Texte intégral
SONIA MABROUK
Bienvenue sur Europe 1, et bonjour Amélie de MONTCHALIN.
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.
SONIA MABROUK
Circulez, il n'y a plus rien à voir ?
AMELIE DE MONTCHALIN
De quoi parlez-vous ?
SONIA MABROUK
Est-ce que vous dites ce matin : circulez, il n'y a plus rien à voir, Jean-Michel BLANQUER s'est expliqué et donc la polémique est derrière lui ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ecoutez, moi je pense que l'on vit un moment où le débat médiatique, politique, il faut parfois le mettre un peu de côté. Je crois que Jean-Michel BLANQUER a dit tout ce qu'il fallait dire, et puis ce débat politique, on le sait, il évolue chaque jour. Le sujet, je crois, qui compte, c'est : quel est l'état de notre pays ?
SONIA MABROUK
Nous allons en parler, bien sûr.
AMELIE DE MONTCHALIN
Un pays qui a été mis à l'épreuve depuis deux ans, par un virus, mais un pays qui tient, un pays courageux, et un pays qui, parce qu'il a laissé ses écoles ouvertes, montre qu'il croit avant tout à l'avenir.
SONIA MABROUK
Mais qui veut, selon vous, la peau de Jean-Michel BLANQUER ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ecoutez, on est dans un moment où on voit bien, les parents sont fatigués. Moi je suis la maman de trois enfants, on fait des tests, des autotests à la maison tous les jours, on voit que les enseignants sont fatigués, on voit que les enfants aussi en ont marre, et donc on est dans un moment où il ne faut pas que l'on perde le cap, et surtout, les Français, ils ne perdent pas le cap.
SONIA MABROUK
Mais vous ne répondez pas. Qui, selon vous, veut la peau du ministre ? Est-ce qu'il paie par exemple ses engagements sur la laïcité, contre l'islamo-gauchisme, contre le wokisme ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, je vois que ce qui se joue aujourd'hui, c'est qu'est-ce que nous voulons pour notre pays ? Qu'est-ce que nous voulons pour nos enfants, qu'est-ce que nous voulons pour l'avenir ? Jean-Michel BLANQUER, le gouvernement, le Premier ministre, le président de la République, il a pris un engagement, c'est que dans cette crise, nous ne mettrions pas l'école, nous ne mettrions pas les enfants de côté.
SONIA MABROUK
Mais je l'ai bien compris, Madame la Ministre, on va y arriver…
AMELIE DE MONTCHALIN
Je ne vais pas vous dire aujourd'hui qu'il y aurait tel ou tel qui irait derrière tel ou tel. Ce n'est pas intéressant. Savoir aujourd'hui ce qui compte, c'est : Jean-Michel BLANQUER, est le ministre de l'Education. Nous avons pris une promesse vis-à-vis des Français…
SONIA MABROUK
Attendez…
AMELIE DE MONTCHALIN
… c'est que les services publics allaient tenir. Que le service public de l'école, en particulier, allait tenir.
SONIA MABROUK
Amélie de MONTCHALIN, il y a une forme de populisme à taper à bras raccourcis sur les politiques, je le concède, et je ne veux pas emprunter cette voie et me transformer en juge, mais, est-ce qu'on peut vous poser quand même la question ce matin ? Compte tenu de ce que vous dites, pourquoi cette légèreté coupable ? Pourquoi ne pas se rendre compte qu'en période de crise, comme vous le dites, où tous les regards sont braqués sur cela, certaines choses ne se font pas ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ecoutez, le ministre a dit tout ce qu'il avait à dire sur le sujet hier à l'Assemblée. Maintenant, je pense que dans l'intérêt de notre pays, dans l'intérêt de l'avenir de nos enfants, dans l'intérêt du service public, qui est ce qui fait tenir notre pays aujourd'hui, nous avons intérêt à mettre ces débats, ces polémiques, parfois ces feux de paille qui émergent, de côté, et nous concentrer sur ce que les Français attendent de nous, responsables politiques.
SONIA MABROUK
Alors, allons-y.
