Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, sur les efforts du gouvernement en faveur de l'industrie automobile, à Paris le 26 octobre 2021.

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  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la relance

Circonstance : Journée de la filière automobile

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Luc Chatel,


si j'étais un peu taquin, je vous dirais que si vous voulez de la stabilité et de la visibilité, donnez-nous cinq années supplémentaires, car je pense que nous avons montré que nous étions capables de tenir un cap avec le président de la République en matière de fiscalité, de soutien à l'industrie et de soutien à l'industrie automobile.

J'ai été très moqué il y a quelques mois dans un discours au ministère de l'Economie et des Finances, quand j'ai dit que j'aimais les voitures, que j'aimais l'automobile. Mais quitte à être moqué à nouveau, ce qui est toujours, finalement, assez plaisant, les responsables politiques manquent beaucoup d'humour sur eux-mêmes, je vais vous redire à quel point j'aime les automobiles, j'aime l'industrie automobile et je considère que la voiture reste un instrument de liberté pour beaucoup de nos compatriotes.

Oui, nous devons soutenir l'industrie automobile. Oui, je considère que la voiture bien utilisée est un instrument de liberté pour beaucoup de nos compatriotes. Oui, nous devons faire en sorte que la France garde une industrie automobile puissante parce que ce n'est pas simplement des centaines de milliers d'emplois qui sont en jeu et cela suffirait à nous mobiliser totalement pour cette industrie, c'est une culture qui est en jeu. Le lion de Sochaux, le losange de Renault, les chevrons de Citroën font partie de notre culture nationale, c'est une partie intégrante de notre culture.

Il est donc indispensable de vous accompagner dans cette révolution technologique comme il s'en passe une par siècle. Passer du véhicule thermique aux véhicules électriques, c'est une révolution technologique, c'est une révolution industrielle comme il y en a une par siècle. Cela demande, que nous la réussissions. Cela demande la mobilisation de toutes les énergies.

La vôtre, cher Luc Chatel. Je voudrais vraiment, personnellement, vous remercier pour votre engagement à la tête de cette filière pour le travail que vous faites. Je sais que vous avez affaire à des acteurs, avec tout le respect que je leur dois, qui ne sont pas les plus faciles de l'industrie. Que les relations entre les sous-traitants automobiles et les grands donneurs d'ordre ne se caractérisent pas par la plus grande chaleur, la plus grande affection, la plus grande amitié, qu'il peut y avoir quelquefois des frictions, comme dans des opinions pas forcément bien huilées, cela arrive.

Il fallait donc à la tête de cette filière une personnalité à la fois forte et apte au compromis. Je pense, cher Luc Chatel, que vous remplissez parfaitement cette fonction. Je voudrais le remercier, vous pouvez l'applaudir, parce ce que je pense qu'il le mérite.

Je voudrais remercier évidemment tous les intervenants qui se sont succédés à cette tribune, le directeur général de Renault, Luca de Meo, le commissaire européen, Thierry Breton, le président de Michelin, Florent Menegaux, le président Jean Rottner, le président Eric Trappier que j'ai vu dans d'autres circonstances hier, les représentants de Stellantis. Je voudrais remercier le député Damien Pichereau pour le travail remarquable qu'il fait sur la question clé du véhicule autonome.

Vous voyez, tout le monde est mobilisé. Les acteurs publics, les acteurs privés, les élus, les représentants des grandes filières, tout le monde est pleinement mobilisé pour réussir cette transition décisive, du véhicule thermique au véhicule électrique. Je pense, comme Luc Chatel l'a dit, qu'il faut bien, pour commencer, mesurer les enjeux auxquels nous sommes confrontés, et que c'est parce que nous aurons parfaitement mesuré la gravité des enjeux, que nous apporterons les réponses à la hauteur de ces enjeux.

D'abord, nous avons un enjeu technologique. Nous devons réussir à maîtriser les technologies de pointe qui vont des outils de puissance jusqu'aux batteries électriques, en passant par les éléments qui vont servir au guidage des véhicules autonomes. Nous devons prendre en compte l'impact très concret que cela va avoir sur des centaines de sites industriels dans notre pays.

