Interview de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, à France Info le 3 décembre 2021, sur la crise sanitaire : 5ème vague du Coronavirus, variant Omicron, efficacité des vaccins et troisième dose.

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Texte intégral

LORRAIN SENECHAL
Bonjour Olivier VERAN.

OLIVIER VERAN
Bonjour.

LORRAIN SENECHAL
On est en pleine 5e vague du Coronavirus, elle est surtout due au variant Delta mais il y a déjà Omicron qui est en train de s'inviter en France ; on a détecté à l'heure actuelle combien de cas sur le territoire français ?

OLIVIER VERAN
9 cas ont été confirmés dans 5 régions différentes.

LORRAIN SENECHAL
Est-ce que ça veut dire que le variant Omicron, c'est celui qui nous intéresse tout de suite ou est-ce que c'est vraiment Delta qui est la priorité des priorités ?

OLIVIER VERAN
Notre action vise de toute façon à protéger les Français de tous les variants possibles ; l'urgence, c'est la 5e vague, c'est le variant Delta qui est très contagieux et dont on connaît les capacités de nuisance mais l'urgence, c'est aussi de freiner la diffusion du variant Omicron qui est manifestement au moins aussi contagieux que le Delta et dont on ignore encore les conséquences sanitaires qu'il peut provoquer même si les premiers signaux qui nous viennent d'Afrique australe ne semblent pas montrer une gravité excessive des cas par rapport au variant Delta. Donc l'urgence de toute façon, c'est de freiner le virus et de freiner ses variants.

LORRAIN SENECHAL
Juste sur Omicron, quand est-ce qu'on saura si les vaccins sont efficaces ? S'il est vraiment beaucoup plus contagieux que Delta ? S'il est en somme, ce variant que l'on craignait comme disait hier Jean-François DELFRAISSY, le président du Conseil scientifique ?

OLIVIER VERAN
Tous les chercheurs de la planète sont évidemment en train d'examiner l'impact des vaccins sur le variant Omicron avec des bonnes raisons d'espérer et tous les chercheurs et cliniciens de la planète sont en train de colliger tous les cas identifiés à date, du variant Omicron, pour regarder s'il provoque des formes différentes d'un point de vue symptomatique et pour l'instant, il n'y a pas d'alerte. Donc il nous faut encore quelques jours, encore une fois, à l'échelle planétaire, nous partageons les informations entre scientifiques, entre ministres dès que nous les avons pour pouvoir mieux cerner le virus, mais de toute façon pour nous, le principe est le même : freiner sa diffusion, freiner sa circulation, aller le traquer. Il y a des cas parmi les 9 cas qui ont été identifiés, des cas qui viennent d'un séquençage… j'ai demandé aux laboratoires de séquencer des cas positifs de patients qui avaient été diagnostiqués il y a plus d'une semaine même, avant que le variant Omicron ne soit traqué en Europe avec des profils viraux qui avaient l'air douteux et nous avons eu la confirmation d'un diagnostic, signe que ce variant circule probablement déjà depuis plusieurs semaines - on en a en Angleterre, en Allemagne, en Australie, aux États-Unis, il y en a partout - nous avons déjà eu des variants comme celui-ci qui émergeaient à un moment donné - souvenez-vous le Beta, le Sud-africain, le Brésilien sans qu'ils n'entraînent forcément de grande vague épidémique - encore une fois, notre ennemi aujourd'hui commun, c'est le variant Delta parce que lui, on sait les dégâts qu'il provoque et il circule beaucoup, mais nous faisons tout pour protéger les Français de l'Omicron.

NEÏLA LATROUS
Rapidement sur l'effet vaccin… Quand des laboratoires disent qu'il faut travailler sur une nouvelle version du vaccin qui serait plus résistante à ce nouveau variant, vous dites que les laboratoires parlent peut-être un peu vite ?

OLIVIER VERAN
Non, que les laboratoires disent qu'ils sont déjà en train de se projeter dans un référentiel, dans une possibilité que le variant nécessite un ajustement du vaccin, me semble tout à fait raisonnable ; nous voulons et nous pouvons être réactifs…

NEÏLA LATROUS
Mais ça ne veut pas dire qu'il y aura une 4e dose ?

