Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur, à BFM TV le 8 février 2022, sur le bilan du gouvernement en matière de sécurité, les nouvelles instances représentatives de l'islam de France, l'islamisme et l'élection présidentielle.

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Média : BFM TV

Texte intégral


APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, bonjour.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes ministre de l'Intérieur et des cultes, ministre de l'Intérieur d'un président que les Français jugent mauvais sur les questions de sécurité. La sécurité, c'est même le point faible du bilan d'Emmanuel MACRON aux yeux des Français, 69% des Français qui le jugent négatif. Le ministre du mauvais bilan, à deux mois du premier tour de l'élection, comment est-ce que vous allez pouvoir dire aux Français : votez pour moi, enfin, votez pour lui ?

GERALD DARMANIN
Bon, d'abord, c'est toujours comme ça dans une élection, la sécurité, ce n'est jamais un endroit où on fait le plein, si j'ose dire, du positif, parce que, d'abord, nous traversons des crises extrêmement difficiles, n'oublions pas qu'il y a eu des crises terroristes extrêmement fortes dans le quinquennat du président de la République, ce n'est pas le seul quinquennat qui les ait subies, des problèmes d'ordre public très importants, c'est les gilets jaunes, aucun autre quinquennat les a subis, les a subis évidemment. Et puis, de manière générale, la sécurité, depuis que je suis petit et que je regarde la télévision, c'est l'objet des campagnes électorales. Cependant, il y a plus de 30% qui considèrent que c'est un bon bilan, je dois aussi dire que je constate que la moitié des Français voient que nous avons lutté contre le terrorisme, puisqu'ils donnent au président de la République un satisfecit, et c'est d'ailleurs le premier et grand sujet qui touche les Français, et que le président de la République a réglé, au sens où il y a mis les moyens, 1.900 personnes en plus à la DGSI, aux Renseignements territoriaux, 37 attentats islamistes déjoués pendant son quinquennat, doublement des moyens de la DGSI.

APOLLINE DE MALHERBE
On va regarder plus précisément, mais c'est quand même étrange quand je vous parle sécurité, alors, on va regarder dans le détail, c'est principalement les chiffres des atteintes aux personnes qui ont évolué. Mais vous dites : notre bilan, c'est sur le terrorisme, mais est-ce que ça veut dire que par contraste, vous considérez que François HOLLANDE doit être tenu responsable du mauvais bilan sur le terrorisme ?

GERALD DARMANIN
Non, pas du tout, mais ce qui est sûr, c'est que nous avons subi, nous avons hérité d'une situation, dont je rappelle qu'elle était l'Etat sécuritaire d'urgence, qu'a fait le président de la République, il a réarmé l'Etat régalien, il a recréé des services de renseignements, il a doublé les moyens aux services secrets, il a fait déjouer par les services 37 attentats terroristes islamistes pendant son quinquennat, il y a eu évidemment aussi des attentats qui se sont déroulés, le cas de Samuel PATY étant le emblématique, je l'imagine. Mais par ailleurs, il a sorti la France de l'Etat de sécurité permanent, l'état d'urgence. Il a…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais j'entends quand même dans votre propos, Gérald DARMANIN, par contraste, une forme d'accusation du quinquennat précédent de ne pas avoir su protéger les Français du terrorisme ?