Chacun sait qu'un véhicule électrique, c'est 35 kilos de fonte, avec le diesel, c'est quatre fois plus, plus de 120 kilos. Que va-t-il advenir des fonderies ? Que disons-nous aux 15 000 ouvriers qui travaillent dans les fonderies ? Comment allons-nous les accompagner ? Comment les grands donneurs d'ordres exercent leurs responsabilités pour accompagner ces fonderies dans la transition nécessaire qui doit être la leur ?

Troisième enjeu, nous avons à faire face, à une recomposition des chaînes de valeur à l'échelle mondiale. Croyez-moi, j'y reviendrai tout à l'heure, l'enjeu le plus important pour notre pays, c'est que nous arrivions à relocaliser en France des chaînes de valeur de cette nouvelle industrie automobile électrique.

Nous avons un enjeu réglementaire, en particulier avec la norme Euro 7 et vous avez pu en discuter ce matin avec Thierry Breton. Nous avons un enjeu de consommation avec des consommateurs, j'en suis persuadé, qui vont se détourner rapidement du véhicule thermique pour s'orienter de plus en plus rapidement vers le véhicule électrique. Puis, nous avons un enjeu d'indépendance, notamment en matière de maîtrise des semi-conducteurs.

Chacun sait aujourd'hui que la pénurie de semi-conducteurs amène certaines usines en France à tourner au ralenti, parfois à 30, 40, 50% seulement de leur capacité parce qu'il n'y a pas de semi-conducteurs et que sans semi-conducteurs, il n'y a pas de véhicule. Il y a des milliers de semi-conducteurs dans un véhicule électrique. Sans semi-conducteurs, pas de voiture. Sans indépendance sur les semi-conducteurs, pas d'indépendance sur l'industrie automobile.

C'est toute cette révolution qu'il faut penser de bout en bout, d'un bout à l'autre de la chaîne de valeur, d'un bout à l'autre de l'industrie automobile et de l'industrie tout court. C'est la deuxième remarque que je veux faire.

Je veux également vous garantir que nous continuerons avec le président de la République, avec le Premier ministre et tout le Gouvernement à nous battre pour l'industrie française. Je dois être désormais un des plus vieux ministres des Économie et des Finances en exercice. Je crois que nous n'avons jamais, cher Luc Chatel, varié de ligne. Nous voulons réussir la reconquête industrielle française et nous avons à notre actif, pour la première fois depuis plusieurs années, la création de nouveaux emplois industriels en France, preuve que c'est possible de réussir cette reconquête industrielle, et que l'industrie automobile doit être une partie de cette reconquête industrielle.

Mais s'il n'y a pas de reconquête industrielle globale, il ne peut pas y avoir de réussite pour l'industrie automobile en France. Il ne faut pas d'un côté dire nous abandonnons l'industrie, nous nous moquons de la fiscalité et finalement, la compétitivité prix n'a pas d'importance ; mais nous allons quand même maintenir une industrie automobile performante. Ce n'est pas vrai. L'un ne va pas sans l'autre et nos choix courageux, nous les maintenons et nous les accentuerons au cours des prochaines années une fois encore, une fois, passées les élections présidentielles où chacun sait que je souhaite la réélection du président de la République, justement pour cette raison de continuité et de stabilité.

Prenez les mesures fiscales. Nous avons baissé l'impôt sur les sociétés, nous l'avons ramené pour toutes les entreprises à 25% ; chose promise, promesse tenue.

Nous avons réduit la fiscalité sur le capital parce que, vous n'avez cessé de répéter et vous avez raison, que l'industrie automobile est fortement consommatrice de capital. Par conséquent, si vous appuyez là où cela fait mal en grevant de taxes le capital, vous ne pouvez pas permettre à l'industrie automobile de se développer parce qu'elle manque de financement et qu'elle manque de capital. Chose promise, promesse tenue.

Nous avions promis, et je m'étais exprimé devant vous il y a 4 ans, que nous baisserons les impôts de production ; on m'avait dit c'est impossible, cela va être compliqué. Les régions sont bénéficiaires d'une part de ces impôts de production, vous n'y arriverez pas. J'ai travaillé sans relâche avec tous les présidents de région, certains favorables, d'autres opposés. Au bout du compte, nous sommes parvenus à baisser de 10 milliards d'euros au début de cette année les impôts de production.