OLIVIER VERAN
Ça ne veut absolument pas forcément dire qu'il y aura une 4e dose ; nos laboratoires sont capables de produire plus d'un milliard de vaccins par mois aujourd'hui ; donc s'ils peuvent adapter leur vaccin au fur et à mesure que le virus mute… c'est ce qui est d'ailleurs fait avec la grippe tous les ans !

NEÏLA LATROUS
Conseil de défense sanitaire ce lundi : le Premier ministre disait hier que c'est pour voir s'il y a lieu de prendre des mesures complémentaires. Quel type de mesures complémentaires sont sur la table ?

OLIVIER VERAN
D'abord il faut comprendre que la 5e vague du variant Delta monte vite. 50.000 diagnostics ces derniers jours par jour c'est beaucoup et surtout un impact sanitaire qui est très sensible : en France, actuellement, c'est un malade qui est admis en réanimation toutes les 10 minutes - nous avons connu cela lors de la 2e et de la 3e vague, toutes les 10 minutes…

LORRAIN SENECHAL
On a déjà dépassé la 4e vague…

OLIVIER VERAN
Ah oui oui oui ! On est bien au-delà de la 4e et on est même en train de rejoindre le pic de la 3e vague. Un patient admis en réanimation - je le redis parce que c'est important - toutes les 10 minutes jour et nuit. Les modèles Pasteur nous avaient dit que nous serions environ à 2.000 patients Covid en réanimation le 5 décembre ; ce sera le cas probablement le 4 décembre ; donc nous sommes sur les modèles un peu en avance. Les modèles Pasteur nous disent que nous pourrions être à 3.000 patients Covid en réanimation, ce qui veut dire une charge sanitaire importante pour nos hôpitaux, importante avec des premiers plans blancs et des premières déprogrammations qui pourraient être envisagés d'ici à une dizaine de jours - ça commence déjà dans certains endroits mais ça pourrait être plus massif. Et quand on regarde ce qui nous intéresse, les mêmes modèles, les perspectives dans les prochaines semaines disent que si rien ne change, nous aurions un pic sanitaire qui pourrait intervenir à la fin du mois de janvier, c'est-à-dire que ça continuerait de monter jusqu'à la fin du mois de janvier avec une charge sanitaire, un nombre de malades graves qui serait très important. Ce que nous disent aussi les modèles, c'est qu'il y a deux paramètres fondamentaux qui peuvent changer profondément cette donne : le premier paramètre, ce sont des vaccinations de rappel. L'institut Pasteur nous dit : si vous faites 400, 500, 600.000 rappels par jour, vous allez amputer la vague, vous allez l'écrêter, la réduire…

LORRAIN SENECHAL
On y est, 500.000 doses par jour en ce moment…

OLIVIER VERAN
J'allais le dire : nous sommes à 500.000 doses ; les Français prennent en général par jour actuellement 600 à 700.000 rendez-vous ; donc nous sommes parfaitement dans le modèle demandé par l'institut Pasteur pour réduire l'impact de cette vague. Et le deuxième élément fondamental - et celui-là vraiment il appartient aux auditeurs qui nous écoutent - c'est que si nous changeons nos comportements au quotidien et que nous faisons attention, que nous recréons un peu de distanciation sociale nous-mêmes, nous pourrons réduire de 10, de 15, de 20% la circulation du virus et alors là ça change totalement les courbes, c'est-à-dire qu'on passe d'un pic très élevé à la fin janvier à un pic modéré à la fin décembre.

NEÏLAS LATROUS
Ça c'est dès maintenant ou c'est pour les fêtes de Noël ?

OLIVIER VERAN
Non non, c'est dès aujourd'hui ; d'ailleurs les Français ont déjà commencé à adapter leur comportement ; les masques qui avaient disparu de certaines réunions, sont revenus ; de plus en plus, les Français, quand ils sont dans des réunions, il y en a un qui se lève pendant la réunion pour aller aérer la pièce, c'est le bon réflexe, on aère 5-10 minutes toutes les heures. On fait attention… c'est le retour du gel hydro-alcoolique, vous l'avez constaté, je l'ai constaté aussi, les Français font beaucoup plus attention aussi à cela et puis il y a ces situations de convivialité, ces moments où on se retrouve, ces apéritifs, ces pauses, ces soirées d'entreprise quand on est 50, 100 ou 150, on sait très bien… parce qu'on a tous autour de nous des gens qui sont malades - vous en connaissez, j'en connais - on a tous autour de nous des gens qui sont potentiellement contagieux au Covid. Et donc il est évident que plus on limitera le risque de se retrouver à 100 dans une pièce avec l'un qui est potentiellement contagieux, plus on évitera la diffusion du virus. Tous les hivers, on connaît ça avec les autres virus. Il fait froid, on est tous à l'intérieur des pièces en ce moment, donc on aère, on garde un peu de distance et on limite les moments où on peut se contaminer.

