Interview de M. Cédric O, secrétaire d'Etat à la transition numérique et aux communications électroniques, à France Info le 7 janvier 2022, sur l'épidémie de Covid-19 et l'économie numérique.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Cédric O - Secrétaire d'Etat à la transition numérique et aux communications électroniques

Média : France Info

Texte intégral

JEAN-REMI BAUDOT
Bonjour Cédric O.

CÉDRIC O
Bonjour.

JEAN-REMI BAUDOT
Est-ce que vous aussi vous avez passé vos matinées cette semaine devant un labo pour faire tester vos enfants cas contact ?

CEDRIC O
Alors j’ai effectivement deux enfants qui sont à l’école, pour l’instant, et je touche non pas du bois, mais en tout cas ils n’ont pas encore été touchés.

JEAN-REMI BAUDOT
Vous n’avez pas eu ça, néanmoins des centaines, peut-être des milliers de parents ont passé leurs matinées souvent à faire tester leurs enfants, est-ce que c’est sérieux d’imposer, comme ça, de manière aussi régulière, des tests aux enfants ?

CEDRIC O
Je pense que ce qui est sérieux c’est d’essayer de laisser l’école ouverte et on voit que ce n’est pas facile, c’est pénible, honnêtement on le voit, moi je le vois autour de moi avec les autres parents d’élèves, il y a des protocoles qui sont compliqués, mais ce qu’on a toujours essayé de faire c’est de garder l’école ouverte, on doit s’adapter, il y a le nouveau virus Omicron, donc ça nécessite parfois des protocoles un peu compliqués, mais le pire, je pense, serait de fermer les classes.

JEAN-REMI BAUDOT
Alors, Jean-Michel BLANQUER va clarifier, il y a un allégement légèrement du protocole, en gros les trois tests pour les enfants ce n’est pas plus d’une fois tous les sept jours. On sait que tout ça est inédit, on sait que c’est difficile, est-ce qu’on n’est pas dans l’improvisation, dans le cafouillage ?

CEDRIC O
Non, je pense qu’on s’adapte, et ça je pense qu’on peut très bien l’assumer, il y a des nouveaux variants avec de nouvelles caractéristiques, celui-ci est extrêmement contagieux et donc il faut adapter les protocoles et puis il faut également écouter les parents, écouter le corps enseignant, et je crois qu’on peut assumer d’adapter les choses au fur et à mesure.

JEAN-REMI BAUDOT
Vos services – je rappelle que vous êtes secrétaire d’Etat au Numérique – c’est vos services qui gèrent l’appli TousAntiCovid, que beaucoup de Français ont dans la poche, un petit point des téléchargements, on en est où ?

CEDRIC O
Alors, aujourd’hui il y a 50 millions, un tout petit peu moins de 50 millions de téléphones, ou de monstres, qui ont TousAntiCovid installée, donc c’est une part importante, c’est a priori l’application française la plus téléchargée de l’Histoire, et donc c’est utile aujourd’hui, complémentairement d’ailleurs dans la lutte contre l’épidémie, puisque chaque jour il y a 50.000 personnes qui reçoivent une notification pour dire qu’ils sont cas contact. Donc, je profite de votre question d’ailleurs, pour inciter les Français à allumer le Bluetooth, à se déclarer dès lors qu’ils sont…

JEAN-REMI BAUDOT
Donc on le rappelle, à partir du moment où une personne contracte le virus elle peut dire " j’ai été contaminée ", et donc son réseau, en tout cas les personnes qu’elle a rencontrées vont…

CEDRIC O
Sur la feuille de résultat.

JEAN-REMI BAUDOT
Reçoivent cette…

CEDRIC O
Oui, sur la feuille de résultat test vous avez un deuxième QR code qui est en bas de la feuille, vous le flashez, et là tous les gens que vous avez rencontrés, et qui avaient l’application, et le Bluetooth allumé, reçoivent une notification.

JEAN-REMI BAUDOT
Est-ce que c’est cette application qui servira pour le pass vaccinal ?

