Interview de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, à Public Sénat le 25 octobre 2021, notamment sur l'octroi de droits à vie pour les personnes handicapées et la scolarisation des élèves handicapés.

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Intervenant(s) : 
  • Sophie Cluzel - Secrétaire d'État chargée des personnes handicapées

Média : Public Sénat

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Notre invitée politique ce matin, c'est Sophie CLUZEL. Bonjour.

SOPHIE CLUZEL
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin, secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse quotidienne régionale, bonjour Pascal JALABERT du groupe EBRA, les journaux régionaux de l'Est de la France.

PASCAL JALABERT
Bonjour.

ORIANE MANCINI
On va bien sûr parler de vos dossiers, ils sont nombreux, Sophie CLUZEL, mais d'abord, un mot sur l'actualité, on en parlait au début de cette émission, cette marche blanche hier, dans les rues de Mulhouse, en mémoire de Dinah, cette adolescente, lycéenne de 14 ans, qui s'est suicidée, victime de harcèlement scolaire, selon ses proches. Est-ce que le gouvernement en fait assez dans la lutte contre le harcèlement scolaire ?

SOPHIE CLUZEL
Ah, c'est une des vraies priorités de l'ensemble du gouvernement, que ça soit du ministre Jean-Michel BLANQUER, de moi-même, parce que le harcèlement, je voudrais le rappeler quand même, le handicap est une des premières cause de harcèlement, donc on travaille main dans la main, c'est un fléau, c'est un fléau, ça peut détruire des vies, on le voit bien, détruire des familles, détruire des adolescents, à cet âge si fragile, donc il faut faire feu de tout bois, en s'appuyant aussi sur les associations qui font un très, très beau boulot, au sein des écoles, des collèges, des lycées. Donc oui, je pense que nous sommes tous mobilisés…

ORIANE MANCINI
Vous avez des chiffres sur cette question du harcèlement, on le voit, tous les élèves sont touchés par cette question du harcèlement, de toutes catégories, dans toutes les régions. Est-ce que, par exemple, les élèves handicapés sont plus victimes de harcèlement que les autres, est-ce que vous avez des chiffres là-dessus ?

SOPHIE CLUZEL
Non, je n'ai pas de chiffre très précis, mais la parole commence à circuler, et ça, c'est important. Il faut la libérer, cette parole, et quand vous creusez, oui, ils ont toujours été victimes de harcèlements ou de moqueries, sans aller jusqu'au harcèlement, en tout cas, de mots qui blessent énormément. Donc on travaille beaucoup là-dessus, sur les mots qui blessent, c'est un travail incessant, c'est un travail avec ces jeunes ambassadeurs qui circulent dans les écoles, dans les collèges, dans les lycées, partout, il faut en parler, il faut libérer la parole. Et puis après, c'est zéro tolérance, c'est ça qui va changer la donne.

ORIANE MANCINI
Notamment dans l'Education nationale où il faut aller plus loin ?

SOPHIE CLUZEL
Bien sûr, mais pas que, dans les centres sportifs, dans les écoles de loisirs, dans les écoles, partout, il faut pouvoir faire circuler cette parole, et en parler.

ORIANE MANCINI
Un autre mot sur l'actualité, du côté de Marseille, c'est une ville que vous connaissez bien évidemment, Sophie CLUZEL, Didier RAOULT est accusé d'avoir mené des essais cliniques sauvages contre la tuberculose, mettant en danger les patients. Le protocole qu'il a utilisé n'était pas autorisé par les autorités sanitaires, il a entraîné de graves complications chez plusieurs patients. Qu'est-ce que vous pensez de cette affaire ?

SOPHIE CLUZEL
Ecoutez, je pense que les affaires sont en cours, je ne me permettrai pas de commenter des affaires en cours. Mais il faut, là aussi, là aussi, il faut vraiment appliquer les contrôles, c'est très important, surtout, on a des recommandations de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé, il faut qu'elles s'appliquent partout, dans tous les domaines. Donc ça, je fais confiance justement à la Justice, au ministre de la Santé, pour…

ORIANE MANCINI
Didier RAOULT qui, alors pas sur cette question, bien évidemment, mais qui, depuis le début de la crise, on le voit, est soutenu par plusieurs élus, notamment du côté de la région Sud. Vous pensez quoi de ce soutien ?