LORRAIN SENECHAL
Vous dites que la responsabilité des Français et la troisième dose, ça suffit en quelque sorte à casser cette vague ; alors qu'est-ce qui va être annoncé lundi ? Pourquoi réunir un conseil de défense sanitaire ?

OLIVIER VERAN
D'abord, le conseil de défense et de sécurité nationale est le moment clé - nous en avons eu plus de 80 consacrés au Covid depuis le début de la pandémie - c'est le moment pour partager les informations dont nous disposons, françaises, internationales, pour parler de la question du variant Omicron, parler de cette charge sanitaire, c'est le moment aussi que je présente le plan de montée en charge des hôpitaux, c'est le moment où nous faisons le point sur la campagne vaccinale. Actuellement, elle n'a jamais été aussi importante dans notre pays qu'en ce moment, c'est-à-dire que nous ne sommes partis pour avoir plus de vaccinations au mois de décembre que nous n'en avons eues au mois de juillet - souvenez-vous - quand les Français s'étaient rués vers la vaccination. Grâce à une vaccination de rappel, les Français sont très nombreux - plus de 5 millions d'entre eux ont pris rendez-vous - nous faisons plus de 500.000 injections, un demi-million de Français ont leur vaccination de rappel par jour et nous ouvrons et nous continuerons d'ouvrir entre 500 et 700.000 créneaux de rendez-vous par jour.

LORRAIN SENECHAL
Mais est-ce qu'un tour de vis est envisagé ?

OLIVIER VERAN
Nous abordons toutes les situations en conseil de défense : c'est le moment où nous anticipons une situation. Pour l'instant je vous le redis, nous avons encore notre destin entre nos mains, c'est-à-dire qu'il ne tient qu'à nous - vraiment je ne dis pas ça pour incriminer qui que ce soit - mais juste pour dire… on a parfaitement compris les uns et les autres comment fonctionnait le virus, comment il se transmet, à quel moment il faut faire plus attention : on est clairement dans le moment où il faut faire très attention. S'il y avait besoin d'envisager des mesures d'adaptation aux dispositions qui ont déjà été prises, c'est le conseil de défense qui le dira ; ce n'est pas moi qui vous le dirai trois jours avant.

LORRAIN SENECHAL
Toujours Olivier VERAN, le ministre de la Santé : on parlait de cette 5e vague due principalement au variant Delta qui est en train de déferler sur la France et qui est également alimentée par les enfants avec une incidence de 750 cas pour 100.000 habitants chez les 6-10 ans. C'est inédit. Comment ça s'explique selon vous ?

OLIVIER VERAN
Les enfants ne peuvent pas être vaccinés ; ils ne peuvent pas aujourd'hui être vaccinés. Le vaccin réduit par 4 ou 5 le risque de se contaminer, ça veut dire que ce n'est pas un risque 0, c'est pour ça que vous avez autour de vous des gens qui bien que vaccinés sont positifs au Covid…

LORRAIN SENECHAL
Ça c'est avec deux doses et avec le variant Delta… vous ne parlez pas encore là de la 3e dose qui réduit encore considérablement le risque de contamination…

OLIVIER VERAN
La 3e dose ampute très fortement… on n'a jamais un niveau de protection aussi élevée que dans les jours qui suivent la 3e injection…

LORRAIN SENECHAL
Y compris contre la contamination, la transmission du virus…

OLIVIER VERAN
Contre les contaminations et surtout contre les cas graves, ce qui nous intéresse le plus en fait : ce qu'on ne veut pas, c'est qu'il y ait des centaines de patients qui soient admis en réanimation, plongés dans le coma…

