Interview de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État, porte-parole du gouvernement, à France Info le 3 mars 2022, sur la médiation française dans le conflit entre la Russie et l'Ukraine et le renforcement du flanc Est de l'OTAN.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Gabriel Attal - Secrétaire d'État, porte-parole du gouvernement

Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour.

MARC FAUVELLE
"Les jours qui viennent seront de plus en plus durs", a dit hier soir Emmanuel MACRON dans sa nouvelle allocution sur l'Ukraine. Est-ce que ça signifie que Vladimir POUTINE est en train de gagner la guerre ?

GABRIEL ATTAL
Non, cela signifie qu'au regard de l'offensive russe qui s'accroît, on doit s'attendre malheureusement à des scènes de détresse pour les Ukrainiens, et on en voit déjà, des familles qui sont séparées, des pères qui doivent rester en Ukraine pour combattre, et puis des mères avec les enfants, qui doivent fuir, qui doivent partir. On peut s'attendre aussi, au regard des mouvements des troupes russes, à des situations peut-être de siège de grandes villes, et on peut s'attendre aussi à des scènes de combats de rues, dans des grandes villes ukrainiennes. Et donc évidemment, c'est à cela qu'il faut s'attendre.

MARC FAUVELLE
Pourquoi la France, contrairement aux États-Unis, contrairement au Royaume-Uni, ne qualifie pas Vladimir POUTINE de dictateur ?

GABRIEL ATTAL
Eh bien, vous avez entendu les déclarations de mon collègue Jean-Yves LE DRIAN sur ce sujet-là la semaine dernière…

MARC FAUVELLE
Emmanuel MACRON n'a pas utilisé ce…

GABRIEL ATTAL
… qui s'est exprimé en ce sens. Vous savez, l'important ça n'est pas la manière dont vous qualifiez les uns et les autres, l'important…

MARC FAUVELLE
Ça l'est évidemment, surtout en temps de…

GABRIEL ATTAL
Oui, mais je crois que l'important c'est aussi ce que vous faites, et ce que vous faites pour réussir à arriver à une situation où on enraille une escalade on est capable de mettre tout le monde autour d'une table pour discuter et pour essayer de négocier un cessez-le-feu. C'est ça notre priorité pour la France, c'est la priorité aussi pour l'Europe, pour nos alliés, et c'est ce sur quoi on travaille.

MARC FAUVELLE
On va le négocier où ce cessez-le-feu ? Directement entre Ukrainiens et Russes au Conseil de sécurité ?

GABRIEL ATTAL
Vous avez aujourd'hui beaucoup d'échanges qui ont lieu. Vous avez des échanges internationaux, vous savez que le président de la République échange régulièrement avec le président ZELENSKY, et d'ailleurs à la demande du président ZELENSKY, il continue aussi à échanger avec Vladimir POUTINE. Il l'a eu au téléphone en début de semaine sur ce sujet. Vous avez ensuite une mobilisation internationale, oui, du Conseil de sécurité qui va examiner une résolution sur le cessez-le-feu, et vous avez…

MARC FAUVELLE
Résolution française ?

GABRIEL ATTAL
Et vous avez eu des tentatives de pourparlers qui ont démarré entre les Ukrainiens et les Russes à la frontière biélorusse. Je crois que d'autres rendez-vous doivent avoir lieu…

SALHIA BRAKHLIA
Dès aujourd'hui ?

GABRIEL ATTAL
… aujourd'hui, et évidemment nous suivons ça de très près.

SALHIA BRAKHLIA
Pourtant, pas de négociations sans cessez-le-feu, c'est ce que dit ce matin Jean-Yves LE DRIAN, c'est la position de la France. Il ne faut pas discuter alors ?

GABRIEL ATTAL
C'est pour ça que je parle de pourparlers pour obtenir un cessez-le-feu. Effectivement, s'agissant de la négociation…

MARC FAUVELLE
Attendez, on reprend dans l'ordre. Pardon, les Ukrainiens et les Russes ont prévu de se retrouver là dans quelques heures, en Biélorussie, et la France dit : on ne discute pas avant qu'il y ait un cessez-le-feu ?