SOPHIE CLUZEL
Eh bien, je pense que, voilà, il faut peut-être revoir aussi ce genre de soutien, quand on a des faits, mais, appuyons-nous sur les faits et non pas sur les rumeurs, je pense que c'est le plus important.

ORIANE MANCINI
L'Assistance publique des hôpitaux de Marseille se réserve la possibilité de saisir le Parquet de Marseille, elle doit le faire pour vous ?

SOPHIE CLUZEL
Eh bien, je pense que si elle décide de le faire, bien sûr.

ORIANE MANCINI
On va parler de vos dossiers maintenant, Sophie CLUZEL, et on va peut-être commencer par le baromètre, Pascal, c'est un baromètre sur les maisons départementales du handicap…

PASCAL JALABERT
Voilà, que nous révélons donc ce matin dans nos colonnes, et qui fait apparaître des inégalités dans le traitement des dossiers d'un département à l'autre. Alors Sophie CLUZEL, comment en est-on arrivé là et qu'allez-vous faire pour y remédier ?

SOPHIE CLUZEL
On en est arrivé-là, puisque depuis la loi de 2005, eh bien, on n'a pas imposé un système informatique, on n'a pas travaillé sur une uniformité des droits ouverts pour les personnes handicapées.

PASCAL JALABERT
Alors pour être précis, dans certains départements, en 2 mois, une personne handicapée obtient ses droits, et dans d'autres départements, il faut jusqu'à 9 mois.

SOPHIE CLUZEL
Voilà, eh bien, ça, c'est inacceptable, c'est bien pour ça qu'on a pris le taureau par les cornes, que j'ai travaillé avec l'association des départements de France depuis 2017, et que nous avons fait une grande feuille de route MDPH 2022, il faut peut-être rappeler que ce sont les présidents de départements qui gèrent ces maisons départementales des personnes handicapées, et qui sont donc en pleine responsabilité avec l'État, bien sûr, puisque nous avons des services de l'État aussi dans ces équipes. Et je pense que ce qui est important de dire, c'est que, qu'est-ce qu'il nous faut faire ? Simplifier la vie des personnes handicapées, depuis 2019, nous avons des droits à la vie, ça veut dire quoi ? Plus besoin d'aller chez le toubib tous les 3 ans pour tamponner son certificat médical, et dire : je suis toujours aveugle, doublement amputé, trisomique, c'est insupportable, depuis 2019, il y a la possibilité d'octroyer ces droits à vie. Eh bien, dans certains départements, dans certaines maisons départementales, on n'est pas au niveau de ce que l'on peut espérer, en moyenne nationale, on est entre 65 et 70% dans l'ensemble des maisons pour cet octroi de droits à vie. Et puis, il y a de gros départements qui n'y sont pas, ou même des petits, je prends Paris par exemple, 58% seulement de droits à vie, mais pourquoi, bon sang de bois, depuis 2019, on n'a pas massivement pris ce problème à bras-le-corps, et les octroyer, c'est du gagnant-gagnant, les équipes renouvellent de la même façon, on perd du temps, c'est indigne pour les personnes de devoir toujours reprouver leur handicap. Et puis, vous avez même…

ORIANE MANCINI
Vous nous dites que c'est la faute des départements, des présidents de départements, des élus ?

SOPHIE CLUZEL
C'est la faute de process d'organisation qui ne sont pas mis en place, je pense qu'il faut vraiment s'emparer de ce problème, et moi, je fais un appel à tous les départements, vous êtes chef de file des politiques de solidarité, il faut y aller à fond, c'est du gagnant, un service public doit être équitable sur l'ensemble du territoire, ça marche dans des grands départements, dans le Nord, on y est à plus de 80% ; donc ce n'est pas un problème de taille, c'est un problème d'implication du chef de file des départements et d'y aller à fond. Et je serai tout à l'heure donc dans la Somme avec le président HAUSSOULIER, qui a été nommé responsable du handicap au sein du nouvel exécutif de l'Association des départements de France, j'ai reçu le président SAUVADET, il est aligné exactement là-dessus, il faut y aller à fond, mais l'État n'est pas que incantatoire, je rappelle qu'on a remis 25 millions sur la table justement pour accompagner les MDPH qui n'étaient pas au niveau de l'informatique. Donc maintenant qu'on a mis cet argent, qu'on a cette feuille de route, il faut y aller à fond, et je serai vraiment intraitable sur le prochain baromètre à la fin de cette année, il faut qu'on sait qu'on soit tous au même niveau.