GERALD DARMANIN
Non, bien sûr que non, Manuel VALLS et Bernard CAZENEUVE ont fait ce qu'ils ont pu, dans des conditions difficiles, où il y avait moins de policiers et moins de services enseignements, où on ne connaissait pas les menaces à la fois exogènes, c'est par exemple le cas du Bataclan, où les menaces endogènes, la personne qui prend un couteau et qui assassine son voisin, si j'ose dire, mais ce qui est sûr, c'est que c'est le président de la République qui a donné les moyens aux services de renseignements de mieux fonctionner, de protéger au maximum les Français. Et par ailleurs, on a beaucoup de discussions aujourd'hui sur les états d'urgence, c'est lui qui a sorti le pays de l'état d'urgence, à l'époque, on lui avait dit : vous allez voir, malheureusement, ce que vous faites, ce sera le terrorisme à tous les coins de rue, eh bien, ça n'a pas été le cas. Donc il est vrai que la priorité du quinquennat a été la lutte contre le terrorisme, aujourd'hui, fort heureusement, même si la menace est très forte et reste forte, on en parle moins.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que sur les questions de sécurité, vous ne vous êtes pas réveillé un peu tard, vous venez, enfin, Emmanuel MACRON vient d'annoncer une grande loi d'orientation sur la sécurité, c'était à 3 mois de la fin du quinquennat, est-ce que vous ne vous êtes pas réveillé un peu tard sur ces questions de sécurité ? Et j'en veux pour preuve les chiffres qui viennent de votre propre ministère : les hausses de la violence, des atteintes aux personnes, homicides en hausse, coups et blessures volontaires en très nette hausse, violences sexuelles notamment en hausse, tellement en hausse qu'on parle même d'explosion en l'occurrence ?

GERALD DARMANIN
J'ai regardé votre logo, je pensais qu'on était sur CNews, mais en fait, on est bien sur BFM…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais je ne vois pas le rapport…

GERALD DARMANIN
Vous ne dites pas non plus, et ça, c'est terrible…

APOLLINE DE MALHERBE
Je ne vois pas le rapport…

GERALD DARMANIN
Eh bien, parce que vous ne dites pas non plus la baisse…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais je ne vois pas le rapport, je vous parle en l'occurrence des atteintes aux personnes…

GERALD DARMANIN
Est-ce que vous me laissez parler, Madame ? Madame, non, mais votre présentation, elle est très rapide et elle un peu populiste, et c'est la difficulté…

APOLLINE DE MALHERBE
Bon, franchement, alors là, allez-y, essayez de démontrer l'inverse…

GERALD DARMANIN
Non, mais ne vous vexez pas, calmez-vous…

APOLLINE DE MALHERBE
Ce sont vos chiffres…

GERALD DARMANIN
Non, mais, calmez-vous, Madame, ça va bien se passer. Aujourd'hui, il y a une baisse de 30 % de baisse...

APOLLINE DE MALHERBE
Je vous demande pardon ?

GERALD DARMANIN
Ça va bien se passer.

APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais Gérald DARMANIN, attendez, pause, oh, je vous demande pardon, comment vous me parlez ?

GERALD DARMANIN
Ça va bien se passer, Madame, vous allez voir…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est quoi le problème ?

GERALD DARMANIN
Il y a 30% de baisse sur les biens, moi, j'en ai marre des discours populistes toute la journée…

APOLLINE DE MALHERBE
Mon discours populiste, ce sont vos chiffres, ils sont tirés du site du ministère de l'Intérieur…

GERALD DARMANIN
Mais non, mais vous n'évoquez même pas la baisse des biens, la baisse des cambriolages, moins 30 %…

APOLLINE DE MALHERBE
Je vous ai immédiatement dit que je m'adressais à vous à propos des violences faites aux personnes…

GERALD DARMANIN
Bon, vous ne souhaitez pas que je réponde.

APOLLINE DE MALHERBE
Non, je trouve ça sidérant votre manière de répondre.

GERALD DARMANIN
Mais je réponds…

APOLLINE DE MALHERBE
Ce n'est pas une réponse, c'est presque une offense.

GERALD DARMANIN
Mais alors, ne vous vexez pas, je réponds comme vous m'agressez, moins 30% de cambriolages, moins 26% de vols sans arme, moins 25% de vols avec arme, on voit bien qu'il n'y a plus d'émeutes urbaines telles que nous les connaissions, une lutte acharnée contre la drogue, avec des saisies record. En revanche, vous avez raison, il y a des augmentations très fortes d'atteintes contre les personnes.

APOLLINE DE MALHERBE
Ah, merci…

GERALD DARMANIN
Pour une raison, vous faites de la politique ou vous êtes journaliste ?

