Déclaration de M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice, sur les greffiers des tribunaux de commerce, à Paris le 30 septembre 2021.

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Circonstance : 133e congrès du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce

Texte intégral

Madame la Présidente,
Madame, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Présidents,
Messieurs les Directeurs,
Mesdames, Messieurs,


Je suis ravi d’être à vos côtés aujourd’hui pour ouvrir le 133ème Congrès, que vous avez décidé de dédier au greffier, " entrepreneur de confiance du service public ".

Ce thème met en avant votre spécificité puisque vous êtes les figures familières, incontournables et indispensables de nos juridictions.

Vous êtes également des officiers publics et ministériels qui occupez une place particulière, car vous êtes à la fois désignés par notre ministère pour exercer dans les tribunaux de commerce, tout en étant chefs d’entreprise.

Cette année encore, vous avez continué à nous démontrer votre efficacité et votre engagement au profit du service public.

Permettez-moi tout d’abord de vous féliciter pour la grande réactivité qui a été celle de votre profession au plus fort de la crise sanitaire.

Grâce à votre dynamisme et à votre sens aigu du service public, vous avez activement contribué à la continuité de la justice commerciale pendant la pandémie, notamment en équipant très rapidement les juridictions pour permettre des audiences par visioconférence.

Cette mesure mais également le développement des procédures numériques et le renforcement du service Infogreffe ont ainsi permis aux justiciables de continuer à être accompagnés dans cette période difficile.

Je souhaite ensuite saluer votre dévouement au service des entreprises, et en particulier des entreprises en difficulté.

Votre profession a contribué à l’exemple des travaux menés par le Gouvernement pour soutenir les entreprises, à la fois dans le contexte particulier de la crise sanitaire, avec les ordonnances COVID et le plan d’accompagnement des entreprises en sortie de crise, mais aussi sur le plus long terme.

Je sais que vous serez prêts pour la mise en oeuvre des nombreuses réformes qui vont entrer en vigueur au mois d’octobre prochain.

Je pense notamment à l’ordonnance du 23 septembre dernier relative à la transposition de la directive européenne restructuration et insolvabilité.

Je pense également à la nouvelle procédure de « traitement de sortie de crise », qui doit permettre à des entreprises employant moins de 20 salariés et ayant un passif inférieur à 3 millions d’euros de trouver une solution à leurs difficultés.

Vous savez, et je vous en remercie d’avance, que mes services sont à l’écoute des difficultés que vous pourriez leur signaler et des éventuelles améliorations qui pourraient être proposées.

Vous avez également mentionné, madame la Présidente, l’importante réforme du droit des sûretés qui découle de l’ordonnance du 15 septembre dernier, et qui crée notamment un nouveau registre des sûretés mobilières. Je souhaite m’y attarder un instant.

Ce registre sera confié aux greffiers des tribunaux de commerce et sa plus-value est importante : il concerne en effet presque une vingtaine d’inscriptions de sûretés mobilières différentes.

Il s’agira d’un registre qui permettra une dématérialisation totale des démarches des entreprises, et ceci dès le stade de l’inscription de la sûreté. Il facilitera l’accès aux données en permettant des consultations gratuites sur un site national mis en place par la profession.

Il constitue un vecteur d’allégement et de simplification des formalités attendu par les professionnels et offrira également une sécurité juridique et une transparence accrue, soit autant de facteurs de confiance dans la vie économique.

J’ai toute confiance en la capacité des greffiers des tribunaux de commerce pour relever ce défi.

Puisque j’ai évoqué la gratuité de la consultation du registre des sûretés, je me dois ici d’évoquer avec vous l’impact de l’Open Data sur votre profession. Vous le savez, le Gouvernement est résolu à assurer la pleine mise à disposition du public des informations et données publiques, et ce à titre gratuit.

Vous le savez parce que cela a commencé à impacter votre profession et une partie de ses modalités de financement.

Je comprends les craintes que le développement de l’Open Data peut faire naître : le ministère est donc bien évidement disponible pour vous accompagner dans cette évolution, dans le cadre d’une relation ou la confiance et la transparence sont assurées.

Je tiens à présent à revenir sur le travail colossal que vous accompli en Outre-mer. Comme vous le savez, le ministère a décidé de créer de nouveaux offices de greffiers des tribunaux de commerce en 2019 dans les tribunaux mixtes de commerce de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion.

La situation dans ces chefs-lieux était alarmante en raison des stocks et de délais importants. Vous avez été désignés afin de permettre une redynamisation de ces économies locales et, il faut le souligner aujourd’hui, c’est une réussite.

