Texte intégral
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Q - Parlons d'Europe. Mercredi prochain, Emmanuel Macron fera un discours devant le Parlement européen à Strasbourg. On connaît désormais les objectifs de la France pour cette présidence, on en a déjà parlé ici sur France Info. Quel est le nouveau message que le Président veut faire passer devant les parlementaires ?
R - D'abord, c'est une marque d'engagement et de respect démocratique ; le Président de la République, qui assure cette présidence pour six mois, va devant le Parlement européen, élu par tous les citoyens, français et européens, pour expliquer ce qu'on va porter pendant cette présidence. Je pense qu'il faut insister aussi à cette occasion sur la démocratisation supplémentaire de l'Union européenne ; on le fait en défendant par exemple des listes transnationales pour les prochaines élections européennes. On doit valoriser aussi ce Parlement européen, rendre hommage d'ailleurs à son président qui est décédé en début de semaine...
Q - Un hommage sera rendu lundi...
R - Absolument, un nouvel hommage sera rendu lundi en présence du Président de la République, et puis ce sera la première session de l'année pour expliquer ses grandes priorités de la présidence.
Q - Est-ce que mercredi, ce n'est pas un exercice en fait très politique ? Il parlera encore en tant que président, en tant que candidat ? En fait dans la salle, devant lui, il y aura Yannick Jadot, donc candidat à la présidence, il y aura des soutiens de Marine Le Pen - Jordan Bardella, Xavier Bellamy - est-ce que ce sera déjà le premier débat de la campagne ?
R - J'entends ce message ; nous n'avons pas choisi le calendrier et je rappelle que c'est un exercice que toutes les présidences font. Ce n'est pas le Président de la République qui l'a choisi.
Q - Oui, mais on est dans un contexte particulier... Et ils vont lui poser des questions.
R - Bien sûr, et vous avez raison de le préciser. Ce qui est important dans cette séquence, c'est que le président répondra directement aux questions de tous les parlementaires européens dans l'arène, en quelque sorte, et c'est une belle responsabilité démocratique. J'entends M. Jadot et d'autres, eux-mêmes, vouloir en faire un débat de campagne ; le président y va en tant que Président de la République, que Président du Conseil de l'Union européenne. Qu'il y ait des débats qui fassent écho à la campagne sur le climat, sur l'immigration, d'une certaine façon tant mieux. Moi, je reproche souvent à l'Europe de ne pas être assez politique, de ne pas assez intéresser nos concitoyens, parfois les médias ou le monde politique. Tant mieux s'il y a un débat qui sera direct - ça j'en suis sûr - cela a été annoncé ; le président ne déteste pas les débats qui sont parfois difficiles. Donc tant mieux si on a un moment au Parlement européen qui est un peu exceptionnel.
Q - Dans l'actualité, aux portes de l'Europe, il y a une situation tendue en Ukraine, tensions avec la Russie, entre la Russie, les Européens, les Américains, l'OTAN ; est-ce que l'Europe a les capacités diplomatiques, et peut-être même militaires, de freiner Vladimir Poutine ?
R - J'entends qu'on a un nouveau moment d'autoflagellation européenne sur le fait qu'on ne serait pas présent dans ces discussions. D'abord, en ce moment même, les ministres des affaires étrangères européens se réunissent avec Jean-Yves Le Drian sur cette question ; l'OTAN s'est réunie, pas les Américains tout seuls. Et surtout, regardons ce qui se passe dans la crise ukrainienne en particulier depuis l'annexion de la Crimée à la Russie : les efforts diplomatiques, qui sont difficiles, parfois insuffisants, mais les seuls qui ont porté leurs fruits, qui ont parfois apaisé la situation, permis des cessez-le-feu, libéré des prisonniers, ce sont les efforts des Européens, notamment de la France et de l'Allemagne, dans ce qu'on appelle le format de Normandie qui réunit France, Allemagne, Ukraine, Russie. Et nous essayons de le réunir à nouveau. Donc tant mieux si les Américains se réimpliquent dans ce sujet...