ORIANE MANCINI
Intraitable, ça veut dire quoi ?

SOPHIE CLUZEL
Ça veut dire qu'il va falloir challenger chaque département, c'est ce que je fais, je tourne partout en France, j'étais en Dordogne, j'étais dans la Creuse, j'étais dans l'Aveyron pas plus tard que la semaine dernière, maintenant, si vous avez des gros problèmes informatiques, la CNSA, la Caisse nationale de solidarité et de l'autonomie, est à vos côtés, mais il nous faut des résultats.

ORIANE MANCINI
Et qu'est-ce que vous pouvez faire, est-ce que par exemple, s'il n'y a toujours pas de résultat sur le prochain baromètre, vous êtes en mesure de faire quoi, des sanctions, des sanctions financières ?

SOPHIE CLUZEL
Non, mais il n'y aura pas d'appui financier comme on le fait justement…

ORIANE MANCINI
Donc des sanctions financières, il n'y aura pas d'aide…

SOPHIE CLUZEL
C'est-à-dire que c'est l'inverse, voilà, c'est l'inverse. Aujourd'hui, on vient aux côtés, j'ai re-signé avec le président TROUSSEL, en Seine-Saint-Denis, un million d'appui, 17 personnes qui ont été embauchées pour venir en appui, il faut qu'on ait les résultats.

PASCAL JALABERT
Autre dossier qui vous tient à cœur, et puis, surtout, qui est important dans le ministère, c'est la scolarisation, il semblerait qu'à la sortie du Covid, on manque d'accompagnants, on manque de main-d'œuvre pour aider les enfants handicapés à aller à l'école.

SOPHIE CLUZEL
Alors, là aussi, sur ce dossier, depuis 2017, on a 20% de plus d'élèves handicapés scolarisés, on a un vrai chemin vers l'école, de façon naturelle maintenant pour les enfants, un peu plus de la moitié des enfants ont besoin d'être accompagnés, je dis bien, un peu plus de la moitié, d'autres ont besoin de matériels pédagogiques, d'adaptation d'emploi du temps, pour ceux qui ont besoin d'être accompagnés, 35% de plus d'augmentation d'effectifs depuis 2017, on est passé de 70.000 accompagnants d'élèves en situation de handicap à plus de 125.000 aujourd'hui, ils sont tous en contrat Education nationale, rappelons-nous en 2017, 60% d'entre eux étaient en contrat aidé 10 mois, au bout de 10 mois, ils n'étaient plus là, ils re-pointaient au chômage, c'est fini ça. Ils sont tous en contrat Education nationale, et on embauche encore 4.000 accompagnants à la rentrée scolaire. Donc c'est vrai qu'il y a une demande forte, mais, moi, je dis que la solution, c'est dans plusieurs leviers, les accompagnants bien formés aux côtés de l'élève si ça a été notifié par les maisons du handicap, mais surtout, la coopération médico-sociale, il faut qu'on nous massivement la porte des écoles aux psychomotriciens, aux orthophonistes, pour que tout se passe dans l'école, c'est ce qu'on a fait sur les classes autistes, sur les classes autistes, on a près de 300 classes maternelles autistes, tout se passe dans l'école, les enfants sont à temps plein, les parents retravaillent, et cette coopération avec le regard des spécialistes et des enseignants et des accompagnants, c'est comme ça qu'on y arrivera tous ensemble, et formation initiale des enseignants enfin obligatoire…

ORIANE MANCINI
Alors, du coup, quand on vous écoute, on a l'impression que les choses vont plutôt bien….

SOPHIE CLUZEL
Elles vont beaucoup mieux…

ORIANE MANCINI
Ils se sont mobilisés, ces accompagnants d'élèves en situation de handicap, vous les avez évidemment entendus dans la rue, plusieurs choses, d'abord, ils se plaignent d'un manque de reconnaissance, ils ont l'impression de ne pas être assez reconnus par l'État.