APOLLINE DE MALHERBE
Je vous pose la question de savoir si les atteintes aux personnes ont augmenté, je vous dis les chiffres, et vous me répondez que j'ai raison…

GERALD DARMANIN
Permettez-moi, en dix minutes d'intervention, vous arrivez effectivement à ne pas dire un mot positif du travail extraordinaire que font les policiers et les gendarmes, indépendamment de la classe politique. En revanche, sur l'augmentation…

APOLLINE DE MALHERBE
Je dis tous les jours ce que font les policiers et les gendarmes Gérald DARMANIN…

GERALD DARMANIN
Madame, si monsieur ZEMMOUR et madame LE PEN augmentent…

APOLLINE DE MALHERBE
Le ressenti des Français, si 69 % des Français jugent votre bilan négatif, mais peut-être qu'il y a un problème ?

GERALD DARMANIN
Madame, vous savez, je croise très souvent les électeurs, puisque j'ai le bonheur et la chance d'être réélu souvent dans des quartiers populaires difficiles, je connais leurs difficultés, et je vois bien l'appréhension qu'ils ont vers les femmes et les hommes politiques, et si je me suis engagé dans la politique, c'est justement parce que j'essaie de résoudre ces problèmes, on n'y arrive pas toujours, mais j'essaie de les résoudre. Ce qui est sûr, c'est que dans l'augmentation générale et continue des populistes, depuis de très nombreuses années, une partie des médias en sont responsables, notamment par la présentation parfois fallacieuse, comme vous l'avez fait, et je le pense profondément, des chiffres de la délinquance, il y a effectivement une augmentation des violences aux personne, mais il a surtout aussi des actes terroristes qui sont en diminution et une baisse profonde des atteintes aux biens…

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous avez pu l'exprimer ce matin, Gérald DARMANIN…

GERALD DARMANIN
Eh bien, heureusement que j'ai pu ouvrir mon clapet, parce que sinon, vous m'auriez…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais c'est pour ça que je vous ai invité, figurez-vous, Gérald DARMANIN…

GERALD DARMANIN
Quelle agressivité, c'est vraiment très difficile…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais non, je trouve ça incroyable, je trouve ça incroyable votre façon de faire, Gérald DARMANIN…

GERALD DARMANIN
C'est très difficile, franchement, c'est très difficile de travailler ainsi. Mais si vous me permettez…

APOLLINE DE MALHERBE
Non, c'est très difficile, je le comprends bien, d'être ministre de l'Intérieur quand 69 % des Français jugent votre bilan négatif, ça, je comprends que ce soit difficile.

GERALD DARMANIN
Non, mais j'entends bien, vous savez, les critiques, j'y suis très habitué, et c'est le rôle normal du ministre, et singulièrement du ministre de l'Intérieur. Mais ce qu'il faut dire, quand on dit la vérité, on ne la chante pas à moitié, comme disait Jean FERRAT. La problématique aujourd'hui, c'est que dans l'augmentation des violences faites aux personnes, vous avez deux types d'augmentations qui poussent toutes les autres, puisque sur 100% des augmentations des violences aux personnes, 80 à 85%, c'est les violences conjugales, sexuelles ou qui touchent les enfants, qu'on appelle les violences intrafamiliales, en grande partie dues à la libération de la parole, et en grande partie dues à des plaintes qui sont déposées aujourd'hui et qui, pour des faits qui ont été commis il y a plusieurs années…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc c'est moins une augmentation des actes qu'une augmentation des plaintes ?