LORRAIN SENECHAL
Mais il n'y a pas de cas graves chez les enfants…

OLIVIER VERAN
Non, non, il y a très peu de cas graves sur les enfants mais les enfants peuvent transmettre et en fait ce qu'on appelle un effet cocooning, c'est-à-dire que quand on protège et quand on limite la diffusion du virus y compris dans les populations qui ne font pas de formes symptomatiques, eh bien on évite la diffusion vers les populations les plus fragiles et donc on évite un impact sanitaire. C'est pourquoi la Haute autorité de santé a déjà proposé que nous puissions ouvrir la vaccination en priorité aux enfants de 5-11 ans susceptibles de faire des formes graves, des enfants qui ont des immunodépressions, des maladies chroniques. Donc ça nous pourrions l'ouvrir à compter de la mi ou fin décembre lorsque nous recevrons les doses de vaccins Pfizer adaptées aux enfants…

LORRAIN SENECHAL
Ça c'est pour les enfants qui souffrent de co-morbidités…

OLIVIER VERAN
Pour les enfants qui sont atteints de comorbidités, les enfants qui sont fragiles, la Haute autorité de santé nous demande de leur ouvrir la vaccination, donc quand nous aurons les vaccins, je considère que nous serons à même de commencer.

LORRAIN SENECHAL
Dans 10 jours, dit l'Union européenne, le 13 décembre…

OLIVIER VERAN
C'est aux alentours de la mi-décembre, ensuite le temps que ces vaccins soient conditionnés, puissent être livrés, donc d'ici la fin décembre…

NEÏLA LATROUS
Donc mi-décembre, les enfants de 5-11 ans…

OLIVIER VERAN
… Les enfants qui sont à risques de faire des formes graves, la vaccination leur sera sans doute ouverte ; la décision n'a pas été formellement prise mais enfin il n'y a pas de raison de ne pas le faire ; et sur les enfants de 5 à 11 ans qui ne sont pas à risques de formes graves, la Haute autorité de santé ne s'est pas encore prononcée, elle a besoin d'un peu plus de temps pour nous dire si le vaccin est parfaitement sûr et efficace et si la balance bénéfices- risques est positive, auquel cas nous ouvrirons la vaccination aux enfants probablement au début du mois de janvier et de façon progressive et facultative.

LORRAIN SENECHAL
En tout cas les autorités sanitaires européennes ont déjà dit que le vaccin est sûr pour les 5-11 ans. C'est une version spécifique du vaccin Pfizer.

OLIVIER VERAN
C'est le même vaccin mais avec une dilution qui est différente.

NEÏLA LATROUS
Est-ce qu'il est question ou pas d'avancer les vacances de Noël pour freiner la circulation du virus dans les écoles ?

OLIVIER VERAN
Nous faisons face avec cette 5e vague à un certain nombre d'inédits d'évolution rapide qui nous obligent à être en permanence en anticipation et non pas en réaction. Toutes les questions que vous me posez, nous nous les posons et c'est normal qu'on se les pose ; c'est normal. S'il y avait des annonces à faire, nous le ferions ; à date, ces décisions-là clairement ne sont pas prises parce que je vous ai donné notre stratégie et c'est la stratégie d'ailleurs qui a été suivie par le président de la République - souvenez-vous - lors de la 3e vague ; on est un peu dans ce contexte, vous vous souvenez, où tout le monde disait : est-ce qu'il faut confiner, tout fermer, tout stopper etc ? Le Président de la République avait dit : avec les mesures barrières, avec la vaccination, nous sommes capables de commencer à passer la vague en évitant de fermer complètement le pays. Et nous l'avons fait. Donc ce que nous voulons éviter, c'est à nouveau des mesures de contraintes. Je sais qu'autour de nous, beaucoup de pays le font - je sais que l'Autriche est confinée, je sais que l'Allemagne considère qu'il va peut-être falloir confiner les non-vaccinés - mais enfin il y a une différence notable entre ces pays européens et nous, c'est que nous, nous sommes à 90% des plus de 12 ans vaccinables qui sont vaccinés. L'Allemagne est 10 points derrière nous. Donc il y a deux fois plus d'Allemands non vaccinés qu'il y a de Français non vaccinés et ça change considérablement la donne ! C'est aussi pour ça que nous continuons d'aller chercher tous les Français qui ne sont pas encore vaccinés pour leur dire : il n'est pas trop tard pour le faire ! 30.000 primo-injections par jour ; 30.000 Français qui chaque jour font le choix de dire : bon allez j'arrête d'attendre, je me fais vacciner ! Ça fait quand même un million par mois…

LORRAIN SENECHAL
C'est plutôt 20.000, non ?

