Interview de Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, à Sud Radio le 9 février 2022, sur la fonction publique et les services publics.

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Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral


PATRICK ROGER
Bonjour Amélie de MONTCHALIN.

AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.

PATRICK ROGER
La fonction publique entre deux eaux, entre menace de grève d'un côté et puis de l'autre campagne de recrutement, la France a-t-elle besoin de davantage de fonctionnaires ou est-ce qu'elle en a trop ? Autant de questions que nous allons essayer d'aborder. Commençons donc par cette menace de grève pour mi-mars de la part des syndicats dans la fonction publique, on a entendu Luc FARRE du syndicat UNSA, tout à l'heure à 7h15 sur Sud Radio, qui réclame une revalorisation face à l'inflation, à la montée de l'inflation, qui pourrait être de 3 à 3,5% pour le premier semestre, qu'est-ce que vous lui répondez ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Je lui réponds qu'on a mené depuis maintenant quelques années, et les syndicats le savent, une politique très ambitieuse de résorption des inégalités dans la fonction publique, et ça se voit sur la feuille de paye de janvier. Il y a quelques jours, les agents publics, quand ils étaient les moins bien rémunérés, 1,2 million de Français qui travaillent dans nos collectivités, dans nos écoles, dans nos ministères, ont été revalorisés de 40 à 100 euros par mois, c'est la plus forte augmentation jamais réalisée pour les agents les moins bien rémunérés.

PATRICK ROGER
Ça il est d'accord, il a dit " en fait pour les bas salaires il y a eu un effort, mais c'est pour l'ensemble dit-il.

AMELIE DE MONTCHALIN
Ensuite, deuxième élément, nous avons aussi, et c'est très nouveau, pris en charge, pour tous les agents publics, notamment de l'Etat, la mutuelle santé, que les agents publics jusqu'à maintenant payaient tout seul, ensuite on a évidemment déployé l'indemnité inflation. Ensuite, au mois de janvier sur la feuille…

PATRICK ROGER
Il dit il n'y a pas d'indexation sur l'inflation encore.

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, mais vous savez…

PATRICK ROGER
L'indemnité… le fameux chèque.

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez que tous les Français qui avaient un revenu inférieur à 2000 euros, les agents publics aussi, ont eu, sur la feuille de paye, la différence. Et puis dernier élément, moi j'ai travaillé aussi à résorber des inégalités, certains métiers avaient décroché, dans les métiers de la santé, c'est le Ségur de la santé, mais on avait aussi des inégalités de personnes qui faisaient le même métier, mais parce qu'elles n'étaient pas dans le même ministère, n'avaient pas le même salaire, 65.000 personnes, en janvier, ont vu des hausses jusqu'à 250 euros par mois, pour être payées à salaire égal pour métier égal. Mon combat ce n'est pas de vous dire qu'il y a une autosatisfaction, le système de rémunération aujourd'hui il n'est pas adapté au 21e siècle, il n'est pas assez attractif, il ne donne pas assez de perspective…

PATRICK ROGER
C'est quoi alors, c'est par rapport au point d'indice, par rapport à la grille ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, le point d'indice, c'est un débat binaire, soit on augmente tout le monde, tout le monde, 5 millions d'agents, du même pourcentage, soit on n'augmente personne, et on voit bien que tout ce qu'on a fait depuis 5 ans c'était sortir de ce débat binaire, c'est-à-dire on veut augmenter les soignants, eh bien on augmente les soignants, on veut augmenter les moins bien rémunérés, eh bien on les augmente. Après, j'ai engagé, il y a maintenant quelques mois, un travail avec les syndicats, Luc FARRE qui était sur votre antenne, y participe, une conférence sur les perspectives salariales pour préparer une négociation, pour qu'on revoit de fond en comble un système pour qu'il soit plus attractif, pour qu'il valorise mieux, notamment l'égalité entre les hommes et les femmes, pour qu'il rémunère mieux les contractuels, pour que surtout il donne des perspectives à chacun, dans son métier, d'évolution. Moi je ne suis pas devant vous, voyez, en train de faire une autosatisfaction, on a mené des combats et des travaux qui n'avaient jamais été menés, je suis bien consciente qu'aujourd'hui le système, dans son ensemble, il faut qu'on le rende plus adapté aussi à notre époque, et donc cette négociation, que je veux ouvrir pour le prochain quinquennat, on a travaillé pour qu'au mois de mars…