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est que nous soyons à leurs côtés, pour que ce pays, malgré cette crise très éprouvante, tienne, tienne debout, et que le courage dont font preuve les Français chaque jour, eh bien nous puissions être à l'honneur de ce courage, que nous avancions.
SONIA MABROUK
Alors, le plus important, le fond, Amélie de MONTCHALIN, c'est un nouvel appel à la mobilisation ce jeudi dans l'Education nationale. Quand les protocoles sanitaires ne satisfont personne, ni les parents, ni les enseignants, est-ce qu'il faut changer de méthode ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Déjà, la première chose, c'est qu'il faut s'ajuster. Et depuis le début de cette crise, le président de la République l'a toujours dit : on ne sera pas forcément parfait, mais comptez sur nous pour corriger le tir. Alors, ça veut dire oui, que les protocoles se sont ajustés. Ça veut dire aujourd'hui, on l'a vu, nous sommes dans une période sanitaire très particulière…
SONIA MABROUK
Je parlais de par la méthode : concertation, anticipation, est-ce vous manquez de cela ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais, nous sommes dans une période particulière, le virus lui-même évolue, et donc qu'est-ce qui se joue dans le gouvernement depuis maintenant 2 ans ? C'est un dialogue continu avec les enseignants, moi, avec les fonctionnaires et les syndicats de fonctionnaires tous les 15 jours…
SONIA MABROUK
Pourquoi disent-ils l'inverse ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Parce qu'aujourd'hui, évidemment, parce que les règles…
SONIA MABROUK
Est-ce qu'il y a deux visions aujourd'hui de ce qui se passe dans l'Education nationale ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, les règles ont changé, parce que la pandémie, elle-même, a changé de nature. Le Premier ministre, avec Olivier VERAN, avec Jean-Michel BLANQUER, encore la semaine dernière, ont pris l'engagement de tenir des concertations encore plus approfondies, notamment pour que chacun comprenne bien quelle est la nature de la pandémie.
SONIA MABROUK
Donc, vous trouvez que cette grève est illégitime finalement, puisque vous dites que le dialogue est continu.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non mais, je dis d'abord que la grève c'est endroit.
SONIA MABROUK
Fort heureusement.
AMELIE DE MONTCHALIN
Je dis aussi que moi je crois au dialogue social, ce dialogue social qui apporte des solutions. Dans les mouvements aujourd'hui des enseignants, vous voyez qu'il y a d'autres choses qui se mêlent. Il y a des questions sur le pouvoir d'achat. Jean-Michel BLANQUER a mené par le dialogue social, un Grenelle de l'Education, qui a, sur les jeunes enseignants, permis déjà des revalorisations. Est-ce qu'il faut qu'on aille plus loin ? Evidemment. Je mène, voyez, aussi par le dialogue social, des résultats très concrets qui concernent aussi les enseignants, la Mutuelle santé qui va être prise en charge pour tous les enseignants à partir de 2022. C'est aussi par le dialogue social. Est-ce qu'il faut qu'on aille plus loin ? Evidemment. Est-ce qu'on a tout résolu ? Non. Est-ce qu'on s'est engagé ? Oui. C'est quoi la politique, à un moment donné ? C'est du sang-froid, de la méthode, du dialogue. S'il faut reprendre le dialogue, on continue…
SONIA MABROUK
Bien. Donc, à vous écouter, avec les éléments de langage ce matin, vous avez tout réussi.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, pas du tout. Ce n'est pas ce que je vous ai dit. Je vous ai dit d'abord qu'on avait évidemment encore beaucoup travail, que la méthode c'était évidemment le dialogue, que s'il y avait des choses à poursuivre dans l'approfondissement de ce dialogue, on allait évidemment le faire, que nous n'avons aucune, j'allais dire, naïveté sur l'état à nouveau de fatigue, de lassitude de ceux qui sont au front, en première ligne. Parce qu'on parle beaucoup des soignants, mais les enseignants ils se sont mobilisés pendant le confinement, ils se sont remobilisés pour le déconfinement…
SONIA MABROUK
C'est pour ça qu'il y a eu cette polémique.