GERALD DARMANIN
Je pense qu'il y a les deux. Je pense qu'il y a les deux, il est encore trop tôt pour le savoir. Ce qui est certain, c'est que, aujourd'hui, désormais, beaucoup de personnes, beaucoup de femmes, d'enfants, mais aussi d'hommes qui subissent ces actes déposent des plaintes, et aujourd'hui, alors que, hier, on aurait plus facilement dit : c'est une main courante, aujourd'hui, alors, on les prend et on ouvre systématiquement une enquête lorsque le procureur de la République en est saisi. Donc effectivement, il y a une augmentation statistique importante. Par ailleurs, le Covid et le confinement ne nous ont pas aidés, le confinement a été malheureusement un accélérateur des violences conjugales, et parfois des violences sexuelles ou des violences contre les enfants. Et puis, il y a une deuxième augmentation, qui est tout à fait inquiétante, qui, là, dure depuis 15 ans, malheureusement, c'est la violence faite aux personnes, les personnes dépositaires de l'autorité publique, les policiers, les gendarmes, les pompiers, les élus, voilà. Mais si nous retirons les violences conjugales à 80 % de ces augmentations de violences aux personnes et des attaques aux policiers et aux gendarmes, alors, nous constatons que le niveau d'homicides, le niveau de meurtres est à peu près le même depuis 10 ans sur le territoire national. Donc il y a une baisse très importante des violences contre les biens, un terrorisme qui a été contenu, on peut dire ça comme ça. Et par ailleurs, une augmentation notamment des violences conjugales et des violences sexuelles.

APOLLINE DE MALHERBE
Comment vous expliquez donc que les Français jugent à 69% que le bilan est négatif ?

GERALD DARMANIN
Mais parce que les Français, vous savez, aujourd'hui, c'est bien normal, ils souhaiteraient avoir un bilan plus complet d'une sécurité plus forte, et je suis le premier à vouloir être comme eux, insatisfait du fonctionnement général de notre société, et le travail que nous faisons aujourd'hui, il paye, et vous disiez : vous vous réveillez tard, c'est oublier que nous avons créé les 10.000 postes du début du quinquennat et qu'il faut du temps pour recruter, trouver des écoles de police, les recréer, former ces policiers qui arrivent seulement dans les commissariats.

APOLLINE DE MALHERBE
Et qui sont arrivés notamment au commissariat du Havre, où vous avez accueilli un certain nombre…

GERALD DARMANIN
Partout en France…

APOLLINE DE MALHERBE
Un certain nombre de nouveaux fonctionnaires de police. Un mot sur un policier qui est en fuite ou en tout cas qui n'est pas trouvé, qui est soupçonné d'avoir tué sa compagne vendredi 28 janvier, ça fait 10 jours qu'il est en fuite, susceptible donc de porter sur lui son arme de service, est-ce que vous avez des nouvelles ?

GERALD DARMANIN
Alors nous suivons attentivement cette affaire horrible, puisque nous avons retrouvé cette femme effectivement morte dans cet appartement, beaucoup de choses soupçonnent ce policier bien évidemment, les moyens très importants sont mis pour le retrouver, de nombreuses opérations de police et de gendarmerie sont faites en ce moment même, je ne peux pas en dire beaucoup plus. Par ailleurs, j'ai demandé au préfet de police de saisir l'Inspection générale de la police nationale pour connaître l'histoire, le pedigree de ce policier qui, jadis, avait déjà été condamné pour violences conjugales, mais, si j'ose dire, seulement, je mets des guillemets, à un stage de sensibilisation. Donc le juge a considéré…

APOLLINE DE MALHERBE
Il y aurait peut-être eu erreur, on sait que par exemple la hiérarchie policière aurait pu, à la suite justement de ce stage, décider de le désarmer, que la hiérarchie n'a pas jugé nécessaire de faire.

GERALD DARMANIN
On verra ce que dira l'Inspection générale, ce qui est sûr, c'est que j'ai donné comme consignes, depuis que je suis ministre de l'Intérieur, que toute personne dans la police et dans la gendarmerie condamnée pour violences conjugales ou condamnée pour trafic ou consommation de stupéfiants, voilà, les deux difficultés, à de la prison ferme ou avec sursis, doit quitter la police nationale et la gendarmerie nationale. Et effectivement, il appartient à la hiérarchie, s'il constate un fait comme celui-ci dans la vie personnelle d'un policier ou d'un gendarme, de retirer l'arme administrative, s'il juge que c'est nécessaire, le stage de sensibilisation, dont, à l'époque, le policier avait été condamné, n'est pas une peine très importante, vous en conviendrez. Donc nous attendons de voir ce que dira l'Inspection générale.

APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, vous avez inauguré samedi de nouvelles instances représentatives de l'islam de France, ça s'appelle le Forum de l'islam de France, il y a une question qui demeure, qui est la question du financement, du financement des cultes, du financement des mosquées et du financement des imams ; il y a toujours, au moment où on se parle, 300 imams qui sont financés par l'étranger, mais qui exercent sur le sol français, ils viennent principalement du Maroc ou de la Turquie, vous avez dit qu'il fallait mettre fin à ces imams qui sont financés par l'étranger, sauf que ça ne prendra fin qu'en 2024. Est-ce que vous estimez que c'est satisfaisant ?

GERALD DARMANIN
Eh bien, le président de la République, il a pris une décision extrêmement courageuse, c'est la fin de ces imams détachés, donc, effectivement, comme vous l'avez dit, ce sont des fonctionnaires des Etats étrangers, l'Algérie, la Turquie par exemple, le Maroc, qui étaient payés, qui sont encore payés d'ailleurs, pour venir être ministres du Culte, imams en France, et nous ne pouvons pas accepter que des Etats étrangers financent des fonctionnaires de leur pays pour venir être ministres du culte en France, puisqu'il n'y a que pour l'islam que les choses fonctionnent ainsi ; ça pouvait s'expliquer il y a 5, il y a 10 ou il y a 15 ans, c'est tout à fait accepté par l'Etat et par des conventions internationales, je veux le dire aux Français qui nous écoutent, mais le président de la République y a mis fin, fin en 2024. Evidemment, la question qui se pose, c'est comment on paie…

APOLLINE DE MALHERBE
Et pourquoi pas plus tôt ?

GERALD DARMANIN
Parce qu'il faut du temps pour former des ministres du culte…

APOLLINE DE MALHERBE
Puisque vous dites, ça n'est plus supportable, mais en effet, il va y avoir encore…

GERALD DARMANIN
Parce qu'il faut du temps pour former des ministres du culte, c'est-à-dire qu'on ne forme pas un imam si facilement que ça, comme on ne forme pas si facilement que ça un rabbin ou un curé, il faut du temps pour apprendre sa religion, il faut que ces personnes parlent évidemment français lorsqu'elles ne le sont pas, et il faut-il effectivement qu'on ait des moyens de contrôler ce qu'ils puissent faire dans des lieux de culte. Donc ça prend un petit peu de temps, mais 2024, c'est demain, et c'est une grande décision prise par le président de la République pour couper le lien entre l'islam et les Etats étrangers. En gros, ce qu'on a essayé de faire et ce qu'on essaie de faire, c'est de dire : l'islam est une religion française, les musulmans français n'appartiennent à personne d'autre qu'à la communauté nationale, et aucun pays ne peut dire : ce sont les miens, et donc, je les finances ou donc j'y envoie mes ministres du culte, non, ce sont des Français comme tous les autres, en France, la République ne reconnaît aucun culte, ça veut dire qu'elle n'en méconnaît aucun, qu'elle n'en déteste aucun et qu'elle n'en préfère aucun.

APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, un mot de Roubaix, il y a eu ce reportage de " Zone interdite " sur M6, depuis la journaliste, Ophélie MEUNIER, qui était donc présentatrice de ce documentaire consacré à l'islam à Roubaix, est menacée de mort, sous protection, et une enquête a été ouverte hier par le Parquet de Nanterre. Quelle est votre réaction à cette ouverture de l'enquête ?

GERALD DARMANIN
D'abord, je me félicite de l'ouverture de cette enquête, des moyens qu'on met dans la police et la gendarmerie, à la DGSI, évidemment, au ministère de la Justice pour retrouver les auteurs de ces attaques immondes, d'abord, attaques immondes de s'en prendre à quelqu'un et le menacer de mort, de manière générale, et qui plus, à une journaliste courageuse, c'est une émission que j'ai non seulement suivie, mais dans laquelle, elle m'a demandé de participer, qui démontre des réalités, pour lesquelles d'ailleurs l'Etat avance beaucoup et je crois qu'elle l'a souligné, mais il est évidemment inacceptable qu'on soit menacé de mort par sa liberté d'expression et par son travail démocratique de journaliste.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez rencontré aussi Amine ELBAHI, qui est également menacé, qui est un des habitants de Roubaix, qui est, en quelque sorte, de lanceur d'alerte comme on dit dans ce documentaire.

