Texte intégral
CAROLINE ROUX
Bonjour Olivier DUSSOPT. En effet, vous présentez le dernier budget du quinquennat, est-ce que c'est un budget de sortie de crise ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est un budget de sortie de crise, parce que c'est un budget qui accompagne la relance économique, la relance est au rendez-vous, nous avons une croissance à 6% cette année, certains instituts disent même un peu plus que 6%, et c'est une des croissances les plus fortes d'Europe, et donc nous avons préparé ce budget avec plusieurs objectifs. A la fois tenir les engagements pris par le président de la République et pris par le gouvernement, mais aussi revenir à un niveau plus normal, plus soutenable, de dépenses publiques, avec l'arrêt des aides d'urgence, puisque c'est la signification de la sortie de crise, et l'accompagnement de la reprise avec la mise en oeuvre du plan de relance.
CAROLINE ROUX
Alors, il paraît que c'est un brouillon que vous présentez ce matin, un budget à trous.
OLIVIER DUSSOPT
Je ne crois pas que ce soit ni un brouillon, ni un budget à trous. C'est d'abord…
CAROLINE ROUX
Pourquoi je vous dis ça, vous le savez très bien, parce que l'opposition dit : il manque quand même quelques dépenses assez importantes, notamment le plan d'investissement et le revenu d'engagement. Ça fait beaucoup comme trous.
OLIVIER DUSSOPT
L'opposition multiplie les propositions de dépenses tous les jours. Je ne suis pas sûr qu'ils soient les plus qualifiés pour nous faire la leçon sur quoi que ce soit, et pas les plus qualifiés non plus pour nous faire la leçon en matière budgétaire, puisque, et je viendrai à votre question, nous sommes le gouvernement qui de 2017 à 2020, a tenu les objectifs. Tenu les objectifs de baisse de la dépense publique, tenu les objectifs de baisse d'impôts, et tenu l'objectif d'un déficit inférieur à 3%. C'est la première fois que ça arrivait, aucun des gouvernements précédents n'avait réussi à atteindre ces objectifs. Aujourd'hui…
CAROLINE ROUX
Ça, c'était avant l'argent magique.
OLIVIER DUSSOPT
C'était avant la crise. C'était avant la crise, et la réponse à la crise qui a été la nôtre, une réponse efficace, puisqu'elle permet à l'économie française de sortir de la crise suffisamment forte pour rebondir.
CAROLINE ROUX
Et comment est-ce que vous pouvez vous projeter Olivier DUSSOPT, sincèrement, sur une perspective de déficit en omettant de préciser dans ce budget, un plan d'investissement dont on dit qu'il pourrait coûter aux alentours de 30 milliards d'euros, et un revenu d'engagement dont on dit qu'il pourrait coûter aux alentours de 2 milliards d'euros ?
OLIVIER DUSSOPT
Sur ces deux sujets, je souhaite juste d'abord, pardonnez-moi, mais il faut comparer ce qui est comparable.
CAROLINE ROUX
Allez-y.
OLIVIER DUSSOPT
Le plan d'investissement nous y travaillons sous l'autorité du président de la République, avec un objectif qui est de préparer l'économie française de 2030. Il s'agit de réfléchir à un investissement dans le capital humain, un investissement dans les transitions, et c'est un plan qui sera annoncé par le président de la République, qui sera sur plusieurs années, et donc les sommes que vous avancez, non seulement ne sont pas arbitrées, mais si elles l'étaient, elles seraient sur plusieurs années, pas sur le seul exercice 2022, et nous aurons l'occasion de le présenter au Parlement, notamment par des amendements, des amendements qui permettront Parlement d'être totalement inclus dans la discussion.
CAROLINE ROUX
Pourquoi ce n'est pas fait dans ce budget-là ? C'était l'occasion. Parce que ça n'est pas prêt ?
OLIVIER DUSSOPT
Parce que, lorsqu'on présente, lorsqu'on prépare un plan d'investissement à horizon de 7 ans, 8 ans, voire un peu plus, il faut prendre le temps de la consultation, il faut le temps de l'identification des projets, et donc notre budget, aujourd'hui, est présenté effectivement sans plan d'investissement, nous l'avons toujours dit, nous l'avons toujours fait en transparence, en sincérité, et nous aurons l'occasion de travailler avec les parlementaires pendant tout ce débat, qui je le rappelle va durer de cet après-midi dans les commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat, jusqu'à la fin du mois de décembre.
CAROLINE ROUX
Vous savez bien qu'il n'y a pas que l'opposition qui a noté ce manque dans la présentation du budget, il y a aussi le Haut Conseil des finances publiques.
OLIVIER DUSSOPT
Qui a aussi dit que nos hypothèses de croissance étaient des hypothèses plausibles et raisonnables, que nos hypothèses de dépenses l'étaient, qui a souhaité être saisi à son tour du plan d'investissement lorsqu'il sera prêt. Mais faisons les choses dans l'ordre, nous avons un budget aujourd'hui qui se caractérise à la fois par des engagements qui sont tenus, notamment dans le domaine régalien, dans le domaine des… Toutes les priorités du président de la République sont financées…
CAROLINE ROUX
Ça c'est les dépenses.