GABRIEL ATTAL
Non, justement les Russes et les Ukrainiens vont discuter, et l'objectif c'est d'arriver à un cessez-le-feu. Voilà. C'est une discussion qui vise à arriver à un cessez-le-feu. Un cessez-le-feu pourquoi ? Pour qu'il puisse y avoir une négociation sur la sortie de cette crise, parce que vous voyez bien que si on veut se mettre autour de la table, et si on veut que les Ukrainiens et les Russes puissent se mettre autour de la table, pour parler de la sortie de cette crise, il faut évidemment que ça se fasse dans des conditions de cessez-le-feu. On ne négocie pas avec un pistolet sur la tempe. Je parle ici pour les Ukrainiens qui sont aujourd'hui assiégés par les Russes. Et donc il y a des discussions, des pourparlers, pour définir les conditions de ce cessez-le-feu. Jusqu'à maintenant les conditions qui étaient posées par les Russes, je parle pour les pourparlers qui ont eu lieu en début de semaine, n'étaient pas acceptables, puisqu'il s'agissait de demander ni plus ni moins que la capitulation de l'Ukraine, le fait que les dirigeants de l'Ukraine se rendent, évidemment ça n'est pas possible. Et donc voilà, ces pourparlers vont se poursuivre, il faut évidemment de la prudence, mais il faut prendre au sérieux aussi ces discussions et on va les suivre de très près, c'est aussi pour ça que le président de la République continue à échanger avec le président ZELENSKY, qu'il a eu le président POUTINE en début de semaine et qu'il continuera à avoir toutes les initiatives utiles pour avancer sur ce conflit.

SALHIA BRAKHLIA
Donc, pour qu'on comprenne bien, des pourparlers pour arriver à un cessez-le-feu, un cessez-le-feu pour entamer ensuite des négociations. Sauf qu'en attendant, l'ambassadeur de l'Ukraine a dénoncé hier un génocide à la tribune de l'ONU. Est-ce que vous, vous reprenez ce mot ?

GABRIEL ATTAL
D'abord, ce n'est pas à moi de qualifier ce qui se passe. Moi je suis porte-parole du gouvernement français, moi je suis là pour dire ce qu'on fait, je suis là pour dire l'action qui est celle de la France, je suis là pour dire le soutien que nous apportons aux Ukrainiens dans ce conflit. Je suis là pour dire la mobilisation internationale qui est la nôtre.

SALHIA BRAKHLIA
Sauf qu'il y a des réactions internationales, vous voyez bien, la Cour pénale internationale qui a décidé d'ouvrir une enquête pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, qui remonteraient jusqu'à la Crimée à l'encontre de Vladimir POUTINE. Est-ce que vous, Français, est-ce que nous Français, est-ce que le gouvernement français souhaite que Vladimir POUTINE soit jugé devant cette instance internationale ?

GABRIEL ATTAL
Mais, vous l'avez dit vous-même, la CPI s'est elle-même saisie. Je crois que l'Ukraine est adhérente du Traité de Rome qui permet cela, et que la Cour pénale internationale…

MARC FAUVELLE
Non, je crois qu'elle ne l'est pas.

GABRIEL ATTAL
Je crois que la Russie ne l'est pas, mais que l'Ukraine l'est. A vérifier.

MARC FAUVELLE
Ah bon, pardon.

GABRIEL ATTAL
Mais peut-être que je me trompe. Et donc le procureur de la Cour pénale internationale, lui-même a ouvert une enquête, et évidemment, nous, nous respectons toutes les enquêtes qui sont menées par les juridictions, que ce soit d'ailleurs en France ou à l'international. Voilà. Mais encore une fois, nous notre objectif aujourd'hui, je le dis, c'est de tout faire pour arriver au plus vite à un cessez-le-feu et de pouvoir entamer des négociations. C'est ça notre objectif. Et donc ça veut dire parler avec les uns et les autres, ça veut dire être au soutien des Ukrainiens, ça veut dire aussi mettre la pression sur la Russie. Et vous avez vu que toutes les sanctions qui ont été décidées très rapidement et très massivement, au niveau européen et international, elles visent à faire en sorte que le coût de la guerre augmente pour la Russie, et qu'à un moment donné Vladimir POUTINE soit contraint de revoir ses calculs et de se dire finalement "j'ai peut-être intérêt à me mettre autour de la table pour négocier une sortie de cette crise".

MARC FAUVELLE
S'il le faut, Emmanuel MACRON est prêt à retourner à Moscou, serrer la main de Vladimir POUTINE et discuter avec lui ?

GABRIEL ATTAL
On a toujours dit que le président de la République prendrait toujours les initiatives utiles.

MARC FAUVELLE
Il ne s'est pas senti humilié par ce qui s'est passé la dernière fois ? Je ne parle pas de la longueur de la table, je parle de la discussion, et le lendemain ou quasiment l'attaque ?