GERALD DARMANIN
Qui est également protégé, voilà, et je veux dire que toute personne, c'est le cas d'Ophélie MEUNIER comme toutes les personnes qui seraient menacées à la suite de ce reportage, seront protégées par la République le temps qu'il le faudra, et nous mettrons tout en oeuvre pour retrouver les auteurs, et nous l'espérons, de les faire condamner à des peines les plus exemplaires.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous gardez votre amitié pour le maire de Roubaix ?

GERALD DARMANIN
Moi, c'est mon ami, effectivement, Guillaume DELBAR, il traverse un moment difficile, indépendamment de ça, il répond à des difficultés qu'il doit avoir dans la gestion de sa commune, et je ne mélange pas les deux, c'est d'autant plus vrai que c'est le ministère de l'Intérieur qui a fait le signalement au Parquet pour le cas d'une association, dont je rappelle que rien aujourd'hui ne permet de dire que le maire de Roubaix a été le responsable de ce qu'on pourrait appeler le communautarisme ; vous savez, être maire de Roubaix, c'est très difficile, être maire de Tourcoing, être maire d'une ville très populaire, c'est très difficile. Et le maire de Roubaix, il a trouvé une situation dans sa ville extrêmement dramatique, personne ne peut penser que le jeune maire de Roubaix est responsable de 30, 40, parfois 50 ans de renoncement de la République. Donc moi, je ne jette pas des pierres sur des personnes en difficulté…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais en l'occurrence, ce qui lui est reproché, c'est une subvention de 80.000 euros accordée à une association qui, sous couvert de soutien scolaire, avait en réalité visiblement d'autres visées.

GERALD DARMANIN
C'est tout à fait vrai, et c'est d'ailleurs pour ça que c'est le ministre de l'Intérieur qui a saisi le procureur de la République, donc voyez, pendant ce quinquennat-ci, donc il n'y a pas de préférence, ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas être sensible à ce qui arrive aux femmes et aux hommes qu'on aime…

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous disiez d'ailleurs, pardon, mais je rebondis sur ce que vous dites, vous dites : nous faisons beaucoup, est-ce que l'école est fermée aujourd'hui, et quand on dit fermée, fermée, fermée, parce que, justement, dans ce documentaire, on voyait que certaines mosquées qui sont dites fermées ne sont en réalité pas fermées ?

GERALD DARMANIN
Alors, la mosquée Consolat, qui a été évoquée à Marseille, dans ce reportage, a été fermée, et était fermée avant la diffusion du reportage, le restaurant à Roubaix où on voit les femmes et les hommes séparés, a été fermé au lendemain, puisque nous avons pu permettre d'avoir un certain nombre de contrôles sanitaires qui nous permet de le faire, il y a eu 15 établissements fermés à Roubaix l'année dernière, ce sont plus de 50 contrôles faits par les services de la préfecture, et notamment pour cette association, il n'y a plus d'enseignement de cours, tel que ça a été évoqué dans le reportage.

APOLLINE DE MALHERBE
Gérald DARMANIN, la ville d'Ottawa, au Canada, est entièrement paralysée par les convois de la liberté des chauffeurs routiers qui refusent la vaccination obligatoire, et ici, en France, sur des boucles de messagerie ou sur Facebook, il y a des convois qui disent s'organiser et qui disent partir, prévoir de partir demain depuis Bayonne, Nice, Strasbourg encore Cherbourg, pour converger vers Paris, et ensuite, vers Bruxelles. Est-ce que vous prenez ces projets au sérieux ? Et est-ce qu'il y a une menace de blocage ?