SOPHIE CLUZEL
Je pense qu'ils sont entièrement reconnus, ils font un métier extraordinaire, et ce sont des gens formidables, je connais bien ce dossier, depuis des années et des années, je pense que leur statut a changé, le ministre de l'Education nationale l'a mis vraiment dans le dialogue social, ils font partie de la communauté éducative, ce qui n'était pas le cas, après, j'entends qu'il y a parfois des problèmes de précarité financière. Ça, c'est indéniable…

ORIANE MANCINI
J'allais y venir, deuxième chose, alors…

SOPHIE CLUZEL
Mais je ne nie pas le problème…

ORIANE MANCINI
Ils disent quand ils sont en contrat à temps plein, j'allais dire, qu'ils touchent à peine le Smic, et beaucoup n'ont pas leurs heures, n'ont pas 32h, voire 35h, et donc ils sont à 700, 800 euros par mois, est-ce que vous les entendez ?

SOPHIE CLUZEL
Exactement, mais bien sûr qu'on les entend, c'est pour ça qu'on est en train d'essayer de changer les choses, il y a à peu près 10% déjà qui sont en CDI, puisque, je vous rappelle, on fait 3 ans, puis, 3 ans, et CDI. Certains sont déjà à temps plein, 30, 35 heures, quand il y a justement une possibilité au collège et au lycée d'avoir ce nombre d'heures, parce que, en en élémentaire, on n'a que 24 heures de temps école, pour autant, certains, même en école élémentaire, peuvent être AESH, accompagnants ressources, donc, voilà, on essaie de travailler là-dessus pour améliorer leur temps, on travaille aussi beaucoup avec les collectivités locales, parce que, quand on est enfant handicapé, parfois, on a besoin d'être accompagné aussi à la cantine, au centre de loisirs, pour aller faire du sport ou accéder à la culture ; donc on a la possibilité d'offrir un temps complet ; c'est les métiers de demain, ces accompagnants, ils font un travail formidable, et je tiens vraiment à les saluer, parce que c'est un métier que j'ai porté depuis très longtemps, il est parfois indispensable, mais ce n'est pas un préalable à la scolarisation, je tiens à le dire aussi.

ORIANE MANCINI
L'autre chose, c'est qu'il y a une réforme qui a été mise en place, qui met en place des pôles inclusifs, c'est-à-dire qu'il y a une mutualisation de ces accompagnants, et ils disent : mais nous, du coup, on se retrouve à s'occuper de 5, 6, 7 élèves en même temps, ce n'est pas possible pour nous…

SOPHIE CLUZEL
Ce n'est pas une mutualisation des enseignants, le pôle d'inclusion d'accompagnants localisés, c'est le fait d'avoir des pôles au collège, en lycée, en école, au plus près des territoires, ça, je tiens vraiment à le dire…

ORIANE MANCINI
Et là, on se retrouve à gérer plusieurs élèves en même temps. Est-ce que vous entendez que c'est compliqué ?

SOPHIE CLUZEL
Mais il y a déjà, il y a toujours eu des élèves, des accompagnants auprès de plusieurs élèves, ça dépend du besoin, il y a deux façons d'accompagner, soit c'est soutenu et continu, parce que l'enfant est extrêmement… a besoin de cet accompagnant, soit, il a besoin sur des temps, et on organise le temps de travail. Après, on entend les difficultés, je ne le nie pas, il faut qu'on améliore la formation conjointe avec les enseignants, les accompagnants, le médico-social, mais on y travaille, et en tout cas, le ministre de l'Education nationale l'a vraiment inscrite dans sa feuille de route prioritaire, il a travaillé sur une grille indiciaire pour améliorer leurs conditions de rémunération, la formation des 60 heures, et en augmentant encore la formation.

ORIANE MANCINI
Et dernier mot là-dessus, est-ce qu'il n'y a pas un problème dans le système, vous le dites, ce sont les maisons départementales qui accordent ces heures et qui définissent les besoins de l'enfant, et vous nous l'avez dit, ils sont en contrat Education nationale, ça veut dire que c'est l'Education nationale qui les finance. Est-ce que, là, il n'y a pas un problème ?

SOPHIE CLUZEL
Mais justement, la loi l'a faite au sein de la maison départementale des personnes handicapées, pour qu'il y ait une objectivation du besoin, et que ça ne soit pas lié aux moyens, donc au contraire, mais par contre, là où il faut qu'on travaille mieux, c'est sur cette coopération, je le redis haut et fort, il faut que les portes de l'école s'ouvrent aux professionnels, et que tout se passe dans l'enceinte de l'école, pour que les parents puissent retravailler, c'est notre objectif.

