Interview de Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, à France 2 le 3 novembre 2021, sur le contrat d'engagement jeunes, dispositif devenant pérenne, et la situation précaire des étudiants.

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Média : France 2

Texte intégral

JULIA VIGNALI
C'est l'heure des « 4V ». Thomas, vous recevez la ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion, Elisabeth BORNE.

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue à vous, Elisabeth BORNE.

ELISABETH BORNE
Bonjour.

THOMAS SOTTO
Le Contrat d'engagement jeunes vient donc d'être présenté. On va essayer de ne pas être trop technique, s'il vous plaît. Très simplement, ça consiste en quoi ce contrat ?

ELISABETH BORNE
Alors, c'est un nouvel accompagnement vers l'emploi, qui s'adresse à tous les jeunes de moins de 26 ans, qui malgré la reprise économique, ne parviennent pas tout seuls à trouver un emploi, soit parce qu'ils ont décroché dans leur scolarité ou dans leurs études, soit parce qu'ils ont été orientés dans une voie qui ne leur correspond pas, soit parce que par exemple ils n'ont pas les codes pour passer un entretien d'embauche.

THOMAS SOTTO
En fait c'est une extension de la Garantie Jeunes qui existait déjà depuis 2017, non ? C'est un changement de nom.

ELISABETH BORNE
Alors, on s'inspire de ce qui marche bien, et notamment la Garantie jeunes, qui propose un programme intensif sur les premières semaines. Mais ce que l'on veut, c'est garder cette intensité tout au long du parcours, et puis être capable de proposer aux jeunes des découvertes des métiers, par exemple avec des immersions en entreprise. Si un jeune trouve un métier qui lui plaît et qu'il doit se former, il peut ne pas être complètement prêt à rentrer en apprentissage, donc on va lui proposer une préparation pour rentrer en apprentissage, on va l'accompagner…

THOMAS SOTTO
C'est un suivi plus approfondi en fait.

ELISABETH BORNE
C'est un suivi beaucoup plus dynamique, de bout en bout, par un conseiller qui va suivre le jeune tout au long de son parcours, avec l'objectif de l'aider à trouver le plus vite possible un emploi.

THOMAS SOTTO
Alors, ce dispositif Contrat d'engagement jeunes, il était prévu, annoncé au début pour un million de jeunes, hier le Premier ministre Jean CASTEX a été nettement moins ambitieux, fixant un objectif à 400 000 jeunes. Mais, les 600 000 autres alors, qu'est-ce qui se passe, ils n'ont plus de problèmes ?

ELISABETH BORNE
Non, je crois qu'il y a beaucoup de chiffres qui ont circulé. On sait qu'il y a à peu près un million de jeunes, à un instant donné, qui ne sont ni en emploi ni en formation, mais parmi ces jeunes il y a à peu près la moitié, donc 500 000 jeunes, qui le sont durablement. Et ce qu'on veut, c'est s'occuper de ces jeunes qui ont besoin d'être soutenus, d'être accompagnés, donc ce sera de 400 à 500 jeunes.

THOMAS SOTTO
Vous n'avez pas revu à la baisse un peu vos ambitions, quand même ?

ELISABETH BORNE
En fait, on tient compte aussi de la reprise économique. Vous savez, aujourd'hui il y a beaucoup de postes à pourvoir, et donc on doit continuer à s'occuper des jeunes qui sont plus loin de l'emploi, qui ont besoin d'un accompagnement intensif pour trouver un emploi.

THOMAS SOTTO
Alors, il y a quand même un peu de prestidigitation avec les chiffres, parce qu'il y a 200 000 Garantie jeunes, il ne faut pas se mélanger dans les dispositifs qui existent déjà, qui vont changer de nom pour devenir des Contrats jeunes, donc ça fait 200 000, déjà la moitié de ce qui a été annoncé par Jean CASTEX. Et puis il y en a 100 000 qui bénéficient de ce qu'on appelle l'accompagnement intensif des jeunes. Au final, tout ce dispositif qu'Emmanuel MACRON a annoncé hier, c'est pour 100 000 nouveaux entrants, c'est ça ?