PATRICK ROGER
Mais attendez, vous n'y êtes pas au prochain quinquennat…

AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, mais…

PATRICK ROGER
Non, mais attendez, vous n'y êtes pas, là vous êtes encore aux affaires, donc là on vous interpelle sur… justement peut-être que vous ne serez pas ministre de la Transformation publique si vous êtes encore dans le prochain gouvernement, si vous êtes dans le gouvernement, mais là, qu'est-ce que vous répondez directement, est-ce que vous allez entamer des discussions, des négociations ou pas, votre porte du bureau est ouverte ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Ma porte est ouverte, d'abord les négociations, les discussions, elles ont commencé, Luc FARRE, qui était sur votre antenne, il participe à des travaux très intenses pour qu'au mois de mars les syndicats me fassent des propositions sur la manière dont ils veulent que ce système évolue, et je me suis engagée, évidemment si on est encore là, mais je me suis engagée, et le monde ne va pas s'arrêter, vous savez, le 26 avril 2022, je me suis engagée à ce qu'on ouvre des négociations, sur la base de ces propositions, pour qu'on puisse aussi bâtir l'avenir. Si on regarde uniquement le système avec les outils, au fond, du passé les outils qui sont là depuis 40 ans, on voit bien qu'il y a une impasse, on n'arrive pas, aujourd'hui, avec le système dans son ensemble, tel qu'il existe, à assurer l'attractivité des perspectives pour chacun.

PATRICK ROGER
Donc ce que vous dites c'est que votre bureau est ouvert…

AMELIE DE MONTCHALIN
Toujours.

PATRICK ROGER
Que vous allez en fait discuter…

AMELIE DE MONTCHALIN
On est en train.

PATRICK ROGER
Vous leur dites de renoncer à leur appel à la grève ou pas alors ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais, vous savez, moi j'ai un dialogue social constant, constant, on a signé des accords unanimes, sur la mutuelle santé, des accords unanimes sur le télétravail, moi je crois que le dialogue social il fonctionne, et je crois à cette co-construction. Les syndicats savent très bien comment on travaille, on va continuer, et donc évidemment, en France, si on veut manifester on peut manifester, mais est-ce que le dialogue social fructueux, où on a du pain sur la planche et où on négocie, ça marche ? Oui, et donc c'est ça que je veux qu'on continue à faire.

PATRICK ROGER
Mais alors, sur le point d'indice, revalorisation ou pas ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais, le point d'indice, je viens de vous dire, on est sorti de ce débat binaire depuis 5 ans, parce que…

PATRICK ROGER
Oui, mais eux, visiblement, ils ne sont pas sortis, les syndicats ne sont pas sortis de…

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, en 2016…

PATRICK ROGER
Non, mais ils ne sont pas sortis de ça, donc vous allez devoir discuter autour de ça en fait.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais, on discute autour de ça, mais heureusement qu'on a discuté au-delà de ça. En 2016, quand, à la fin du quinquennat de François HOLLANDE est annoncée une revalorisation du point d'indice de 0,6%, ça veut dire que les agents publics les moins bien rémunérés, ils ont eu combien sur leur feuille de paye ? 4 euros, 5 euros, 6 euros de plus, ce mois-ci, janvier 2022, c'est 40 à 100 euros de plus pour les plus bas salaires dans la fonction publique. Je l'assume et je le porte. Et c'est d'ailleurs pour ça aussi, que j'assume totalement, dans la période, de porter un discours positif sur les métiers de la fonction publique, parce qu'on est dans un débat où, qu'est-ce que vous entendez ? Il y a trop de fonctionnaires, ils coûtent chers, et plus personne…

PATRICK ROGER
Même Emmanuel MACRON était le premier à le dire en fait lors de sa campagne en 2017.

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce n'est pas ce qu'il a dit, ce ne s'est jamais ce que le président de la République a dit.