Ce qu'il faut, c'est aller plus loin, j'en suis convaincu. Bien sûr que nous devrons aller plus loin sur la baisse des impôts de production si nous voulons rester compétitifs par rapport à nos grands voisins, notamment l'Allemagne, qui ont des impôts de production sept fois moins élevés. Nous avons réduit l'écart. Il faut continuer à réduire l'écart sur les impôts de production pour permettre à la France de jouer dans la première catégorie en matière d'industrie et dans la première catégorie, la première division en matière d'industrie automobile.

Simplement, je vous pose une question : qui ? Qui avait eu le courage de faire ces choix fiscaux ? Qui, parmi tous ceux qui se dressent sur leur tonneau en disant " Vive l'industrie automobile, il faut défendre l'industrie automobile, il faut défendre les emplois ", qui avait eu le courage d'en tirer les conséquences pour baisser l'impôt sur les sociétés, sur toutes les entreprises françaises, PME comprises, et pour baisser les impôts de production ? Personne. Nous, nous avons une singularité avec le président de la République, nous mettons en accord nos actes avec nos convictions.

Quand nous estimons qu'il faut se battre pour l'industrie automobile et pour l'industrie tout court, nous ne nous contentons pas de discours, nous prenons des décisions qui ne sont pas forcément les plus populaires mais qui sont les plus efficaces. Nous continuerons donc dans ce sens-là, dans la voie de la baisse des impôts pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, dans la voie de la simplification et dans la voie du soutien à l'innovation et aux investissements.

Je rappelle que France 2030, c'est 30 milliards d'euros d'investissements pour nous permettre justement d'être indépendant sur des outils clés de l'industrie automobile. Je reprends l'exemple des semi-conducteurs, il n'y aura pas d'industrie automobile indépendante en France, si nous ne produisons pas davantage de semi-conducteurs sur notre territoire et en Europe. Nous n'allons pas continuer à faire la manche à TSMC, à faire la manche à des producteurs étrangers en Corée du Sud, à Taïwan, aux Etats-Unis pour réclamer désespérément des semi-conducteurs.

Nous ne sommes pas une grande nation quand nous sommes obligés de faire la manche pour trouver des semi-conducteurs, pour nos voitures, pour nos avions ou pour un certain nombre d'outils industriels de technologie avancée. Une grande nation est indépendante et elle doit être indépendante sur les composants critiques. Les semi-conducteurs sont critiques. Nous bâtirons cette indépendance française et européenne, bien sûr, en matière de semi-conducteurs.

Une fois que nous avons défini ce cadre général et vous voyez, j'insiste là-dessus, nous, nous prenons les décisions et je le redis, des décisions qui ne sont pas toujours les plus populaires, mais qui sont efficaces.

C'est dans ce cadre global d'attractivité de l'industrie que nous voulons réfléchir au soutien à l'industrie automobile. Nous avons déjà apporté des soutiens massifs et nous l'avons fait avec le soutien de Luc Chatel et de la filière après des discussions très longues avec les sous-traitants, les grands donneurs d'ordre pour essayer de trouver les bonnes réponses.

Nous avons mis en place un plan diesel pour accompagner la reconversion de la filière et accompagner les salariés. Nous avons mis en place un plan automobile dans le cadre de France Relance.

France Relance est un immense succès, cela nous permet d'avoir 6,25% de croissance en 2021. Et dans France Relance, il y avait 8 milliards de fonds publics pour soutenir l'industrie automobile. Le financement massif de la recherche et du développement avec le CORAM, Fonds de soutien à la modernisation de la sous-traitance, fonds d'investissement pour renforcer les fonds propres des entreprises de la filière - c'est le fameux Fonds avenir automobile - plus des mesures spécifiques pour les filières les plus touchées par la transition, les fonderies et le décolletage.

Maintenant, nous avons le troisième étage de la fusée. L'accompagnement des filières en difficulté. France Relance pour l'industrie automobile, et troisième étage de la fusée, le plan France 2030 annoncé par le président de la République avec un objectif : 2 millions de véhicules électrifiés en France en 2030.