Q - Alors, c'est quoi, cette autoflagellation puisqu'on entendait Marine Le Pen très critique, on entend Eric Zemmour qui parle d'une chimère concernant la défense européenne ?
R - Marine Le Pen, elle a été députée européenne. Elle n'a rien fait ; elle a même voté contre tout ce qui allait dans le sens d'une plus grande défense européenne. Quand on se tire une balle dans le pied, on ne peut pas se plaindre d'avoir du mal à marcher ! Est-ce qu'elle a aidé l'Europe, une fois dans sa vie, à être plus forte ? Elle fait le jeu, justement, de l'atlantisme ou de l'impuissance caractérisée.
Eric Zemmour parle de chimère. D'abord, il y a des avancées très importantes sur l'Europe de la défense, depuis plusieurs années, notamment, par exemple, la présence de pays européens avec nous au Sahel. Il parle de sortir de l'OTAN. On pense vraiment qu'en ce moment, sortir de l'OTAN, ça va renforcer le poids, la voix de la France face à Vladimir Poutine ? C'est le plus beau cadeau qui peut être fait à la Russie de Vladimir Poutine aujourd'hui. Mais ce n'est pas une surprise, Mme Le Pen, M. Zemmour sont fascinés par les autocrates, ils sont fascinés par M. Poutine ; ils n'aiment pas ni l'Europe, ni la démocratie. Et donc, ils affaiblissent eux-mêmes notre position.
Q - On se souvient que Nicolas Sarkozy avait dû gérer une crise en Géorgie à l'époque de la PFUE en 2008 ; très cyniquement, est-ce qu'une crise en Europe, ça n'est pas une opportunité politique pour Emmanuel Macron ? On rappelle que d'un pur point de vue institutionnel, le Président de la République française ne préside rien pendant la PFUE ; est-ce que ça ne lui donnerait pas un rôle de premier plan en Europe ?
R - Il donne les impulsions sur toutes les réunions de ministres, c'est important, et il définit le programme de la France. Ecoutez, il faut être raisonnable, on ne va pas souhaiter une crise. Maintenant, les difficultés européennes, oui, il appartient notamment à Emmanuel Macron, avec la Présidente de la Commission européenne, avec Charles Michel, le Président du Conseil européen, de les assumer. Et il est engagé sur ces sujets ; il y aura au mois de mars notamment un Conseil européen qui sera consacré à l'adoption de notre stratégie de sécurité et de défense.
La France l'a beaucoup portée, indépendamment de ces crises, mais ces crises sont des révélateurs que l'on a besoin, présidence française ou non, de plus d'action européenne. Je rappelle qu'on a vécu il y a quelques semaines - on n'était pas en présidence - une crise organisée par la Biélorussie, une attaque migratoire vis-à-vis de la Pologne et d'autres pays européens. C'est la France notamment qui a, par son action avec les partenaires européens, permis d'apaiser cette crise, de suspendre les vols organisés à la frontière biélorusse et polonaise.
Q - Je vous parlais de la PFUE 2008, parce qu'à Bruxelles, c'est encore considéré un peu comme un modèle. Crise financière, paquet climat, Géorgie : Nicolas Sarkozy avait mis peut-être la barre haut d'un point de vue d'une présidence ?
R - Mais Nicolas Sarkozy s'était beaucoup engagé ; moi, je rends hommage à son action européenne, j'aimerais d'ailleurs que sa famille politique se souvienne, sur le plan des symboles, sur le plan de son engagement européen, qu'à l'époque, les Républicains, même s'ils ne s'appelaient pas comme ça, soutenaient le président Sarkozy et aimaient l'Europe. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Je crois qu'Emmanuel Macron ne cherche pas la comparaison, et qu'on ne peut pas dire que son engagement européen date du 1er janvier dernier ou n'a pas été important depuis quatre ans. Nous aurons la régulation du numérique, nous aurons les salaires minimums encadrés et renforcés en Europe, nous aurons, j'espère, une taxe carbone aux frontières de l'Europe ; tout ça, ce sont des engagements nouveaux qui sont des résultats qu'on peut avoir, sous l'impulsion du président, dans cette présidence française. (...).
source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 janvier 2022