OLIVIER DUSSOPT
… qui se caractérise aussi par une forme de normalisation, et donc nous allons diminuer très fortement le déficit, entre le déficit 2022/2021, qui est un déficit de crise, et le déficit 2022. C'est le début de la normalisation, après la période du quoi qu'il en coûte que nous avons connue.
CAROLINE ROUX
Et pourtant, on a l'impression que c'est un budget de campagne, pardon, l'énumération est un peu longue : 500 millions pour les policiers, un plan à 1,5 milliard pour Marseille, l'aide aux indépendants, aux pêcheurs, le remboursement de la contraception, un chèque contre les calamités agricoles – je continue – un fonds de réparation pour les harkis, je continue, le Chèque énergie. On a l'impression que dès que le président sort, il sort le chéquier des Français, là je reprends l'expression de Xavier BERTRAND. Est-ce que c'est un budget de campagne ?
OLIVIER DUSSOPT
Ça n'est pas un budget de campagne, et le président n'est pas en campagne, c'est un président qui tient ses engagements, qui les tient vis-à-vis des collectivités, vous avez évoqué le plan pour Marseille, qui là aussi est un plan sur plusieurs années, qui le tient vis-à-vis des agriculteurs, avec une assurance récolte qui sera mise en place par des textes spécifiques à partir de 2023, qui le tient devant les Français. Nous sommes dans une situation où il y a une reprise économique, cette reprise économique se caractérise par une augmentation des prix de l'énergie, le Chèque énergie que vous avez évoqué, créé en 2018, d'un montant de 150 € et qui bénéficie à presque 6 millions de ménages, nous l'augmentons cette année de 100 € par ménage, pour aider les Français n'est plus défavorisés, les plus dans la précarité, à faire face à l'augmentation du prix de l'énergie. Nous le finançons sur l'année 2021, et donc le président préside, nous sommes encore à 8 mois de l'élection présidentielle, il a des engagements à tenir et il a une politique à mener.
CAROLINE ROUX
La réduction de la dépense publique est une priorité de ce budget ? Non.
OLIVIER DUSSOPT
Nous sommes dans une voie de normalisation, et nous voulons éviter de faire une erreur qui a été commis après la crise de 2010, qui consistait à vouloir revenir très très vite dans une épure budgétaire presque austéritaire, au risque d'étouffer la croissance, c'est ce qui s'est passé. La sortie de crise en 2010, c'est la croissance étouffée par l'austérité et les ménages, comme les entreprises, étouffés par le matraquage fiscal. Nous sommes dans une situation différente, pas d'augmentation d'impôts, nous ne sortons pas d'une crise avec une augmentation d'impôts, et la volonté de revenir progressivement, et nous avons indiqué avec Bruno LE MAIRE au mois de juin dernier, que notre objectif était de revenir à 3%, non pas en. 2022, mais en 2027, pour que ce soit le plus progressif possible.
CAROLINE ROUX
Oui ça laisse un peu de temps, du coup.
OLIVIER DUSSOPT
Ça laisse un peu de temps, mais c'est aussi un effort qui est fait, et vous constaterez avec le budget que nous allons présenter ensemble, Bruno LE MAIRE et moi-même, devant le Conseil des ministres tout à l'heure, que l'année prochaine le déficit sera moins important et que nous maîtrisons l'évolution des dépenses ordinaires.
CAROLINE ROUX
Le temps de l'économie, des économies, n'est pas venu, c'est ça que vous nous dites ce matin.
OLIVIER DUSSOPT
C'est le temps, il n'y a pas d'austérité, il n'y a pas de rigueur, mais il y a du sérieux, et le sérieux c'est faire en sorte qu'en dehors du plan de relance, les dépenses ordinaires de l'Etat ne progressent pas trop rapidement et elles progressent même lentement, nous allons les contenir, pour faire en sorte de préparer l'avenir, parce que c'est un point qui est important. Normaliser les finances publiques, revenir à un niveau de déficit progressivement plus soutenable, c'est aussi reconstituer des réserves, reconstituer des forces…
CAROLINE ROUX
On n'en est pas encore là.
OLIVIER DUSSOPT
C'est la trajectoire que nous prenons, pour permettre à l'Etat d'être capable de faire face à une nouvelle crise, comme nous avons fait face à la crise précédente.
CAROLINE ROUX
Et dans ce contexte, vous poursuivez les baisses d'impôts, notamment sur les baisses d'impôt sur les sociétés qui ont déjà reçu des aides massives pendant la crise. C'était la priorité ?