PATRICK ROGER
En 2017 il disait…

AMELIE DE MONTCHALIN
Il a dit " on doit avoir des services plus efficaces, on doit assumer de se réorganiser, et si nous avons des réductions de fonctionnaires, je les assumerai. " La France a changé entre 2007 et 2022, les Français l'ont d'ailleurs vu pendant la crise sanitaire, ils ont retrouvé les valeurs, la valeur du service public, et donc moi j'assume que face aux rengaines, d'une droite qui nous explique qu'il y aurait trop de monde, qu'est-ce que ça a fait comme résultat ce discours depuis 20 ans ? Ça a fait qu'il y a trois fois moins de candidats aux concours, ça fait que les jeunes aujourd'hui...

PATRICK ROGER
Une droite dont vous êtes issue et vous-même vous étiez en fait dans ce discours, non ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, je peux vous dire quelque chose ?

PATRICK ROGER
Oui.

AMELIE DE MONTCHALIN
Ça c'est…

PATRICK ROGER
Non, vous n'étiez pas dans ce discours ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Je n'ai jamais été dans ce discours.

PATRICK ROGER
Vous étiez dans les rangs de la droite, qui défendait ça, qui proposait ça, auparavant.

AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord de la droite qui n'était pas celle de FILLON, qui était dans la cruauté, dans le thatchérisme et dans la réduction…

PATRICK ROGER
Vous étiez dans celle de JUPPE en fait !

AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, et je peux vous dire qu'aujourd'hui je suis surtout dans mon pays d'aujourd'hui, dans la réalité d'aujourd'hui, la réalité d'aujourd'hui c'est que les Français ils ont vu la valeur du service public, la réalité d'aujourd'hui c'est qu'ils attendent de la proximité, ils attendent que les services publics fonctionnent, et je l'attends aussi…

PATRICK ROGER
Et qu'ils soient efficaces, les services publics, ce qui n'est pas toujours le cas.

AMELIE DE MONTCHALIN
Que ce soit efficace, mais de quoi vous avez besoin pour ça ? Eh bien vous avez besoin de pouvoir être attractif…

PATRICK ROGER
Ou d'être mieux organisé, non ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, mais vous avez besoin de compétences, vous avez besoin de candidats qui ont les compétences adaptées aux métiers de demain, vous avez besoin de gens qui vont aller s'occuper de la cohésion sociale, du numérique, de la sécurité, si le seul discours…

PATRICK ROGER
Donc il faut revoir l'organisation, ce que vous dites en fait… Pour conclure, quand même, sur la demande des fonctionnaires, des syndicats en tout cas, pour l'instant il n'est pas question de revoir le point d'indice, c'est ce que vous dites.

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce débat il a eu lieu dans le budget 2022, on a fait les choix que je vous ai annoncés, ce sont des revalorisations massives pour des hommes et des femmes qui n'avaient jamais été autant revalorisés, des négociations et des discussions ont commencé, les engagements sont clairs, ma porte est ouverte, et donc la méthode que je suis, je la suis avec constance, avec dialogue social, avec réalisme, et moi je ne veux pas qu'on ait ce discours qui est un discours de rengaine…

PATRICK ROGER
Bien oui, un discours de rengaine, mais…

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, je vous parle de la droite…

PATRICK ROGER
Quand vous allez les avoir dans votre bureau…

AMELIE DE MONTCHALIN
Je vous parle de la droite, la rengaine qui consiste à dire dans notre pays, depuis 20 ans, la seule chose qu'on a à dire sur les fonctionnaires c'est qu'ils sont trop nombreux et qu'ils coûtent trop cher, ça a créé quoi dans le pays ? Ça a créé un immense déficit de capacité à recruter, à avoir les bonnes compétences, à attirer les jeunes, ça c'est mon combat, et je peux vous dire, c'est mon combat, c'est celui-là aussi qui est majeur pour nous.

PATRICK ROGER
Alors, c'est pour ça que vous avez lancé une campagne de recrutement pour le service public, c'est ça ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais bien sûr.

