Texte intégral
Madame la Présidente, Chère Sophie JONVAL,
Mesdames et Messieurs, les Greffiers des tribunaux de commerce,
Chaque année, il est d'usage que le garde des Sceaux salue la qualité des relations entre le Conseil national et la Chancellerie. Je me plie bien volontiers à cette tradition pour souligner les échanges particulièrement constructifs et riches de l'année écoulée.
Vous avez choisi d'inscrire votre 132ème congrès dans deux thématiques : celle des entreprises et celle de la crise sanitaire. S'agissant de la crise sanitaire, cela me donne l'occasion de souligner la mobilisation exceptionnelle de votre profession qui a permis aux tribunaux de commerce de fonctionner correctement.
Dès le début du confinement en mars, vous avez recherché des solutions pratiques pour faire face à la situation. Vous avez travaillé avec les services du Ministère sur les textes à adapter. Vous avez su guider votre profession pendant cette période si particulière. Je pense notamment au déploiement début avril dans les 141 greffes du territoire national, d'un système de visio-conférence. Ce système, sécurisé et crypté, a permis que se tiennent des centaines d'audiences et que le service public de la justice ne soit pas interrompu. Je vous en remercie chaleureusement. J'ai d'ailleurs pu constater personnellement, à l'occasion d'un déplacement au tribunal de commerce d'Orléans début septembre, combien les greffiers des tribunaux de commerce sont mobilisés. J'ai pu voir combien les personnels du greffe sont à l'écoute des difficultés des entrepreneurs, combien ils sont soucieux de les aider, de les orienter dans les différentes procédures possibles.
Les greffiers des tribunaux de commerce ont mis en place, depuis de nombreuses années, des dispositifs innovants de détection des difficultés des entreprises et d'accompagnement des entrepreneurs en souffrance. Je pense notamment au dispositif APESA, qui est formidable, et dont je voudrais m'inspirer pour que le même soutien psychologique puisse être apporté aux agriculteurs ou aux professions libérales qui relèvent du tribunal judiciaire. Comme vous le savez, j'ai lancé le 5 octobre dernier une mission flash, confiée au Président RICHELME, qui vise à proposer des solutions rapides et concrètes pour orienter les entrepreneurs vers les dispositifs de prévention. Ces dispositifs sont efficaces, mais malheureusement trop peu utilisés. La mission proposera également des pistes pour améliorer l'accueil et l'accompagnement des entrepreneurs pendant les procédures, que celles-ci relèvent du tribunal de commerce ou du tribunal judiciaire. Le CNGTC sera représenté dans la mission par Maître OUDENOT, greffier du tribunal de commerce de Marseille. Je sais pouvoir compter sur votre profession qui a beaucoup d'idées et de ressources.
Je tiens également à saluer votre engagement pour la mise en oeuvre des outils de lutte contre le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme. La tenue du registre du commerce et des sociétés et du registre des bénéficiaires effectifs vous place aux avant-postes pour détecter les fraudes et lutter contre la circulation d'argent sale. Depuis la transposition de la 5ème directive anti-blanchiment, les greffiers des tribunaux de commerce sont tenus à une obligation de vigilance et ils doivent faire les déclarations de soupçons. Votre rôle est ainsi reconnu et votre responsabilité renforcée, conformément à vos souhaits. La lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme est une priorité du Gouvernement et je sais pouvoir compter sur votre mobilisation dans ce domaine. J'insiste sur la nécessité que chaque acteur de la chaîne soit, dans cette lutte, totalement efficace. Je pense plus précisément aux données issues du registre des bénéficiaires effectifs pour lesquelles un effort particulier vous est demandé dans des délais exigeants. Je ne suis pas inquiet, je sais que vous pouvez relever d'importants défis.
Au titre des défis relevés par votre profession, je pense également à votre implication dans le redressement de la situation des tribunaux mixtes de commerce d'outre-mer. Après avoir envisagé différentes solutions, le Gouvernement a en effet décidé de vous confier la gestion de ces greffes. Là encore, malgré la difficulté de la tâche et malgré l'éloignement géographique que cette réforme a impliqué, vous avez répondu présents avec enthousiasme, avec intelligence, et avec cette solidarité qui fait votre force. L'objectif était considérable et l'enjeu de premier ordre. Je dois dire aujourd'hui que l'objectif a été pleinement atteint et l'enjeu a été relevé avec le succès que l'on connaît. Depuis l'année dernière, six professionnels ont été nommés par la Chancellerie et occupent aujourd'hui leurs fonctions au sein des greffes des tribunaux mixtes de commerce de Guadeloupe, de Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de La Réunion. Les résultats ont déjà été constatés dès cet été. Ils constituent la meilleure preuve que le Gouvernement a eu raison de vous faire confiance et d'engager cette importante réforme.
