Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, sur le thème : « Harcèlement scolaire et cyberharcèlement. »
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M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l'éducation prioritaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à vous remercier de la qualité de vos interventions, qui étaient toutes empreintes de gravité.
Vous l'avez dit : le harcèlement est un fléau qui menace nos enfants au quotidien. Il appelle évidemment toute notre attention et, surtout, notre entière mobilisation, car il peut conduire au pire.
J'ai une pensée pour toutes ces victimes, leurs familles, leurs proches et leurs camarades de classe. J'ajoute que notre parole doit être mesurée, tout particulièrement quand il s'agit d'affaires en cours. L'une d'elles a été citée à deux reprises. L'enquête se poursuit. Rien ne permet d'accréditer quoi que ce soit à ce stade. Veillons au respect des proches de cette jeune fille, pour qui j'ai bien sûr une pensée : c'est aujourd'hui le temps du recueillement.
Aucune forme de violence ne peut être tolérée au sein de l'école et le Gouvernement est pleinement mobilisé en ce sens.
C'est donc avec solennité que je m'adresse à vous aujourd'hui. Le harcèlement et le cyberharcèlement sont des sujets prioritaires. Ils concentrent l'attention du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, Jean-Michel Blanquer, depuis 2017. D'ailleurs, ils ont déjà donné lieu à des évolutions profondes, qu'il s'agisse de la prise en charge au sein de la sphère scolaire ou des relations avec les familles.
J'y insiste : ces violences ont pris une nouvelle ampleur au cours des dernières années, notamment en raison du mauvais usage des réseaux sociaux et, plus largement, du numérique.
La cyberviolence ne peut plus être déconnectée des violences subies dans le cadre scolaire, puisqu'elle se propage très souvent par la diffusion entre pairs. Nous le savons : combiné aux réseaux sociaux et aux outils de communication de jeux vidéo, le harcèlement peut se prolonger au-delà des espaces physiques, tout au long de la journée, voire de la nuit.
Les précédents orateurs l'ont rappelé, la rentrée a aussi été le théâtre d'un nouveau hashtag, #Anti2010, qui a émergé progressivement sur des plateformes de jeux en ligne avant de contaminer certains réseaux sociaux, et qui nous a conduits à intervenir rapidement en lançant un autre hashtag : #BienvenueAux2010.
Du fait de l'accroissement exponentiel du cyberharcèlement, la lutte contre le harcèlement s'inscrit dans un contexte mondial et doit mobiliser l'ensemble de la société – j'y reviendrai.
Depuis quatre ans, notre ministère a placé la lutte contre le harcèlement scolaire en tête de ses priorités, en conduisant une politique publique volontariste et ambitieuse de lutte contre toutes les formes de harcèlement.
Cette détermination s'est traduite en actes, concrètement.
Ainsi, dès 2017, nous avons interdit les téléphones portables dans l'enceinte des collèges. Nous avons également créé un prix « Non au harcèlement » pour inviter les équipes et les élèves à débattre de ces problèmes dans les classes.
En 2018, des campagnes de prévention annuelles ont été instituées. Elles portent sur des sujets comme le revenge porn, le rôle des témoins, le harcèlement en primaire et les dynamiques de groupe positives. En parallèle, des réseaux plus structurés et professionnalisés de 335 référents harcèlement ont été constitués à l'échelle des académies.
En 2019, nous avons élaboré un plan national de dix nouvelles mesures pour amplifier l'action publique. De surcroît – cette initiative a toute son importance –, un article spécifique de la loi pour une école de la confiance a consacré le droit à une scolarité sans harcèlement. Nous avons créé un comité national d'experts associé aux travaux du ministère et des équipes d'intervention auprès des services déconcentrés, prêtes à être déployées en cas de situations complexes.
En 2020 – je le rappelle à mon tour –, nous avons organisé une conférence internationale avec l'Unesco afin de lancer la première journée mondiale « Non au harcèlement ».
En 2021, nous avons assuré le lancement du 3018, de l'association e-Enfance, pour le cyberharcèlement, en plus du 3020, destiné aux élèves, aux parents et aux professionnels. Grâce au 3018, on peut désormais faire supprimer une publication en ligne avec les commentaires qui l'accompagnent : ce faisant, on parvient à limiter sa viralité.
Le premier programme français de lutte contre le harcèlement à l'école, ou programme Phare, à destination des établissements scolaires, a quant à lui été généralisé. On m'a interrogée au sujet de sa mise en oeuvre : après une année d'expérimentation menée dans plusieurs académies et couronnée de succès, ce programme se déploie désormais sur l'ensemble du territoire. Cette année, il reste appliqué sur la base du volontariat, avant sa généralisation à la rentrée 2022.
Concrètement, chaque établissement se dote d'ambassadeurs « Non au harcèlement » parmi les élèves. Dans les établissements, les comités d'éducation à la santé, à la citoyenneté et au développement durable (CESCDD) sont mobilisés pour la prévention du harcèlement et chargés de déterminer un plan d'action. Il existe un process écrit, lequel est strictement appliqué dès lors qu'un cas est signalé.
Les écoles et établissements constituent ainsi une équipe pluricatégorielle, formée à la prise en charge spécifique du harcèlement – la question a également été posée : il y a bien une formation. De plus, des modules en ligne sont mis à disposition de tous les élèves.