PATRICK ROGER
Combien vous voulez recruter de fonctionnaires là ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, chaque année…

PATRICK ROGER
100.000, c'est ça ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Chaque année, avec les départs à la retraite, pour assurer le service d'aujourd'hui, pour évidemment un service qui se réorganise, se modernise, et différent, puisqu'on a beaucoup plus aujourd'hui d'agents en proximité des Français, on y viendra peut-être, sur France Services, qui sont des lieux où chaque Français peut aller faire ses démarches…

PATRICK ROGER
On va voir ça, oui.

AMELIE DE MONTCHALIN
Donc on se réorganise. Mais chaque année… ce n'est pas de 200.000 fonctionnaires en moins, comme nous dit Madame PECRESSE, dont on a besoin, c'est 100.000 personnes, 100.000 jeunes, ou moins jeunes, des hommes et des femmes de tout âge, qui veulent s'engager pour leur pays, pour les autres, dont on a besoin, eh bien moi je peux vous dire qu'aucune organisation, aucune entreprise, personne n'irait rejoindre cette entreprise, si la seule chose que vous avez à en dire c'est que vous êtes une variable d'ajustement, c'est que vous êtes dénigré par vos patrons, et donc oui j'assume, que dans la période, parce que les Français l'ont vu pendant la crise sanitaire, le service plus il est essentiel, il est essentiel à notre pays, il est essentiel à notre vie quotidienne…

PATRICK ROGER
Donc vous recrutez 100.000… mais attendez, pourquoi vous recrutez à un mois et demi de la présidentielle 100.000 personnes, 100.000 fonctionnaires, et vous ne l'avez pas fait précédemment, est-ce que ce n'est pas un peu électoraliste ça ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Je peux vous dire, ces personnes on les recrute depuis des mois, la preuve c'est qu'on manque de candidats…

PATRICK ROGER
Oui, mais vous avez lancé une plateforme.

AMELIE DE MONTCHALIN
J'ai effectivement lancé " choisirleservicepublic.gouv.fr ", pour que de manière très simple les jeunes, les moins jeunes, puissent avoir au même endroit toutes les offres d'emploi, il y en a 45.000 en ce moment, puissent avoir toutes les informations sur les concours, puissent avoir toutes les informations sur les métiers, puissent savoir comment ça fonctionne, et aujourd'hui, vous le voyez, l'opinion des Français sur les services publics elle n'a jamais été aussi bonne, parce que pendant la crise sanitaire les Français ils ont changé de regard aussi, sur ce service public, il y a peut-être, et c'est ça mon message, des hommes et des femmes qui veulent nous rejoindre, qui veulent s'engager. Aujourd'hui, honnêtement, avant qu'on ait fait cette plateforme " choisirleservicepublic.gouv.fr ", c'était assez compliqué de se renseigner, de comprendre comment ça marchait, il y avait beaucoup d'idées reçues, c'est ça que je combats et que j'assume. Et, évidemment, j'assume aussi que, il ya des gens qui vous disent " on va faire des plans massifs de recrutement ", il y a des gens qui vous disent " on va faire plans massifs de plan social et de licenciements ", moi ce n'est pas ma vision, ma vision c'est d'assurer la continuité et d'avoir des hommes et des femmes qui viennent travailler là où les Français en ont besoin.

PATRICK ROGER
Recruter 100.000 personnes alors qu'en la France a un déficit colossal, ça ne vous pose pas de problème ça ? Non, mais ça va être un choix électoraliste volontaire, c'est-à-dire que finalement vous dites aux fonctionnaires, " écoutez, on a besoin en fait de fonctionnaires, on recrute, et on va faire des efforts pour vous ".

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, il y a 5 millions…

PATRICK ROGER
Non, mas je vous pose la question, franchement.

AMELIE DE MONTCHALIN
Il y a 5 millions de fonctionnaires dans notre pays…

PATRICK ROGER
5,5 millions.

AMELIE DE MONTCHALIN
Il y en a qui partent à la retraite tous les ans, moi je ne vais pas dire aux Français " écoutez, il y aura moins de policiers, il y aura moins d'infirmières, il y aura moins d'enseignants, il y aura moins d'hommes et de femmes qui vont s'occuper de l'environnement, il y aura moins d'hommes et de femmes qui vont s'occuper du numérique, il y aura moins d'hommes et de femmes qui s'occuperont de simplifier vos démarches administratives. " Les 100.000 personnes, ça ne crée pas des emplois en plus, évidemment qu'ensuite ils ne font pas les mêmes métiers parce qu'en 2022…

PATRICK ROGER
C'est du renouvellement.