OLIVIER VERAN
Non non c'est plus de 30.000 ces derniers jours et nous sommes même montés à 40.000 et ça veut dire que nous ne sommes sur un rythme d'un million de Français qui chaque mois, alors qu'ils avaient refusé de se faire vacciner, décident de le faire. Donc on a un taux de vaccination et une couverture vaccinale bien supérieurs aux voisins qui se posent la question de l'obligation.

LORRAIN SENECHAL
Donc pas question de rendre le vaccin obligatoire pour tout le monde comme le fait l'Autriche, et l'Allemagne votera sur ce sujet avant la fin du mois.

OLIVIER VERAN
Nous sommes dans l'incitation ; nous avons aussi des outils qui incitent très fortement, comme le pass sanitaire dont nous avons changé les règles, qui sont des incitatifs puissants - certains disent que c'est coercitif ; moi je considère que fait un incitatif puissant pour se faire vacciner et je constate que ça continue de monter.

NEÏLAS LATROUS
Olivier VERAN, vous dites sur l'hôpital que vous évoquiez il y a encore quelques instants et ces plans blancs qui ont été déclenchés : nous ne laisserons pas la pression monter trop haut. Ça veut dire quoi trop haut ? Quels sont les seuils d'alerte ? Quels sont les indicateurs ? A quel moment on considère qu'il faut impérativement prendre des décisions pour soulager hôpital ?

OLIVIER VERAN
C'est un taux d'occupation de lits de réanimation, c'est-à-dire combien de places il reste, à quel coût en ressources humaines, c'est-à-dire à quel coût en déprogrammations, nous sommes capables d'accueillir dans de bonnes conditions les malades qui nécessitent des places en réanimation.

NEÏLAS LATROUS
Mais il y a des indicateurs chiffrés ?

OLIVIER VERAN
Oui mais ça dépend aussi du nombre de jours que les patients passent en réanimation – est-ce que c'est plutôt 14 jours, 10 jours, 17 jours, je vous fais grâce de tous ces détails mais qui comptent - et pour cela, nous avons besoin d'avoir le recul sur cette montée de vague. Généralement en début de vague, les hospitalisations sont un peu plus courantes et un peu plus fréquentes et un peu plus anticipées que lorsqu'on est au coeur d'une vague. Elles sont même au contraire un peu plus longues généralement en début de vague, les durées d'hospitalisation et après, lorsque la vague monte et qu'il y a besoin de mettre le système sous tension, les soignants mettent un dispositif sous tension qui fait qu'il y a un turn-over - pardonnez-moi pour l'expression - des entrées et des sorties qui sont un peu plus corrélées les unes aux autres pour éviter d'augmenter trop fortement la charge hospitalière. Mais évidemment c'est un paramètre que je suis, vous l'imaginez, de très près ; nous avons déjà passé des vagues à 4 reprises. Nous avons passé ces vagues sans que les hôpitaux ne soient dépassés grâce aux soignants qui sont très mobilisés ; des soignants, j'en ai vu hier avec le Premier ministre, nous étions à Angoulême ; ils sont évidemment inquiets, ils sont évidemment fatigués mais ils sont évidemment au travail…

LORRAIN SENECHAL
On a combien de places en réanimation aujourd'hui ? On était à 5.000 au tout début de la crise… je crois qu'on était monté à 7.000, c'est bien ça ?