OLIVIER DUSSOPT
C'était la priorité, parce que ça permet l'économie d'être compétitive. A l'échelle du quinquennat, les impôts auront baissé de 50 milliards d'euros, c'est la première fois, 25 milliards pour les sociétés et 25 milliards pour les ménages, avec la suppression de la taxe d'habitation, ça représente à peu près 18 milliards d'euros, et la baisse de l'impôt sur le revenu l'année dernière 5 milliards. Donc c'est moitié/moitié, 25 pour les entreprises, 25 pour les ménages et une baisse historique des impôts à l'échelle d'un quinquennat.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous craignez que certaines entreprises ne puissent pas rembourser le PGE, faire face à leurs échéances ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous sommes en réalité assez optimistes, dans la mesure où plus de la moitié des PGE n'ont pas été consommés, et toutes les indications nous disent que le taux de défaillance ne sera pas important, et nous prévoyons, c'est déjà voté depuis juillet, des dispositifs d'accompagnement.
CAROLINE ROUX
Une autre question rapide : est-ce que vous avez chiffré le montant des fraudes aux aides qui ont été accordées pendant cette crise ?
OLIVIER DUSSOPT
Alors, il y a un certain nombre de montants qui sont chiffrés sur les aides que nous avons bloquées, par exemple sur le fonds de solidarité. Le travail de la Direction des finances publiques a évité de verser presque 2 milliards d'euros qui n'auraient pas dû être versés, donc qui ont été bloqués. Il y a aussi des dossiers qui sont constatés après versements, qui peuvent être frauduleux, et nous avons un partenariat avec le ministère de la Justice pour qu'ils soient poursuivis en justice.
CAROLINE ROUX
Le gouvernement répète que la croissance est là, vous avez des objectifs de croissance à 4% pour la…
OLIVIER DUSSOPT
Et 6% en 2021.
CAROLINE ROUX
Et 6% en 2021. Le gouvernement, c'est vrai, on l'a vu a récemment, le président de la République en tout cas, distribuent de l'argent public, que répondez-vous à ceux qui pourraient se dire ce matin : « Je veux ma part du gâteau » ?
OLIVIER DUSSOPT
Je crois que la période qui s'achève aujourd'hui, ou en tout cas la période dans laquelle nous sommes encore quelques mois, par rapport à la crise, est une période qui a démontré que l'Etat a répondu présent pour tous. Pour les ménages, en 2020, le pouvoir d'achat des ménages a légèrement progressé de 0,4%, c'est peu, mais dans une année où la richesse nationale s'effondrait. En 2021, le pouvoir d'achat continue à progresser, les entreprises sont accompagnées et le système social est accompagné. Nous avons mis en oeuvre cette politique, celle du quoi qu'il en coûte, parce que nous avions une signature solide et que nous pouvions faire face.
CAROLINE ROUX
Quand vous regardez ce qui se passe à l'étranger, notamment en Chine avec cette grande société immobilière EVERGRANDE, qui montre des signes de fragilité, et cela inquiète les marchés financiers, est-ce que vous craignez, est-ce que, il y a une forme de fébrilité, d'inquiétude, sur ce qui pourrait se passer à l'échelle mondiale, une crise de la dette ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous y sommes évidemment attentifs, mais la signature de la France, l'image de la France sur les marchés financiers est une image qui est solide. Aujourd'hui, nous empruntons quand c'est nécessaire, avec des taux qui sont extrêmement intéressants, extrêmement bienveillants même, pourrait-on dire. Pourquoi est-ce que nous sommes solides ? Parce que nous avons fait les efforts que je rappelais tout à l'heure entre 2017 et 2019, parce que nous sommes aussi inscrits dans une trajectoire de sérieux, dans une trajectoire raisonnable et c'est important de le préserver.
CAROLINE ROUX
Alors, trajectoire de sérieux. Quand on habite à Bercy, quand on travaille à Bercy, est-ce qu'on a. on envie de reposer sur la table le dossier de la réforme des retraites ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est une réforme dont on sait qu'elle est nécessaire et qu'elle est utile. Utile, parce qu'aujourd'hui il y a 42 régimes qui ne sont pas lisibles, et qu'il y a beaucoup d'inégalités entre les régimes, je pense notamment aux hommes et aux femmes qui partagent leur carrière entre le secteur public et le secteur privé, ou à ceux qui souffrent de la précarité et qui ont une forme de double peine avec le système de retraite actuel. Elle est aussi ultime, parce que le système est déséquilibré, et donc c'est un travail qui est toujours ouvert. Le Premier ministre l'a dit…
CAROLINE ROUX
Ah, c'est un travail qui est toujours ouvert ?
OLIVIER DUSSOPT
Le Premier ministre l'a dit, il est ouvert…
CAROLINE ROUX
Oui, vous le redites aussi ce matin.
OLIVIER DUSSOPT
… mais les conditions doivent être remplies et il avait dit lui-même la semaine dernière qu'il faut que les conditions sanitaires et économiques soient remplies.
CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Olivier DUSSOPT d'avoir été notre invité ce matin.
OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.
CAROLINE ROUX
C'est à vous Thomas.
THOMAS SOTTO
Le projet de loi de finances 2022 présenté en Conseil des ministres ce matin, n'est ni un brouillon, ni un budget à trous, ce n'est pas non plus un budget à trous… ça je l'ai déjà dit, réponse notamment à Xavier BERTRAND qui accuse Emmanuel MACRON d'utiliser un peu trop abusivement le carnet de chèques des Français.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 septembre 2021