L’Etat ne peut donc que vous renouveler sa confiance, qui va encore se manifester, comme vous l’avez souligné, dans les travaux à venir en vue du transfert de la tenue du registre du commerce et des sociétés polynésien.

Il est ensuite un domaine dans lequel vous avez accepté de porter une grande responsabilité, c’est celui de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, responsabilité de que vous avez acquise grâce à votre statut de fins connaisseurs du tissu économique, détenteurs d’informations permettant de détecter rapidement les fraudes.

Votre profession a ainsi initié, depuis plusieurs années maintenant, une dynamique permettant de faire des greffiers des tribunaux de commerce des acteurs clés dans ce domaine.

Mieux, vous avez demandé à être assujettis au dispositif prévu par le Code monétaire et financier. Cet assujettissement, depuis février 2020, vient renforcer les mesures de transparence des personnes morales et l’identification des structures à risques, notamment sur la base de critères d’alerte développés avec TRACFIN.

On ne peut que se réjouir des efforts entrepris par votre profession qui devient ainsi autorité de contrôle au sens du Code monétaire et financier. Déjà, les chiffres sont éloquents : 720 déclarations de soupçons ont été comptabilisés en 2020, pour 465 en 2019, soit une augmentation de 55%.

Permettez-moi dès lors de faire miens les propos du directeur de TRACFIN à votre égard : " vous êtes devenus, aux côtés des autorités en charge de la lutte contre la fraude, de véritables acteurs de ce combat ".

Je vous encourage donc à poursuivre votre engagement notamment au service de la transparence des personnes morales.

Mesdames et messieurs, le thème de votre journée est donc la confiance. Et je crois aussi fondamentalement que la confiance est la clé de voute du service public.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire mais le professionnel du droit est la porte d’entrée des justiciables qui souhaitent accéder à l’institution judiciaire.

Or le rapport de l’inspection générale de la justice rendu au mois d’octobre 2020 est sans appel : le régime disciplinaire des professions du droit doit être réformé.

C’est donc ce que souhaite faire le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, dont les débats au Sénat viennent de se terminer.

A ce titre, je tiens à remercier l’ensemble de la profession de greffier des tribunaux de commerce pour son implication et pour les échanges fructueux qui ont permis d’écrire un texte moderne, clair, rendant plus efficace l’action de tous.

C’est grâce à cette action conjuguée que le projet peut aujourd’hui être aussi ambitieux.

Il vise à rendre le droit plus accessible, en instaurant des codes de déontologie préparés par chaque profession.

Il vise également à le rendre plus simple, en confiant le contrôle et la discipline des officiers publics et ministériels aux procureurs généraux et en unifiant l’architecture juridictionnelle.

Il vise à le rendre plus efficace, en créant un service d’enquête indépendant, en modernisant l’échelle des peines, en créant un échelon infra-disciplinaire.

Je souhaite en outre ouvrir la juridiction disciplinaire sur l’extérieur en permettant au plaignant de la saisir directement et en introduisant l’échevinage.

Votre concours nous a été précieux et il le sera encore dans les mois à venir pour la rédaction des mesures d’application.

Je sais que les greffiers des tribunaux de commerce sauront se mobiliser pour assurer l’efficacité de la réforme.

Mais renforcer la discipline doit inévitablement s’accompagner d’une formation exigeante car formation et discipline sont liées.

Les conditions d’accès à votre profession ont été profondément réformées par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015.

Toutefois les premières éditions du concours résultant de cette réforme ont révélé des points susceptibles d’être améliorés.

C’est la raison pour laquelle vous avez saisi récemment mes services de propositions visant à exiger des candidats d’être titulaires d’une deuxième année de master en droit et d’adapter la durée de leur période de formation.

Je peux vous assurer que ce projet de réforme pourra aboutir dans les prochains mois. Vous serez, comme toujours, pleinement associés à la rédaction des textes.

Je sais pouvoir compter sur votre implication et votre coopération sans faille.


Madame la Présidente, chère Sophie,

A l’heure où, dans quelques mois, votre mandat va s’achever, je ne saurais enfin clôturer mes propos sans vous remercier, personnellement, pour la qualité des échanges que avez su instaurer entre le Conseil national et mes services.

On en peut que saluer votre engagement au service de votre profession, votre franchise, votre efficacité, et surtout votre sens du " service public ".

En résumé, vous êtes en quelque sorte l’illustration même du thème que vous avez souhaité donner à votre congrès.

Je vous souhaite à vous-même, ainsi qu’à l’ensemble de l’auditoire, un excellent congrès.

Je vous remercie.


Source https://congres.cngtc.fr, le 11 janvier 2022