Le président de la République précisera chacun des engagements dans le plan d'investissement. Je veux simplement insister sur le fait que ce plan d'investissement doit servir à accélérer massivement l'électrification des usages et l'électrification de l'industrie automobile française.

Les annonces de Tesla ce matin ne sont pas passées inaperçues. La manière dont les Etats-Unis accélèrent sur ce sujet n'a échappé à personne. L'avance que peut avoir le continent chinois en matière de véhicules électriques, de batteries électriques, d'accès aux matières premières n'a échappé à personne non plus. Je suis convaincu que la France et l'Europe peuvent tirer leur épingle du jeu, mais avec une seule attitude possible, pied au plancher, accélération à fond, solidarité de la filière, ce sont les clés pour réussir l'électrification de l'industrie automobile française et européenne.

Nous n'avons pas d'autre choix que de mettre pied au plancher. Plus de place pour les divisions entre les uns et les autres. Plus de place pour les querelles. Plus de place pour les complications administratives qui empêchent le déploiement au juste rythme des bornes de recharge à très haute puissance.

Nous ne développerons pas l'industrie automobile électrique si nous disons au consommateur qu'au bout de 200 km, il faut qu'il recherche pendant 8 heures. Il faut qu'ils puissent recharger en 20 minutes et recharger partout en France sur les départementales, sur les nationales comme sur les autoroutes.

Il faut que nous accélérions la recherche sur la batterie électrique pour passer de l'ion lithium liquide au lithium solide. Il faut que nous maîtrisions la filière sur les métaux rares pour nous permettre d'être davantage indépendants sur les batteries électriques. Il faut que sur l'électronique de puissance, nos sous-traitants qui sont parmi les meilleurs au monde, continuent à innover, continuent à investir, continuent à bénéficier du crédit impôt recherche pour rester aux meilleurs standards au monde.

Pied au plancher pour rester dans la course par rapport au continent chinois et par rapport au continent américain.

Il faut que sur l'hydrogène, où nous avons des atouts considérables avec la production d'énergie décarbonée par le nucléaire, nous restions là aussi parmi les meilleurs au monde. Il faut qu'en matière de stockage de l'énergie, nous puissions continuer à progresser pour que les véhicules à hydrogène puissent faire partie de la panoplie de solutions décarbonée que nous offrons aux Français.

Je le redis, je ne vois donc qu'une seule stratégie foncer, foncer, foncer, mais avec des orientations qui soient claires pour que chacun puisse s'y retrouver.

Je vois trois orientations pour cette stratégie de relocalisation industrielle et de développement massif de l'industrie de l'automobile au XXIème siècle en France.

La première chose qui me tient à coeur, c'est que nous soyons d'accord sur la relocalisation des chaînes de valeur en France. Vous ne pouvez pas expliquer aux Français que nous allons investir dans le cadre du plan d'investissement, soutenir dans le cadre du plan de relance, et ne pas maintenir des aides importantes.

Je vous confirme par exemple que nous prolongerons de six mois le bonus à 6 000 euros pour les véhicules électriques au 1er janvier 2022. Il devait passer à 5 000 euros au 1er janvier. Nous avons décidé avec le Premier ministre de le maintenir à 6 000 euros pour continuer à encourager l'électrification des usages et le développement du véhicule électrique sur notre territoire.

Nous maintiendrons ces aides, nous maintiendrons le Quorum, nous continuerons à soutenir l'investissement, nous maintiendrons le crédit impôt recherche, nous avons déployé le plan d'investissement.

La contrepartie que je vous demande avec beaucoup de gravité relocalisez vos chaînes de valeur en France. Je dis bien les chaînes de valeur. Je suis lucide. Je sais bien que vous n'avez pas fabriqué tous vos composants en France et que nous ne pouvons pas être compétitifs sur les composants où il y a peu de valeur ajoutée. Mais là où il y a une forte valeur ajoutée, il doit y avoir des emplois maintenus en France.