GABRIEL ATTAL
Mais, attendez, vous avez eu une discussion effectivement de près de 6 heures entre le président de la République et le président POUTINE, qui visait à quoi ? Qui visait à ce que, et c'est notre objectif, à chaque étape depuis plusieurs mois, à ce que POUTINE, à chaque moment, ait le choix entre plusieurs alternatives, qu'il ne puisse pas dire que sa seule alternative est la guerre, qu'il ne puisse pas dire qu'il est dans une logique absolue de confrontation, parce qu'il n'y a pas d'autre chemin possible. Et donc oui, à chaque fois…

SALHIA BRAKHLIA
Sauf que deux jours après la rencontre, il y a eu la guerre.

GABRIEL ATTAL
Je ne crois pas que c'était deux jours, d'abord.

SALHIA BRAKHLIA
C'est une formule, je veux dire "juste après".

GABRIEL ATTAL
Oui, mais enfin je veux dire, c'est important ces discussions et c'est important de regarder aussi de calendrier et la manière dont les choses se déroulent. Voilà. Encore une fois, nous, notre objectif c'est qu'à chaque moment Vladimir POUTINE puisse voir une alternative diplomatique à ce qu'il conduit aujourd'hui, qu'il ne puisse pas dire "on ne m'a pas laissé le choix, personne ne m'a tendu la main etc.". Eh bien évidemment que jusqu'à maintenant il n'a pas saisi cette voie diplomatique, et ce qui montre qu'il a fait un choix délibéré d'entamer une guerre, et ce qui permet ensuite de l'isoler au niveau international et de mettre la Russie au ban des Nations, c'est ce qu'a fait Vladimir POUTINE, puisque vous avez vu qu'il y a eu un vote au Conseil de sécurité, que la Russie est la seule à avoir voté contre la résolution. Elle s'attendait d'ailleurs à ce que à la Chine vote contre avec elle, ça n'a pas été le cas. Vous avez vu hier un vote à l'Assemblée générale des Nations Unies, je crois qu'il n'y avait que 4 pays qui étaient autour de la Russie, et c'est des pays dont on sait que classiquement…

MARC FAUVELLE
La Biélorussie, la Syrie, qui sont … de grandes démocraties du monde…

GABRIEL ATTAL
La Syrie, la Corée du Nord. Voilà. Et donc il y a un isolement diplomatique aujourd'hui de la Russie sur ces questions-là, et c'est très important aussi de le montrer.

MARC FAUVELLE
Gabriel ATTAL, porte-parole du gouvernement, est l'invité de France Info, jusqu'à 09h00. Il est 08h40. Lisa GUYENNE, pour un passage par le fil info.

- Fil Info

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec le porte-parole du gouvernement, Gabriel ATTAL. Depuis huit jours les Ukrainiens font face à l'armée russe sur leur sol et pour les aider les Européens ont décidé d'envoyer des armes, la France refuse de rendre public ce qu'elle envoie, contrairement à d'autres pays européens, pourquoi ?

GABRIEL ATTAL
Pour des raisons de sécurité, à la fois pour les Ukrainiens, communiquer sur la liste des équipements défensifs que nous envoyons à l'Ukraine ça serait donner des informations y compris à la Russie, qui mène aujourd'hui une offensive, et aussi pour nos personnels sur place…

SALHIA BRAKHLIA
Et pourtant la Belgique, la Suède, communiquent.

GABRIEL ATTAL
Moi je suis porte-parole du gouvernement français, donc moi je vous rends compte de la communication du gouvernement français, nous avons fait ce choix-là, ça ne veut pas dire qu'on ne communique à personne, d'abord on communique au président ZELENSKY. Je rappelle que le président ZELENSKY a établi directement au président de la République une liste de matériels dont il a besoin, et que nous avons répondu à cette demande, il l'a dit d'ailleurs publiquement, "j'ai fait état à la France de mes besoins, la France m'a répondu et répond à mes besoins très concrets." Ensuite nous avons communiqué auprès des parlementaires membres de la commission de la Défense, dans une réunion qui s'est tenue en début de semaine à huis clos, avec le directeur de cabinet de la ministre des Armées, qui a communiqué très directement parce que la représentation nationale évidemment, et notamment les députés qui sont spécialistes des questions de défense, évidemment c'est important de les tenir informés…

MARC FAUVELLE
Et qui sont soumis au secret défense eux aussi du coup ?

GABRIEL ATTAL
Je crois que dans le cadre de ces réunions, effectivement, les informations ne sont pas communiquées.

SALHIA BRAKHLIA
Donc ceux-là savent comme combien de fusils, combien de mitraillettes, on a envoyé aux Ukrainiens ?

GABRIEL ATTAL
Oui, nous avons communiqué les détails sur les équipements défensifs que nous…

MARC FAUVELLE
Elles sont arrivées sur place ces armes ou pas encore ?

GABRIEL ATTAL
Encore une fois je ne vais pas vous donner de détails, on avait déjà commencé à livrer un certain nombre d'équipements…

SALHIA BRAKHLIA
Des casques.