ORIANE MANCINI
Un mot un peu plus largement, on a beaucoup entendu parler du Ségur de la santé, qui a revalorisé effectivement les soignants, est-ce que les personnes qui travaillent auprès des personnes handicapées n'ont pas été un peu oubliées des mesures du gouvernement ?

SOPHIE CLUZEL
Elles n'ont pas été oubliées, la preuve en est, c'est que, justement, nous remettons près de 400 millions pour ces personnels du médico-social, dans les établissements, qui accueillent des personnes handicapées enfants ou adultes, à partir du 1er janvier 2022, les 183 euros nets seront généralisés à l'ensemble des personnels. En revanche, je ne nie pas les problèmes de recrutement aujourd'hui…

PASCAL JALABERT
Voilà, la pénurie, comment la gérez-vous ?

SOPHIE CLUZEL
La pénurie, mais elle est partout, elle est généralisée, la pénurie, dans certains territoires, ça va, j'étais dans l'Aveyron vendredi, il n'y a pas trop de problèmes de pénurie, dans d'autres, il y a énormément de tensions dans ce métier, alors bien sûr qu'il y a une part, comme vous l'avez dit très justement, sur la prime Ségur, mais qui va arriver, et je tiens vraiment à dire qu'il y a des associations qui l'ont déjà versée, parce que pendant la crise, eh bien, la trésorerie a été intacte auprès de ces associations, puisque l'État était à leur côté, pour l'ensemble, ça va être généralisé au 1er janvier, mais au-delà de ça, il nous faut réfléchir sur l'attractivité de ces métiers, il faut qu'on travaille sur les passerelles possibles, sur les formations, sur la reconnaissance de ces métiers, sur leur capacité justement à pouvoir évoluer d'un monde à l'autre, entre le domicile, les établissements, c'est un vrai sujet majeur de demain et d'aujourd'hui, mais surtout de demain, comment attirer les jeunes sur ce métier, comment former tout au long de la vie pour pouvoir faire traverser justement les différents murs que peuvent être l'école, je vous rappelle qu'il y a un diplôme d'État d'accompagnant Education et social, ça peut être fait à l'école, au domicile, à l'établissement, c'est un enjeu majeur. Et je suis tous les jours avec les associations justement pour palier à ces difficultés, parce qu'il en va vraiment de l'accueil digne et respectueux des personnes en situation de handicap.

PASCAL JALABERT
Oui, dans les autres dossiers qui ont pas mal fâché, c'est cette fameuse déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé, en gros, c'est calculé sur le couple et non plus sur la personne, que répondez-vous aux associations qui, là-dessus, ont…

SOPHIE CLUZEL
Alors, ce n'est pas non plus c'est "pas…"

PASCAL JALABERT
C'est n'ont pas pour le moment…

SOPHIE CLUZEL
Parce que, enfin, on hérite d'une situation qui existe depuis 1987 et 75, la création de l'allocation adulte handicapé, qui est un minima, comme tous les minima, et son calcul est bien sûr à partir des revenus du conjoint, comme tous les minima. Donc, c'est ce que j'ai redit devant les associations…

ORIANE MANCINI
Et devant le Sénat, puisque le Sénat a voté en faveur de cette déconjugalisation…

SOPHIE CLUZEL
Oui, oui, c'est vrai, bien sûr. Alors qu'en 2018, ils votaient contre, je tiens à rappeler qu'ils ont voté contre toute déconjugalisation jusqu'en 2018. Et brusquement, ils votent pour. Il faudra m'expliquer la logique et la colonne vertébrale…

ORIANE MANCINI
Vous dites quoi, qu'il y a de la politique derrière tout ça ?

SOPHIE CLUZEL
Mais évidemment, de la part du Sénat évidemment, et de la part aussi de l'Assemblée nationale et d'Aurélien PRADIE également, puisque c'est passé à l'Assemblée nationale, d'ailleurs, je rappelle que dans le Lot, on n'est qu'à 30% d'octroi des droits à vie. Donc il ferait mieux de s'occuper de son territoire plutôt que de donner des leçons à tout le monde, donc ça, c'est la parenthèse…

ORIANE MANCINI
Le département d'Aurélien PRADIE.

SOPHIE CLUZEL
Exactement. Pour autant…

PASCAL JALABERT
Enfin, ce n'est pas lui qui gère, il n'est pas dans la majorité.