Cette relocalisation industrielle, elle est absolument stratégique. Nous, nous continuerons à tout faire pour améliorer votre compétitivité. Nous continuerons à tout faire pour améliorer l'attractivité du territoire français. Nous tiendrons la ligne de la baisse des impôts sur les entreprises, comme nous avons tenu la ligne de la baisse des impôts sur les ménages, mais de votre côté, privilégier le territoire français, privilégier la production en France.

Je veux, de ce point de vue-là saluer les annonces qui ont été faites ce matin. Les annonces faites par Luca de Meo et par Renault qui a décidé de localiser neuf nouveaux modèles en France et de viser un volume de 700 000 véhicules produits en France dès 2025. C'est un geste très positif. Je veux remercier Renault et remercier son directeur général Luca de Meo.

De la même façon, les annonces faites par Stellantis sur de nouveaux investissements à Trémery, à Metz et sur la production de nouveaux véhicules à Rennes vont aussi dans la bonne direction. Restez dans cette direction-là. Relocalisez les chaînes de valeur en France, d'abord parce que c'est la juste contrepartie de la politique industrielle et fiscale qui est menée par le Gouvernement, mais aussi parce que je crois profondément que c'est votre intérêt.

Délocaliser, c'est daté. Délocaliser, c'est l'ancienne politique. Délocaliser, cela n'est plus votre intérêt.

Quand nous aurons mis en place un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, délocaliser sera moins intéressant financièrement. Quand les coûts de production auront augmenté en Europe de l'Est comme en Chine, avec une classe moyenne qui va exiger des salaires plus élevés, délocaliser sera moins intéressant.

L'épidémie de Covid nous a appris que les chaînes de production et que les chaînes d'approvisionnement pouvaient s'interrompre d'un jour à l'autre et que tous ceux qui nous promettaient que jamais cela n'arriverait et que la globalisation était comme une mécanique bien huilé dont les chaînes de valeur ne s'interrompraient jamais ont eu tout faux.

Ces chaînes peuvent se briser d'un jour à l'autre. Par conséquent, il est indispensable d'avoir des sources d'approvisionnement qui soient plus diversifiées et que vous puissiez développer vos capacités de production en France.

Enfin, je voudrais que nous ayons une approche un peu plus complète et globale des coûts de la délocalisation. Le coût n'est pas que financier. Il est social, il est environnemental. Il se chiffre en pertes d'emplois. Il se chiffre en augmentation des émissions de carbone. Quand on fait le coût global des délocalisations pour la France, le bilan est unanimement négatif.

Par conséquent, je souhaiterais, que nous réfléchissions tous collectivement à cette politique de relocalisation qui est pour moi le pilier, le premier de la stratégie industrielle automobile que je vous propose cet après-midi. Je le redis, il ne s'agit pas, une fois encore, de tout relocaliser en France, mais de relocaliser tout ce qui a de la valeur dans notre pays parce que cela vous garantit la compétitivité, l'indépendance et l'autonomie.

Le deuxième pilier de cette stratégie, ce n'est pas le plus simple. C'est une plus grande solidarité à l'intérieur de la filière. Je ne voudrais pas prêcher dans le désert parce que je vois défiler dans mon bureau, sous-traitants de premier rang, de deuxième rang, de troisième rang, constructeurs.

Les uns qui m'explique qu'il n'y a absolument aucun problème et qu'ils ne comprennent pas que les sous-traitants se plaignent, les sous-traitants qui viennent me voir sous le sceau du secret " Surtout, ne donnez pas mon nom, mais c'est vraiment abominable ce que me font vivre les grands constructeurs, je ne m'en sors absolument pas ". La vérité doit être entre les deux.

La vérité c'est que cela ne va pas, car si cela allait personne ne viendrait me voir. D'ailleurs, un ministre de l'Economie et des Finances, quand les choses vont bien, personne ne vient le voir. C'est peut-être pour cela que depuis deux ans on vient beaucoup me voir. Je considère que nous devons pouvoir faire mieux tous ensemble en matière de solidarité à l'intérieur de la filière. Je sais à quel point c'est dur. Ne croyez pas que je sois né de la dernière pluie, la dernière pluie économique.