GABRIEL ATTAL
Parce qu'on parle d'équipements, il y a aussi des questions de carburant, etc., il y a d'autres équipements qui ont été demandés, évidemment on répond à la demande ukrainienne.

MARC FAUVELLE
Combien de soldats aujourd'hui, français, sont mobilisés dans le cadre des forces de l'OTAN, dans les pays limitrophes de l'Ukraine, notamment la Roumanie puisqu'un groupe est parti avant-hier de 500 soldats sur place, combien au total ?

GABRIEL ATTAL
Oui, il y a eu une réunion de l'OTAN vendredi dernier, dans laquelle le président de la République a annoncé qu'on allait renforcer notre présence sur le flanc est de l'OTAN, donc vous l'avez dit, il l'a rappelé hier dans son allocution, 500 soldats et blindés d'infanterie et de cavalerie qui arrivent en Roumanie, puisque nous devenons nation cadre des opérations en Roumanie, ça veut dire que c'est nous qui organisons les opérations de l'OTAN sur place, nous aurons également 200 militaires français de la 27e Brigade d'infanterie de montagne qui vont se rendre dans les jours qui viennent en Estonie. Et puis nous avons une mobilisation aérienne, il y a quatre avions de chasse, une centaine d'aviateurs qui vont être déployés dès la mi-mars, toujours en Estonie, pour des missions de police du ciel, ça veut dire patrouiller à la frontière des pays baltes, et puis depuis la fin de semaine dernière vous avez tous les jours des patrouilles de Rafale qui partent de Mont-de-Marsan et qui assurent la sécurité du ciel à la frontière est de la Pologne, c'est deux patrouilles par jour de deux Rafale qui sont accompagnées d'un avion ravitailleur, donc vous voyez qu'il y a un renforcement de notre mobilisation, dans le cadre de l'OTAN, sur le flanc est, évidemment pour apporter notre soutien, notre protection, aux pays sont concernés.

SALHIA BRAKHLIA
Les troupes renforcées à la frontière, mais pas au sein même du territoire ukrainien, qu'est-ce qui peut vous faire changer d'avis, qu'est-ce qui peut faire changer d'avis à l'OTAN d'envoyer des troupes à l'intérieur du pays ?

GABRIEL ATTAL
Sur ce sujet-là ma collègue Florence PARLY a eu l'occasion de s'exprimer très clairement, elle a indiqué qu'il n'était pas prévu d'envoyer des troupes et des soldats, en revanche j'ai eu l'occasion de vous dire combien nous apportons un soutien, à la fois logistique, humanitaire et diplomatique, à l'Ukraine dans ce conflit.

MARC FAUVELLE
Gabriel ATTAL, pourquoi les sanctions économiques décidées par la France et par l'Union européenne aujourd'hui ne visent pas, ni les secteurs du pétrole, ni les secteurs du gaz russe ?

GABRIEL ATTAL
Non, mais d'abord ces sanctions elles sont massives, encore une fois moi je veux rappeler…

MARC FAUVELLE
Ce n'est pas ma question.

GABRIEL ATTAL
Oui, mais je veux rappeler ce qui a été fait ; oui mais parce que parfois, avec certaines questions, on a l'impression que rien n'est fait, ou que ce qu'on fait est faible, non, c'est très fort et c'est très puissant.

MARC FAUVELLE
On en a parlé très longuement des sanctions avec Bruno LE MAIRE, qui était à votre place il y a quelques jours, et qui a même dit d'ailleurs que l'objectif de la France, il a rectifié ses propos depuis, était l'effondrement de l'économie russe, et que la France et l'Europe livraient une guerre économique totale à la Russie, il a dû rectifier ses propos suite à un message, en français s'il vous plaît, de l'ancien président russe Dimitri MEDVEDEV. La France s'est fait taper sur les doigts par la Russie ?

GABRIEL ATTAL
Non, encore une fois, Bruno LE MAIRE l'a dit lui-même…

MARC FAUVELLE
Alors pourquoi est-ce qu'il a rectifié ses propos ?

GABRIEL ATTAL
Il l'a dit lui-même, et ce n'est pas la peine de revenir, je pense dessus, indéfiniment…

MARC FAUVELLE
Pourquoi est-ce qu'il a rectifié si personne ne s'est plaint ?