SOPHIE CLUZEL
Non, mais qu'il aille voir, qu'il aille challenger son président de département. Pour autant, pour revenir ça, ce que je dis, moi, c'est qu'il nous faut, et c'est ce que les associations vont porter, puisque le Conseil national consultatif des personnes handicapées ouvre les Assises sur les ressources des personnes handicapées, parce qu'il faut voir ça dans sa globalité, la fiscalité, les ressources, et donc nous allons travailler ensemble pour voir l'ensemble de la situation. Ouvrons aussi le débat sur les autres minima sociaux, sur le RSA, sur l'APA, sur l'allocation pour la perte d'autonomie, qui sont calculés de la même façon, donc, oui, c'est un vrai sujet de société : que veut-on faire à travers notre 5ème branche de l'autonomie à venir, des ressources des personnes et de la compensation, parce que la compensation du handicap, c'est la prestation de compensation du handicap qui, elle, est individualisée.

ORIANE MANCINI
Mais ça veut dire, parce que c'était votre argument devant le Sénat, que si on le fait pour l'allocation adulte handicapé, il faut le faire pour le RSA, pour l'APA, et que donc, ça va coûter des milliards à l'État, pour vous…

SOPHIE CLUZEL
Non, pas des milliards, posons le débat, posons le débat…

ORIANE MANCINI
On ne peut pas le faire uniquement pour cette allocation adulte handicapé ?

SOPHIE CLUZEL
Eh bien, est-ce que ce sont des citoyens à part ou des citoyens à part entière ?

ORIANE MANCINI
Non, mais vous les entendez ces associations, vous les avez vues, comme nous, on est allé faire des reportages, il y a des gens qui sont obligés de divorcer pour se remettre à toucher l'allocation…

SOPHIE CLUZEL
Je dis à ces gens-là, est-ce que vous avez bien la prestation de compensation du handicap qui, elle, est individualisée, et chaque fois que j'ai un peu creusé, non, donc le recours, il est là, le droit, il est dans la compensation individuelle, et après, de fait, mais qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai réagi immédiatement, puisque dans le projet de loi de finances, est porté un abattement à 5.000 euros pour remonter justement la capacité quand on est dans un couple de continuer à toucher son allocation adulte handicapé, bien sûr que je les entends, et bien sûr que je travaille avec les associations.

ORIANE MANCINI
Un mot, puisqu'on parle d'allocations, alors, pas de l'allocation adulte handicapé, mais hier, Eric ZEMMOUR, il a proposé de réserver les allocations, le RSA, l'allocation logement, les allocations sociales aux Français uniquement, il dit que la solidarité nationale doit s'appliquer à la nation, et que les allocations sociales ne doivent pas être accordées aux étrangers, même en situation régulière. Qu'est-ce que vous en avez pensé ?

SOPHIE CLUZEL
Moi, je pense qu'on a vraiment à s'en enorgueillir de la façon dont on traite les personnes, les personnes les plus vénérables, les personnes handicapées notamment, et que quand il y a une urgence, on est toujours là, la France est toujours là, aux côtés de ceux qui en ont le plus besoin, et que quand, tout de toute façon, il y a une régularisation automatique qui se fait, on ouvre des droits, une personne handicapée arrive sur notre territoire, eh bien, tout de suite, on est là, à côté d'elle, on ouvre ses droits. Et après, bien sûr, il y a la régularisation du fait de sa situation. Donc je pense qu'il faut arrêter ce débat, c'est un faux débat ce que met ce candidat, je ne sais pas si on peut l'appeler candidat, ce polémiste sur la table. Regardons plutôt qu'est-ce qu'on veut faire pour accompagner les personnes à trouver du travail, les accompagner à trouver un logement, les accompagner dignement, une fois qu'on a accueilli les personnes, à être vraiment complètement intégrées dans notre société, en respectant leurs différences, en tout cas, c'est le projet de société que je porte, moi, c'est s'enrichir de la différence, faire en sorte que ces différences soient acceptées et qu'on travaille tous ensemble…

ORIANE MANCINI
Et sur Eric ZEMMOUR, il va trop loin, il va plus loin que Marine LE PEN qui, elle, propose de réserver les allocations aux étrangers qui justifient de 5 ans de travail à temps complet sur le territoire, lui, il va plus loin, il dit qu'aucun étranger ne doit les percevoir.