ELISABETH BORNE
Ecoutez, enfin, on ne va pas polémiquer sur les chiffres. Ce nouvel accompagnement…

THOMAS SOTTO
Pas polémique, c'est juste pour connaître les faits.

ELISABETH BORNE
Ce nouvel accompagnement, il n'existe pas aujourd'hui. Et je vous dis, ce qu'on veut, et c'est un dispositif ouvert, c'est-à-dire que s'il y a des jeunes qui sont dans cette situation, c'est-à-dire qui n'arrivent pas à trouver tout seul un emploi, on leur proposera cet accompagnement.

THOMAS SOTTO
Et donc ça va concerner 100 000 nouveaux jeunes.

ELISABETH BORNE
Enfin, ça n'est pas le même accompagnement, je le dis clairement. Aujourd'hui il y a effectivement une Garantie jeunes avec une phase intensive au départ, nous on veut vraiment garder une intensité tout au long du parcours, permettre au jeune de découvrir des métiers, de se former, s'il en a besoin, de pouvoir avoir aussi une aide pour rattraper les connaissances de base qu'il n'a peut-être pas, d'avoir aussi une aide…

THOMAS SOTTO
Donc là, on en est à un système plus approfondi que ce qui existait déjà, on met tout le monde dans le pot commun et on en fait entrer 100 000.

ELISABETH BORNE
Voilà, oui, c'est un nouveau système qui sera aussi proposé par Pôle emploi, par les Missions locales, par les associations qui accompagnent les jeunes les plus éloignés de l'emploi, et vraiment, notre objectif c'est de ne laisser personne sur le bord de la route, alors que l'économie repart et qu'il y a beaucoup d'emplois à pourvoir.

THOMAS SOTTO
Alors, vous entendez, Elisabeth BORNE, les critiques de l'opposition sur ce dispositif. A droite on crie à l'assistanat, et à gauche on dit que vous n'allez pas assez loin. Ecoutez ce qu'en disait Xavier BERTRAND ici même hier matin.

XAVIER BERTRAND, CANDIDAT LR A LA PRESIDENTIELLE
Qu'on arrête de nous prendre pour des imbéciles. On a un président qui ne se soucie pas du long terme, qui ne se soucie pas de remettre tout sur le travail.

THOMAS SOTTO
C'est une mesure électoraliste, ce Revenu jeunes ?

XAVIER BERTRAND
Mais bien sûr ! Il fait campagne avec le chéquier de la France tous les jours, et ça c'est insupportable.

THOMAS SOTTO
Il parle d'une mesure qui n'est valable que pour 2022, déjà. Alors, ça commence en mars, on est d'accord, on va prendre les choses dans l'ordre.

ELISABETH BORNE
Ça va monter progressivement en puissance à partir du début de l'année, ce sera effectivement opérationnel au mois de mars. Je ne sais pas ce qui permet de dire avec Xavier BERTRAND que ça ne vaut que pour 2022.

THOMAS SOTTO
Ça sera pérenne ?

ELISABETH BORNE
On proposera un amendement dans le projet de loi de finances aujourd'hui, qui crée ce nouveau dispositif, qui a vocation à durer.

THOMAS SOTTO
Donc c'est un dispositif qui sera pérenne.

ELISABETH BORNE
Franchement, moi je vais vous dire…

THOMAS SOTTO
Non mais juste…

ELISABETH BORNE
C'est un dispositif pérenne, il n'y a pas de doute. C'est un dispositif pérenne, qui finalement, enfin, tire toutes les leçons de ce qu'on a fait depuis un an avec le Plan un jeune une solution. Vous savez, Xavier BERTRAND, il n'a pas vraiment de leçons à nous donner, je peux lui rappeler qu'il a été ministre du Travail après la crise de 2008/2009, le chômage des jeunes avait explosé de 30 %. Donc nous, nous avons ramené le chômage à ce qu'il était avant la crise, et nous voulons proposer un accompagnement pour qu'aucun jeune ne reste sur le bord du chemin. Donc je pense qu'au moins c'est clair pour les jeunes. Avec Emmanuel MACRON, tous les jeunes ont droit à un accompagnement vers l'emploi, et Xavier BERTRAND il ne propose rien.