GABRIEL ATTAL
Parce qu'il est important de dire clairement ce que nous faisons, et ce que nous faisons c'est renchérir au maximum le coût de la guerre pour la Russie, pour Vladimir POUTINE soit obligé de revoir ses plans et ses calculs, c'est exactement ça que nous faisons, et probablement d'ailleurs que pour Vladimir POUTINE les choses ne se passent pas comme prévu, il ne s'attendait probablement pas à ce qu'il y ait une telle mobilisation aussi rapide et aussi forte au niveau européen, au niveau international, avec des sanctions d'une telle nature, parce que précisément ce que nous faisons c'est que nous renchérissons le coût de la guerre pour l'économie russe d'une manière générale, on a gelé les actifs de la Banque centrale russe, nous renchérissons le coût de la guerre pour un certain nombre d'industries russes, notamment les industries de défense, puisque nous avons interdit des exportations de biens essentiels pour les industries de défense…

MARC FAUVELLE
Mais pas l'énergie.

GABRIEL ATTAL
Nous renchérissons aussi le coût de la guerre pour les oligarques russes, puisque nous gelons des avoirs, partout dans le monde, en France singulièrement, pour qu'à un moment donné aussi ils se tournent vers Vladimir POUTINE en lui disant finalement "est-ce que c'était une bonne idée ce conflit ?", voilà ce que nous faisons. Ensuite, nous avons aussi décidé de "déswifter", c'est-à-dire de retirer d'un système de messagerie…

MARC FAUVELLE
Le réseau interbancaire.

GABRIEL ATTAL
Bancaire, un certain nombre de banques russes, une première liste a été annoncée, il pourra y en avoir d'autres.

MARC FAUVELLE
Vous comprenez le sens de ma question Gabriel ATTAL, le gaz et le pétrole russes, il y a des pays européens qui ne veulent pas aujourd'hui s'en passer, pour la France, ce serait sans doute difficile de le faire, les sanctions n'iront jamais jusque-là ? On ne peut pas se fâcher à ce point-là avec la Russie de Vladimir POUTINE ?

GABRIEL ATTAL
Moi, vous savez, je n'exclue rien, par principe, pour l'avenir, ce que je dis c'est qu'il y a, encore une fois, une mobilisation très forte au niveau européen, que s'agissant des banques, qui ont été retirées de la messagerie internationale, il y a une première liste qui a été publiée, qu'elle s'est faite évidemment en négociation au niveau européen, que nous la France nous portons une position maximaliste sur ce sujet-là, nous voulons aller au plus loin possible dans l'impact de nos mesures pour les banques russes, après il y a une discussion au niveau européen, mais encore une fois, si on se replaçait deux ou trois semaines en arrière, je veux dire au niveau européen on a tous des relations, une histoire, des intérêts différents avec la Russie, et franchement, quand vous interrogez des spécialistes, il y a plusieurs semaines, il y en a peu qui s'attendaient à ce que il y a une telle unité sur des sanctions aussi lourdes au niveau européen, et c'est ça qu'il faut regarder à mon avis, et d'ailleurs c'est probablement ça aussi qui fait réfléchir aujourd'hui les autorités russes.

SALHIA BRAKHLIA
Il y a une question qui persiste Gabriel ATTAL, c'est celle de la présence de TOTAL en Russie, ici même, sur ce plateau, Bruno LE MAIRE avait émis un problème de principe sur la présence de TOTAL en Russie, seulement TOTAL a réagi dans la foulée en disant qu'il n'allait pas davantage faire d'investissements en Russie, mais pas se retirer, ça veut dire quoi, ça veut dire que vous n'avez pas le pouvoir de demander à TOTAL de se retirer du pays ?

GABRIEL ATTAL
TOTAL c'est une entreprise privée, d'abord, il faut le dire, nous ce que nous demandons à toutes les entreprises c'est qu'elles appliquent les sanctions qui sont décidées, et TOTAL s'est engagée à appliquer les sanctions qui sont décidées.

MARC FAUVELLE
TOTAL fait des affaires aujourd'hui avec des personnes, une personne en l'occurrence, qui est sur la liste des sanctions américaines.

GABRIEL ATTAL
TOTAL s'est engagée à appliquer nos sanctions, d'abord c'est ça que je veux dire, ensuite…

MARC FAUVELLE
Dans quel sens ?

GABRIEL ATTAL
On a pris des sanctions qui concernent des entreprises, notamment l'interdiction d'exporter un certain nombre de choses, ou d'importer quand on est une entreprise française en Russie, un certain nombre de biens, premièrement, ensuite elle s'est engagée effectivement à ne pas consentir d'investissements supplémentaires en Russie…

MARC FAUVELLE
Pas de nouveaux investissements, mais on garde les investissements actuels on continue à trouver du gaz et du pétrole en Russie, avec des oligarques, un oligarque en l'occurrence, qui est sur une liste noire.

GABRIEL ATTAL
Voilà.

MARC FAUVELLE
Qui est un proche de Vladimir POUTINE.