GERALD DARMANIN
Alors, comme toute chose, nous prenons les choses au sérieux, ce qui est certain, c'est que nous mettons les moyens de renseignements et d'action si jamais des gens voulaient bloquer la liberté des uns et des autres, surtout un accès à la capitale, donc les moyens sont importants, la réponse de l'Etat sera extrêmement ferme si c'est le cas, aujourd'hui, nous avons pas de renseignement qui démontre que ce que vous dites est tout à fait à constituer et vrai…

APOLLINE DE MALHERBE
Je ne sais pas, je dis : ils disent s'organiser, est-ce que…

GERALD DARMANIN
Ah oui, je l'ai bien compris, et ce que je vous dis, c'est que, aujourd'hui, nous n'avons pas les renseignements qui nous démontrent que cela s'organise dans des proportions qui seraient importantes, mais nous sommes très attentifs, les policiers et les gendarmes sont très mobilisés, et nous prendrons nos responsabilités pour ne jamais laisser entraver la liberté de circulation.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez observé, j'imagine, Gérald DARMANIN, le match à distance entre Eric ZEMMOUR et Marine LE PEN ce week-end, près de 30 % d'intentions de vote à eux deux. Est-ce que ça, vous le prenez quand même comme quelque chose, en tout cas, d'inquiétant ou même peut-être comme une défiance vis-à-vis de vous, vis-à-vis de la question de la sécurité, qui est l'un de leurs thèmes majeurs à tous les deux ?

GERALD DARMANIN
Alors, il y a la sécurité, mais il y a plein d'autres choses, notamment le pouvoir d'achat, si j'ai bien écouté les discours de samedi après-midi, vous savez, moi, depuis que j'ai l'âge de voter, je vote contre les extrêmes, la première fois que j'ai voté à la présidentielle, c'était Jacques CHIRAC contre Jean-Marie LE PEN, ça fait donc 20 ans qu'on voit des extrêmes extrêmement forts dans notre pays. Et je vois Marine LE PEN, je vois monsieur ZEMMOUR très, très haut dans les sondages, et je vois des LR qui maintenant basculent de plus en plus vers leur discours politiques, c'est ce que je disais au début de votre émission, la poussée poujadiste, la poussée populiste est extrêmement forte, et il faut qu'on fasse tous attention, les politiques en premier, les politiques en premier, puisque c'est eux évidemment qui décident et qui sont là pour démontrer aux gens que les populistes ne sont pas une bonne voie. Mais il faut faire attention aussi à cette atmosphère un peu lourdingue que l'on entend entre ZEMMOUR et LE PEN toute la journée dans nos écrans de télévision, qui font qu'effectivement, au bout d'un moment, ça influence aussi l'opinion publique.

APOLLINE DE MALHERBE
Le problème, c'est la télévision, c'est le fait de les montrer ?

GERALD DARMANIN
Il y a une partie de responsabilité due à la classe médiatique, comme une grande partie de responsabilité de la classe politique…

APOLLINE DE MALHERBE
Donc si on ne les montrait pas, vous pensez qu'ils n'existeraient pas ?

GERALD DARMANIN
Eh bien, samedi, j'ai eu l'impression que la classe politique se résumait entre monsieur ZEMMOUR et madame LE PEN…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous savez quoi, vous n'avez qu'à faire des meetings, vous n'avez qu'à vous déclarer ?

GERALD DARMANIN
Oui, bien sûr, mais en même temps…

APOLLINE DE MALHERBE
On ne demande que ça, je veux dire, montrer les meetings, et d'ailleurs, vous savez que Fabien ROUSSEL, qui a fait un grand meeting ce week-end, a été également diffusé, en tout cas sur notre chaîne, dimanche.

GERALD DARMANIN
Madame de MALHERBE, moi, ce que je voulais vous dire, mais chacun peut prendre sa critique, sur le marché de Tourcoing, bien sûr, les femmes et les hommes qui me font confiance ou qui ne me font pas confiance d'ailleurs, je suis à portée d'engueulades, comme dirait l'autre, nous disent : mais qu'est-ce que vous avez fait, on va voter à l'extrême droite ou à l'extrême gauche, parce que vous ne faites rien pour mon pouvoir d'achat, pour la sécurité, pour l'immigration, pour mon logement, et nous prenons notre part, je crois, d'engueulades, et nous avons bien raison de la prendre, puisque nous sommes responsables de la situation politique du pays, mais ils me disent aussi : oh, là ; là, moi, je ne regarde plus tellement la télévision ou dès que je la regarde, ça me pose des problèmes, parce qu'effectivement, c'est lourdingue, c'était le mot, l'expression du marché, c'est lourdingue de voir tout le temps et ZEMMOUR et LE PEN et ZEMMOUR et LE PEN, voilà. Donc, oui, ça devient un peu lourdingue dans un débat démocratique, où au bout de 30 minutes, vous ne m'avez pas posé une seule question sur l'honneur de la France d'hier soir, de voir par exemple le président de la République, dont la vocation est de servir le pays…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais je croyais que vous étiez ministre de l'Intérieur…