AMELIE DE MONTCHALIN
… Ils sont dans les écoles, et ce protocole est particulièrement éprouvant, on le sait pour les enfants, donc, et pour les enseignants, et pour tous ceux qui le vivent.
SONIA MABROUK
Est-ce qu'on peut souligner…
AMELIE DE MONTCHALIN
Donc, notre ligne, ce n'est pas « on est parfait », c'est qu'on continuera à agir avec méthode, avec accompagnement et avec grande lucidité.
SONIA MABROUK
Est-ce qu'on peut souligner un point positif malgré tout ? C'est toujours important de donner une lueur d'espoir, c'est la continuité et de nos services publics pendant la crise. Il est vrai que l'engagement est bien là, que tous les services publics ont tenu, et ça quelle que soit la couleur politique et les gouvernements, c'est important à mettre en avant.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais attendez, nous depuis 2 ans, le président de la République avait fait une promesse : plus jamais nous ne vivrions le moment un peu de sidération qu'on avait vécu en mars/avril 2020. Ce n'est pas immédiat, ce n'est pas automatique, c'est beaucoup d'adaptation, c'est beaucoup d'organisation, c'est de faire en sorte que quoi qu'il arrive les Français ont en face d'eux des services publics qui sont ouverts, qui leur répondent, qui tiennent les délais…
SONIA MABROUK
Certains vont vous dire : fort heureusement, vu les impôts et ce qui est investi dans nos services publics, c'est la moindre des choses.
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, c'est aussi un engagement… Evidemment que c'est le coeur de la République, évidemment que c'est un devoir qu'a la République de faire tenir ses services publics. Maintenant, entre les engagements que vous prenez, et les résultats que vous avez, ce qui est intéressant, c'est qu'il y a 75 % des Français, aujourd'hui, qui nous disent, ça a été publié hier, qu'ils reconnaissent que les services publics ont tenu, c'était 63 % l'année d'avant. Donc ça veut dire qu'on a progressé.
SONIA MABROUK
Oui, mais, il y a vraiment important, Madame la Ministre…
AMELIE DE MONTCHALIN
Et je tiens ici à dire, ça tient sur les agents publics qui, partout dans le pays, là où ils sont, dans les communes, dans les hôpitaux, dans les écoles, dans tout ce qui fait notre vie quotidienne, se sont adaptés. C'est un engagement que j'ai piloté depuis l'autonome 2020…
SONIA MABROUK
Bien, mais les Français, si vous les entendez sur ce sujet, ils ne veulent pas forcément plus de fonctionnaires, mais mieux de fonctionnaires. La France compte plus de fonctionnaires en fin de quinquennat, qu'en début, quels que soient d'ailleurs les quinquennats. Sur les trois premières années par exemple du quinquennat Macron, c'est 137 000 nouveaux agents. Bon, la promesse de réduire la voilure, elle s'est envolée.
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, on doit être bien clair, on aura exactement le même nombre de fonctionnaires dans l'Etat, à la fin du quinquennat en 2022, qu'au début de 2017. Notre engagement, avec le président de la République, ce n'est pas d'être obsédé, comme certains notamment à droite, par le nombre de fonctionnaires.
SONIA MABROUK
Eh bien, vous en avez fait la promesse, c'est pour cela que je vous renvoie sur les chiffres.
AMELIE DE MONTCHALIN
On ne s'est pas renié. Ce que l'on a dit, c'est que l'on était obsédé par quelque chose, c'était l'efficacité de l'action publique et la proximité. Qu'il y ait moins de gens dans les ministères, qu'il y ait beaucoup plus de gens dans les commissariats, dans les tribunaux, dans les hôpitaux, dans les départements…
SONIA MABROUK
Attendez, on a les chiffres. 137 000 nouveaux argents, dont 77 000 dans la Fonction publique d'Etat, 30 000 dans les collectivités locales, et 31 000 dans les hôpitaux.