CEDRIC O
Evidemment, puisque c’est cette application qui sert aujourd’hui pour le pass sanitaire, et donc vous continuerez à montrer votre…

JEAN-REMI BAUDOT
Il faudra faire une mise à jour, il faudra faire quelque chose ?

CEDRIC O
Non, ça sera automatique.

JEAN-REMI BAUDOT
La France préside depuis dimanche le Conseil de l’Union européenne, vous avez la charge d’un des piliers des ambitions françaises, le numérique, en deux mots, en quoi le numérique est une priorité pour la France ?

CEDRIC O
Le numérique est une priorité pour la France, parce que la France préside le Conseil de l’Union européenne, donc elle est en charge de mener les négociations, il y a deux textes, qui sont peut-être les plus importants de l’histoire de la régulation du numérique qui sont sur la table, qui pourraient aboutir sous présidence française, qui s’appellent le DSA et le DMA, ce sont des acronymes un peu techniques, mais derrière ces acronymes techniques il y a des choses extrêmement concrètes pour le quotidien des Français…

JEAN-REMI BAUDOT
Les marchés et les services…

CEDRIC O
Exactement, c’est l’économie et les services.

JEAN-REMI BAUDOT
Il faut, en gros, réguler la concurrence sur Internet.

CEDRIC O
Alors, il faut réguler la concurrence sur Internet parce que, aujourd’hui nos vies dépendent des outils numériques, et ces outils numériques sont en position d’oligopole, on le voit, c’est toujours les mêmes entreprises, et on n’imaginerait pas que les infrastructures de notre vie quotidienne, les routes, les ponts, les aéroports, ne soient pas régulés, ou en tout cas appartiennent à des entreprises privées, ne soient pas régulés, donc on va faire la même chose sur Internet. Et sur la partie services, là c’est extrêmement important parce que c’est la régulation de la modération, donc la lutte contre la haine en ligne, la lutte contre la désinformation, la protection des consommateurs, on a fermé l’année dernière, pardon, on a fait déréférencer la plateforme Wish, parce que 90 % des appareils électroniques qui étaient vendus dessus étaient dangereux, ce genre de choses n’arrivera plus avec Digital Services Act, donc ce sont des textes européens, techniques, mais qui ont des conséquences extrêmement concrètes dans la vie de tous les jours.

JEAN-REMI BAUDOT
Concrètement, par exemple, j’ai vu " bannir le ciblage publicitaire des enfants et des adolescents ", c’est ce genre de choses qui peuvent changer la vie… ?

CEDRIC O
Alors, il y a effectivement aussi des choses sur la protection des enfants et des adolescentes, vous vous souvenez que l’année dernière la lanceuse d’alerte Frances HAUGEN avait alerté par exemple sur les risques de certaines plateformes vis-à-vis des adolescentes, avec le DSA les plateformes seront obligées de prendre des mesures spécifiques pour protéger les mineurs.

JEAN-REMI BAUDOT
Alors ces plateformes elles sont américaines, les GAFA, les grands groupes, ils sont américains, vous auriez dû partir demain aux Etats-Unis pour négocier ça, en tout cas expliquer la philosophie française à Washington, les conditions sanitaires font que vous n’y allez pas, mais il va falloir convaincre les Américains qu’on n’est pas en train de les attaquer, c’est ça l’histoire ?

CEDRIC O
Alors, nous on a toujours été extrêmement clairs, le but ce n’est pas de viser des plateformes américaines, ou européennes, d’ailleurs il y aura des plateformes européennes qui seront dans les plateformes régulées…

JEAN-REMI BAUDOT
Pour l’instant c’est majoritairement des plateformes…

CEDRIC O
C’est majoritairement des plateformes américaines parce que c’est les plus grosses, donc nous nous ne visons pas, un pays, une nationalité, nous visons des pratiques et un certain type d’hackers, qu’ils soient d’ailleurs américains, européens ou chinois.

JEAN-REMI BAUDOT
En gros ça veut dire que c’est des sujets qui doivent se traiter au niveau européen, qu’est-ce que vous répondez à ceux qui disent finalement " la France elle s’en sortira mieux toute seule ", sur les questions numériques ce n’est pas vrai ?

