le renoncement pour raisons financières, c'est que ça coûte trop cher. C'est insupportable que des femmes ne puissent pas se protéger, ne puissent pas avoir une contraception, si elles en font le choix évidemment, parce que ça leur coûte trop cher dans leur budget, donc c'est un effort de 21 millions d'euros qui sera effectué dès cette année, donc à compter du 1er janvier, et qui permettra de renforcer cela.

CAROLINE ROUX
Gratuité de la contraception jusqu'à l'âge de 25 ans, et de la consultation, et des actes biologiques qui vont avec, pourquoi 25 ans ?

OLIVIER VERAN
Pourquoi 25 ans ? D'abord c'est un âge qui correspond, en termes de vie économique, de vie sociale et de revenus, à un âge qui va avec davantage d'autonomie, c'est aussi l'âge où on va quitter définitivement la complémentaire santé de son foyer, et c'est aussi ce que des études nous montrent comme âge déterminant en-dessous duquel trop de femmes renoncent à la contraception parce que ça coûte cher.

CAROLINE ROUX
Alors, on en vient à la vaccination et on en vient au Covid, votre principal dossier puisque c'est une priorité du gouvernement naturellement pour les 200 jours à venir. L'obligation vaccinale pour les soignants entre en vigueur le 15 septembre, combien de soignants ne sont pas encore vaccinés ?

OLIVIER VERAN
Il faut plutôt fonctionner maintenant par l'échelle d'un hôpital ou d'un EHPAD, et on va parler de poignée de soignants…

CAROLINE ROUX
Et on voit que ça pose des problèmes parfois.

OLIVIER VERAN
On voit que ça peut encore poser problème à l'heure à laquelle je vous parler, mais il y a aussi un certain nombre de soignants qui attendent la dernière minute pour avoir leur première injection, c'est-à-dire que celles et ceux qui font le choix d'enfin commencer à se vacciner à partir du 14 septembre, pourront continuer à travailler dans les mêmes conditions…

CAROLINE ROUX
Mais, Olivier VERAN, est-ce que vous vous attendez à des situations un peu compliquées ? On a vu ce cas dans cet EHPAD du Jura, c'est dans la commune de Bois-d'Amont, qui risque de devoir fermer parce qu'il y a cinq des neuf salariés qui refusent de se faire vacciner, et le responsable de cet EHPAD se retrouve dans une difficulté, là dans la semaine qui arrive, pour trouver des effectifs. Est-ce que vous vous attendez à des situations comme celle-ci, dans certains services, de manière ponctuelle ?

OLIVIER VERAN
Alors, je vous rappelle que je serai d'une fermeté totale en la matière, parce que, pas pour stigmatiser qui que ce soit, mais parce que c'est trop important, on parle de la vie de personnes âgées…

CAROLINE ROUX
Ça veut dire quoi fermeté totale ?

OLIVIER VERAN
Ça veut dire que la loi s'appliquera.

CAROLINE ROUX
Ça veut dire quoi ?

OLIVIER VERAN
Nous parlons de la vie des gens qui sont très fragiles, très âgés en EHPAD, ou des gens qui sont malades à l'hôpital, moi je ne veux plus qu'il y ait des clusters, qu'il y ait des chaînes de contamination, au sein des établissements où les gens viennent, parce qu'ils sont fragiles, pour se faire soigner, ce n'est pas compréhensible.

CAROLINE ROUX
Ça veut dire sanctions pour les soignants, et ça veut dire quels types de sanctions ?

OLIVIER VERAN
Ça veut dire l'impossibilité de continuer à travailler, suspension de salaire, il n'y aura pas d'arrêts maladie de complaisance, et là je peux vous garantir que je travaille avec les services de l'Assurance maladie, notamment, pour que nous puissions effectuer tous les contrôles nécessaires, y compris d'ailleurs, si d'aventure nous nous rendions compte qu'il y avait des certificats de complaisance, pouvoir intervenir auprès du prescripteur.

CAROLINE ROUX
Directement.

OLIVIER VERAN
La pédagogie elle fonctionne Caroline ROUX, dans les hôpitaux que je vois on est à 90, 95, parfois plus, de soignants qui sont vaccinés et il y a un effet d'entraînement. Des poches – pardon pour le mot – mais des poches de résistance, en tout cas des poches de gens qui peuvent avoir peur, quelles qu'en soient les motivations, je ne les incrimine pas, je ne les pointe pas du doigt, je leur dis juste que c'est la loi, et que ces personnes-là, qui ne sont pas encore vaccinées contre le Covid, elles sont, par principe, de toute façon, si elles ont la blouse aujourd'hui, vaccinées contre l'hépatite B, contre la diphtérie, le tétanos, la polio.