AMELIE DE MONTCHALIN
Attendez, là vous me parlez de chiffres qui sont le début du quinquennat, je vous parle sur l'ensemble des 5 ans. Qu'est-ce qu'on a voulu faire avec le président ? Sortir d'une vision où le nombre de fonctionnaires devient une obsession. Vous avez à droite des gens…
SONIA MABROUK
C'était la vôtre en début de quinquennat, c'était la promesse d'Emmanuel MACRON…
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, ce n'était pas notre obsession. On a dit la chose suivante : parce que nous allons transformer l'action publique, parce que nous allons regarder comment mieux servir les Français, la conséquence de ça c'est que oui on redéploiera nos forces, et on les mettra sur le terrain. Et après, nous on s'est adapté. Vous savez, la France de 2022, ce n'est pas celle de 2017…
SONIA MABROUK
C'est important ce que vous dites. MACRON de 2022, Amélie de MONTCHALIN, ne fera pas la promesse de réduction des effectifs de la Fonction publique. Ce n'est plus le même MACRON de 2017.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ça n'a jamais été, et je suis très claire là-dessus, l'obsession, ça n'a jamais été la fin. On a toujours dit que oui on allait se réorganiser, on allait redéployer. Voyez, il y a 5 000 nouveaux fonctionnaires qui arrivent dans les départements, au plus près des Français. Il y a 5 000 agents publics aujourd'hui qui sont dans les France services, pour que les Français puissent faire leurs démarches près de chez eux. Il y a aujourd'hui 10 000 policiers de plus. Qu'est-ce que vous regardez ? Vous savez, aujourd'hui une candidate à la présidentielle, qui ne parle que de réduction, qui ne parle que de coupe, le bilan on le connaît, c'est celui entre 2007 et 2012, c'est moins d'agents sur le terrain, c'est 40% de personnel en moins dans les préfectures et sous-préfectures…
SONIA MABROUK
Là, vous parlez de Valérie PECRESSE. Amélie de MONTCHALIN, rappelons quand même à nos auditeurs, que vous avez un parcours avant Emmanuel MACRON, que vous avez accompagné une partie de la droite, et dont Valérie PECRESSE aussi. Vous ne vous offusquiez pas auparavant de cette logique.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais je sais pourquoi qu'en suis partie. Je suis partie en 2016, précisément parce que l'approche comptable, cette espèce de vision comptable des choses, elle ne renforce personne, elle ne sert aucun Français, elle est là pour donner des signaux à un électorat. Elle est là parce que madame THATCHER… madame PECRESSE aujourd'hui se prévaut de madame THATCHER…
SONIA MABROUK
Quel lapsus, oui.
AMELIE DE MONTCHALIN
Madame THATCHER, c'est quoi ? C'est une cruauté sociale. Est-ce que ça correspond aux besoins des Français ? Non…
SONIA MABROUK
Certains vous diront que c'est une efficacité aussi.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, le service public nous défendons avec le président, c'est un service public qui est là où les Français vivent, qui répond à leurs besoins, qui se redéploie, qui se réorganiser, qui évidemment se transforme, mais tous ceux qui vous font croire que parce qu'on va réduire le nombre on servira mieux les Français, d'abord ils se fourvoient, ils affaiblissent l'Etat.
SONIA MABROUK
De manière générale, Amélie de MONTCHALIN, pour sa stratégie sanitaire, le gouvernement a confié des missions à des cabinets de conseil, dont le cabinet américain McKinsey. A ce sujet, une commission d'enquête au Sénat est en cours, vous serez d'ailleurs auditionnée sous serment, je le précise, cet après-midi. Question simple qui vous sera certainement posée : pourquoi avoir sollicité un cabinet pour des sommes énormes, au lieu de faire appel aux compétences que vous me, et vous nous vantez depuis tout à l'heure, de nos administrations dans le domaine de la santé ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, la première chose qu'on doit dire, c'est que dans notre pays, dans toutes circonstances, c'est toujours le gouvernement qui décide et l'administration qui applique. Il n'y a pas un des gens qui nous gouverneraient en sous-main. On n'a pas délégué des pans entiers de l'action publique à d'autres.
SONIA MABROUK
Eh bien il y a un … pouvoir qui nous conseille.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non non non, mais notre cap, c'est quoi ? C'est à nouveau une action publique efficace, et de l'argent public bien géré. Dans ce quinquennat, les dépenses de conseils n'ont pas augmenté, elles sont à 140 millions. Dans mon ministère, voyez, je les ai même divisées par deux. Par deux.