AMELIE DE MONTCHALIN
On ne fait pas les mêmes métiers qu'en 1985, mais ça n'aurait aucun sens, aujourd'hui, alors que nous avons besoin de compétences, de ne pas en parler.

PATRICK ROGER
Alors, Amélie de MONTCHALIN, qu'on comprenne bien, 100.000 personnes que vous recrutez, ça veut dire qu'il y aura, si on additionne, il y en aura plus ou moins effectivement ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Le même nombre.

PATRICK ROGER
Le même nombre ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Le même nombre.

PATRICK ROGER
Vous ne changez pas en fait quoi !

AMELIE DE MONTCHALIN
Et il y a des endroits, en revanche, où il y a moins de monde. Je vous donne un exemple, où il y a plus de monde, France services, quand avec Jacqueline GOURAULT ce soir, on va recevoir les associations d'aide aux Français les plus démunis, les plus précaires, les plus fragiles, le Secours catholique, la Défenseure des droits, le Secours populaire, et qu'on va travailler avec ces associations pour que les personnes qu'elles accompagnent puissent être accueillies dans ces 2000 lieux qu'on a ouverts avec les élus locaux, 2000 lieux en France, à moins de 20 minutes de chez vous…

PATRICK ROGER
Parce que là visiblement il y a des associations qui disent que vous n'êtes pas suffisamment, dans ces Maisons services on n'est pas suffisamment présent sur le terrain, et hier Fabien ROUSSEL, candidat communiste qui était à ce micro, il dit " pipeau ces Maisons services. " qu'est-ce que vous lui répondez ?

AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord, un, ce n'est pas pipeau, deux, je vais l'emmener avec moi faire le tour des départements de France, dans chaque département aujourd'hui il y a 20 lieux d'accueil, à moins de 20 minutes de là où les gens vivent, pour justement être aidé dans ses démarches, être accompagné, avoir de l'humain, avoir une présence qui vous accompagne, qui regarde qui vous êtes en tant que personne, et donc moi ce que ce soir, avec Jacqueline GOURAULT on fait, c'est que ces associations, au plus près du terrain, eh bien elles puissent travailler avec les hommes et les femmes, les 5000 personnes que nous avons recrutées, pour avoir une présence de service public qui n'a jamais été aussi grande, même il y a 15 ans, avant les fermetures de la droite et de la gauche, de tous ces services publics de proximité, il n'y a jamais eu autant de présence humaine, de proximité, mais il faut qu'on travaille ensemble, et donc ce qu'on va annoncer c'est que dans chaque département, ces 5000 hommes et femmes, que nous avons recrutés, vont se mettre en contact avec les associations de leur département, pour que ces personnes fragiles, qui parfois poussent la porte du Secours populaire, poussent la porte Secours catholique, moi j'ai vue la présidente de cette association, elle m'a dit " Nous on a besoin aussi que vous puissiez prendre le relais à un moment donné, ce n'est pas notre métier d'aider à faire les démarches administratives " et j'en suis bien d'accord, et donc ça c'est notre combat. Je ne suis pas en train de vous dire que tout est résolu, mais ce travail-là, ces maisons France Services, ces bus, vous savez qu'il y a des bus qui font le tour des zones rurales…

PATRICK ROGER
Oui, bien sûr.

AMELIE DE MONTCHALIN
Il faut qu'elles puissent savoir où est-ce qu'elles vont, qui sont les personnes qui en ont besoin, que ces associations, qui sont en contact sur le terrain, puissent nous le dire, et donc notre combat c'est quoi ? C'est un service public qui est adapté aux besoins des Français d'aujourd'hui, c'est d'être dans la réalité, ce n'est pas d'être dans la rengaine, ce n'est pas d'être dans le clientélisme d'un côté, où, voyez, ceux qui parlent du comité de la hache et qui veulent tout couper.