OLIVIER VERAN
On est monté à plus de 10.000 au plus fort de la 1ère vague - lits équipés…

LORRAIN SENECHAL
C'est ça votre référentiel…

OLIVIER VERAN
Non, la situation est différente parce que d'abord, la vague touche tout le territoire ; il n'y a pas une région comme le Grand-Est en 1ère vague ; donc on ne peut pas mettre des centaines de soignants dans des taxis pour qu'ils aillent en Grand-Est… Ça monte partout, il n'y a pas de région épargnée. Donc ça c'est un paramètre qui ne joue pas en notre faveur. Ensuite, il y a de la fatigue, de l'usure et puis il y a des soins ont été déprogrammés plusieurs fois et qui ne peuvent plus être déprogrammés. Et enfin, c'est la saison hivernale qui arrive et le verglas et des gens qui peuvent tomber, c'est-à-dire mal qu'il peut y avoir plus de traumatologie. Donc je fais attention à l'ensemble de ces paramètres pour éviter à nos hôpitaux d'arriver à des saturations. Mais je le redis, vous me posez des questions qui n'auront pas à se poser en pratique si nous réduisons de 10, 15 ou 20% la circulation du virus en faisant plus attention au quotidien, les uns aux autres et si nous continuons - et c'est ce que nous ferons, nous allons même l'amplifier - cette campagne de vaccination de rappels qui est historique dans notre pays.

NEÏLAS LATROUS
Aux personnes qui ont prévu d'être opérées dans les prochains jours, il y a eu tout un tas de questions notamment sur les réseaux sociaux lorsque votre venue à France Info a été annoncée, qui disent : j'ai prévu de me faire opérer ; que me répond le ministre ? Est-ce que mon opération va être forcément déprogrammée ?

OLIVIER VERAN
Elle ne sera pas forcément déprogrammée mais selon le type d'opération, l'endroit où cette opération doit avoir lieu et le moment, il est possible qu'elle soit décalée de quelques semaines mais aujourd'hui, ce n'est pas encore la règle. Il y a des plans blancs qui ont été déclenchés très localement ; nous ne sommes pas dans le même mouvement de déprogrammation massive que nous avons connu lors des vagues précédentes. L'heure n'est certainement pas à la panique et encore une fois, les Français ne paniquent pas parce que ce n'est pas la 1ère vague, on est habitué à cela, on sait comment ça fonctionne : la vague monte de cas, ensuite la vague sanitaire monte, à un moment donné, la vague décroche, elle atteint son pic, elle commence à diminuer, puis 10, 15 ans plus tard, les hôpitaux commencent à se vider etc. La seule chose qui compte, c'est quand et à quelle hauteur. Ça peut être fin janvier très haut ou ça peut être fin décembre moyennement haut. Moi je souhaite que ce soit fin décembre moyennement haut. Les solutions pour y parvenir, je les ai données.

NEÏLA LATROUS
Depuis le début cette interview, vous insistez sur cette 3e dose de rappel importante pour éviter une 5e vague violente et fulgurante. Est-ce qu'il y aura déjà des doses pour tout le monde et des doses pour tout le monde avant le 15 janvier, date à laquelle les premiers pass sanitaires vont être désactivés pour tout le monde ?

OLIVIER VERAN
Plusieurs éléments : d'abord nous avons suffisamment de vaccins ARN messagers aujourd'hui pour vacciner tout le monde, donc on n'est pas dépendant de livraisons à venir, premier point. Deuxième point : il y a près de 1.200 centres qui sont ouverts et j'ai demandé 300 d'ouvertures de centres supplémentaires et l'augmentation des lignes de vaccination dans les centres déjà existants - certains avaient réduit un peu la voilure parce qu'il y avait moins de personnes, là ils réaugmentent. Troisièmement, les médecins, les pharmaciens, les kinés, les sages-femmes, les infirmiers libéraux ont commandé près de 5 millions de doses de vaccins rien que cette semaine et ils en ont 4 millions en stock à l'heure à laquelle je vous parle et ils réalisent près d'une vaccination sur deux désormais de rappels. Il y a 15.000 pharmaciens par exemple qui vaccinent, vous en trouvez partout.