THOMAS SOTTO
Comment ça va se mettre en place tout ça ? Il y a une concertation qui est prévue avec les partenaires sociaux ? Comment ça se passe ?

ELISABETH BORNE
Ça fait des mois qu'on travaille avec les associations qui accompagnent les jeunes, avec les Missions locales, évidemment avec Pôle emploi. On a aussi parlé avec les partenaires sociaux, et donc on va maintenant finaliser le dispositif pour qu'il soit le plus efficace possible.

THOMAS SOTTO
Et là vous allez mettre tout le monde autour de la table, les syndicats, le patronat ?

ELISABETH BORNE
Oui, bien sûr, je réunirai dès lundi…

THOMAS SOTTO
Dès lundi.

ELISABETH BORNE
… l'ensemble des acteurs qui sont concernés par ce dispositif, avec lesquels on travaille depuis des mois, pour qu'on trouve la meilleure réponse à apporter aux jeunes. Vous savez, on est à un moment où finalement il y a beaucoup d'emplois à pourvoir, et on a encore des jeunes qui ne trouvent pas d'emploi. Donc c'est gagnant-gagnant. Pour les jeunes, ce dispositif, ce nouvel accompagnement, ce Contrat d'engagement jeunes, il va leur permettre d'accéder à un emploi, et pour les entreprises c'est aussi trouver les salariés, les apprentis, dont ils ont besoin.

THOMAS SOTTO
On ne parlera pas de petits jobs, c'est de l'insertion professionnelle durable, ou tout fera l'affaire ?

ELISABETH BORNE
C'est vraiment l'objectif d'amener les jeunes…

THOMAS SOTTO
Un vrai métier.

ELISABETH BORNE
… vers un emploi durable.

THOMAS SOTTO
Un vrai métier. Je ne sais pas si vous avez vu la une de L'Humanité ce matin : « Les étudiants ont faim », ces étudiants qu'on a vu faire la queue dans les banques alimentaires pendant la crise du Covid, qui n'arrivent pas à payer leurs études, eux ne sont pas éligibles à ce dispositif. Pourquoi ne pas l'avoir élargi ?

ELISABETH BORNE
Alors, ce dispositif il s'adresse à des jeunes qui sont en recherche d'emploi. Les jeunes, on est très attentif, les étudiants, à leur situation, c'est pour ça qu'on avait mis en place par exemple le repas à 1 €. Ils peuvent bénéficier de bourses. Sur le site « Un jeune, une solution », on propose aussi des jobs étudiants, moins de 15 heures par semaine, ils sont compatibles avec les études…

THOMAS SOTTO
Ça ne suffit pas, visiblement, pour beaucoup d'entre eux, on l'a vu.

ELISABETH BORNE
… donc on est aussi très attentifs à la situation des étudiants.

THOMAS SOTTO
En tout cas, ça ne plaide pas pour un revenu universel, la situation des étudiants ?

ELISABETH BORNE
Ah, moi je vous dis, on n'a pas les mêmes besoins quand on est étudiant ou quand on cherche un emploi, qu'on n'a éventuellement pas de projet…

THOMAS SOTTO
Tout le monde a besoin de manger.

ELISABETH BORNE
… pas de projet professionnel, qu'il faut être accompagné. Enfin, moi je vous assure, vraiment, l'essentiel, le plus important, et moi les jeunes que je croise, ils ne nous demandent pas une allocation, ils nous demandent un accompagnement pour trouver un emploi durable et gagner leur autonomie.

THOMAS SOTTO
Et à propos de route vers l'emploi, où en est-on de l'apprentissage Elisabeth BORNE ?

ELISABETH BORNE
Eh bien écoutez, l'apprentissage ça cartonne. Vous savez qu'on avait moins de 300 000 apprentis au début du quinquennat, on avait battu tous les records avec plus de 525 000 apprentis en 2020, aujourd'hui, alors que la rentrée de l'apprentissage n'est pas terminée, on est déjà à plus de 500 000 apprentis, donc je pense qu'on va battre notre record de 2020.

THOMAS SOTTO
Donc il y aura plus de 525 000 apprentis à la fin de…

ELISABETH BORNE
Je pense qu'on est bien parti pour ça, oui.