SONIA MABROUK
Pourquoi demander à un cabinet de conseil ce que notre administration, que vous vantez depuis tout à l'heure et on aimerait vous croire, pourrait faire ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je vais vous répondre. Sur le sujet de la crise sanitaire, 14 millions d'euros, c'est la somme que l'Assemblée nationale estime que le ministère de la Santé a effectivement confiée pendant la crise sanitaire à des cabinets de conseil. Au Royaume-Uni, c'est 700 millions d'euros. Donc déjà, reprenons aussi par la comparaison ce qui a pu se passer chez nous et chez d'autres. Après, est-ce qu'on peut s'en satisfaire ? La réponse c'est non. Parce que nous avons aujourd'hui les moyens de fixer une règle de bon sens, une règle stricte. Tout ce que peut faire l'Etat, n'a pas à être confié à des consultants. Nous allons…
SONIA MABROUK
Mais alors, pourquoi l'avez-vous fait ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Nous allons bloquer, à partir de maintenant, l'ensemble des contrats, qui correspond…
SONIA MABROUK
Mais, vous arrivez en fin de quinquennat, Madame la Ministre.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, parce que, ce que j'ai à vous dire, c'est qu'en 2017 nous avons été le premier gouvernement à fixer des règles. Ce sujet n'était absolument pas piloté. La droite disait : on supprime des fonctionnaires, on a des consultants. La gauche disait : au fond, on ne regarde pas le sujet…
SONIA MABROUK
C'est vous qui êtes en face de moi ce matin. Le total des prestations extérieures s'élèverait à 2 millions par mois, pour ce cabinet en l'occurrence, et pas seulement, il y a des cabinets, disons le mot « c'est un pognon de dingue ». Moi, la question, c'est : quel est véritablement le rôle et l'influence de ce cabinet et des autres qui interviennent ?
AMELIE DE MONTCHALIN
J'y reviens. D'abord, la décision, ce n'est pas eux qui la prennent. Deuxièmement, je vous l'ai dit, nous avons fixé des règles, nous avons tiré les leçons de la crise…
SONIA MABROUK
Quelles règles ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Les règles que nous fixons et que nous renforçons. Quand on a les compétences dans l'Etat, on n'a pas de recours aux conseils externes. On peut le faire aujourd'hui. Pourquoi on peut le faire aujourd'hui, pourquoi on pouvait moins le faire il y a 5 ans ? Parce qu'entre-temps on a fait une réforme qui s'appelle la réforme de la Haute fonction publique, qui va nous permettre, vous le savez, de sortir d'une gestion par des corps très rigides, qui va nous permettre de recruter des experts, qui va nous permettre de créer des cabinets de conseil internes, ce que nous ne pouvions pas faire auparavant, et qui va nous permettre de par cette meilleure gestion des compétences, parce que nous allons aussi mieux former nos fonctionnaires, de faire en interne ce qui était parfois délégué à d'autres. Et donc on va pouvoir permettre, et c'est ça qu'il faut retenir, 15 % de dépenses de moins, de kits conseils, dès 2022.
SONIA MABROUK
Voyez, là, vous avez l'obsession des chiffres…
AMELIE DE MONTCHALIN
Non.
SONIA MABROUK
Mais moi, ma question, c'est la philosophie. Est-ce qu'on n'a pas privatisé nos politiques de santé que de les laisser sous l'influence et les chers conseils de ces cabinets ?
AMELIE DE MONTCHALIN
14 millions en France…
SONIA MABROUK
Quelle que soit leur efficacité, d'ailleurs.
AMELIE DE MONTCHALIN
14 millions en France, 700 millions au Royaume-Uni. Deuxième élément, moi je ne verserai jamais dans le populisme, qui consisterait à dire que jamais ô grand jamais…
SONIA MABROUK
Vous pensez que c'est du populisme que de vous poser ces questions ?
AMELIE DE MONTCHALIN
L'Etat n'aurait pas besoin d'aller chercher une vision externe, n'aurait pas besoin d'aller chercher une compétence ponctuelle qu'il n'a pas. Ce que je vous dis en revanche, c'est qu'il n'y a pas de laisser faire.