La compétition à l'intérieur de l'industrie automobile est féroce. La compétition automobile mondiale est féroce. C'est aussi féroce que dans un Grand Prix de Formule 1 où quasiment tous les coups sont permis. Il faut des règles, sans quoi les pilotes feraient n'importe quoi. C'est la même chose pour l'industrie automobile la compétition est féroce, mais il faut quand même des règles pour éviter que cette férocité ne soit contre-productive.

La première règle doit être la solidarité nationale. Entre les grands donneurs d'ordres et les sous-traitants, il faut plus de solidarité, plus d'écoute, plus de respect des délais de paiement, plus de respect des contraintes des uns et des autres.

Il faut faire évoluer, et nous y sommes engagés avec Luc Chatel et je le remercie de son engagement là-dedans, pour favoriser les relations de long terme avec les sous-traitants, pour prendre en compte le bilan environnemental des produits achetés dans les critères de sélection, pour aider les sous-traitants à adapter leurs compétences par un travail en commun des donneurs d'ordre, pour renforcer la sécurité de nos approvisionnements.

Voilà les têtes de chapitre dont je souhaite que vous les remplissiez au cours des semaines et des mois à venir. Vous verrez, tout le monde en sortira gagnant. Tout le monde en sortira plus fort, les sous-traitants comme les grands donneurs d'ordre. C'est pour moi le deuxième pilier de notre stratégie le premier, relocaliser les chaînes de valeur.

Le deuxième pilier c'est améliorer les relations entre les donneurs d'ordre et les sous-traitants pour aller vers plus de solidarité et plus de coopération.

Le troisième pilier n'est peut-être pas celui dont on parle le plus souvent, mais il me tient très à coeur. Chacun sait et cela explique les inquiétudes qu'il peut y avoir dans notre pays que ces mutations rapides, ces révolutions technologiques vont créer de nouveaux emplois.

Regardez l'usine de batteries électriques qui va s'ouvrir à Douvrin, dans le Nord. Regardez les chaînes de production de réservoirs à hydrogène. Regardez ce qui va se passer sur les batteries électriques et la recherche au lithium solide. Regardez ce qui va se passer sur les chaînes de traction. Tout cela va créer de la valeur.

Mais il y a aussi d'autres sites industriels qui sont aujourd'hui menacés. Vous avez des milliers d'ouvriers en France, eux et leurs familles, qui sont inquiets pour leur avenir, qui se demandent ce que va devenir leur fonderie. C'est vrai à la SAM, c'est vrai à la Fonderie du Poitou, c'est vrai en Bretagne. Je pourrais citer des dizaines et des dizaines d'exemples.

Ces inquiétudes, nous ne pouvons pas les balayer d'un revers de la main et nous avons tous une responsabilité commune d'apporter une réponse à chacun de ces sites et à chacun de ces ouvriers.

Parfois, il faudra faire évoluer le site, nous le savons tous, il faudra diversifier sa production. Il faut y travailler ensemble.

Parfois, il faudra donner une nouvelle formation, une nouvelle qualification aux salariés qui travaillent depuis 10 ans, 15 ans, 20 ans dans la même usine. Il faudra s'y atteler tous ensemble.

Nous ne réussirons pas les transitions, si ces transitions sont brutales. Nous ne réussirons pas ces transitions si elles se traduisent par de la violence sociale pour ceux qui, depuis des années et des années, ont travaillé dans une usine qui ne correspond plus à la demande de l'industrie automobile.

Notre responsabilité en la matière est une responsabilité collective. Voilà la stratégie que je suis venu vous proposer cet après-midi la relocalisation des chaînes de valeur fondée sur de l'innovation ; une plus grande solidarité entre sous-traitants et donneurs d'ordres ; une attention particulière aux sites industriels, notamment les fonderies, qui sont menacés par ces révolutions technologiques.

Avec tout cela, j'en ai la conviction, nous garderons au XXIème siècle une industrie automobile française qui continuera à jouer les premiers rôles et qui continuera à jouer dans la première division. C'est mon souhait le plus cher et vous pouvez compter sur mon soutien total pour réussir cette mutation.


Merci à tous.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 17 novembre 2021