THOMAS SOTTO
Donc ça c'est une réussite.

ELISABETH BORNE
C'est une très bonne nouvelle, parce que c'est une excellente voie pour trouver un emploi.

THOMAS SOTTO
On aimerait ne pas avoir à vous en reparler, mais le nombre de contaminations de Covid repart, ça recommence à grimper régulièrement dans le pays, on a vu l'inquiétude en Allemagne, on a vu l'inquiétude en Chine, tout à l'heure l'inquiétude aux Pays-Bas. Est-ce qu'il faut se préparer à un nouveau coup de vis, à un nouveau durcissement des règles sanitaires dans les entreprises ? Est-ce que vous y travaillez ?

ELISABETH BORNE
Alors, ça n'est pas d'actualité. Vous savez qu'on a toujours un protocole sanitaire en entreprise qui est très protecteur. Moi je note qu'il y a un peu de relâchement, donc je le dis à tout le monde : continuez à porter le masque. Je rappelle que quand on est à plusieurs dans un espace de travail, il faut porter de masque, respecter les gestes barrières, et puis bien sûr, pour ceux qui en ont besoin, à faire la 3e dose, le rappel de vaccination.

THOMAS SOTTO
Mais il n'y a pas de retour au télétravail qui est prévu ?

ELISABETH BORNE
Ça n'est pas d'actualité.

THOMAS SOTTO
Ce n'est pas d'actualité. A partir de 09h22 tout à l'heure, nous sommes le 3 novembre, les femmes travailleront gratuitement. Vous, par rapport à Bruno LE MAIRE, vous travaillerez gratuitement, puisque les femmes sont moins bien payées que les hommes en France ; ça n'est pas complètement vrai pour les ministres, parce que c'est un barème, mais c'est pour l'image. J'imagine que vous allez trouver ça moche comme tout le monde, mais jusqu'à quand, qu'est-ce qu'il faut faire ?

ELISABETH BORNE
Vous savez qu'en 2018 on a voté dans la loi, un index égalité professionnelle, qui oblige les entreprises à publier les écarts de rémunérations, et puis avoir un plan d'action, quand il y a des écarts…

THOMAS SOTTO
Est-ce que ça suffit ? Est-ce que ça va assez vite ? Est-ce que ça va assez fort ?

ELISABETH BORNE
Eh bien écoutez, je pense que c'est en tout cas un dispositif qui montre son efficacité. Il y a de plus en plus d'entreprises qui répondent à leurs obligations. A partir de l'an prochain, si elles ont toujours une note inférieure à 75 sur 100, alors elles pourront payer des pénalités qui vont jusqu'à 1 % de la masse salariale, donc ce n'est pas rien. Je pense que des entreprises ont bien compris le message, et on voit que cet index progresse.

THOMAS SOTTO
Dernière question Elisabeth BORNE, vous y avez droit à chaque fois, puisque le gouvernement n'y répond absolument jamais, la réforme des retraites, est-ce que vous savez si elle se fera avant la fin du quinquennat ? Je vois que ça vous fait sourire.

ELISABETH BORNE
Ecoutez, c'est le président de la République qui s'exprimera sur le sujet…

THOMAS SOTTO
Ah mais non, c'est ce qu'on nous dit tout le temps.

ELISABETH BORNE
C'est clair que le président de la République, le gouvernement, considèrent qu'il faut réformer notre système de retraite, pour avoir un système plus juste, et puis aussi on sait qu'on devra travailler plus longtemps, pour financer notre protection…

THOMAS SOTTO
Donc pas avant, et si Emmanuel MACRON est élu, ça sera après, ça c'est clair et net.

ELISABETH BORNE
Moi je vous confirme qu'on considère vraiment que cette réforme elle est indispensable.

THOMAS SOTTO
Donc ça sera après, s'il est réélu.

ELISABETH BORNE
Ça sera avant ou après.

THOMAS SOTTO
Mais ça se fera.

ELISABETH BORNE
Voilà.

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Elisabeth BORNE d'être venue ce matin, dans Télématin.

JULIA VIGNALI
Oui, merci Madame la Ministre, merci Thomas.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 novembre 2021