Les parents sont eux aussi associés à cette démarche : on sait l'importance du lien avec la famille pour la prévention et le traitement de ce type de violences, car les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants.
Je le disais précédemment : le harcèlement, aujourd'hui, c'est aussi le cyberharcèlement. C'est la raison pour laquelle, il y a quelques jours, le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a reçu les représentants des principales plateformes des réseaux sociaux, en présence de responsables du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et du Service d'information du Gouvernement (SIG). Notre volonté est très claire et nous l'avons réaffirmée : il s'agit de mieux partager l'information, de mieux alerter et surtout de mieux contrôler.
On le voit bien, il est nécessaire d'engager une nouvelle dynamique, car nous devons nous mobiliser collectivement à la hauteur de ces nouveaux enjeux. C'est notre responsabilité commune. Bien sûr, l'éducation nationale doit agir ; mais, dès lors qu'il s'agit de cyberharcèlement, les plateformes, les parents et l'ensemble des parties prenantes ont une responsabilité.
La question de la régulation reste ouverte, et il convient de pousser plus loin tout dispositif qui permettrait de faire respecter l'âge minimal d'inscription, lequel est fixé à 13 ans. À cet égard, il faut passer de la théorie à la pratique : si cet âge était respecté par tous, le phénomène serait déjà en partie jugulé.
Notre responsabilité, c'est aussi de sensibiliser et d'accompagner. C'est la raison pour laquelle nous développons une approche partenariale avec les différents réseaux sociaux afin d'anticiper et d'endiguer les phénomènes viraux.
Mais la prévention, hélas ! ne suffit pas et l'accompagnement des victimes doit nous mobiliser toujours davantage. Ainsi, en collaboration avec toutes les parties prenantes, le ministère souhaite donner davantage de visibilité aux structures et aux initiatives permettant d'accompagner les victimes.
Certaines associations, que je connais bien, ont été citées au cours du débat, comme Marion la main tendue, fondée par Nora Fraisse, ou Les Papillons, fondée par Laurent Boyet. Je tiens à les saluer à mon tour.
Toutes ces parties prenantes doivent avoir davantage de visibilité et leurs initiatives doivent être valorisées. Le traumatisme des victimes est réel et sa réduction devient un enjeu de santé publique. Or, je le répète, la puissance publique ne peut pas tout et les associations de terrain font un travail remarquable dans ce domaine : elles sont à même de nous aider.
Aujourd'hui, plus d'un élève de sixième sur deux dispose d'un compte sur un réseau social. Il est donc nécessaire d'apprendre aux enfants à communiquer sur ces plateformes. C'est aussi la mission de l'éducation aux médias et à l'information, dès la fin de l'école primaire.
En effet, nos enfants doivent absolument avoir les clefs pour naviguer dans cet univers : la prise de conscience et le travail des élèves par eux-mêmes sont des éléments décisifs pour combattre durablement le harcèlement.
Je tiens également à témoigner personnellement de l'amélioration des pratiques sur le terrain, pour le repérage et le traitement des situations de harcèlement et de cyberharcèlement dans les écoles, les collèges et les lycées.
Chaque semaine, je parcours le territoire et je peux le constater : la prise en charge quotidienne des méfaits du harcèlement est une préoccupation commune et constante des équipes – conseillers principaux d'éducation, professeurs, assistants d'éducation (AED) –, des familles et des associations.
La sensibilisation et la formation des acteurs de l'école pour écouter, répondre, alerter et réparer doivent permettre aux enfants et aux adolescents de se sentir de nouveau en confiance.
Il n'est pas question de s'arrêter là, car beaucoup reste à faire. Chaque situation de harcèlement est une situation de trop ; mais, avec les familles, nous devons trouver les voies de l'apaisement sur ces sujets et permettre à chaque élève victime d'évoluer sereinement avec ses camarades, dans la sphère scolaire comme dans la sphère privée.
C'est un enjeu de protection de l'intégrité morale et physique de nos élèves, face à un phénomène qui, je le disais en préambule, peut avoir des répercussions terribles pour la vie des enfants victimes comme pour l'équilibre de familles.
Nous en mesurons l'importance. Nous y consacrons toute notre détermination. Je peux vous l'assurer : à la fois en tant que mère de quatre enfants et comme responsable politique, je me sens très concernée par ces sujets.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez également évoqué de possibles comparaisons avec les pays scandinaves : la Suède et la Finlande ont notamment été citées. Dans quelques jours, je me rendrai précisément en Scandinavie dans le cadre d'un voyage d'études, afin que nous puissions comparer les actions entreprises et partager les bonnes pratiques, comme certains d'entre vous l'ont suggéré.
Enfin, si la lutte contre le harcèlement reste une compétence nationale, l'Union européenne doit agir dans ce domaine. D'ailleurs, elle le fait déjà, notamment en finançant des associations, comme e-Enfance.
Vous l'avez compris, Jean-Michel Blanquer et moi-même sommes déterminés à porter ce sujet, à la faveur de la présidence française de l'Union européenne ! (Mmes Colette Mélot et Véronique Guillotin applaudissent.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Harcèlement scolaire et cyberharcèlement. »
source http://www.senat.fr, le 12 octobre 2021