GABRIEL ATTAL
Mais ensuite, si vous avez d'autres questions sur la présence de TOTAL en Russie, vous pouvez les poser à TOTAL, qui est un groupe privé. Nous…

MARC FAUVELLE
Figurez-vous que l'on invite Patrick POUYANNE depuis des mois et des mois et qu'il ne vient pas.

GABRIEL ATTAL
Voilà, eh bien écoutez…

MARC FAUVELLE
Donc on pose la question au porte-parole du gouvernement.

SALHIA BRAKHLIA
La question se pose pour TOTAL, mais elle se pose aussi pour RENAULT, par exemple.

GABRIEL ATTAL
Oui, mais comme pour TOTAL, RENAULT s'est engagé à appliquer les sanctions qui ont été décidées…

SALHIA BRAKHLIA
Donc vous ne demandez pas à ces entreprises de se retirer du pays ?

GABRIEL ATTAL
Ce que nous leur demandons c'est d'appliquer les sanctions. Ensuite évidemment, j'ai eu l'occasion de le dire, nous ce que nous recherchons c'est à la fois l'isolement de la Russie et à la fois le renchérissement du coût de la guerre. Tous ceux qui peuvent participer à ce mouvement-là, évidemment sont les bienvenus.

MARC FAUVELLE
Vous dites quoi aux Français qui sont toujours en Ukraine aujourd'hui, il y en a plusieurs centaines encore, sauvez-vous ou cachez-vous ?

GABRIEL ATTAL
Nous avons eu l'occasion de leur dire, s'agissant notamment de ceux qui sont à Kiev, qu'ils pouvaient quitter la ville, et qu'il y a une route Sud qui a été rouverte pour leur permettre de quitter la ville. C'est ce qui a été notamment…

SALHIA BRAKHLIA
Une route, dont la sécurité n'est pas totalement assurée, c'est ce qu'a dit Jean-Yves LE DRIAN.

GABRIEL ATTAL
Eh bien justement, ce qu'il a dit Jean-Yves LE DRIAN, je crois que c'était mardi soir, c'est que dans les discussions que nous avons eues avec la Russie, nous avons pu négocier que cette route soit ouverte et que nos ressortissants puissent sortir. Et d'ailleurs, vous savez que nos personnels diplomatiques, qui étaient encore présents à Kiev, ont pu quitter Kiev par cette route, vers…

MARC FAUVELLE
Vers l'Ouest.

GABRIEL ATTAL
… l'Ouest, puisque maintenant, notre ambassade qui est maintenue en Ukraine, est relocalisée à Lviv, donc à quelques…

MARC FAUVELLE
Pardon, il est impossible d'évacuer les Français. Le gouvernement français ne peut pas prendre ça en charge aujourd'hui, pour quelles raisons ?

GABRIEL ATTAL
D'abord, il y a vous savez des Français qui sont sur place, qui sont identifiés par nos autorités sur place, et qui sont suivis individuellement, c'est-à-dire que les Français qui sont sur place évidemment qu'ils ont un contact avec notre ambassade, qui encore une fois, et c'est un choix que nous avons fait en France, de maintenir une ambassade en Ukraine, qui est un interlocuteur pour eux, qui peut leur apporter tous les conseils et tout le soutien nécessaire.

MARC FAUVELLE
C'est toujours évidemment compliqué de joindre tout le monde dans ces cas-là, et on entend souvent les cas les plus inquiets…

GABRIEL ATTAL
Oui, bien sûr.

MARC FAUVELLE
… mais vous avez entendu comme nous, ces derniers jours des Français dire : on a pris la route, aujourd'hui on est bloqué, on n'avance pas, et la France nous a abandonnés.

GABRIEL ATTAL
Bien sûr. Mais encore une fois que je dis, c'est qu'on a, et je veux leur rendre hommage, des personnels diplomatiques qui sont restés sur place, contrairement à d'autres pays où l'ensemble des personnels diplomatiques ont été évacués, et s'ils sont restés sur place, c'est pour porter assistance à nos ressortissants qui sont sur place. On a, on avait au début du conflit, autour de 1 000 ressortissants français qui étaient sur place, il y en a d'autres qui se sont ensuite signalés aux autorités consulaires, qui n'étaient pas identifiés auparavant, qui n'étaient pas signalés.

MARC FAUVELLE
Il en reste combien aujourd'hui ?

GABRIEL ATTAL
Jean-Yves LE DRIAN a dit qu'il y avait entre 500 et 600 de ces ressortissants qui avaient pu quitter la ville de Kiev, et évidemment nous suivons de très près tous ceux qui sont encore présents.