GERALD DARMANIN
Oui, oui, bien sûr… mais, Madame de MALHERBE, hier, il s'est passé quelque chose de formidable, le président de la République a remis la France au milieu de l'histoire, il a permis, en tout cas il a essayé de permettre un discours avec le président POUTINE pour régler un problème tout petit qui s'appelle la guerre en Ukraine, parce que je suis ministre de l'Intérieur, Madame, mais s'il y a un problème en Ukraine, il y aura peut-être des dizaines de milliers, des centaines de milliers de réfugiés ukrainiens qui vont venir en Europe, et donc en France, et là, vous me direz peut-être dans quelques mois : mais qu'est-ce que vous faites contre l'immigration, eh bien, le problème de l'immigration, le problème des réfugiés, c'est peut-être le travail que fait excellemment le président de la République hier.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez dit que sur les marchés de Tourcoing, vous étiez à portée d'engueulades, ce que j'ai toujours apprécié dans cette interview, c'est qu'on est à. forte de claques, comme on dit, et on n'a pas manqué de pouvoir se dire les choses franchement. Il y a quand même une question que je voudrais encore vous poser, c'est après toutes ces défiances que je vous ai décrites, alors visiblement, trop. Est-ce que vous diriez toujours qu'il n'y a pas un Français qui pense qu'Emmanuel MACRON n'a pas été un bon président ?

GERALD DARMANIN
Ah, je pense que pendant la crise Covid, les Français, dans leur immense majorité, et à partir du moment où on ne se dit pas que ça veut dire exactement un vote, soutiennent le président de la République, ils ont gardé leur travail, ils ont gardé leurs commerces, ils ont pu faire garder leurs enfants lorsqu'ils ont travaillé, ils ont pu être soignés dans des conditions de gratuité où quand on compare à travers l'international, il n'y a pas d'équivalent, parce que notre système social français est l'un des plus généreux du monde, et fort heureusement. Et que le président de la République, oui, il a été au devant de la crise.

APOLLINE DE MALHERBE
Donc pas un Français qui pense qu'Emmanuel MACRON n'a pas été un bon président ?

GERALD DARMANIN
Oui, eh bien, c'est un slogan politique qui me pousse à le redire, oui, les Français, je pense, dans leur immense majorité, dans leur immense majorité, remercient le président de la République pour ce qu'il fait, ça ne veut pas dire qu'ils voteront pour lui, ça veut dire qu'ils ont trouvé que c'était quelqu'un qui était le chef au moment où il fallait prendre des décisions, il a su prendre des décisions économiques, que l'Europe entière a suivies, aujourd'hui, on a un taux de chômage le plus bas d'Europe, Madame, le plus bas d'Europe, lorsque l'on compare par rapport à ce qu'on était il y a 20 ans, on a des investissements étrangers extrêmement importants…

APOLLINE DE MALHERBE
Le chômage baisse partout en Europe, mais on aura le temps d'en reparler quand vous serez Premier ministre…

GERALD DARMANIN
Eh bien, j'espère, Madame, quel que soit mon poste, que vous serez moins agressive la prochaine fois.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, en aucun cas, je donne les chiffres. Merci en tout cas d'avoir répondu à mes questions, Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Je vous en prie.

APOLLINE DE MALHERBE
Nous sommes le mardi 8 février 2022. J moins 61 avant le premier tour


source : Service d'information du Gouvernement, le 10 février 2022