SOPHIE CLUZEL
C'est son droit, il peut dire ce qu'il veut.

ORIANE MANCINI
Il va trop loin pour vous ?

SOPHIE CLUZEL
Mais je pense qu'il dit ce qu'il veut, comment le travailler après avec ces étrangers qui apportent justement leur pierre à l'édifice pour beaucoup d'entre eux, je pense qu'il faut qu'on regarde ça de façon un peu différente.

ORIANE MANCINI
Un dernier mot sur vos dossiers, avant une question politique de Pascal, selon l'IFOP, il y un handicapé sur deux qui est embauché en entreprise et qui se dit victime de discrimination, on en parlait sur la question du harcèlement scolaire en début d'émission, dans les entreprises, c'est un petit peu la même chose, est-ce que pour vous, il faut durcir les quotas de personnes handicapées en entreprise ?

SOPHIE CLUZEL
Ça ne sert à rien de durcir les quotas, les quotas, ils existent depuis 1987, à 6%, on est à 3,8% en moyenne dans le privé, de 6%... il faut surtout accompagner les entreprises qui me disent : nous, on voudrait bien, on ne trouve pas, dans du sourcing, c'est pour ça qu'on fait le DuoDay encore une fois, 4ème édition le 18 novembre, je fais un appel à tous, le DuoDay, c'est… une personne justement travaille avec une personne handicapée, ça marche, parce que ça permet de faire… 10% des duos de l'année dernière étaient en sourcing, c'est-à-dire, ont été embauchés derrière, il faut passer de l'obligation à l'envie, il faut simplifier la politique, on a trop longtemps été dans une politique de spécialistes, là, il faut être dans le droit commun, c'est pour ça qu'avec la ministre du travail, on a rapproché Pôle emploi et Cap emploi, une seule porte d'entrée pour les entreprises, une seule porte d'entrée pour les personnes, et celles qui ont besoin d'être accompagnées, on a l'emploi accompagné, on a parlé de l'école accompagnée, on fait maintenant l'emploi accompagné, le job coaching, pour les handicaps psychiques, des déficiences cognitives, celles qui sont difficiles, je rappelle que 80% des handicaps sont invisibles. Donc il faut accompagner beaucoup plus, et ça fonctionne ; la baisse du chômage pour les personnes handicapées est une réalité en ce moment, ça prouve bien que tout ce qu'on a mis en place, depuis 2017, d'accompagnement, et, permettez-moi juste de rappeler l'aide à l'emploi, 4.000 euros d'aide à l'emploi pour tout CDD de plus de 3 mois et CDI, 20.000 contrats signés déjà, 70% en CDI. Donc on voit bien, aussi, que quand on a une incitation financière, ça fonctionne.

ORIANE MANCINI
Une dernière question politique de Pascal.

PASCAL JALABERT
Oui, donc vous appartenez à une majorité, autant 2017, on voyait bien comment le mouvement était impulsé derrière Emmanuel MACRON, avec les Marcheurs, autant là, c'est un peu flou, il y a le MoDem, il y a Edouard PHILIPPE, il y a les Marcheurs, il y a Territoires de progrès, une branche gauche, une branche droite, comment vous voyez cela, vous, pour relancer une campagne ?

SOPHIE CLUZEL
Eh bien, je pense que c'est bien, ça prouve qu'il y a une pluralité de courants qui vont se rassembler derrière le président.

PASCAL JALABERT
Il faut faire une maison commune avec tout ce monde ?

SOPHIE CLUZEL
Eh bien, c'est ce qu'on a déjà fait depuis 2017, une maison commune, et c'est une réalité sur les territoires, quand, pendant les élections régionales, moi, je l'ai bien vu, que cette maison commune, c'est une réalité avec le groupe MoDem, Agir, Territoires de progrès, En Marche ; elle existe déjà, il faut la fédérer de façon un peu plus large, et puis, voilà, il faut être derrière, j'espère le président, s'il se présente…

ORIANE MANCINI
Il faut qu'il se déclare rapidement ?

SOPHIE CLUZEL
En tout cas, moi, mon parti, c'est le président de toute façon, et je serai derrière lui à fond comme depuis 2017.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup. Merci Sophie CLUZEL d'avoir été notre invitée ce matin.

SOPHIE CLUZEL
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 octobre 2021