MARC FAUVELLE
08h51, le Fil info, Lisa GUYENNE, on vous retrouve dans un instant Gabriel ATTAL.

- Fil Info

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec Gabriel ATTAL, le porte-parole du gouvernement. Plus d'un million de réfugiés ukrainiens ont fui leur pays selon le dernier bilan de l'ONU. Combien la France va-t-elle en accueillir ?

GABRIEL ATTAL
La France, elle prendra toute sa part. Le Président de la République l'a encore rappelé. Il y a une réunion des ministres de l'Intérieur européens qui se tient aujourd'hui et évidemment nous accueillerons des réfugiés ukrainiens. D'ailleurs, nous avons déjà commencé à en accueillir. Ma collègue Marlène SCHIAPPA a communiqué sur un chiffre de, je crois, 400 réfugiés ukrainiens qui sont déjà arrivés en France. Nous ce que nous souhaitons, c'est évidemment qu'il y ait une solidarité européenne et qu'il y ait une organisation au niveau européen. Aujourd'hui les pays qui sont très concernés par ce sujet-là, c'est évidemment les pays qui sont limitrophes de l'Ukraine et notamment la Pologne où il y a plusieurs centaines de milliers d'Ukrainiens qui ont déjà fui. Et donc ce que nous voulons, c'est venir en solidarité de ces pays au niveau européen, avec l'ensemble des pays européens et qu'il y ait un mécanisme évidemment de solidarité. C'est d'ailleurs intéressant parce que ce qu'on constate, c'est que les pays qui sont les plus directement concernés aujourd'hui - ces pays de l'Est - sont ceux qui étaient au départ, vous vous en souvenez quand il y a eu la crise migratoire en Méditerranée, qui étaient les moins favorables à ce qu'il y ait une solidarité européenne. Et moi ce que je pense, c'est que ce qui fait la maturité de l'Europe et l'honneur de l'Europe, c'est aussi de montrer qu'on vient en soutien à ces pays dans cette crise, et probablement que ça permettra aussi de continuer à avancer au niveau européen.

SALHIA BRAKHLIA
On n'a pas réservé le même sort effectivement aux Syriens et aux Afghans, aux réfugiés pendant la guerre, alors qu'on reçoit les Ukrainiens qui sont en danger aujourd'hui. Vous comprenez que ça pose question ?

GABRIEL ATTAL
Oui. Alors ce que je suis en train de vous dire…. Enfin, j'étais un peu perturbé parce que pour ceux qui nous écoutent, il y a des travaux.

MARC FAUVELLE
Oui, tout le monde entend précisément ce qui se passe sur ce studio. Il y a des travaux visiblement qui viennent de débuter juste derrière vous, Gabriel ATTAL. J'espère que ce n'est pas le studio qu'on est en train de démonter. Ils travaillent tôt ici à Radio France. On va poursuivre quand même cet entretien en priant pour que la perceuse ne commence pas tout de suite.

GABRIEL ATTAL
Qu'on ne croit pas que c'était votre question qui m'avait perturbé mais qu'on comprenne que… Ce que je disais à l'instant, c'est que nous on a toujours souhaité qu'il y ait ce mécanisme de solidarité au niveau européen, y compris dans les crises que vous évoquez en Syrie ou en Afghanistan, où la France aussi a toujours voulu prendre sa part avec les autres pays européens. Que ça n'a pas été possible sur des crises précédentes, notamment parce que certains pays européens n'y étaient pas favorables. Qu'aujourd'hui vous avez des pays européens qui n'étaient pas favorables à cette solidarité et qui sont les plus immédiatement concernés par un afflux de réfugiés. Et donc probablement que ça permettra aussi d'avancer au niveau européen sur ces questions-là pour l'avenir.

MARC FAUVELLE
Gabriel ATTAL, l'assassin du préfet Claude ERIGNAC, Yvan COLONNA, a été agressé très violemment hier par un autre détenu à la prison d'Arles où il purge sa peine de réclusion criminelle à perpétuité. Il est ce matin, nous dit-on, dans le coma entre la vie et la mort. L'homme qui l'a agressé, encore une fois dans des conditions particulièrement violentes, est un Français qui avait été capturé en Afghanistan par les Américains, remis à la France, qui a été condamné pour association de malfaiteurs terroriste, qui était radicalisé, qui est connu aussi pour des faits de violence en prison. Voici ce que disait ce matin sur l'antenne de France Info Gilles SIMEONI, qui est à la fois l'ancien avocat d'Yvan COLONNA et aujourd'hui le président autonomiste de l'exécutif corse.