CEDRIC O
Non, ce n’est pas vrai, le bon niveau pour traiter ces choses-là c’est au niveau européen, la taille de ces plateformes, le nombre d’utilisateurs, c’est au niveau européen qu’il faut traiter ces éléments-là, c’est à ce niveau-là, on l’a vu d’ailleurs avec le règlement général de protection des données, qui aujourd’hui protège la vie privée des Français, quand les Européens arrivent à se mettre d’accord, et on pense qu’on va réussir à le faire, alors ils imposent leurs valeurs sur le numérique.

JEAN-REMI BAUDOT
Il n’y aura pas des rétorsions, des risques de la part des Américains de dire " attention, vous êtes en train d’attaquer nos plateformes ", des rétorsions commerciales, diplomatiques ?

CEDRIC O
Je ne pense pas, d’abord parce que les Américains ont sensiblement les mêmes régulations qui sont en cours, c’est pour ça d’ailleurs que je devais partir aux Etats-Unis, mais j’aurai ces entretiens en visio, et puis la deuxième chose, je pense que l’Europe n’a pas à se soucier des mesures de rétorsion, elle doit imposer ses règles, décider ce qui est en accord avec ses valeurs, en accord avec son économie, et ensuite elle n’est souveraine sur son propre territoire.

JEAN-REMI BAUDOT
Dans la presse cette semaine Emmanuel MACRON indique qu’il avait envie d’être candidat, qu’est-ce qu’il attend pour se déclarer ?

CEDRIC O
Ça c’est une question qu’il faudra lui poser à lui. Non, j’ai noté qu’il avait dit que d’abord il y avait une temporalité, il y a un virus, nous sommes au pic de la vague, donc il doit être aux manettes, j’ai effectivement noté également qu’il avait évoqué une certaine envie d’y aller, ça c’est à lui de déterminer quand il devra y aller.

JEAN-REMI BAUDOT
Dans cette campagne est-ce qu’on parlera de numérique, pour l’instant on parle d’identité, de prénoms, de drapeau, de Kärcher ?

CEDRIC O
Ça c’est, je trouve, un énorme problème dans cette campagne, je n’ai pas de problème avec le fait que Valérie PECRESSE parle de Kärcher, on a compris, elle cherche à se positionner comme plus dure que les durs, donc c’est le Kärcher, demain ça sera le Destop, le problème de cette campagne c’est que le numérique, aujourd’hui, on le voit, il façonne nos vies, le numérique, l’innovation, c’est au coeur de l’opposition entre les Etats-Unis et la Chine, et le Kärcher c’est très bien, mais ça ne donnera pas à manger à nos enfants, ça ne donnera pas d’emploi à nos enfants, et donc la question de l’innovation, la question du numérique, elle devrait être au coeur des débats, comment on fait pour avoir nous-mêmes nos champions européens, comment on fait pour innover, comment on fait pour que TESLA, SpaceX, demain ils soient en Europe, c’est comme ça qu’on assurera l’avenir de nos enfants.

JEAN-REMI BAUDOT
Et ça veut dire que ces sujets ne sont pas assez portés par l’opposition, je vois que vois que par exemple Valérie PECRESSE a nommé Hervé MORIN en charge du Numérique, ça vous fait sourire ?

CEDRIC O
J’ai déjà eu l’occasion de dire que… je trouve ça assez symbolique, j’avais eu l’occasion de dire que quand on nomme Hervé MORIN en charge de l’Innovation c’est qu’on aime les oxymores, certainement pas qu’on aime l’innovation. Non, le problème c’est que ce sujet, plus largement, est absent du discours des oppositions, que soit Valérie PECRESSE d’ailleurs, Anne HIDALGO, Jean-Luc MELENCHON, et c’est un problème parce que c’est ce qui déterminera la place de la France dans le monde dans les décennies à venir.

JEAN-REMI BAUDOT
Cédric O, merci beaucoup, secrétaire d’Etat chargé du Numérique, merci d’être venu ce matin sur France Info.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 10 janvier 2022