CAROLINE ROUX
La grande campagne de rappel est en préparation, qui va commencer par les plus de 65 ans, ça commence quand ?

OLIVIER VERAN
Elle a commencé.

CAROLINE ROUX
Elle a commencé, la campagne de rappel ?

OLIVIER VERAN
Bien sûr elle a commencé, elle a commencé depuis bientôt dix jours.

CAROLINE ROUX
Et elle se déroule comment ?

OLIVIER VERAN
Il y a près de 400.000 Français qui ont déjà eu une troisième injection de vaccin, ça se passe très bien, exactement comme la première et la deuxième dose. Vous savez, tous les Français qui hésitaient, même ceux qui hésitaient avant la première injection, ils en ont eu une première, ça s'est très bien passé, ils en ont eu une deuxième, ça s'est très bien passé, et en plus ils se sentent protégés contre le virus, la troisième c'est une formalité.

CAROLINE ROUX
On l'a vu dans le journal de 7h, la situation en Nouvelle-Calédonie avec l'état d'urgence sanitaire qui a été déclaré, qu'est-ce que vous redoutez précisément pour la Nouvelle-Calédonie et plus généralement comment ça se passe en Outre-mer ?

OLIVIER VERAN
Il y a plus d'un mois qu'on assiste, en territoires ultramarins, à des flambées épidémiques avec ce variant Delta très contagieux, et des populations qui ne sont pas suffisamment vaccinées, nous l'avons vu en Guadeloupe, en Martinique, nous le voyons avec une augmentation des cas à Mayotte, l'effet de freinage a plutôt bien fonctionné à La Réunion et c'est tant mieux, la Polynésie française, rendez-vous compte qu'on a dû envoyer 80 soignants par avion la semaine dernière tellement les hôpitaux étaient en train de craquer en Polynésie, et la Nouvelle-Calédonie, qui avait été épargnée très longtemps par le virus, eh bien fait face à une vague naissante puisqu'il y a plus de 60 ans qui ont été diagnostiqués dans dix chaînes de contamination différentes, donc ça va vite ce variant Delta.

CAROLINE ROUX
Ça ne paraît pas énorme 60 cas vu d'ici.

OLIVIER VERAN
Mais ça va très vite, ça va très vite, on était à six cas lorsque j'ai présenté la situation en Conseil de défense hier matin, on est à plus de 60 cas ici, on sait que ce virus il peut circuler très vite, donc tout de suite, pour la Nouvelle-Calédonie, on met, je dirais on ferme, pour pouvoir éviter une flambée épidémique, c'est très très loin géographiquement, c'est très compliqué d'organiser des évacuations sanitaires, nous le faisons quand c'est nécessaire, et d'envoyer des renforts sanitaires, nous le faisons quand c'est nécessaire ; mais autant protéger les gens, et d'ailleurs ça correspond au souhait des autorités locales.

CAROLINE ROUX
La Suède va lever la quasi-totalité des mesures de restrictions fin septembre, et nous, le masque, le pass sanitaire, c'est jusqu'à Noël Olivier VERAN ?

OLIVIER VERAN
Vous savez, il y a beaucoup de pays qui lèvent à un moment donné des mesures, et puis qui les remettent très rapidement derrière, donc moi ce que je souhaite c'est qu'on soit stabilisé dans la durée, avec des mesures qui fonctionnent, qui ont montré qu'elles fonctionnaient, on était parti sur une vague comme ça, vous vous souvenez cet été, actuellement ça baisse de 25 à 30 % par jour, on est un peu des 10.000 nouveaux cas par jour au lieu des 25.000, la pression sanitaire commence à baisser, ce n'est pas le moment de relâcher nos efforts, il y a eu la rentrée scolaire, on ne peut pas encore en mesurer les effets éventuels sur l'épidémie, on est en bonne voie. On a appris depuis 18 mois, on sait comment être efficace contre ce virus, avec le moins de contraintes possibles pour les Français.

CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Olivier VERAN d'avoir été notre invité ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 septembre 2021