GILLES SIMEONI, PRESIDENT DU CONSEIL EXECUTIF DE LA COLLECTIVITE DE CORSE
J'ai saisi par écrit et oralement l'ensemble des Premiers ministres et l'ensemble de mes interlocuteurs gouvernementaux, non seulement de la demande de rapprochement mais également de l'information selon laquelle il y avait un risque particulier pour l'ensemble des détenus corses avec les islamistes radicaux. Notamment parce que les Corses, suite à un certain nombre d'incidents, et les détenus corses avaient été ciblés explicitement par des sites, des blogs et des réseaux islamistes radicaux en les désignant comme des cibles.

MARC FAUVELLE
Gilles SIMEONI dit que l'État français a été défaillant dans le cas d'Yvan COLONNA.

GABRIEL ATTAL
Mais l'État français, il apporte une protection à l'ensemble des détenus qui sont menacés. Ça, je le dis de manière très claire. Mon collègue Eric DUPOND-MORETTI pourra le redire et le confirmer.

MARC FAUVELLE
En l'occurrence, il ne pourra pas le redire Eric DUPOND-MORETTI puisqu'il a été l'avocat lui aussi d'Yvan COLONNA qu'il n'a pas le droit de parler de ce dossier.

GABRIEL ATTAL
Parler de la protection que nous apportons aux détenus…

MARC FAUVELLE
Mais pas de ce dossier en particulier.

GABRIEL ATTAL
Qui sont menacés évidemment dans nos établissements pénitentiaires. C'est le cas pour un certain nombre d'entre eux et dans ces cas-là, évidemment, nous faisons en sorte de limiter au maximum le risque pour eux et de les protéger. Il y a une enquête judiciaire qui a été ouverte. On a par ailleurs déclenché une enquête administrative pour faire la lumière sur ce qui s'est passé. Je n'ai pas d'autres informations à vous donner que celle-là.

SALHIA BRAKHLIA
Gabriel ATTAL, Emmanuel MACRON n'est toujours pas officiellement candidat. Il lui reste un peu plus de 24 heures pour le faire. Que répondez-vous aux autres candidats qui regrettent qu'il n'y ait qu'il n'y ait pas de campagne présidentielle, que la guerre accapare toute l'actualité et que dans ce contexte, Emmanuel MACRON est plutôt avantagé puisqu'on fait confiance à la personnalité qui est place en période de crise ?

GABRIEL ATTAL
D'abord pour les candidats déclarés, je crois qu'il y a eu une campagne depuis quasiment six mois. Vous avez eu des primaires, vous avez eu des congrès, vous avez eu des meetings. On a d'ailleurs nous-mêmes voulu vraiment que les meetings puissent se tenir pendant y compris la vague Omicron. Ça nous a parfois été reproché, et à ce moment-là ça n'était pas un avantage pour Emmanuel MACRON de ne pas pouvoir être candidat puisqu'il devait gérer les affaires de l'État et donc de ne pas pouvoir répondre à des attaques souvent d'ailleurs assez malhonnêtes qui étaient portées. Ensuite je rappelle que le président de la République, comme il l'a toujours dit, il sera président jusqu'au dernier quart d'heure. Est-ce qu'on considère qu'il a moins de raisons qu'avant de présider notre pays et de prendre les décisions qui s'imposent ? Je crois que non. Les Français, ils ont besoin…

MARC FAUVELLE
Mais vient un moment où il faut se déclarer.

GABRIEL ATTAL
Mais les Français, ils ont besoin d'un président pour les cinq prochaines semaines comme pour les cinq prochaines années à la barre. Et on le voit aujourd'hui quand on voit la situation internationale, et on en a assez peu parlé, de l'impact qu'elle peut avoir en France pour nos agriculteurs, pour nos entreprises, pour les Français où le président a demandé au Premier ministre de travailler sur un plan de résilience. Evidemment que les Français ont besoin que le président prenne les bonnes décisions au bon moment. Ensuite il y aura une campagne, il y aura un débat démocratique évidemment. Et c'est très important qu'il ait lieu parce que l'élection présidentielle, c'est une échéance majeure. Il appartient évidemment à tous les candidats et aussi aux médias de l'organiser. Mais je note que vous avez reçu depuis la semaine dernière Yannick JADOT, Jean-Luc MELENCHON, qu'il y a des règles qui sont posées par les autorités de régulation pour que chaque candidat puisse s'exprimer, qu'elles vont se renforcer dans les prochaines semaines jusqu'à une égalité stricte du temps de parole.

SALHIA BRAKHLIA
Donc pas de problème démocratique.

GABRIEL ATTAL
Donc évidemment que le débat aura lieu.

MARC FAUVELLE
Merci beaucoup Gabriel ATTAL, invité de France Info. Bonne journée à vous.

Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 mars 2022