Je sais que les exigences à votre égard s'accumulent et que s'y ajoutent des restrictions communes à l'ensemble des professions juridiques réglementées. En 2015, la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a refondu et codifié le système de régulation tarifaire des prestations, actes et diligences accomplis par les professions réglementées du droit. Depuis 2016, les révisions tarifaires ont entraîné une baisse régulière des tarifs des greffiers des tribunaux de commerce. Il faut se souvenir que la réforme avait pour objectif d'aboutir à une tarification plus juste. La loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 est venue préciser la méthode de fixation de ces tarifs. Cette nouvelle méthode apprécie les coûts pertinents et la rémunération raisonnable. Elle confirme la possibilité de fixer les tarifs à partir de la rentabilité globale des professionnels. Le décret du 28 février 2020 et les arrêtés qui en découlent ont tiré les conséquences de cette modification législative. Force est de constater que, même en tenant compte du fait que l'activité régulée constitue la quasi-totalité de l'activité des greffiers des tribunaux de commerce, le potentiel de baisse est important. Il sera mis en oeuvre de façon progressive en respectant scrupuleusement la limite de variation des tarifs de 5 % par rapport aux anciens tarifs. Je comprends évidemment votre préoccupation de préserver certains équilibres économiques sur la base desquels votre profession a engagé les investissements qui ont permis les avancées technologiques exposées aujourd'hui. Ces avancées, en effet, ont profité aux entreprises en grande partie. Aussi, je ne peux que me réjouir du dialogue constant entre les services de l'État et les instances représentatives de la profession lors de la crise sanitaire et notamment lors de la période de confinement. Afin de tenir compte de l'impact de cette situation particulière, les ministres de la Justice et de l'Économie et des Finances ont pris un arrêté conjoint ayant pour objet de reporter l'entrée en vigueur des nouveaux tarifs du 1er mai 2020 au 1er janvier 2021. Ce dialogue, je l'appelle de mes voeux, dans les nombreuses hypothèses où ces services de l'État travaillent au profit des entreprises, avec les greffiers des tribunaux de commerce.
J'en viens enfin au guichet unique des formalités et au registre général des entreprises. Le Gouvernement a décidé de confier la responsabilité de leur mise en oeuvre à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Dans les prochaines semaines, le décret d'application du guichet unique va être présenté au Conseil d'État pour permettre son ouverture au 1er janvier 2021 comme le prévoit la loi. La réussite de cette réforme ambitieuse dans les délais impartis rend indispensable une parfaite coopération avec l'INPI, notamment sur le plan technique, de tous les partenaires qui sont au service des entreprises et au premier rang desquels les greffiers des tribunaux de commerce. Je sais que sur ce sujet, encore votre profession saura se mobiliser. La richesse de vos apports, votre disponibilité, votre maîtrise des outils de communication les plus modernes et de l'outil informatique sont, en effet, particulièrement précieuses dans le contexte actuel.
Pour finir, je tiens à indiquer que vous avez récemment adressé à la Chancellerie une liste de propositions visant à améliorer le dispositif d'accès à votre profession. Ces propositions sont actuellement en cours d'analyse par mes services qui ne tarderont pas à revenir vers vous. L'accès à votre profession et à la formation de vos futurs collaborateurs est en effet un sujet important qui mérite toute notre attention. À cet égard, je tiens d'ailleurs à rappeler et à rendre hommage à la mobilisation dont vous avez fait preuve pour vous adapter aux nouvelles modalités de recrutement depuis 2017.
Comme vous le voyez, les mois à venir seront aussi denses et riches dans nos échanges. Je dois ajouter que vos nombreuses propositions sont toujours accueillies avec attention. Je vous remercie, je sais pouvoir compter sur votre engagement sans failles. Je vous souhaite à toutes et à tous un excellent congrès.
Source https://congres.cngtc.fr, le 12 octobre 2021