NEÏLA LATROUS
Donc des créneaux vont ouvrir dans les heures qui arrivent…

OLIVIER VERAN
Tous les jours, il y a 600.000 à 700.000 créneaux qui s'ouvrent, ne vous posez pas la question ! Tous les jours, 600 à 700.000 et les gens qui hier se connectent et ne trouvent un rendez-vous qu'en mars dans leur région, qu'ils se rassurent : ils seront vaccinées avant 15 janvier. Je n'ai pas de doute sur cette question. Ensuite ça peut être du Moderna ou du Pfizer indistinctement et j'insiste là-dessus parce que c'est un sujet que je vois monter chez des élus… pas chez les médecins parce que les médecins savent que Moderna égale Pfizer et Pfizer égale Moderna, mais des élus qui disent : je veux du Pfizer et pas de Moderna… Alors je dis aux Français qui ont eu par exemple deux doses de Pfizer et qui s'inquiètent à l'idée d'avoir du Moderna : aucun problème ; c'est ce qu'on appelle la vaccination hétérologue en ARN messager, tous les scientifiques le disent, c'est pareil, il n'y a aucun problème. De la même manière, les Français qui ont eu deux fois du Moderna et à qui on va proposer du Pfizer, aucune inquiétude, c'est pareil. Prenez rendez-vous, qu'on vous donne du Pfizer ou du Moderna, c'est pareil ; la seule différence, c'est que si vous avez moins de 30 ans, on préfère vous donner du Pfizer que du Moderna, pas pour des raisons d'efficacité… Donc aucune inquiétude, c'est l'un ou c'est l'autre. Donc les Français seront vaccinés. Le 15 décembre, le pass sera désactivé pour les seuls Français âgés de plus de 65 ans qui sont à plus de 7 mois de leur dernière injection ou de leur dernière infection…

NEÏLA LATROUS
Est-ce qu'ils doivent être priorisés ?

OLIVIER VERAN
Ils le sont. Plus des trois quarts d'entre eux étaient déjà vaccinés avant que nous faisions les annonces. Donc ils y vont, les personnes âgées de 65 ans et plus ont peur du virus - elles ont bien raison d'ailleurs parce qu'elles sont fragilisées…

NEÏLA LATROUS
Il y a un numéro coupe-file pour elles…

OLIVIER VERAN
Il y a un numéro coupe-file, il y a le médecin, il y a le pharmacien, il y a tout et le 15 janvier, le pass sanitaire sera désactivé pour les autres Français âgés de 18 à 64 ans qui seraient à plus de 7 mois de leur dernière injection ou de leur dernière infection. Donc un Français de 50 ans qui se demande ce qui se passe le 15 décembre : rien pour lui ; il a jusqu'au 15 janvier pour avoir reçu son rappel et d'ici au 15 janvier, il aura trouvé de multiples créneaux partout pour le faire.

LORRAIN SENECHAL
Est-ce qu'il faut à nouveau rendre gratuits les tests pour ceux qui ne sont pas vaccinés puisque ce sont les seuls qui paient actuellement ?

OLIVIER VERAN
La réponse est non ; nous réalisons d'ailleurs plus de 4,5 millions de tests cette semaine, ce qui veut dire que notre système de tests tient bon.

LORRAIN SENECHAL
On a toujours une idée précise de l'épidémie…

OLIVIER VERAN
4millions et demi de tests, il n'y a pas beaucoup de pays qui font plus de tests que nous. Nous faisons aussi énormément de criblages pour chercher des variants et nous sommes bien au-dessus des normes européennes en matière de séquençage - c'est l'analyse du génome du virus - nous avons réalisé en France plus de 250.000 séquençage depuis le début de l'année et plus de quasiment 15% des cas positifs sont séquencés pour ne pas passer à côté d'éventuels nouveaux variants s'il y en avait.

NEÏLA LATROUS
En parlant de santé, est-ce que vous avez regardé les débats des Républicains qui avaient plein d'idées en matière de santé - je pense à Valérie PECRESSE par exemple : le recrutement de 25.000 soignants, un droit au logement prioritaire pour les soignants aussi - est-ce que vous avez trouvé des idées intéressantes dans ces débats des Républicains ?