PATRICK ROGER
Donc si je vous suis bien, Amélie de MONTCHALIN, ce que vous nous annoncez ce matin c'est que d'un côté, donc il y a ce recrutement qui est en cours de 100.000 personnes, 100.000 fonctionnaires, et de l'autre donc des Maisons de services que vous réorganisez avec des effectifs.

AMELIE DE MONTCHALIN
Exactement. On peut vous parler de l'hôpital. Qu'est-ce qui se passe à l'hôpital ? On manque d'infirmières. On manque d'aides-soignants. On manque d'hommes et de femmes pour faire ces métiers essentiels.

PATRICK ROGER
Déjà il faut les former, oui.

AMELIE DE MONTCHALIN
Il faut donc les former. On a ouvert des places de formation. Toutes ne sont pas pourvues. Moi mon combat, mon rôle de ministre de la Fonction publique, ce n'est pas de faire des grands discours. C'est de m'assurer que dans les missions locales, là où sont les jeunes, à l'université, aussi avec des hommes et des femmes qui veulent changer de métier, qui ont eu une vie dans le secteur privé et qui, à un moment, donné se disent : pourquoi je ne changerais pas de métier ? Pourquoi je n'irais pas de travailler pour les autres ?, je puisse tenir un discours de vérité, un discours qui soit positif, un discours de sens. Travailler pour le service public, c'est aussi un métier de sens. C'est un métier où chaque jour, vous n'enrichissez personne d'autre que la société dans son ensemble. C'est ça qu'on veut valoriser.

PATRICK ROGER
Amélie de MONTCHALIN, il reste deux minutes pour deux questions. La première, est-ce qu'il peut y avoir une renationalisation des EHPAD comme c'est réclamé dans le débat actuel, puisque vous parlez en fait justement des services publics.

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je pense que le bon débat, ce n'est pas savoir s'il est public ou privé. Le bon débat, c'est comment partout on assure l'humanité et la dignité…

PATRICK ROGER
Avec des contrôles.

AMELIE DE MONTCHALIN
Et donc le sujet, vous l'avez très bien dit, c'est le contrôle. Aujourd'hui on a un système de contrôle qui se fait a posteriori. Ça veut dire quand il y a un problème, on vient contrôler et c'est un contrôle qui est totalement éclaté entre les départements, les ministères, les agences régionales de santé. Et donc notre combat là dans les tout prochains jours, c'est d'annoncer un système nouveau de contrôle continu et surtout de contrôle qui ait des conséquences. C'est une chose de contrôler et de voir qu'il y a un problème, c'en est une autre de dire : qu'est ce qui se passe après ? Est-ce que vous gardez vos financements ? Est-ce que vous êtes avec une forme de tutelle, une forme de surveillance ?

PATRICK ROGER
Oui, oui. Donc en tout cas, pas de nationalisation comme c'est évoqué par certains.

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi je pense que le débat public-privé, ce n'est pas le bon débat. Le débat, c'est comment on contrôle.

PATRICK ROGER
Il y a le départ aujourd'hui du convoi dit de la liberté sur le modèle canadien. Est-ce que vous le redoutez ? Est-ce qu'il y a des similitudes avec le mouvement des Gilets jaunes ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Déjà ce que j'ai vu, c'est qu'au Canada c'est un mouvement qui a bloqué le pays et je peux vous dire très fermement quelque chose. En France on peut manifester mais on ne peut pas bloquer le pays. Et donc s'il y a des gens qui ont des revendications, ils peuvent les exprimer. C'est un pays de démocratie. Ils peuvent les exprimer par la voix de leurs représentants. Ils peuvent les exprimer toujours quand on fait des manifestations légalement déclarées, mais nous serons extrêmement fermes car nous ne pouvons pas tolérer que le pays soit bloqué.

PATRICK ROGER
Ça veut dire ‘ferme' ? Ça veut dire immédiatement déloger les camions s'ils commencent à bloquer.

AMELIE DE MONTCHALIN
Gérald DARMANIN l'a dit : nous ne tolérerons nulle part des blocages de routes, des blocages de villes. On n'est pas dans un pays de blocus et donc il n'y aura pas de blocages.