SONIA MABROUK
Attendez, vous avez raison Madame la Ministre, je ne remets pas en cause l'efficacité de ces cabinets, vous le dites, ils font appel à ces cabinets à l'externe, mais je vous donne un exemple, quand un cabinet obtient un contrat de 500 000 € pour évaluer les évolutions du métier d'enseignant, à ce prix-là, qu'ont-ils découvert que nous ne sachions déjà sur le métier d'enseignant ?
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est bien pour ça que le Premier ministre, et je le dirai au Sénat en toute transparence, parce que nous avons fait cette réforme, parce que nous pouvons mieux recruter, parce que nous pouvons mieux gérer nos compétences en interne, nous avons fixé une règle, je le répète très simple : quand on a les compétences pour faire, on ne donne pas des missions aux cabinets de conseil externes. Depuis 2017, on a été le premier gouvernement à s'intéresser à ce sujet. Il y avait de l'idéologie, il y avait je pense du gaspillage d'argent public. Depuis 2007 on a tenu le sujet, on tire les leçons de la crise…
SONIA MABROUK
Je veux bien que vous citiez le contre-exemple, peut-être que vous ferez moins que d'autres, mais là, avec ces contrats-là, c'est le contre-exemple.
AMELIE DE MONTCHALIN
C'est bien ce que je vous dis. C'est qu'on a…
SONIA MABROUK
Donc là, vous arrêtez pour la suite, c'est ce que vous nous dites.
AMELIE DE MONTCHALIN
On a tenu les choses, il a pu y avoir des exemples qui nous montrent qu'il faut qu'on soit beaucoup plus strict, c'est l'engagement que nous prenons, et je veux à nouveau rassurer les Français : jamais, jamais, ce sont des consultants qui décident. La question c'est comment on est dans une logique de compétences internes…
SONIA MABROUK
La question : est-ce que ce n'est pas un nouveau pouvoir qui se substitue à la technocratie classique d'Etat ? Est-ce que finalement le vrai remplacement n'est pas celui-ci ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non mais c'est bien ce que je vous dis. Les prérogatives de l'Etat, on les garde. La décision c'est les politiques. L'administration, elle applique, mais l'administration grâce à la réforme de la Haute fonction publique que nous prenons, grâce à cette meilleure gestion de l'argent public, sur laquelle nous nous engageons, nous pouvons aujourd'hui, et je peux vous le dire concrètement, ne pas dépendre de gens à l'extérieur, quand nous avons les compétences à l'intérieur. Mais ça n'était pas possible avant, parce que la vision d'une administration qui était rigidifiée, qui ne pouvait pas recruter des experts, avec des compétences variées, parce que nous avions de logique de grand corps, rendait beaucoup plus difficile, et puis je le redis, il y avait aussi une vision politique, notamment de la droite entre 2007 et 2012, qui disait quoi ? Moins de fonctionnaires, plus de consultants. Je vous l'ai dit, par de nombreux exemples, ce n'est pas notre vision. On veut un Etat efficace, on veut un Etat qui a des compétences, on veut un Etat qui est capable de prendre lui-même ses décisions, et jamais…
SONIA MABROUK
Et on peut ajouter pour conclure, la souveraineté.
AMELIE DE MONTCHALIN
… ne déléguer sa souveraineté à quiconque. Ça n'a jamais été le cas, et je peux vous dire qu'avec ce que nous faisons, ce sera beaucoup plus clair, et aussi beaucoup plus transparent pour les Français.
SONIA MABROUK
Merci Amélie de MONTCHALIN, et vous donnerez surtout ces réponses tout à l'heure, en Commission d'enquête…
AMELIE DE MONTCHALIN
Au Sénat, tout à l'heure à 16h30.
SONIA MABROUK
Evidemment au Sénat. Je vous remercie en tous les cas d'avoir répondu ce matin à nos questions. Bonne journée à vous.
AMELIE DE MONTCHALIN
Merci.
SONIA MABROUK
Ainsi qu'à nos auditeurs.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 janvier 2022