OLIVIER VERAN
Alors d'abord il y a une idée de Valérie PECRESSE que j'ai trouvé tellement intéressante que nous l'avons déjà faite ! Quand Valérie PECRESSE dit : si je suis présidente de la République, je supprimerai le numerus clausus en médecine ! Formidable ! On l'a fait en 2018 ! Et d'ailleurs je dis à Valérie PECRESSE, j'étais étudiant en médecine et syndicaliste lorsqu'elle était ministre en charge des universités, elle l'a été pendant 4 ans de 2007 à 2011, elle avait donc la main sur le numerus clausus et à l'époque, je peux vous le dire, tous les rapports disaient : si on maintient un numerus clausus en médecine, on court à la catastrophe d'ici à 10 ans dans notre pays. Nous y sommes. Elle était ministre en charge de cela ; elle n'a pas touché au numerus clausus. On formait 7.000 médecins ; depuis que je suis ministre, nous en formons 10.500, c'est-à-dire 50% de plus et nous avons supprimé le numerus clausus de sorte qu'on va en former beaucoup plus tard. Donc elle est plutôt responsable de la cause qu'elle dénonce aujourd'hui et elle annonce des réponses que nous avons déjà prises, donc écoutez, c'est formidable !

LORRAIN SENECHAL
Vous préférez qui comme candidat pour les Républicains à la présidentielle puisque les militants LR votent pour le second tour de désignation de leur candidat jusqu'à demain 14 heures : c'est Valérie PECRESSE contre Eric CIOTTI.

OLIVIER VERAN
Je laisse le commentaire politique aux professionnels ; moi je suis dans le faire, dans l'action - ça ne vous aura pas échappé depuis le début de cette émission - je crois que les Français, c'est une année démocratique importante pour eux ; ils veulent faire un choix éclairé, programme contre programme, projet contre-projet, idées contre idées ; nous avons un bilan à défendre avec un taux de chômage qui est inférieur à celui qu'il était avant la crise sanitaire et économique de 2008, ce qui paraissait incroyable alors que nous avons une crise sanitaire sans précédent, une pauvreté qui a reculé, un pouvoir d'achat qui a augmenté et des impôts qui ont baissé - 50 milliards d'impôts de moins - le président de la République a tenu tous les engagements qu'il avait pris devant les Français ; nous voulons continuer sur cette politique pour réformer et transformer encore notre pays pendant 5 ans, ça, ça m'intéresse et puis ça m'intéresse évidemment de savoir ce que les uns et les autres proposent pour notre pays puisque nous aurons à débattre, nous aurons ce débat d'idées fondamental encore une fois pour la démocratie. Ecoutez… que ça commence !

LORRAIN SENECHAL
Et pas de candidat toujours pour l'instant de votre côté.

OLIVIER VERAN
Pas de candidat déclaré de notre côté mais en tout cas un projet, une ambition, une envie pour les Françaises et les Français, ça, c'est certain et puis la rigueur encore une fois, la rigueur de faire c'est que nous disons et de dire ce que nous faisons.

NEÏLA LATROUS
Et d'un dernier mot Olivier VERAN : on a beaucoup parlé du coronavirus, je voulais qu'on parle d'un mot peut-être de la grippe. Est-ce que la campagne de vaccination vous satisfait ? Est-ce que les gens se vaccinent suffisamment aussi aujourd'hui contre la grippe saisonnière ?

OLIVIER VERAN
Non, on ne se vaccine pas suffisamment contre la grippe en France, année après année…. L'OMS nous demande d'avoir vacciné 75% des personnes fragiles ; l'année dernière, nous avions atteint - une année exceptionnelle - 55% ; il faut plus vacciner. Néanmoins, nous sommes à 10 millions de vaccins antigrippaux distribués cette année déjà dans notre pays. C'est ouvert désormais à tous les Français qui le souhaitent ; nous avons plein de vaccins chez les pharmaciens, chez les médecins, il ne faut pas hésiter à se faire vacciner ; moi c'est déjà fait, ça se passe très bien, d'ailleurs j'ai eu Moderna et grippe… ou Pfizer et grippe, je ne sais plus, de toute façon c'est pareil, je l'ai déjà dit et ainsi on passera un hiver beaucoup plus protégé individuellement et collectivement et on ne se posera pas les questions de Noël et du Nouvel An…

LORRAIN SENECHAL
Noël n'est pas en danger….

OLIVIER VERAN
Ce n'est pas une question, ce n'est pas une incantation, j'aimerais bien vous dire que Noël n'est pas en danger mais nous avons les moyens de faire en sorte que Noël se passe dans les meilleures conditions.

LORRAIN SENECHAL
Et on attend donc le Conseil de défense sanitaire lundi et les annonces éventuelles qui suivront. Merci beaucoup Olivier VERAN, ministre de la Santé. Bonne journée à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 décembre 2021