PATRICK ROGER
Amélie de MONTCHALIN, à propos de Gérald DARMANIN, il a poussé un petit peu hier face à Apolline de MALHERBE, non ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce que je peux vous dire, c'est qu'il était agacé d'un débat aujourd'hui qui est un débat où des grands chiffres sont brandis, qui sont des bidouillages statistiques et qui ne correspondent pas à la réalité de la France.

PATRICK ROGER
Oui, mais il y a des chiffres qui viennent aussi de son ministère. Est-ce qu'il avait à répondre ça à Apolline de MALHERBE : ça va bien se passer ? Sur ce terme notamment dans l'interview ?

AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord on est dans un climat politique, on le voit, où chaque jour il y a une polémique. Chaque jour, 24 heures sont passées sur des choses qui honnêtement ne relèvent pas à mon avis de la politique. Ils relèvent d'une forme de polémique permanente.

PATRICK ROGER
Oui, mais là c'est le ministre dans sa déclaration, dans son attitude. C'étaient des propos misogynes ? Ça a été ressenti comme ça par certains.

AMELIE DE MONTCHALIN
Non mais d'abord, on voit bien…

PATRICK ROGER
Non mais je ne sais pas. Vous, vous êtes une femme.

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est une opposition qui cherche en abîmant…

PATRICK ROGER
Ce n'est pas une opposition là, c'est une journaliste qui pose des questions.

AMELIE DE MONTCHALIN
D'accord mais si vous regardez la polémique, qu'est-ce que c'est devenu ? C'est devenu une polémique brandie par les oppositions pour abîmer le ministre de l'Intérieur, pour attaquer donc le président de la République et pour délégitimer notre bilan sur la sécurité. Moi je vais vous dire quelque chose. Ce qui a agacé et ce qui m'agace honnêtement, c'est qu'on a maintenant un débat où Valérie PECRESSE, Eric ZEMMOUR et Marine LE PEN font croire que l'insécurité aurait augmenté de 32% dans notre pays. C'est un bidouillage statistique parce que ce qui a augmenté, je vais vous le dire, c'est deux types de violences. C'est les violences faites aux femmes et aux enfants, les violences intrafamiliales.

PATRICK ROGER
Parce qu'elles sont beaucoup plus déclarées, oui.

AMELIE DE MONTCHALIN
Et les règlements de compte, donc les homicides, liés au trafic de drogue. Est-ce que c'est satisfaisant ? Non. Ces combats que nous menons, nous les menons en les prenant à bras-le-corps.

PATRICK ROGER
Ce n'était pas l'objet de ma question, de revenir sur les statistiques mais vous ne regrettez pas, en fait, ces propos de Gérald DARMANIN ? Il est allé trop loin, mais dites-le ou pas Amélie de MONTCHALIN. Je vous pose une question simplement.

AMELIE DE MONTCHALIN
Eh bien moi, je vous réponds. Ce que je vous réponds, c'est que c'est extrêmement agaçant, et ça agace tout le monde, et ça agace Gérald DARMANIN et ça m'agace que sur le débat de la sécurité qui est un débat important, il y ait des grands chiffres qui soient brandis qui ne correspondent à rien. Ce qui m'agace c'est qu'en voulant délégitimer l'action du gouvernement, on attaque un ministre sur des sujets qui n'ont pas lieu d'être. Et ce qui m'agace et ce que je peux vous dire aussi, c'est que ce débat aujourd'hui politique est un débat fait de polémiques incessantes qui se transformant même en questions au gouvernement alors que le débat de fond pour moi devrait être un débat sur notre bilan, et on est devant vous et on le présente.

PATRICK ROGER
D'accord, bon…

AMELIE DE MONTCHALIN
Et sur le site du gouvernement, on a mis à la fois les choses qu'on avait réussies et pas réussies et que ce soit un débat sur le projet, que nous parlions aux Français de ce que nous voulons faire pour eux. C'est ça qui m'intéresse.

PATRICK ROGER
Ça, il sera temps de le faire quand le président de la République va se déclarer et on attend qu'il se déclare. Merci Amélie de MONTCHALIN, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 février 2022